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Samizdat

Urbain Olivier,
un auteur oublié...




Paul Gosselin[1] (2014)

Urbain OlivierIl y a quelque temps je posais une question concernant l'absence de fiction chez les protestants francophones. C'est un paradoxe aussi étrange qu'invraisemblable. Si de manière générale, les francophones ont un grande estime pour leur langue et les oeuvres littéraires (la fiction), ce silence littéraire des protestants francophones me troublait. Comment se fait-il qu'il n'y ait pas d'auteurs francophones protestants de romans comme C.S. Lewis  ? Au moment d'écrire ces lignes, il me semble que ce trou béant s'explique en bonne partie par l'influence du calvinisme chez les protestants francophones, pas de Calvin directement, mais des ses héritiers.

Je me souviens, entre autres, qu'au 16e siècle Agrippa d'Aubigné se plaignait déjà que ses confrères huguenots n'écrivaient que des trucs dévotionnels. Évidemment le massacre de la St-Barthélemy (qui a éliminé une part très importante des élites politiques et culturelles huguenotes en 1572) a pu contribuer à ce silence littéraire des protestants francophones, mais il y a lieu de penser qu'une tendance anti-littéraire avait déjà pris racine avant ces événements et y a contribué. Il faut admettre évidemment que les conditions matérielles des huguenots étaient difficiles (pauvreté, persécutions et exile), mais il arrive parfois que la grande littérature soit rédigée dans des conditions pénibles, voire même très dangereuses. Il suffit de penser au cas récent d'Alexandre Soljenitsyne et de son œuvre littéraire, rédigé sous la menace du KGB et, dans un contexte tout à fait comparable à celle des huguenots, l'œuvre de John Bunyan, rédigée en prison.

Mais récemment un contact suisse m'a mis au courant d'une exception qui confirme la règle, un auteur protestant francophone suisse du XIXe siècle, soit Urbain Olivier (1810-1888), qui fut l'auteur non pas d'un ou deux romans, mais plus d'une trentaine, rédigés pour la plupart entre 1860 et sa mort en 1888. En 30 ans, 125 000 volumes d'Olivier sortirent des presses chez Bridel.

Urbain Olivier est héritier à la fois de la Réforme et du Réveil ainsi qu'un protestant aux convictions tout à fait bibliques. Tous ses romans se passent dans le canton de Vaud, ce jardin clos de l'arrière-pays de la ville de Nyon, entre le lac et le Jura. Sa vision chrétienne de la réalité se retrouve constamment dans ses livres, mais la problématique humaine et sociale est toujours nouvelle. Toutes les grandes interrogations de notre civilisation (qui a mis Dieu au rancart) s'y retrouvent analysées de manière parfaitement romanesque, pleinement imaginée, parfois dramatique, parfois cocasse, toujours captivante. Ses romans, dont la forme se limite aux contraintes de l'esprit classique et dont le fond dépasse tous les âges, n'esquivent jamais les difficultés réelles auxquels ses personnages se confrontent. Mais l'auteur les perçoit toujours à la lumière de l'espérance chrétienne.

Olivier dépeint dans ses romans un christianisme biblique d'un grand réalisme spirituel : Dieu agit véritablement dans la vie des personnages qu'il décrit. Le christianisme est une action de Dieu dans le temps, et non pas un système théologique abstrait. La grâce qui touche des coeurs... En lisant Olivier ont voit bien le contraste entre la théologie Word-Faith de notre génération qui affirme que "par la foi" l'on peut établir notre "paradis" ici-bas, et la théologie protestante du XIXe siècle où le concept que le monde dans lequel nous vivons est un monde déchu, un monde où le chrétien souffre parfois aussi. Un de ces romans nous fourni ce cantique:

Hélas! ils sont nombreux, les moments de nos peines;
Souvent nos durs sentiers traversent le désert.
Mais là même, ô Jésus! jaillissent tes fontaines;
Là même ton rocher nous reçoit à couvert.

Ô chrétien voyageur! ne crains pas la tempête;
Ne crains pas du midi les brûlantes ardeurs.
Ne vois-tu pas Jésus, qui dès longtemps apprête
Le refuge où vers lui vont cesser tes langueurs.

Reprends donc le combat ; poursuis vers ta patrie
Le chemin que ton Dieu t'a lui-même tracé;
Et pense que pour toi dans le ciel Jésus prie,
Lorsqu'ici tu te plains, de fatigue oppressé.

Mais les convictions d'Olivier, manifestées dans la vie de ses personnages, ne sauraient être plus orthodoxes. Il est de la famille des Viret, des Gotthelf. Parfois on penserait lire du Jane Austen ou, même, dans des scènes comiques, du Molière, qui sont aussi drôles que vrais. Par exemple, au début de La famille Boccart on rencontre un échange d’un conseil de famille où le père, la mère et la tante discutent des qualités et défauts d’une future épouse pour le fils aîné. Cela se poursuit en disant :

— A-t-elle un bon accent? Dans la montagne, à Saint-Bride, en particulier, on conserve de singulières intonations. Comme dans le canton de Neuchâtel, qui n'en est pas très éloigné, on prononce un grand nombre de mots d'une manière défectueuse, qui fait mal à entendre. Au reste, l'accent des gens de Reversin n'est certes pas meilleur, dit-elle en regardant son beau-frère. Enfin, et ceci est d'une tout autre importance, est-ce que la santé de MIle Chabaut ne laisse rien à désirer? On voit maintenant tant de jeunes filles anémiques. A-t-elle reçu une bonne éducation, des principes d'ordre et d'économie?
— Elle n'a aucun défaut, dit avec feu l'amoureux Marc-Henri.
— Ceci, mon neveu, est une exagération qu'on peut te permettre.
— Oui, dit le père, il en reviendra plus tard. C'est comme moi quand je faisais la cour à la Tiennette; je croyais qu'elle n'avait jamais un moment de mauvaise humeur.
— Oh! bien, moi, reprit vite la mère, j'ai vu tout de suite que tu étais un homme emporté et un têtu.

J'avoue que je n'ai pu m'empêcher de sourire à la lecture de ces lignes... Olivier est observateur comme Balzac. C'est aussi un grand admirateur de La Fontaine. Mais c'est la pensée de la Bible qui l'anime avant tout, pensée qui entre tout naturellement dans la vie de ses personnages. Il s'intéresse à tout, la politique du canton de Vaud en premier, mais est aussi attentif aux grands mouvements de son temps. Si le 19e siècle était imprégné d'optimisme et du concept du “ progrès de l'humanité ”, dans Le voisin Horace (1882), on rencontre ce commentaire d'Olivier (dans la bouche d'un personnage du roman) tout à fait prescient touchant les malheurs qui allaient survenir en Occident au 20e siècle.

Mais qui au 19e siècle aurait pu imaginer un seul moment tant de sang versé dans les années à venir avec la Révolution bolchevique, les deux grandes guerres mondiales et l'Holocauste? Dans Le voisin Horace, un des personnages chrétiens, échangeant avec un disciple des Lumières répond à une question au sujet des défauts et de l'hypocrisie de ceux qui se disent chrétiens, dit ceci:

Et dans La maison du ravin, Olivier offre ces observations perspicaces sur l'influence des Lumières qui pénétrait l'Europe de sa génération (et sur l'hypocrisie des déistes).

Mais si Olivier se démarque des idéologies montantes de son temps, il se démarque également des modes théologiques superficielles du christianisme évangélique de notre génération qui nous font des fausses promesses que nous pouvons établir notre petit paradis personnel ici-bas sans souffrances, sans épreuves, en négation de la réalité d'un monde déchu. Olivier, au contraire, dépeint des individus faisant face avec dignité et espoir aux épreuves et à la mort, confiant leur âme à Dieu, conscient que nous ne sommes que de passage ici-bas. Dans L'Oncle Matthais, Olivier expose avec perspicacité le camisol de force que peut former les préjugés idéologico-religieux chez les personnes âgés, les rendant sourds au message de l'Évangile.

