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Samizdat

C. S. Lewis et l'occulte.




Paul Gosselin

Certains chrétiens, à la rencontre du monde imaginaire des Chroniques de Narnia, se questionnent sur la quantité de magie qui s'y trouve. Est-ce ça peut nourrir une forme de séduction plutôt que l'édification ?

Clive Staples LewisÀ mon avis, il faut lire l'Armoire magique (et les autres livres de la série) pour se faire une idée soi-même. La magie dont il y est question dans les Chroniques de Narnia n'a que peu à voir avec l'occultisme explicite de Harry Potter et d'autres. Pour bien comprendre de quoi il s'agit, il faut regarder la source de la "magie" dans cette série. Dans les faits, il est plus approprié de parler de miraculeux, car les incantations, comme on peut le rencontrer dans l'occultisme du monde réel, est le fait seulement des méchants dans les Chroniques de Narnia. On le voit par exemple, à la fin de l'Armoire magique lorsque les enfants, revenus dans le monde normal, demandent au professeur s'ils peuvent retourner à Narnia pour y chercher des manteaux perdus. Il leur répond (2001: 198):

"Et, dit-il, je ne pense pas que ce soit une bonne idée de repasser par l'armoire pour aller chercher les manteaux. Vous ne rentrerez plus à Narnia par cette route. Et si vous le faisiez, les manteaux ne serviraient plus à grand-chose maintenant! Eh! Que dites-vous? Oui, bien sûr, vous retournerez à Narnia un jour. Celui qui est une fois roi à Narnia l'est pour toujours. Mais n'essayez pas d'utiliser la même route deux fois. En fait, n'essayez pas du tout d'y entrer. Cela arrivera quand vous ne le chercherez pas.."

Dans le Neveu du magicien, on rencontre le personnage de Digory et son amie Polly. En explorant des endroits secrets de leur maison ils découvrent une pièce où Andrew, l'oncle maléfique de Digory, tient des expériences de magie. Oncle Andrew est un magicien, un praticien d'arts occultes. À notre époque il serait considéré un adepte du Nouvel Âge. Polly est prise par un piège tendu par l'oncle Andrew et disparaît dans un autre monde. De plus l'oncle Andrew fait du chantage pour forcer Digory à chercher Polly à l'aide d'anneaux magiques. Avant des les utiliser, Digory fait la remarque qui suit à son oncle (2001: 33)

"Très bien. J'irai. Mais il y a une chose que j'aime autant vous dire tout de suite. Jusqu'ici je ne croyais pas à la magie, mais maintenant je vois que ça existe et j'imagine que les vieux contes de fées sont plus ou moins vrais. Dans ce cas-là, vous, vous êtes un de ces infects magiciens maléfiques qu'on y rencontre. La seule différence, c'est que jamais je n'ai lu d'histoire dans laquelle ce type de personnes ne finissait pas par payer, et vous, je peux vous dire que vous paierez. C'est tout ce que vous méritez.
Pour la première fois depuis que Digory lui parlait, l'oncle Andrew fut touché. Il sursauta et son visage prit une telle expression d'épouvante qu'il avait beau se comporter comme un scélérat, il faisait presque pitié"

Dans les Chroniques de Narnia, la source miraculeuse (excluant les être clairement identifiés comme maléfiques) dans ce récit est Aslan lui-même, celui qui symbolise le Christ, le Créateur. Ce ne sont pas les personnages qui contrôlent le "miraculeux", mais Aslan. Le miraculeux n'est pas un outil qu'on peut manipuler afin de contrôler les autres. Il ne s'agit donc pas d'occultisme. Par contre, on voit les personnages négatifs dans ce récit qui tentent d'utiliser la magie à leurs propres fins, comme l'oncle Andrew et les sorcières. Cette usage de la magie à leurs propres fins est toujours suivi de conséquences fâcheuses. Dans la préface de Tactique du Diable, Lewis remarque

"Au sujet du diable et des démons, les hommes peuvent commettre deux erreurs. Elles sont diamétralement opposées mais aussi graves l'une que l'autre. L'une consiste à nier leur existence, l'autre à y croire mais à leur porter un intérêt excessif et malsain."

