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Samizdat

1900-1945: Misère abjecte pour la majorité des Canadiens, Prospérité pour une poignée.





Rodrigue Allard

Cette 1e moitié du 20e siècle est aussi la 2e phase d'industrialisation de l'Occident, mais surtout des ÉU et du Canada et particulièrement du Canada, car la colonisation des ÉU finit plus tôt que celle du Canada: dès 1890, la conquête de l'Ouest des ÉU est terminée, suite à cela, c'est donc sur le Canada que se déverse les nouvelles vagues de colonisation. Sous le gouvernement de Laurier, le ministre Sifton attire une vague d'immigration inégalée par une campagne de publicité mondiale et la distribution gratuite de terres. Cela, couplé au développement des transports, occasionne un grand boom économique: L'Europe s'industrialise massivement et il a besoin des IMMENSES, très variées et encore très peu exploitées, richesses naturelles, du Canada; et il se développe de plus en plus d'usines dans les provinces les richesses les moins entamées, premièrement en Ontario et plus tard dans l'Ouest.

Pendant la période traitée par ce présent travail, l'Ontario demeure la région la plus prospère, mais l'Ouest connaît un boom économique, de 1896 à 1913, grâce à son blé: le développement technique des moyens de transport permet d'aller vendre plus de blé pour le même prix, dans une Europe qui, à cette époque, a besoin et a les moyens payer de plus en plus cher pour le blé canadien. Sifton, aiguillonné par ces opportunités va même jusqu'à violer la doctrine raciale de Darwin, inscrite officiellement dans les lois canadiennes et américaines, jusque dans la 2e moitié du 20e siècle, en accueillant des immigrants de “race inférieure ”: Slaves, Latins, Asiatiques et Juifs. Ils se font exploiter comme du bétail par les gens d'affaires avant de pouvoir acquérir la machinerie indispensable à la culture de la terre “ gratuite ” que la Canada leur a promise. Même la masse des Canadiens de race “ aryenne ” est férocement exploitée par les gens d'affaires; leurs conditions de vies pendant toute cette période, même pendant les booms économiques, sont semblables à celles des masses de l'actuel Tiers Monde :

Les journées de travail durent de 12 et 13 heures, en moyenne. Les enfants travaillent au lieu d'aller à l'école, ils gardent ainsi les salaires bas en faisant concurrence aux adultes, et en demeurant semi-illettrés, ils s'assurent de ne jamais grimper dans l'échelle sociale pour améliorer leur sort.

On voit aussi se multiplier les épidémies, tuberculose, polio, grippe espagnole, etc., à cause de l'absence d'Assurance-maladie, du manque d'hygiène, des mauvaises installations sanitaires, du fait que les familles ouvrières sont confinées dans les GHETTOS ouvriers près des usines, respirant un air toxique, vicié; absence quasi totale d'égouts, d'espaces verts...bref, des villes NON-CIVILISÉES.

Aussi, les conditions de travail sont très dangereuses: morts, maladies industrielles et mutilations fréquentes. Les patrons et leurs représentant jouissent du pouvoir absolu vis-à-vis leurs employés: si donc, par exemple, l'employée féminine, même pré-adolescente, dont la famille a besoin à tous prix de son salaire pour survivre, ose résister à leurs avances sexuelles, elle se retrouve à la porte; et en cas de maladie, compression de personnel, vieillesse, etc., entraînant la perte d'un indispensable salaire, la famille est expulsée de son taudis et réduite à l'itinérance ou à la prostitution ou à diverses autres formes de délinquance.

Tout cela dément l'optimisme béat des Libéraux face à l'industrialisation, en conséquences, ces derniers feront face à deux fronts d'opposition; en effet, ces conséquences de l'industrialisation conduisent la population à deux réactions possibles :

D'un côté, la nostalgie d'un passé heureux imaginaire, représenté par les Tories à l'ancienne et par les Nationalistes canadiens français (“ Ah, si nous avions gagné sur les Plaines, nous serions tellement bien ! ”)

L'autre réaction regarde vers l'avenir: “ le Règne de Jésus s'en vient; les premiers seront les derniers, (etc.) ” ou “ les forces matérialistes historiques vont instaurer une société paradisiaque ” ou un peu des deux: ce sont les Évangéliques sociaux, comprenant les Féministes de cette époque; les ligues de fermiers et autres populistes et progressistes qui en sont proches; les syndicats, et les divers mouvements marxistes et anarchistes.