À l’âge de Josué Gauty, les jours mauvais de la vie sont venus ; il est difficile alors, dit le sage, de prendre son plaisir en la loi de l’Éternel. Les habitudes journalières, les préjugés de l’éducation, l’attachement aux biens du monde sont de grands obstacles à l’acceptation toute simple de la bonne nouvelle du salut. Plus heureux mille fois ceux qui, dès la jeunesse, se souviennent du Créateur et observent ses commandements.

Maison d'Urbain Olivier à Givrins Suisse
Maison d'Olivier à Givrins, Suisse - carte postale, d'après prise vers 1924


La vie du paysan au 19e siècle
Les romans d'Urbain Olivier s'intéressent d'abord à la vie des «petites personnes». Et ils rappellent un monde rural que seuls nos arrières grands-pères et grands-mères ont connu, et ce monde rural du 19e siècle a largement disparu. À l'époque, il faut se rappeller que presque partout en Occident la majorité des gens vivaient encore de l'agriculture. D'ailleurs on constate qu'Olivier n'est pas un admirateur des grandes villes. La vie de campagne lui plait bien plus. C'était une époque où les gens ordinaires chauffaient au bois, faisaient encore leur pain et leur vin et (chose inimaginable pour les moins de 25 ans maintenant) vivaient heureux sans Internet ou cell/mobile. Olivier sait de quoi il parle car à bien des égards, il a partagé la vie du paysan. Un observateur contemporain notait:

Ils s'accordent tous à dire qu'Urbain Olivier est souvent presque le seul lu des auteurs qui ont une place dans la bibliothèque du village, Pourquoi? Parce qu'il donne ou parait donner moins à réfléchir que tout autre; nos paysans se reconnaissent dans ces récits et en sont tous fiers et heureux, car, en vertu du fameux principe de la poutre et de la paille, ils s'assimilent volontiers aux bons du livre, et trouveront facilement que le mauvais ressemble à s'y méprendre à tel ou tel voisin, tel ou tel habitant du village, ‹C'est tout comme chez nous !» s'écriait une bonne femme après lecture d'une nouvelle d 'Urbain Olivier.

Entre autres, Olivier note dans Récits vaudois, qu'au cours des années il s'est occupé d'apiculture (garder des ruches d'abeilles dans le but d'en récolter le miel). Olivier relate par ailleurs l'anecdote d'un jeune paysan qui voit pour la première fois un train filer sur ses rails. Cela lui cause un choc à tel point que ça l'étourdit. Aujourd'hui ce serait plutôt l'inverse. Pour la jeune génération, les prisonniers de l'écan, s'ils n'ont pas leur dose quotidienne de « technologie », c'est ça qui les étourdit ou les étouffe... Oui, bien des choses ont changé depuis cette époque. Olivier est un fin observateur de la nature et il aime les oiseaux. Par exemple, un des personnages d'Olivier se fait une collection ornithologique, des oiseaux empaillés. Un jour, en marchant dans les bois avec son fusil et son chien, il perçoit un grand pic. Boom! boom! deux coups de fusil et voilà un autre oiseau dans sa collection. Aujourd'hui la chose ne serait pas imaginable... Mais bon, n'allez pas croire que la chasse d'alors se faisait sans règlements et que tous pouvaient faire tout ce qu'ils voulaient, mais manifestement les règlements d'alors étaient bien différents que ceux que nous connaissons aujourd'hui... Dans L'hiver, Olivier raconte une anecdote qui a lieu en septembre, une migration d'oiseaux si massive que son passage genère un grand bruit:

C’était une de ces premières journées de septembre dans lesquelles, lorsque le temps va se mettre à la pluie, les feuilles jaunies commencent à tomber. Les courlis et les sarcelles passent durant la nuit, en grandes troupes, sur les villages et même au-dessus des villes. Leur vol fait un bruit assourdissant, comme si un vent rapide soufflait dans ces hauts parages.

Et dans les Récits vaudois encore, Olivier a quelques histoires de pêche à nos raconter. D'autre part les romans d'Olivier rappellent aussi un monde où l'autorité du père sur sa famille (et la soumission de la femme) n'était pas qu'un vestige folklorique. On peut se poser la question : est-ce que les femmes d'alors étaient moins heureuses ? Mais une fois la question posée, il faut peut-être se demander également si les femmes sont vraiment plus heureuses aujourd'hui... Dans ses romans, Olivier aborde souvent les questions du coeur et du mariage, mais le lecteur du 21e siècle sera étonné de voir à quel point au 19e siècle les calculs monétaires se mêlent à la question. Rares sont les individus de l'époque qui acceptent de se marier "en-dessous de son rang", c'est-à-dire avec un conjoint potentiel qui soit moins fortuné que soi. Et si aujourd'hui ces calculs ont moins d'importance avant le mariage, il va de soi que lors d'un divorce leur importance se trouve alors perversement amplifiée...

Olivier est donc un auteur proche de la vie paysanne des villages qu'il dépeint, mais il est remarquablement cultivé et au fait des grands problèmes de son temps (et du nôtre) qu'il tisse de manière remarquable dans la trame de ses romans. On y rencontre des personnages très divers; la jeune mariée, l'homme d'âge mûr sujet à la déprime, la jeune femme souffrante de solitude, l'adolescent faisant face à la maladie et une mort prochaine, la terrible vieille dame contrôlante et amère, semant l'irritation dans tout son entourage, le vieux monsieur qui a vécu “ une bonne vie ” mais qui ne s'est jamais soucié de Dieu et bien d'autres encore. On y rencontre même des informations intéressantes sur les récoltes de vin de l'époque: «En 1869, le raisin fut bon, le vin sucré, mais non très capiteux. Il était réservé à 1870 de nous donner un liquide violent, comme s’il eût participé aux influences de la guerre et des passions politiques[1a]». Et dans Un français en Suisse, on nous donne quelques détails sur les ventes de vin en campagne à cette époque:

— Vous avez eu l'amabilité de nous faire un présent de vin pour notre arrivée; nous vous en remerclons, et je conseille à mon neveu d'en acheter, si vous en avez encore du pareil. Il est vraiment bon.
— Il m'en reste peu, mademoiselle, mais je pourrai cependant vous en remettre un tonnelet de soixante litres, si cela vous convient. C'est du 1884.
— À quel prix ? demanda Ernest.
— À 50 centimes le litre. Je vous prêterai un tonneau.

On peut supposer que depuis longtemps plus personne n'a de tonneaux de 1884 à vendre... peu importe le prix. Et dans le Manoir du Vieux-Clos Olivier relate cet ordre donné à un serviteur:

Voyons, Isidore, dit le maître : tu vas monter six bouteilles de chacun de ces vins chez Mme Dorsat; après quoi, tu en porteras douze de 1811 à Mme Granton ; ensuite, six de 1819 au fermier. Tu en donneras une à la cuisinière, une à la jeune servante, et tu en prendras deux ou trois pour toi. Tu vas faire cela au galop, afin que M. Granton ne s'enrhume pas ici à t'attendre.

C'est triste, mais cette cave à vin n'est plus et seul un millionaire en aurait une bouteille ou deux de ces vins là... Et qu'en est-il de cette description de la préparation d'un repas de noces (tirée des Deux neveux)? Je dois avouer qu'elle me donne la faim...

