Ellen Myers
Dieu nous dit Lui-même dans le livre de Job que la musique a été la première réaction d'êtres créés en réponse à sa création ex-nihilo[2]. Au moment même où Il mit en place les fondations de la terre, 'les étoiles du matin éclataient en chants d'allégresse et que tous les fils de Dieu poussaient des cris de joie?' (Job 38:4-7). Vu, donc, de la perspective de la création biblique, la musique est la louange joyeuse et la célébration de ce qui nous donne la vie - le Dieu Vivant Lui-même par sa création et sa providence. Voilà pourquoi l'essence de la composition musicale, c'est la vie et voilà pourquoi l'analyse académique et abstraite de la musique ou de l'esthétique nous ennui souvent. Les mots de George MacDonald s'appliquent ici avec toute leur rigueur: 'L'analyse est bonne comme la mort est bonne.' Il est probable que cela soit vrai dans l'analyse de toutes les actions humaines, mais surtout quant à la créativité artistique en musique. Comme j'ai entendu dire récemment, l'analyse de la composition musicale peut être comparée à la dissection d'un cadavre. C'est utile, bien sur, pour apprendre des techniques de composition, mais cela ne donne pas la vie en soi.
Nous nous réjouissons le plus à la naissance de nos compositions quand nous entendons leur première présentation publique, mais souvent aussi tout autant quand nous sommes en train de les écrire. Pour moi, c'est à ce moment-là que je me sens pleinement vivante. C'est paradoxale, car c'est aussi le moment où je suis le moins consciente de moi-même. Le temps et l'espace s'évanouissent de la conscience dans l'extase du travail de la composition conçue en moi et prête à naître. Le travail est l'accomplissement, la vie et la joie complète, peu importe l'effort ou le sacrifice demandé.
Cela n'est destiné pour attirer les applaudissements mais pour saisir une image donnée par Dieu: La gloire de Dieu, c'est de cacher les choses; La gloire des (artistes), c'est de sonder les choses. (Prov. 25: 2)
Toutefois, le désir de travailler en donnant naissance à notre musique ou de l'entendre en concert afin que nous soyons créateurs comme Dieu notre Créateur qui nous fit 'créateurs' à son image lors de la semaine de création (Genèse 1) ne peut être notre motivation fondamental, la motivation qui nous 'force' d'écrire de la musique. Car ce désir, aussi fervent et indispensable qu'il soit afin de persévérer dans une composition, n'est tout de même pas encore la composition elle-même ni son commencement. Avant le désir, au commencement même de toute nouvelle 'création musicale tiré du néant', il y a souvent une vision ou une image, et c'est cette vision ou image qui évoque en nous son expression propre dans 'notre' musique. Nous pouvons choisir de l'incarner dans une composition musicale, ou non.
Par exemple, chez un ami compositeur qui m'est cher, la vision ou l'image de 'nuit' est devenue la source de ce qui plus tard prit la forme d'une composition intitulée 'Musique de nuit'. Cette vision lui était particulière et pouvait être partagée avec autrui en partie seulement (mais avec quelques auditeurs eux-mêmes près de sa vision, de manière plus complète). Pour cette vision, les émotions, l'intelligence, l'expertise professionnelle, l'expérience du compositeur, son désir même d'entendre la vision transposée en sons, ne sont que les serviteurs et les instruments, tout autant que le violoncelliste et le violoncelle qui jouent la composition en concert.
Cette musique particulière me rappelle des promenades nocturnes d'enfance à travers des forêts. Elle me rappelle aussi une description des forêts de l'Angleterre au temps du roi Arthur et de Merlin (sixième siècle ap. JC) par C. S. Lewis, ces anciennes forets avec 'un murmure de sons fuyants, le bruissement de souris et d'hermines, le croassement saccadé de grenouilles, le bruit sec de noisettes qui tombent, le craquement des branches, le clapotis de petits ruisseaux, la croissance même de l'herbe.' Ainsi, dans mon imagination la musique qui incarne fidèlement la vision du compositeur relie le compositeur, moi-même, un écrivain avec une vision ou image similaire, et même des temps et des lieux inaccessibles autrement. On voit bien cette cohérence des mots écrits sur papier; pour le compositeur cette cohérence est inhérente dans la musique, notre moyen béni d'exprimer ce qui est à un niveau autre que les mots - la vision ou l'image elle-même dans toute sa réalité saisissante.