Borden supplante Laurier en 1911. Pour consolider son pouvoir et préserver l'ordre social, il doit s'efforcer de satisfaire un peu tout le monde: Resserrer les liens avec l'Empire surtout pendant la 1e Guerre mondiale, faire enquêter sur le manque d'immigrants francophones, envoyer des troupes aux côtés de la France en excitant la fierté des Québécois pour leurs héros du passé (Dollard des Ormeaux, etc.) et pour la “ Mère patrie ”, moderniser la fonction publique, donner le droit de vote aux femmes, et promettre aux ouvriers que la défaite de l'Allemagne débouchera sur une société plus juste.

Cette promesse s'avère fausse, les conditions de vie des masses ne s'améliorent toujours pas. Or, pendant longtemps sauf exceptions, chaque syndicat était demeuré centré sur les intérêts particuliers de ses membres; mais à mesure que les enjeux économiques et sociaux deviennent interdépendants au Canada et dans le reste du monde occidental, il devient de moins en moins possible chacun de son côté; les projets de réforme sociale globale, prennent de plus en plus d'importance, dans le monde syndical et la société en général.

Par exemple, le parti des Fermiers Unis parvient à se faire élire dans les provinces de l'Ontario (ils y nationaliseront l'électricité, ce qui contribuera GRANDEMENT à la grande prospérité de la Province ), et de l'Alberta; à Ottawa, la coalition progressiste obtient pour un court temps, la balance du pouvoir en 1925. Le Parti (socialiste) des Travailleurs de J. S. Woodsworth , parviendra à faire instaurer le premier régime de pensions de vieillesse de l'histoire du Canada, en 1927.

En 1917, la révolution violente de Russie, excite l'ardeur et les espoirs d'une partie des soldats canadiens démobilisés (ce sont en effet, les soldats révoltés qui ont mis les Marxistes au pouvoir): la période 1918-45 verra donc les partis marxistes , violents, prendre de l'ampleur et donner beau prétexte aux gens d'affaires et aux politiciens pour réprimer, dans le sang, TOUS les mouvements progressistes, même les pacifistes.

En 1929, le masque tombe: le Canada s'est mis dans une totale dépendance économique vis-à-vis les achats et investissements de l'étranger, des ÉU de plus en plus; à la fin des années '20, ces derniers en sont venus à supplanter la GB comme premier investisseur au Canada: Quand Wall Street s'effondre, le Canada s'effondre.

Au début de la Crise des années '30, les défenseurs du Capitalisme affirment que ce système économique n'y est absolument pour rien: Ce n'est qu'un cycle qui va très bientôt se résorber DE LUI MÊME ”, par la “ Loi Naturelle ” et Toute-puissante du Marché (LE philosophe du Capitalisme Adam Smith, affirme qu'il y a une MAIN CACHÉE derrière le Marché).

Le retour “ naturel ” ne vient jamais. La ruine du Canada ne cesse de s'accentuer, PENDANT 10 ANS, jusqu'à ce que le Gouvernement du Canada ne mette le Capitalisme aux poubelles, au moins pour le temps de la 2e Guerre; il l'avait déjà fait lors de la 1e et déjà à ce moment, l'économie canadienne, y compris dans les Maritimes, avait connu un remarquable relèvement, à partir de 1915-16, mais après la 1e Guerre, on était vite revenu au capitalisme, et le Canada avait été frappé par une première crise annonciatrice de 1919 à 1922, et même jusqu'en 1924, dans le cas de l'Ouest; et les Maritimes ne s'étaient jamais relevées. Lors de la 2e Guerre, le Canada connaît une Révolution économique, technique et scientifique encore plus spectaculaire, ex.: le chômage entre autres en vient en quelque sorte à disparaître. Les conséquences de cette révolution seront aussi plus durables qu'au moment de la 1e Guerre. La crainte du retour de la Crise et la montée en puissance des Socialistes du CCF, emmènera à partir de 1945 les Libéraux au pouvoir, à emprunter nombre de leurs politiques économiques et sociales; ainsi commenceront les 30 ans de prospérité de l'après-guerre, une prospérité pour la majorité des Canadiens et non plus seulement pour la poignée de gens d'affaires du Canada. Les pays d'Europe de l'Ouest, les ÉU et le Japon vivront eux aussi ces Trente Glorieuses, pour les mêmes raisons. (Même dans le pays le plus riche du Monde, les ÉU, un état comme la Californie doit 75% de sa prospérité aux investissements militaires, c'est à dire à l'intervention du Gouvernement dans l'économie et surtout la domination militaire mondiale des ÉU assure aux Cies américaines la haute main sur le système économique mondial, ce qui draine les richesses et les cerveaux du monde entier aux ÉU)

QU'EST-CE CE QUI A MOTIVÉ LE MOUVEMENT DE PROHIBITION DE L'ALCOOL ?