Au Jean-le-blanc, tout se préparait pour la noce. Les vendanges étaient terminées; le vin nouveau, bourru et pétillant, n’attendait que les bouteilles blanches dans lesquelles il serait offert aux convives et aux amateurs. Ester faisait elle-même une emplette considérable de beurre frais pour les bricelets, les merveilles et les tourtes. Aujourd’hui, les personnes distinguées qui, dans les villages, donnent des festins à propos de noce ou de baptême, ou qui font simplement un repas de famille, ne trouvent plus que les pâtisseries connues sous ces noms vulgaires soient des mets offrables. Autrefois, le peuple les aimait et s’en contentait; on nous assure qu’on voit maintenant sur les tables des paysans riches, les gâteaux les plus fins et les plus façonnés. Bombes glacées, vacherins à la crême, meringues, gâteaux de biscuit, frangipanes, etc.: tels sont les noms des choses qu’on offre dans les occasions importantes. Ô Sancho Pança ! tu étais au moins, toi, un véritable paysan ! je te vois encore aux noces de Gamache, suivant d’un œil ravi la fourche de fer qu’un aimable cuisinier plongeait en ton honneur dans un chaudron bouillant ! (...) Nos lecteurs savent bien ce que c’est qu’un repas de noces pareil. On y sert d’énormes pièces de viande, des volailles, des jambons fumés, etc. Au dessert, la table se charge de pâtisseries, de crèmes et d’œufs à la neige. Le vin est toujours abondant, s’il n’est pas de première qualité. Marc Imbert a eu soin d’acheter à Genève quelques bouteilles de frontignan muscat, deux de malaga et quatre de Champagne, qu’il compte offrir à la fin du repas.

Voici une scène matinale tirée des Récits Vaudois qui n'est pas familier à ce lecteur nord-américain: «Le garçon prit un pot de café au lait, bien bourré de pain, qui se tenait chaud sur le foyer, et le mangea debout, prenant d’abord le pain à grandes cuillerées, et buvant ensuite le liquide avec le pot à la bouche. Cela fait, il s’essuya les lèvres et dit qu’il était prêt.». Et toujours dans Deux neveux, voici une autre tranche de vie de campagne au 19e siècle:

On était en septembre; l’air, d’une grande douceur encore, agitait pourtant les feuilles des arbres. Dans le village, une louable activité se faisait partout remarquer dès le matin; il s’agit, pour les uns, d’une récolte de pommes de terre, ou d’un dernier pré naturel à faucher avant les rosées tout à fait froides et le travail souterrain des vers; pour d’autres, il faudra rentrer le chanvre suffisamment rouï (nézé) dans la dernière herbe d’une esparcette; secouer les noix; cueillir les pommes d’Adam; chauffer le four, afin de le remplir de poires monétier, ou de prunes à sécher, qui pressent. François Déjouit passe avec ses bœufs, conduisant sur son char une grosse herse carrée, les dents en l’air; il a glissé sous les traverses sa charrue belge, couchée sur le côté; le soc, noirci à la pointe, est fraîchement allégé. Un sac de froment, étendu dans le char, s’appuie contre la charrue. François Déjouit va labourer le champ d’Abram Fitinge; ce dernier suit le char, ayant sur l’épaule un maillet pour casser les mottes, et un fossoir pour nettoyer l’herbe autour des arbres, là où la charrue ne peut fonctionner elle-même. À la main, il porte un panier recouvert d’un linge roux, tout neuf, marqué A. S. F. 48, ce qui veut dire qu’Abram-Salomon Fitinge possède quarante-huit de ces linges neufs. Si toute sa garde-robe est à l’avenant, le vieux garçon doit avoir des masses considérables de draps de lit, de nappes, de serviettes, d’essuie-mains et de tabliers de berger. Il n’a pas de bœufs dans ce moment; voilà pourquoi il se sert de ceux de son voisin pour labourer son champ. La semaine prochaine, il en achètera deux paires, et alors il rendra la journée de charrue. Le panier contient, outre une bouteille de vin, la moitié d’un pain aussi blanc que la neige; une livre de vieux fromage de montagne, sec, pas trop fort, un peu cironné au talon, mais excellent, du reste, pour aiguiser l’appétit et faire trouver le vin bon. Tout cela est pour les neuf heures, pendant que les bœufs souffleront un moment.

Voici un commentaire tiré d'Un fils unique qui peut rappeler une scène dans le film Bienvenu chez les C'htis avec Dany Boon:

La coutume d’offrir du vin et de presser les gens de boire est si répandue dans beaucoup de maisons qu’on ne saurait trop s’élever contre elle et lui résister. Ce n’est plus là de l’hospitalité bienveillante, mais une habitude dont les conséquences deviennent funestes, et pour ceux qui la pratiquent, et pour ceux qui l’acceptent.

Et voici un clin d'oeil tiré de Raymond le Pensionnaire à la vie d'une famille nombreuse de campagne, une famille pauvre, il va sans dire...

Les Pascand, voisins des Perrot, avaient huit enfants: six fils et deux filles. C'étaient de pauvres gens, sales, grossiers en paroles, mais très affectueux quand le père et la mère ne se disputaient pas, ou que les garçons ne se battaient pas entre eux. Hors de la maison, ils se soutenaient à outrance du premier au dernier et contre n'importe qui. Les six garçons couchaient dans le même taudis, sur deux vastes lits, parmi des oripeaux de toutes sortes. L'un se couvrait, pour dormir, de l'habit d'uniforme de son grand-père, l'autre attrapait un lambeau de couverture, un troisième, plus petit, était censé avoir droit à une peau de brebis chamoisée, ayant sa laine, et dont on se servait aussi pour tenir la pâte du pain au chaud quand elle levait. Enfin, si le froid devenait intense en décembre et en janvier, on apportait sur les deux lits quelques brassées de regain, sous lequel les petits Pascand, comme de vrais renards, se cachaient jusqu'au bout du nez. On peut se faire une idée de l'ordre qui régnait dans cette chambre, et de la propreté du plancher sur lequel traînaient à l'ordinaire six paires de sabots crottés. Les deux filles avaient un logement pour elles seules, et c'était dans la chambre du père et de la mère que se tenait en hiver la famille tout entière pour y passer la soirée. On y cuisait les aliments sur un poêle de fer; le père y faisait des corbillons pendant que la mère recousait à grands points les déchirures des habits de ses fils. Ceux-ci mémorisaient à haute voix leur catéchisme ou s'amusaient autour du fourneau.

Autre fait à noter, à l'époque d'Olivier la mort n'est pas une chose que l'on repousse en le remettant aux soins de médecins ou de spécialistes, mais elle a communément lieu à la maison. Dans Un jeune homme à marier, Olivier relate cette scène où l'on rencontre des gens qui regardent la vie avec une espérance ferme au-delà du visible et du tombeau:

Alice précéda leur hôte et le fit entrer dans la chambre où M. Brunel, décemment habillé, était étendu sur un lit. Un linge blanc lui couvrait le visage. Alice l’ôta. Un sourire de paix régnait sur les traits immobiles de celui dont l’âme était entrée dans l’invisible au delà des choses terrestres. Cette rigidité absolue de tous les muscles, ce sommeil éternel, cette absence de tout ce que le corps de l’homme a été durant sa vie, n’effrayèrent point Hermann Legrand. Pour les âmes que le matérialisme n’a pas emprisonnées dans ses raisonnements glacés, la mort a perdu son aiguillon, le sépulcre sa victoire. Le roi des épouvantements a passé par là sans doute, et il a fait son œuvre de destruction ; mais il aura un vainqueur, dans le grand jour où la terre jettera dehors les trépassés. Celui qui sortit vivant du tombeau de Gethsémané, rendra aussi la vie à nos corps mortels. Alice recouvrit le visage.
— Quelle profonde paix il y a dans ce sourire, dit Hermann, et quelle leçon pour moi ! C’est la première fois que je vois la mort ; je n’oublierai plus ce qu’elle vient de me dire. S’il y a un Créateur, — et Dieu me garde d’en douter ! — il y a aussi un Rédempteur.