Cette vision ou image peut être évoquée par des scènes du monde concret autour de nous. Après beaucoup d'efforts de ma part afin de bien maîtriser la composition musicale en mouvement continue, mon professeur utilisa le mot 'enjoué' pour décrire ce qui manquait. Soudain ce mot évoqua en moi l'image de la lumière brillante du soleil dansant sur les ondes d'un étang. Cette image était pour moi l'évidence de la créativité de notre Seigneur le Créateur Lui-même - comme celle d'un enfant, badine. C'est une créativité infiniment joyeuse qui aime simplement la variété au milieu de l'homogénéité, le mouvement au milieu du repos, homogène sur le fond mais comportant toujours des variantes. De cette vision heureuse prit forme une Barcarolle (musique de gondole vénitienne) que je compte parmi mes meilleures pièces à ce jour, et qui résolut mon problème de composition musicale en mouvement continue. Maintenant je sue ce qui me fallait, 'pas pour l'avoir entendu de mes oreilles' mais pour ainsi dire en ayant touché le vêtement de notre Seigneur, d'une manière vivante.
Cette vision peut être le résultat aussi d'une expérience qui se distingue de la vision que nous apporte nos yeux corporels. C'est la vision intérieure grandiose de notre Seigneur Lui-même qui inspira la symphonie 'Des voix du vent enflammé' composée par mon cher professeur. Elle était fondée sur des passages des Écritures, en particulier du livre d'Ézéchiel. C'était une composition d'un impact étourdissant justement proposé pour le Prix Pulitzer de 1981[3]. Il s'agit d'une vision intérieure ou la réalisation de la signification glorieuse de notre héritage en tant que croyants - l'héritage du royaume et la domination sur tous les œuvres de notre Seigneur, auxquels participent tous ceux qui craignent son Saint Nom, que je reçu en lisant le Psaume 61 immédiatement après avoir été introduite a une partie particulière de notre héritage musical. Cela abouti à ma composition 'Méditation sur Psaume 61.'
L'auteure chrétienne Dorothy L. Sayers a dit:
Ensuite Sayers compare, de manière tout à fait approprié, l'activité créatrice de l'artiste à la manière avec laquelle Dieu Lui-même crée. Dieu crée par le biais du Christ son Fils qui 'est l'éclat de sa gloire et l'image exacte de sa Personne (Hébreux 1: 3).
En général, l'image initie notre travail créatif, tout comme le Christ pour le Père, c'est le 'premier-né' de notre création. Par cette image nos créations, comme la création de Dieu en Christ, peuvent avoir une cohérence. (Colossiens 1:15-17). Il est vrai que quelques compositeurs en produisant leurs ouvrages vont au-delà de l'image initiale; d'autres images ou modèles de son naissent dans leurs esprits et forment la composition en cours de rédaction. Nous devons nous rappeler que Dieu, bien entendu, connaît à fond chaque détail de Sa création 'dès le commencement du monde' (Actes 15:18), tandis que nous qui ne sommes pas Dieu mais ses créatures ne voyons nos créations qu'étape par étape tandis que nous y persévérons (Proverbes 4:12, Proverbes 20: 24, 2Corinthiens 3: 5). Néanmoins, comme l'œuvre complète doit posséder de son authenticité intérieure. Il doit être cohérent pour satisfaire, et d'autres images ou modèles de son qui arrivent pendant le cours de la composition ne seront pas nécessairement incompatibles avec l'image initiale. Elles se lient plutôt à l'image initiale et à l'ouvrage complète comme le jeune plant et le jeune arbre sont en rapport au gland et au chêne mature. Enfin, et c'est bien important, il y a un sens d'émerveillement et un mystère inhérents à la musique qui ne peuvent être exprimés dans le langage ordinaire de manière précise et complète, ni par le compositeur ni par l'auditeur, et qui affectent notre expérience directement.