Le début du 20e siècle penchait pour la première de ces erreurs et l'Occident postmoderne du 21e siècle penche certainement pour la deuxième. Touchant la question de la magie dans les Chroniques de Narnia, George Sayer, un ami et biographe de CS Lewis offrit ces commentaires (1994: 419-420):

Some people are uneasy at the use made of what they call the occult, that is of magic and witches, in the Narnia stories. People who are worried in this way are taking the stories far too literally. These are entirely fictitious. Thus the fact that Lewis included witches certainly did not mean that he believed in their power in real life. The main theme of the stories is the conflict between good and evil; characters such as the white witch represent the forces of evil. The stories are not meant to teach Christian doctrine. They are written first as stories that children could wholeheartedly enjoy, and secondly as stories in which some of the imaginary episodes rather resemble the true events of the Christian faith. He did not want the resemblances to be pointed our by adults, nor even did he expect them to be noticed by more than a few children. His hope was that when, at an older age, the child came into contact with the real truths of Christianity, he or she would find these truths easier to accept because of reading with pleasure and accepting stories with similar themes years before.

Au début de son adolescence, bien des années avant sa conversion, Lewis relate dans son autobiographie un épisode où la tentation du spirituel illicite, de l'occulte l'a touché. Une matrone du collège où il résidait s'intéressait aux arts occultes et l'a entretenu à ce sujet. Voici ce qu'en dit Lewis (1955: 60)

"Mais maintenant, pour la première fois, éclatait devant moi l'idée qu'il puisse y avoir des merveilles réelles tout autour de nous, que le monde visible pourrait être seulement un rideau dissimulant d'énormes royaumes inexplorés par ma théologie simpliste. Cet épisode initia en moi quelque chose avec lequel, par moments, j'ai eu suffisamment de problème depuis - le désir pour les choses au-delà du monde naturel, en d'autres termes, la passion pour l'occulte. Tous ne sont pas affligés de ce mal; ceux qui en ont été atteints savent ce dont il est question. J'ai tenté une fois de le décrire dans un roman. Il s'agit d'une passion, d'une soif spirituelle; et tout comme la passion sexuelle elle a le pouvoir fatal de rendre insipide tout autre chose dans le monde tandis qu'il dure. Cette passion, même plus que le désir pour des pouvoirs, fait de certaines personnes des praticiens d'arts occultes." (trad. PG)

Pour certains cette citation ne rassura pas, mais il faut noter d'abord que Lewis en parle non pas comme d'une illumination mais d'une tentation. Donc l'occulte = interdit. Tous les chrétiens qui ont quitté les pratiques occultes savent que la tentation peut revenir par moments. Le combat de la tentation est le même pour tous, tandis que le sujet de la tentation diffère.

L'œuvre de Tolkien c'est autre chose, mais même chez cet auteur, la magie joue un rôle symbolique dans le récit c'est-à-dire qu'il est invoqué comme artifice narratif, mais la mécanique de l'occultisme n'y apparaît pas. Quelqu'un qui veut vraiment en apprendre sur la magie, qui cherche à s'initier, devrait se tourner à H. Potter plutôt que le Seigneur des Anneaux.



Autres ressources

Artszone.net

Apologetics.fsnet.co.uk


Voici un commentaire intéressant sur Harry Potter par le catholique Michael D. O'Brien


Références


CS Lewis:
L'armoire Magique
Gallimard Jeunesse [Paris] 2001 208 p.

Tactiques du Diable
Delachaux et Niestlé. 1967 122 p.

Le Neveu du Magicien
Édition : Gallimard Jeunesse 2001 224 p.

Surprised by Joy : The Shape of my Early Life.
Harper-Brace-Jovanovich London NewYork 1955. 238 p.

Sayer, George
Jack: A Life of C. S. Lewis.
Crossway Books (Good News) Wheaton IL (1988/1994) 457 p.