Cela contraste évidemment avec les espérances vaines de notre génération, qui ne sont pas fondées sur la Parole de Dieu...


Fin observateur de la nature
Mais si Olivier est fin observateur du monde naturel, il l'est davantage encore des dédales de la vie et des coeurs et nous fait passer bien des montagnes russes des états émotifs divers. Chose certaine, Olivier sait bien décrire les puissantes tensions, répulsions et attractions entre les sexes. Dans Adolphe Mory it note:

Lorsque, pendant plus d’un quart de siècle, une femme a été habituée à tout faire elle-même dans son ménage, à ouvrir et fermer les armoires, entamer les provisions, mettre les étiquettes aux produits de la terre ou de l’industrie, en un mot, à commander, à tout diriger, il est dur d’abandonner entièrement les rênes, même à la plus aimée des belles-filles. Sans s’en douter, il se trouve que tel détail de maison-, ne fût-ce qu’une chaise dont on change la place habituelle, ou l’ordonnance des assiettes sur un dressoir, une nappe mise ou pliée dans un sens différent, etc., — que tout cela fait une impression triste, amène des pensées pénibles. Si ces sentiments sont refoulés au fond du cœur, ils n’en deviennent que plus amers et peuvent se traduire, en moins de rien, en une froideur de ton ou en de simples regards qui, à leur tour, réagissent sur le caractère de la personne qui en est l’objet. Beaucoup plus que nous autres hommes, les femmes sont sujettes à ces petits écarts, à ces petites tracasseries d’intérieur qui, lorsque la bonté n’est pas grande et surtout lorsque le christianisme n’a pas suffisamment adouci et sanctifié le caractère, peuvent dégénérer en hostilités souvent renouvelées et parfois en haine qui finit par éclater. Les hommes, certes, ne valent pas mieux ; mais, pourtant, ils sont plus débonnaires et mettent moins d’importance aux petits détails de la vie. Dans les grandes occasions, ils se revaudront bien en mal ce qu’ils ont ici de plus humain que les femmes : à eux les fortes colères, à eux la violence, les cris, la fureur, qui ne le sait ? Mais aux femmes, même aux meilleures, les coups d’épingles, les piqûres, et ces interminables explications, à la suite desquelles on est encore plus convaincu de part et d’autre dans son propre sens. Oui, oui, cela est ainsi ; et partout où il en est autrement, c’est que le cœur nouveau, l’esprit de l’Évangile, viennent commander au cœur naturel, dont les malices profondes ne sont connues que de Dieu seul.

Toujours dans Adolphe Mory, Olivier décrit les épreuves d'un homme qui traverse une grosse crise de vie. Ce roman est très thérapeutique et plein de sagesse (de la Parole de Dieu). Mais ici et là, Olivier livre à des observations profondes sur la nature humaine, et dans ce cas-ci, sur la nature féminine. En contexte, il s’agit d’un couple de jeunes mariés, habitant avec la mère du jeune marié.

À Vaudramont, le jeune ménage était heureux. Il y avait bien eu de temps en temps quelques légers nuages, non pas entre Adolphe et sa femme, mais entre la belle-mère et Lisa. Dès la seconde semaine, madame Juliette remit la direction du ménage à Lisa, après lui avoir enseigné sa manière de préparer les repas et, en général, d'arranger les choses dans la maison. Pour Mme Juliette, cette abdication volontaire, à laquelle Lisa refusa d'abord d'accéder par convenance respectueuse, fut un petit chagrin. Cela se comprend. Lorsque, pendant plus d'un quart de siècle, une femme a été habituée à tout faire elle-même dans son ménage, à ouvrir et fermer les armoires, entamer les provisions, mettre les étiquettes aux produits de la terre ou de l'industrie, en un mot, à commander, à tout diriger, il est dur d'abandonner entièrement les rênes, même à la plus aimée des belles-filles. Sans s'en douter, il se trouve que tel détail de maison, ne fût-ce qu'une chaise dont on change la place habituelle, ou l'ordonnance des assiettes sur un dressoir, une nappe mise ou pliée dans un sens différent, etc., — que tout cela fait une impression triste, amène des pensées pénibles. Si ces sentiments sont refoulés au fond du cœur, ils n'en deviennent que plus amers et peuvent se traduire, en moins de rien, en une froideur de ton ou en de simples regards qui, à leur tour, réagissent sur le caractère de la personne qui en est l'objet. Beaucoup plus que nous autres hommes, les femmes sont sujettes à ces petits écarts, à ces petites tracasseries d'intérieur qui, lorsque la bonté n'est pas grande et surtout lorsque le christianisme n'a pas suffisamment adouci et sanctifié le caractère, peuvent dégénérer en hostilités souvent renouvelées et parfois en haine qui finit par éclater. Les hommes, certes, ne valent pas mieux; mais, pourtant, ils sont plus débonnaires et mettent moins d'importance aux petits détails de la vie. Dans les grandes occasions, ils se revaudront bien en mal ce qu'ils ont ici de plus humain que les femmes : à eux les fortes colères, à eux la violence, les cris, la fureur, qui ne le sait? Mais aux femmes, même aux meilleures, les coups d'épingles, les piqûres, et ces interminables explications, à la suite desquelles on est encore plus convaincu de part et d'autre dans son propre sens. Oui, oui, cela est ainsi; et partout où il en est autrement, c'est que le cœur nouveau, l'esprit de l'Évangile, viennent commander au cœur naturel, dont les malices profondes ne sont connues que de Dieu seul.

Personnellement cette observation du comportement féminin me semble très juste, mais n’est-il pas étrange que lorsqu’un homme émet la moindre remise en question d’attitudes ou de comportements féminins, il a toujours le reflexe d’ajouter (comme le fait Olivier ici), “et bien sûr, les hommes ne sont pas parfaits non plus, ils ont leurs défauts, etc...”, mais lorsque les rôles sont inversés, et qu’il s’agit d’une femme remettant en question le comportement ou les attitudes d'un homme, quelle femme trouvera nécessaire d’ajouter ce genre de clause atténuante (ou se sentira coupable si elle l’oublie) ? Curieux en effet... Se peut-il que cela soit dû au fait que les hommes se rendent vite compte que les femmes savent « trop bien » faire payer (les moyens sont diverses) tout homme assez imbécile pour remettre en question le comportement ou l’attitude d’une femme ? Mais bon, il ne faut pas s'attendre à trop d'aveux à ce sujet... À sa manière Olivier est bien psychologue et comprends les pièges que peut tendre un sens de l'imagination trop développé. Dans L'ouvrier, il écrit:

Il est toutefois des tempéraments nerveux qui, bien que très forts, sont tout à coup en proie à des espèces d’hallucinations poltronnes dont ils sont les premiers à rire ensuite, lorsque l’accès est passé. Que de fois, dans ma jeunesse, j’ai transformé en ours accroupi un tronc de hêtre inoffensif ou quelque grosse pierre moussue ! Que de grands yeux ronds de chouettes j’ai vus briller sur les branches des arbres, tandis qu’il n’y avait là que de petits morceaux de bois phosphorescent ! Et les gens qui vous suivent dans les ténèbres !… les voici… ils sont sur vous on s’arrête, le cœur palpitant d’angoisse. Plus de bruit ! Jeune garçon, jeune homme, tu entendais tes propres pas. Souviens-toi que l’imagination n’est bien souvent qu’une folle. Et, mieux encore, pense à la sainte garde du Dieu qui voit tout : lui-même n’a-t-il pas dit que les cheveux de notre tête sont comptés ?