Sayers note que
Nous les chrétiens, nous devons 'accomplir notre salut avec crainte et tremblement' pendant que Dieu accomplit son bon plaisir en nous au moyen de nos compositions (Philippiens 2:12-13). Oui, nous pouvons et nous devons apprendre de nos prédécesseurs en musique, en 'examinant toutes choses et en conservant ce qui est bon' en elles (1 Thessaloniciens 5:21). Mais nous ne devons pas être intimidés ou imiter leurs techniques, leurs innovations ou leur style comme des esclaves, de manière mécanique. Leurs ouvrages font aussi partie de notre héritage glorieux dans le Seigneur, et Il nous en a donné la domination.
Ceci implique que notre héritage musical ne nous est pas donné uniquement pour notre plaisir passif, pour la consommation. Dans notre génération, cette attitude passive de consommateur vis-à-vis la musique semble être particulièrement répandue et nocive pour nos sensibilités et goûts musicaux. Nous devons aussi être profondément concernés au sujet de véritables excès de musique. La musique est devenue un 'bruit de fond' presque inévitable et contribue une partie de la 'pollution par bruit' générale de l'environnement urbain (et rural aussi). Par son ubiquité même et par sa quantité, et c'est vrai de la musique moderne dure et sensuelle' que pour la musique 'néo-traditionelle' plus douce, nous ont rendus de plus en plus incapables d'apprécier la musique plus profonde (pour la nommer ainsi), une musique qui ne sert pas de drogue, de stimulant ou de soporifique, mais plutôt d'une saveur de la vie à la vie.
Nous qui portons la responsabilité de ne pas être seulement des consommateurs de musique, mais tout d'abord celle d'être des 'producteurs' ou des compositeurs sommes appelés à écrire 'notre' musique. 'Notre' musique, c'est la musique qui fait part de notre personnalité unique et individuelle en tant que fils et filles uniques et individuels de notre Père - Créateur qui nous prédestine pour des places uniques et particulières dans le Corps (1 Corinthiens 12). La gloire de nos individualités uniques reflète la gloire ineffable de Sa créativité prodigieuse et pleine de joie. Vous comprenez, je ne pense pas a une 'originalité' ou 'qualité unique' produite de manière artificiel pour nos propres buts. Non, je pense plutôt à l'originalité et aux qualités uniques données par Dieu - à nos identités créées - que nous ne pouvons nous empêcher d'être et d'exprimer. La Bible elle-même, inspirée sans erreur par un seul Esprit Saint, de la Genèse à l'Apocalypse, mais écrite par beaucoup d'hommes de Dieu uniques et différents dans leurs propres styles différents, témoigne de cette vérité. Un triste résultat de notre musique contemporaine 'orientée vers le consommation' et produite en masse pour le 'marché chrétien,' c'est qu'elle s'adresse en général aux niveaux plus ou moins médiocres, imitatifs et superficiels des masses aperçues par les producteurs, les compositeurs et les éditeurs. Toutefois, il y a quelques hommes et femmes d'entre nous - peut-être plus que nous ne le pensons - qui ont soif d'une 'chant nouveau du Seigneur' (au SEIGNEUR, pas au goût éphémère du moment). Ah! que la qualité de nos compositions musicales - et de nos préférences d'audition - puissent honorer et glorifier notre Seigneur!
Louons donc le Dieu Vivant selon sa grandeur excellente au son de la trompette, le chalumeau et la harpe, avec le tambourin et la dance, avec les instruments à corde et les orgues, sur les cymbales retentissantes.' (Psaume 150) en révérence, fidélité et joie.
[1]- Publié auparavant dans Creation Social Sciences and Humanities Quarterly Vol V, No. 4 "Music Composition: Preliminary Remarks From the Biblical Creation Perspective.", (pp.11-14). Traduction: Ellen Myers & Paul Gosselin.
[2]- À partir de rien. Ndt.
[3]- Pour tout détail concernant le coût des cassettes de cette symphonie, contacter
Dr. Mays c/o College of Fine Arts, Department of Musicology, Wichita State University, Wichita, KS 67208
[4]- Dorothy L. Sayers, Christian Letters to a Post-Christian World. edited and introduced by Roderick Jellema (Wm.B. Eerdmans Publishing Co., Grand Rapids, Ml 1969), 77.
[5]- Ibid.