En tout premier lieu: Le Règne de Jésus Christ sur la Terre. On est encore à cette époue, dans la mouvance du  Second Grand Réveil chrétien du 19e siècle, dont le mot d'ordre est :

“ Enlever toute espèce de mal de la société, telle est la grande mission donnée à son Église par Dieu ” (Charles Finney)

C'est ce mouvement qui avait combattu sans relâche pour l'abolition de l'esclavage, une fois l'esclavage aboli dans les pays occidentaux, d'autres Abominations de Babylone doivent être affrontées: la mortalité infantile dix fois plus élevée dans le Québec de 1901 qu'en 1971, la malnutrition, la prostitution, la violence sous toutes ses forme (militaire, conjugale...), etc. Pour vaincre la calamité de la violence conjugale entre autres, l'alcool représente un obstacle majeur. Cela deviendra donc un objectif fondamental du courant réformiste du Canada en général (par ex. J.S. Woodsworth, fondateur du Parti Socialiste CCF est un prohibitionniste convaincu), mais du mouvement féministe plus particulièrement; en effet, les femmes (et leurs enfants) sont, à toutes les époques, les premières à souffrir de l'ivrognerie de leur homme; de plus le Féminisme est, à l'époque traitée par ce présent travail, un courrant central et fondamental, de l'Évangélisme social.

En effet, les femmes sont généralement plus chrétiennes que les hommes (c'est encore vrai en 2001); en obtenant l'égalité avec les hommes, entre autres le doit de vote, elles doivent christianiser la société, et de fait, c'est dès le moment où elles obtiennent le droit de vote que la prohibition de l'alcool s'instaure au Canada et aux ÉU.

Combattre l'alcool est dans la droite ligne de la Religion du Livre (La Bible): Il faut avoir l'esprit, la pensée claire pour comprendre la Pensée de Dieu révélé dans ce Livre. L'alcool, les drogues et la débauche sont païennes, les dieux des Païens se “ révèlent ” par ces choses (ou, dans le bouddhisme et le brahmanisme, en faisant le vide mental) qui sont une fuite loin de la Pensée, de la réflexion; n'est-il pas écrit dans la Bible: “ Au commencement, était le Logos...le Logos était Dieu...le Logos a été fait chair (en Jésus) ” ? Avec le mot grec Logos, nous avons fait les mots “ logique ” et tous les autres mots finissant en “ logie ”; de fait, les Réveils qui sont derrière les mouvements de tempérance, sont aussi derrière les mouvements de scolarisation universels de l'histoire: Les Piétistes en Allemagne, Robert Raikes en GB, Eggerton Ryerson au Canada, etc.

Dans le même ordre d'idée, Sydney Webb, rapporte que les Prêcheurs du Salut et de la Tempérance, sont à l'origine des Mouvements syndicalistes et socialistes modernes de la GB.: En se convertissant, des ivrognes invétérés devenaient des gens responsables à l'Esprit clair, qui voulaient à leur tour aider leur prochain, en christianisant la société.




Références

- Chapitre consacré aux années avant 1945 dans Histoire générale du Canada de Craig - Brown, Éd. Boréal, 1987.

- N'importe quel ouvrages sur l'histoire des Travailleurs au Canada

“ Histoire du mouvement ouvrier ”

dans l'Histoire de la Lutte pour le Progrès social au Canada

sur le site du Musée canadien des Civilisations www.civilisations.ca

- “ Ryerson,(Eggerton) ” dans le Dictionnaire biographique du Canada

- “ Piétisme ” dans toute bonne Encyclopédie sur l'Histoire de la Religion

- “ Woodsworth (J.S.) ” et “ Casgrain, (Thérèse) ” dans l'Encyclopédie du Canada, Éditions Stanké, 1987.

- Toute bonne biographie de J.S. Woodsworth