Plusieurs personnages des romans d'Olivier traversent les coups durs de la vie. Mais en lisant, cela laisse l'impression qu'Olivier parle en connaissance de cause... Il n'est pas un «observateur neutre». Par exemple, dans Raymond le pensionnaire Olivier décrit les épreuves dans la vie amoureuse du personnage principal et nous pose les questions suivantes:

Avez-vous connu la souffrance, lecteur ? l’avez-vous connue terrible, déchirante, torturant l’âme et le cœur ? C’est une épée ardente, empoisonnée, qui frappe sans merci, qui brûle le sang dès qu’elle le touche et fait plus que tuer le corps. — Hier, ce jeune homme plein de courage moral, heureux de vivre, aspirant l’avenir avec confiance, le voilà aujourd’hui courbé sous le poids de la plus amère des vicissitudes, en proie à la plus vive de toutes les douleurs humaines. On lui prend son trésor du cœur, ce vase de parfum inestimable, on lui ravit son bonheur. Et Dieu est au-dessus de ce grand mystère ! Dieu qu’il aime et dont il veut faire la volonté !.... Enfant des hommes, me comprendras-tu ? Écoute ; il est une chose bien plus navrante que ce qui t’arrive ; c’est la certitude de notre révolte contre l’Éternel ; c’est notre état de péché ; c’est la juste condamnation de notre âme. Si tu veux vivre d’amour, donne dans ton cœur la première place à celui qui est amour. Jésus ne te trompera jamais, ni dans le temps présent ni dans l’éternité. Et si tu aimes une de ses créatures, fût-ce même la plus belle, la meilleure et la plus aimable de toutes, tu fais bien de lui donner tout ce qui lui appartient : mais réserve la première place au Dieu qui l’a créée : encore ici, mon frère, garde ton cœur de tout ce dont il faut le garder.

Dans le Manoir du Vieux-Clos, Olivier émet des observations sur les avantages et désavantages de l'éducation qui restent étonnament vraies:

Que sont devenus tant d’hommes instruits, mais sans véritable énergie?? Où l’éducation, la science, une certaine position sociale ont-elles conduit des centaines de jeunes gens qui n’ont point voulu travailler?? À quoi même sont parvenus plusieurs qui, ayant dépensé pour leurs études tout ce qu’ils possédaient, luttant plus tard contre une surabondance d’employés et peut-être de praticiens remarquables, n’ont fait que végéter toute leur vie, avec des diplômes en poche et une carte enluminée de leurs titres et professions?? Après tout, il serait permis de dire que le travail humble, au jour le jour, heureux mélange des facultés de l’esprit et des forces physiques, est non-seulement le plus sain mais peut-être le plus assuré.

En faisant la lecture de roman L'hiver, je suis tombé sur le paragraphe qui suit, qui commence par une discussion sur les salaires des enseignants (ou "régents"), mais abouti à une observation psychologique très juste sur l'hygiène mentale du mâle qui est plein de bon sens, surtout pour une génération qui passe déjà trop de temps devant un/des écran/s.

On a beaucoup parlé du traitement des régents depuis quelques années. On l’a augmenté et on a fort bien fait. L’ouvrier est digne de son salaire. Si la journée du père de famille est employée tout entière au pénible métier de l’enseignement, il faut qu’elle produise le nécessaire pour lui et les siens. Aujourd’hui, le prix du travail de l’ouvrier de campagne, accompagné de quelque savoir-faire et d’une sage économie, suffit pour nourrir la famille. Je me suis souvent demandé, à ce sujet, si tout régent ne pourrait pas, à l’exemple de celui dont je raconte ici l’histoire, se créer une ressource à côté du produit de son travail officiel. Beaucoup le font sans doute et s’en trouvent bien. Il ne faut pas grand’chose pour en venir à bout : un peu de courage, un peu d’initiative, quelque adresse des mains. Je sais bien que rien n’est fatigant comme de toujours expliquer, reprendre, enseigner ; et que les leçons terminées, le pauvre maître éprouve un beaucoup plus grand besoin d’aller respirer l’air et fumer une pipe que d’essayer un nouveau travail. Mais je sais aussi combien c’est une chose agréable, reposante, de passer d’une occupation intellectuelle énervante à un travail manuel quelconque. Pour ma part, j’ai souvent rendu grâce à Dieu d’avoir persisté dans mes essais de tourneur et de menuisier ; et j’ai mille fois oublié le monde, ses révolutions et ses folies, comme aussi mon propre accablement, lorsque j’étais venu à bout d’un assemblage régulier, juste, ou que je faisais voler des rubans d’érable sur mon tour. Quand un régent devrait se mettre à faire des paniers, des ruches d’abeilles, et à les vendre pour augmenter son petit revenu, je lui dirais également : « Courage, ami ! tresse tes osiers ou serre tes cordons de paille sans t’inquiéter du qu’en dira-t-on. Et moi aussi j’en ai fait, des corbeilles ! et même de toutes grandes. »


Un auteur savoureux

Ma première rencontre avec Urbain Olivier eut lieu en lisant La fille du forestier. J'ai bien aimé ce récit. Certains diront peut-être qu'Olivier n'est pas un “grand” auteur, mais ses récits sont bien ficelés et il y met du sel, c'est-à-dire la sagesse des Écritures. Et pour ces dames, Olivier ne néglige pas les affaires du cœur... Dans un de ces romans il est question d'un mariage où la mariée se présente avec une robe de soie noire "de toute beauté". La mode a bien changé depuis, il va sans dire... Et à l'époque les gens de campagne fêtent les noces, mais pas de voyage de noces, sauf pour les gens riches. Dans La fille du forestier j'ai rencontré, ici et là, des termes[2] liés à la vie agricole, dont certains pour le maniement des chevaux, qui m'ont étonné et qui me sont familiers, car je les ai entendus ici au Québec dans la bouche de mon grand-père, Albert Gosselin, un vieux cultivateur de la Beauce qui pourtant n'est jamais allé en Suisse ni même en Europe. Un “chevreu” (pour chevreuil), mon grand-père aurait dit ça également. Il faut dire que des exclamations telles que «diantre!», «pardine!» ou «boustre!» feront sourire bien des québécois car s'ils ont été prononcés ici par nos ancêtres, ils ont été oubliés depuis très longtemps.

En lisant les romans d'Olivier, on constate que dans les premiers chapitres mettent en scène son récit de manière aussi efficace que conventionnelle, en décrivant tant le contexte géographique que les personnages du roman. Dans les premières pages de Monsieur Sylvius par exemple, Olivier tout en situant les personnages et l'environnement campagnard du récit, se permet de petites analogies satiriques sur les politiciens...

Toujours dans Monsieur Sylvius, en discutant des arrangements de dot pour un mariage, un personnage (masculin) du roman se permet quelques commentaires "impardonnables" sur les femmes.

D'autre part, dans ce même roman, Olivier reconstitue des conversations très savoureuses entre vieux conjoints, et les rend de manière très réaliste, dépeignant l'ironie d'un couple qui se connaît trop bien. Mais là, il faut lire pour en savoir plus... Et ailleurs dans les dialogues il y a parfois de ces trouvailles qui sont trop justes, trop drôles... Mais ce qu'il y a de particulier, presque unique dans les romans d'Olivier est sa présentation du cheminement spirituel des protagonistes et le progrès de l'œuvre de grâce dans leurs vies. Cela vaut le détour. Dans Jean Laroche ou Monsieur et Paysan par exemple, Olivier relate, par le biais de l'histoire de deux familles, le cheminement d'hommes et femmes, certains vers la grâce et d'autres vers les ténèbres. Dans ce récit, ont voit aussi toutes les contraintes que peuvent poser le rang social au 19e siècle ainsi que les tourments que peuvent causer l'amour d'une femme dans le coeur d'un homme. De manière générale, dans ses récits Olivier démontre qu'il sait très bien représenter les dédales et détours de l’amour. Par ailleurs, Olivier est assez drôle par moments, car, de la bouche de certains de ses personnages, il lance des pointes d'une ironie mordante vers les disciples du Siècle des Lumières...

Le contexte religieux de ces récits est intéressant également, car si le christianisme d'alors gardait toujours un grand prestige social et moral, on se rend compte également que ses fondations (le récit de la Genèse en particulier) avaient été attaquées sans que les intellectuels protestants francophones d'alors fassent de réplique véritable. On peut soupçonner que l'influence des Lumières commençait à pénétrer doucement même chez eux. Il en résulte qu'Urbain se lamente du fait qu'à bien des endroits les hommes abandonnent le culte du dimanche aux femmes. C'est un indice que le christianisme était déjà considéré, à peu de choses près, à une affaire de "coeur" et d'émotions et qu'il n'était plus possible de donner une raison pour ses convictions.[3] Dans Betsy l'héritière, Olivier propose cette méditation sur la responsabilité de l'auteur (mais à vrai dire, cela vaut pour tout chrétien, pasteur ou artiste, qui se trouve soit de par sa profession ou momentanément) dans une position d'influence.

Dans ce monde borné, si changeant, si plein de misères, de vanités, de folies, de cruautés, d’atrocités et de mille autres maux qui désolent l’espèce humaine, on ne pense jamais à tout. Le conquérant qui déclare la guerre à son voisin, dans l’espoir d’ajouter à son vaste empire une province convoitée depuis longtemps, ne pense pas que, avant d’arriver à son but, il fauchera la vie d’un grand nombre d’hommes utiles, soutiens de leurs familles, trésor infiniment plus précieux pour l’état que la possession d’une langue de terre. Des contrées entières seront dévastées, l’agriculture ruinée, les femmes et les jeunes filles livrées aux outrages les plus épouvantables… À tout cela le conquérant ne pense pas, ou s’il y a pensé et que néanmoins il persiste dans son dessein, il n’y a pas de pire monstre qu’un tel homme. Dans un autre ordre d’idées, celui qui sacrifie tout à ses passions : — le voluptueux qui tue rapidement son corps et son âme ; — l’ivrogne qui s’abrutit ; — l’avare qui se dessèche le cœur et l’esprit ; — le paresseux qui n’est bon à rien ; — le conservateur qui n’aime que son égoïste personne et les biens hérités de ses ancêtres ; — tous ces gens-là ne pensent pas qu’un jour il faudra rendre compte d’une vie mal employée, faussée, donnée à ce que Dieu hait. — Et les auteurs qui font des livres, comme j’en écris un en ce moment, ont-ils suffisamment pensé à la responsabilité qu’ils assument, en jetant dans le monde les idées, les convictions, les observations, les imaginations dont leur esprit est occupé ? Que de bien et que de mal ils peuvent faire, selon qu’ils auront été les esclaves de leur conscience, ou les violateurs de la justice et de la moralité ! Ah ! mon cher lecteur, comme tout cela est sérieux pour celui qui sait que Dieu le voit et juge son œuvre, quoi qu’il pense, quoi qu’il dise et quoi qu’il fasse ! Et pourtant il faut remplir sa tâche, aller jusqu’au bout. Ce serait une lâcheté de poser, la plume, maintenant que j’ai entrepris un récit auquel vous vous êtes peut-être déjà un peu intéressé. Je vais donc le continuer.

Dans le roman Le voisin Horace il est question de sources d'eau qui sont essentielles à la vie du paysan. De ce fait, on peut se demander si Marcel Pagnol[4] n'a pas pigé certaines idées chez Olivier, qui mourût en effet quelques années avant la naissance Pagnol. Mais Pagnol évidemment était un disciple des Lumières et il est peu probable qu'il aurait reconnu quelque dette littéraire à un Protestant (et “ anti-progressiste”) comme Olivier... Ceci dit, faire des suppositions n'est pas prouver. Pour ceux qui seraient intéressés par les vieilles éditions des romans d’Olivier, notons qu’il vaut mieux éviter comme la peste ceux édités par la Société Romande des lectures populaires qui en publiant les romans d’Olivier les as élagués au hasard, avec le but, apparemment, de les faire entre de force ce roman dans un nombre de pages X... Et ils n'ont même pas eu l'honnêteté d'indiquer que leurs éditions étaient en fait des versions ABRÉGÉES...


Oublié, pourquoi ?
Pour ce qui est d'Olivier lui-même, il est un peu étonnant que le monde culturel francophone l'ait à peu près complètement oublié, même s'il a écrit plus de 30 romans! C'est à ce point que Wikipédia français n'avait même pas une notice sur lui avant que je crée une petite page à son nom en 2014. Un facteur qui a pu contribuer à la marginalisation d'Olivier c'est un certain snobbisme littéraire qui lui reproche d'avoir osé inclure ici et là dans ses récits, du langage commun, du patois de son pays. Il est vrai aussi qu'Olivier interrompt parfois son récit pour dialoguer avec le lecteur sur un point ou un autre. Si cela ne respecte pas les règles d'usage de la «grande littérature», cela a son charme malgré tout... Il faut noter que dans le nouvelle Une vie manquée, Olivier se permet de mettre en scène un méchant baron de R., un accapareur peu scrupuleux du bien de pauvres fermiers. Mais ce nom semble familier... N'y a-t-il pas des baron de R. parmi les riches et célebres? Et si on remet en question le comportement des puissants, cela entraîne parfois des conséquences...

Je soupçonne assez fortement que les opinions d'Olivier sur la pensée des Lumières, autant que son anticommunisme, ont joué un rôle important dans sa marginalisation au 20e siècle. Par exemple, parlant de Jean-Jacques Rousseau, Olivier ne se gène pas, ici et lè, de proposer quelques commentaires ironiques sur ce grand apôtre de la vertue, mais dont la vie personnelle contredisait justement ces vertues. Sans doute que les élites du monde francophone trouvaient sa pensée pas assez « progressiste » ou moderne et, par ailleurs, trop «moraliste». Il faut signaler qu'Urbain Olivier a vécu une époque des révolutions et il fut le contemporain d'individus tels que Charles Darwin, Karl Marx et Friedrich Nietzsche. Par exemple des congrès de l'Association Internationale des Travailleurs (ou Première Internationale) auront lieu à Genève (1866) et à Lausanne (1867) en Suisse dont la constitution furent préparés par Marx lui-même. Pour ce qui est de Nietzsche, Il est même possible qu'Olivier ait croisé ce dernier, car Nietzsche fit régulièrement des séjours en Suisse. Idem pour Dostoïevski qui fit plusieurs séjours en Suisse, entre autres un séjour à Genève et Vevey d'août 1867 à l'été 1868. Mais il reste que si Dostoïevski couraient les casinos et cabarets, Olivier les méprisaient... Chose certaine Olivier a connu l'auteur français Sainte-Beuve lors d'une visite de ce dernier en Suisse (vers 1837). Et un peu plus de dix années après le décès d'Olivier, Lénine s'exilera à quelques reprises en Suisse avant la Révolution Russe de 1917. Sur ses conceptions touchant les Révolutions sociales inspirés par les Lumières, on voit qu'Olivier aurait rejoint la pensée de Dostoïevski. Dans Le manoir du Vieux-Clos, un des personnages d'Olivier remarque:

— Je crains, monsieur, répondit Maxime, qu’il ne faille une dure école et des expériences douloureuses aux jeunes hommes qui croient pouvoir guérir les maux de la société actuelle par de nouvelles institutions humaines seulement. La source du mal est profonde en nous?; et tout ce qui n’est que réglements législatifs est incapable d’y atteindre. Dieu les éclairera par les déceptions et la souffrance, mieux qu’on ne peut le faire par le raisonnement.

Olivier a un regard très lucide sur son temps. Dans Raymond le pensionnaire il observe:

Je vois des révolutions sur la terre. Des guerres sanglantes. Des ambitions surgir de tous côtés : et plus bas est placé le point de départ, plus orgueilleuse est la portée. Tout cela est prédit.

Malheureusement, le 20e siècle lui donna tout à fait raison. Dans Le tailleur de pierre par exemple, le protagoniste chrétien discute avec un disciple des Lumières de la moralité et de la responsabilité de l'individu. Le disciple des Lumières est tout à fait convaincu que l'individu soit responsable pour ses gestes et doit en rendre compte, mais il rejette la source divine de la moralité. D'après Olivier un matérialisme cohérent anéanti la moralité. Voici ce que dit le protagoniste chrétien:

— Alors, que faites-vous dans ce cas-là de votre théorie sur le pouvoir et la force de la matière ? Ils sont responsables, à mes yeux, parce que je sais qu’ils ont une conscience, et que je crois à l’existence de leur âme, comme à celle de la mienne. Mais si je croyais que tout vient des atomes en formation et que rien n’existe en dehors des forces naturelles que la matière reçoit d’elle-même, je n’admettrais de responsabilité morale, ni pour eux, ni pour moi, ni pour personne. Un homme a soif, il boit pour se désaltérer ; il trouve le vin bon, il en boit jusqu’à ce que son estomac le rejette ou que son cerveau surexcité le pousse à faire des folies. Mais où trouver dans son corps seulement, la loi morale qui lui dit qu’il est mal de s’enivrer ? Cette loi ne peut exister que dans la conscience et dans les commandements de Dieu. Or, comme, d’après vous, la conscience est une chimère et l’Évangile une invention humaine, il s’en suit qu’il n’y a pas de loi morale.

Il se peut par ailleurs que les critiques littéraires aient dénigré Olivier comme ayant une attitude un peu trop « grand-papa », car par moments il semble d'avis qu'il vaut mieux que chacun garde son rang et sa condition social. Mais il faut avouer que lorsqu'il est question des choses du cœur, tout à coup le rang social lui semble moins pertinent. Touchant la littérature de sa génération, dans La Petite Côte, Olivier expose avec une grande franchise ses critiques:

... l'histoire de la Petite Côte ne présentera ni faits bien extraordinaires, ni drames très émouvants. Je raconte simplement la vie des quatre familles qui l'habitent, telle qu'elle était à l'époque dont nous nous occupons. Laissons aux romanciers français de l'école moderne le triste privilége de montrer au public des exceptions monstrueuses, des vies flétries par le vice et les honteuses passions, des tableaux de mœurs où l'élégance du style le dispute aux plus ignobles détails. Pâture immonde, venin subtil et perfide, bien capable, en vérité, de régénérer une société corrompue!
Pour nous, qui, grâce à Dieu, n'avons rien de commun avec ce monde-là, si brillant soit-il, retournons vivre avec nos paysans. Si quelques-uns ont des défauts, s'ils sont baroques, têtus et avaricieux, il en est d'autres parmi eux dont l'exemple réjouit le cœur et brille comme une pure lumière.

Un autre facteur qui a pu contribuer à la marginalisation d'Olivier est son opposition à la franc-maçonnerie. À vrai dire, les objections d'Olivier peuvent sembler un peu timides sur le fond, mais il faut tenir compte que les francs-maçons ont toujours été très doués pour s'insinuer dans les cercles de pouvoir et d'influence, ce qui inclut évidemment la culture et les arts, et même temps qu'ils jouent de petits jeux hypocrites au sujet de leurs convictions en alléguant que la franc-maçonnerie n'est qu'une confrèrie plutôt qu'une religion. De ce fait, il n'y a rien d'étonnant qu'un auteur ouvertement opposé à la franc-maçonnerie soit “ mis de côté ” par les élites culturelles francophones. Une des objections d'Olivier à la franc-maçonnerie a trait au secret exigé des membres, au point qu'un franc-maçon ne peut même pas discuter librement avec sa femme des choses qu'il doit croire ou faire en tant que franc-maçon. De ce fait, la loge s'interpose entre l'époux et son épouse[5] ce qui porte atteinte à l'autorité du père. Mais le secret chez les francs-maçons ne s'applique pas seulement entre francs-maçons et non-initiés, mais également entre francs-maçons, c'est-à-dire entre les divers degrés d'initiation. Ainsi, un franc-maçon initié au premier degré peut bien se demander si les membres de degrés supérieurs ne lui cachent pas bien des secrets, si ce n'est de lui mentir carrément sur certaines choses... Après tout, il n'est pas encore dans le secret. Et il ne le saura jamais, à moins d'un jour d'être lui-même initié aux degrés supérieurs. Dans Betsy l'héritière, Olivier offre cette réflexion qui fatalement ne peut que s'appliquer aux franc-maçons:

Encore un malheur, pour tout pays, c’est l’existence de sociétés secrètes qui, sous le couvert d’une philanthropie humanitaire, s’occupent activement de politique, cherchent à diriger le gouvernement et à exercer sur lui une pression quelconque au profit de leurs adeptes.

Un des critiques d'Olivier (possiblement un franc-maçon), peu de temps après son décès se mit en tête de discréditer Olivier et en faire un littéraire de bas étage et (défaut tout à fait impardonnable) un paysan qui se prend pour un prédicateur. Ce critique écrivait en 1891:

L'orphelin parut, une simple et touchante histoire où les mœurs de la patria Vaudi rustique sont détaillées avec une fidélité qui n'exclut point la malice. L'orphelin ouvrit une longue série d'ouvrages, tous conçus à peu près sur le même modèle, traverses à peu prés tous par la même intrigue, plus monotones, plus prêcheurs, plus bâclés aussi d'un 1er janvier à l'autre. Paysages familiers dessinés avec plus d'amour que d'art, fables naïves qui ne se renouvellent pas, caractères en général manqués, idéalisés comme dans une berquinade ou noircis à plaisir, cours de morale copieux el parfois agressifs, forte teinte religieuse répandue sur le tout, — ce tout un peu traînant et vulgaire, — voilà ce qu'on trouve et retrouve dans la plupart des romans d'Olivier. Quelques-uns, ainsi la Fille du forestier qu'il a vendue à dix ou douze mille exemplaires, sont de la littérature, de la vraie littérature qui, si elle n'a pas la distinction et l'éclat, ne manque point de saveur. Les autres? J'ai peur d'être injuste. Sera-ce excès de rigueur que de ne louer en eux que les excellentes intentions de l'auteur? On a dit qu'il « avait fait du bien. » Eh! oui, il s'est élevé contre les vices de nos campagnards, la fainéantise, la dissipation, l'ivrognerie, encore que ses livres n'aient guère été lus par les gens auxquels ils devaient profiter; il s'est jeté en pleine propagande religieuse, quoiqu'il y ait des inconvénients à bâtir des nouvelles sur des sermons ou vice versa.

Si ce critique si condescendant joue les grands seigneurs en accordant quelque mérite aux best-sellers d'Olivier, on peut deviner ce qu'il pense du reste... Comme le disent si bien les anglais, "damned by faint praise". D'autre part, quelle hypocrisie de reprocher à Olivier de faire «la morale» ou de la «propagande» et de jouer le prédicateur dans ses romans, car inévitablement toute littérature représente une moralité et prends appui sur une vision du monde. Tous font de la propagande, sauf que certains hypocrites se donnent des airs de neutralité et diront «Ce n'est que de l'art». Dans la littérature, parfois la vision du monde est explicite (comme chez Olivier), parfois elle est implicite, si ce n'est hypocritement dissimulée. La neutralité absolue dans les arts n'existe pas. D'autre part le critique reproche à Olivier sa «malice». Voici un exemple. Dans L'ouvrier, Olivier relate une conversation entre un personnage villageois qui est un emmerdeur réputé et de grande envergure. Ici il harcèle une mère au sujet de l'identité de son fils. La mère interrompt l'inquisitoire et demande:

— Avez-vous aussi une nombreuse famille, M. le président ?
— Madame, je suis encore célibataire, répondit-il avec le sourire le plus béat.
— En ce cas, je crois qu’on peut vous en féliciter.

Ouais, bien envoyé... Enfin, il y a donc tout lieu de penser que l'oublie d'Urbain Olivier depuis le 19e siècle soit dû à autre chose qu'un simple changement de mode littéraire... En fait si Olivier a eu droit à sa part de commentaires condescendants, il n'a pas la langue dans sa poche touchant la littérature française de sa génération. Dans les Récits vaudois, il remarque:

Les environs de Saint-Cergues ont été décrits par un maître en fait de style, dans un roman dont la lecture ne laisse pas un calme bienfaisant, malgré tout le talent de l’auteur. C’est, au reste, la tendance presque universelle des romans français de notre époque. Aiguillonner l’esprit ou les sens, créer des situations anormales ou impossibles, montrer le vice et les coupables passions sans les flétrir vigoureusement ; chercher même à les excuser, sinon à les rendre aimables, tel est le canevas sur lequel des écrivains recherchés du public brodent leurs fantaisies. Littérature de mauvais goût, de mauvais lieu souvent, mais qui va aux esprits blasés, aux cœurs corrompus.


Le langage idiomatique dans les romans d'Urbain Olivier
Voici une liste de termes apparaissant dans les romans d'Urbain Olivier qui sont identifiés par des italiques dans les éditions originales ce qui laisse entendre que ce sont soit des particularismes du canton de Vaud ou encore des termes qui, déjà au 19e siècle, étaient sur le point de sortir de l'usage du français parlé en Suisse. Bon nombre de ces termes sont restés en usage au Québec (mais certains seulement chez ceux qui vivent « sur la terre », les fermiers). Évidemment au Québec les termes liés à la culture de la vigne n'ont pas été transmis... Et pour le québécois, les «diantre!»ou «saperlote» feront sourire, mais on s'y habitue assez rapidement.

remise (petit bâtiment ou espace d'entreposage)
restes [de table]
pitonner (dans le roman cela signifie piétinner, mais au Québec cela signifie simplement pèser rapidement sur des pitons)
quinquerneries (les mots québécois "quétainne" ou "quétainneries" en sont possiblement dérivés)
étagère (meuble de rangement, pour livres surtout)
arpent (ancienne mesure de superficie agricole)
capotiser (au Québec on dirait plutôt "capoter", secouer quelqu'un sur le plan psychologique/émotif, “ faire capoter ”)
portez-vous bien. (un contact un peu trop fastidieux du vieux continent se plaignait que j'utilisait cette expression et me faisait la leçon que c'était dans les faits un anglicisme. Mais si Olivier l'utilise dans La fille du forestier, on voit bien qu'il n'en est rien, si ce n'est que les francophones européens l'ont oublié).
deviont (le verbe devoir. Ce type de conjugaison s'est préservé dans la région de la Gaspésie)
détabler (entendu de la bouche de mon grand-père)
rapporter un objet (ramener)
bérouette (au Québec, “ barouette ”, mais plus communément «brouette »)
"fille/fils à" Georges (en discutant de liens de parenté)
porter un enfant (être enceinte)
pas fameuse (au Québec décrit ce qui est minable ou dont les qualités laissent à désirer).
déhors, plutôt que "dehors". (au Québec, dans la région de la Beauce, on entendais parfois les parents dire aux enfants: "Va jouer déyors!")
un voyage de fumier. (c'est-ài-dire une charge de wagon)
néyé plutôt que noyé.
avoir/se faire une connaissance. (une personne que l'on fréquente et un époux/se potentiel/le)
mettable (vêtement propre, en état d'être porté)
rabottu (au Québec on dirait raboteux)
rassoyez-vous (utilisé au Québec, demander à quelqu'un de s'assir à nouveau)




Romans d'Urbain Olivier disponibles en Ebook/PDF

(1857) Les deux neveux: esquisse populaires. (Ebook/PDF)

(1860) L'hiver : Récits populaires. (Ebook/PDF)

(1860) Le fournier: récit du village. (Ebook/PDF)

(1861/1865) Récits du village (ce qui inclut deux nouvelles, soit: Pierre Châvin et ses bœufs - 1861 et Les collines de Féval - 1865. (Ebook/PDF)

(1862) Jours du soleil: nouvelles. (Ebook/PDF)

(1863) L’Orphelin: nouvelle villageoise. (Ebook/PDF)

(1864) À la Violette: histoire du temps actuel. (Ebook/PDF)

(1864) Le Manoir du Vieux-Clos: nouvelle. (Ebook/PDF)

(1864) Adolphe Mory: nouvelle villageoise. (Ebook/PDF)

(1865) La fille du forestier. (Ebook/PDF) pj

(1866) L'ouvrier: histoire de paysans. (Ebook/PDF)

(1867) Raymond, le pensionnaire (Ebook/PDF)

(1868) L'Oncle Matthias: nouvelle. (Ebook/PDF)

(1869) La maison du ravin: Idylle vaudoise . (Ebook/PDF)

(1869) La petite côte. Histoire champêtre. (Ebook/PDF)

(1870) Jean Laroche ou Monsieur et Paysan. (Ebook/PDF)

(1872) Une voix des champs - Récit populaires. (Ebook/PDF)

(1873) L’interné: nouvelle suisse. (Ebook/PDF)

(1873) Rosette: ou, la danse au village. Nouvelle. (Ebook/PDF)

(1874) Le tailleur de pierre: nouvelle. (Ebook/PDF)

(1876) Un fils unique. (Ebook/PDF)

(1877) La paroisse des Avaux. nouvelle. (Ebook/PDF)

(1878) Betsy l’héritière: nouvelle vaudoise. (Ebook/PDF)

(1879) Monsieur Sylvius: nouvelle vaudoise. (Ebook/PDF)

(1880) Ferdine ou La pension Collet, nouvelle. (Ebook/PDF)

(1880) Récits vaudois. comprenant: L’effeuilleuse; Les deux frères; L’Ouchette. (Ebook/PDF)

(1882) Le voisin Horace; nouvelle. (Ebook/PDF)

(1882) Les amis de noce: nouvelle. (Ebook/PDF)

(1883) La famille Boccart: nouvelle vaudoise. (Ebook/PDF)

(1886) Le retour au pays: nouvelle vaudoise. (Ebook/PDF)

(1886) Un jeune homme à marier: nouvelle. (Ebook/PDF)

(1889) Un français en Suisse: nouvelle. (livre papier)


Notes

[1] - Avec la collaboration de Jean-Marc Berthoud.

[1a] - Ce qui réfère à la guerre franco-prusse de 1870.

[2] - Voir plus bas, la section “ Le langage idiomatique dans Olivier ”.

[3] - L'apôtre Pierre dit :

[4] - Pour ensuite les recycler dans son film Manon des sources.

[5] - Car même aujourd'hui dans la majorité des loges, les femmes ne peuvent pas être admises franc-maçons au même titre que les hommes.