par H. R. Rookmaaker
Cornerstone Books, Westchester, IL 60153, 1981.
compte rendu par Ellen Myers[1]
Le Dr. Francis A. Schaeffer recommande ce livre de la manière suivante: 'Ces essais représentent la meilleure pensée chrétienne au sujet de l'art et de la créativité. Jusqu'à sa mort récente, le Dr. Rookmaaker a été connu comme un érudit de plus haut calibre et un chrétien profondément engagé.' Le Dr. Rookmaker a été professeur d'histoire d'art à l'Université Libre d'Amsterdam aux Pays-Bas, jusqu'à sa mort prématurée en mars 1977. Il est aussi l'auteur des livres 'L'art moderne et la mort d'une culture[2].' (Modern Art and the Death of a Culture), L'artiste comme prophète (The Artist as a Prophet), et d'un petit volume qui est un développement d'un chapitre du livre 'Le don de créativité (The Creative Gift) et vaut bien la peine d'être lu, 'L'art n'a pas besoin d'être justifié'.
Ceux qui partagent une interprétation littérale de la création biblique du livre de la Gènèse se réjouiront des mots merveilleux chantés par les anciens et les créatures à notre Seigneur à la fin du quatrième chapitre de l'Apocalypse: 'Tu as créé toutes choses, et c'est par ta volonté qu'elles existent et qu'elles ont été créées' Ainsi nous nous réjouissons de la thèse initiale de Rookmaaker que ce verset même de la Bible nous donne la fondation de la sagesse et du travail:
Pour Rookmaaker, et pour nous qui savons que 'la vie éternelle, c'est qu'ils te connaissent, toi, le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus-Christ' (Jean 17: 3); c'est ici le centre de l'histoire et la promesse sûre de la victoire finale. Voici la raison pourquoi chacun d'entre nous, comme l'exprime très bien Rookmaaker,
Après cette introduction glorieuse, Rookmaaker poursuit en discutant de notre vocation dans le monde présent. Il considère trois aspects: être chrétien dans un monde déchu; la liberté dans un cadre; et enfin, ce que Rookmaaker appelle partager l'Évangile de manière créative. Dans le contexte d'une implication active ou d'un appui indirecte aux arts par le chrétien, les deux premiers aspects sont les plus importants, et nous les examinerons plus en détail (mais cela n'implique pas que le troisième aspect soit moins important ou ne comporte rien d'intérêt pour le chrétien réfléchissant sur les arts).
Les chrétiens sont appelés a être 'le sel dans un monde déchu.'
Rookmaaker commence son étude de l'histoire avec la Création et la Chute, moment où 'la création a été soumise à la vanité, - non de son gré, mais à cause de celui qui l'y a soumise' (Romains 8: 20). Pourtant 'le mandat culturel que toute l'humanité devait développer et utiliser ce monde demeure en force. Dieu ne révoque ni ses plans, ni sa création; Il continue sa grande œuvre de restauration.' À travers l'histoire, les hommes ont choisi d'accomplir ce mandat soit en tant qu'imitateurs autonomes, fiers et sans loi, à l'exemple de Caïn et de Lamech, ou encore en tant que des enfants de Dieu obéissants, à l'exemple de la ligne de Seth et d'Énoch. Bien que toute l'activité humaine soit infectée du péché, et tandis que les œuvres des incroyants peuvent être, sur le plan individuel ou technique, dépasser ceux des chrétiens, les chrétiens sont appelés a être 'le sel dans un monde déchu.'
Un point très important souligné par Rookmaaker est que les incroyants n'ont pas de fondement pour l'unité parmi eux tandis que les chrétiens ont un tel fondement dans 'la communauté des saints' centrée en Christ et procédant de Lui. La science tout autant que l'art était (et est) "un fruit du christianisme qui voyait la nature séparée du Dieu qui l'avait créée, et par conséquent ouverte à l'exploration."(23) Parce que nous avons un Dieu qui transcende le monde, puisqu'Il crée à partir de rien, nous, contrairement aux incroyants, avons un univers ouvert où le renouveau réel est possible et en effet fait partie de toute la réalité. "Au dix-septième siècle, lorsqu'il y avait un consensus chrétien, l'art en Europe du nord atteignit un sommet qui n'a jamais été surpassé,' parce que ce concept de la création biblique était compris clairement et largement partagé."(23)
La vie nouvelle en Christ restaure notre possibilité de vivre de manière créative
Christ notre Rédempteur ne restaure non seulement nos âmes pour l'éternité mais aussi, pour le croyant, les relations brisées dans le monde présent, un monde crée. Maintenant 'l'aliénation n'est plus nécessaire. Le contact avec la réalité à un niveau profond fait partie de la vie du chrétien. Il entre dans la réalité au lieu de s'en échapper. La fuite de la réalité est une marque d'un mysticisme oriental et classique et non pas du christianisme.' Ainsi la vie nouvelle en Christ nous permet à nouveau de vivre de manière créative 'avec les talents que nous avons reçus - chanter, peindre, bâtir, ou diriger un ménage. Mais pour ériger un bâtiment qui est autre chose que du foin ou de la paille, il faut que nous laissions Christ produire le fruit de l'Esprit dans nos vies. Voici la signification d'être vraiment humain.'(68)
Quant à une création particulière comme une invention ou une œuvre d'art, il n'y a pas de différence fondamentale par rapport à la créativité humaine en général. La Bible nous donne un exemple dans l'œuvre de Bezalel et Aholiab en Exode 31 (69). Rookmaaker fait alors une déclaration qu'il faut méditer en toute sa profondeur:
"La créativité en tous les sens spécifiques ne vient pas d'elle-même. L'inspiration est nécessaire. ... Sans inspiration la créativité devient une chasse continuelle de trouver quelque chose de nouveau. ... Ce don ne vient jamais de manière automatique, bien qu'il soit offert à l'incroyant sans qu'il l'ait cherché."
Ce don est offert car Dieu pense qu'une certaines choses sont nécessaire pour Sa création, pour bénir les hommes, les femmes, les enfants, et les animaux. ... Il ne faut pas que nous songions seulement à l'oeuvre de l'artiste.(voir Jonas 4:11) Nous pouvons aussi inclure les travaux des inventeurs. C'est frappant combien de fois ces hommes décrivent comme une solution cherchée depuis longtemps les a surpris, par une inspiration extérieure, dans un moment soudain de clarté. Il y a de l'évidence de direction remarquable dans leurs recherches. R. E. D. Clark ... cite des hommes comme Helmholz, Faraday, et Gauss. Ce dernier affirma que c'était bien lui-même qui acheva de certains résultats, mais il ne peut pas expliquer comment.
... sans Dieu, sans Christ, sans l'Esprit, notre travail manque d'objectif clair. Il devient inerte et froid. Cela se voit dans l'autobiographie de Darwin, ou il décrit comme il aimait la poésie et la musique quand il était jeune, mais qu'en vieillissant il ne peut plus les supporter'...Il note que la perte de son goût pour les arts a affecté son bonheur et a certainement affaibli sa vie émotive.(70, 71)
Rookmaker démontre avec beauté et rigueur non seulement que la liberté de l'artiste est nécessaire, mais aussi que 'nous ne pouvons jamais créer d'une manière seulement individualiste... La liberté ne veut jamais dire une liberté sans restrictions aucune, où le péché peut s'introduire... (73, 74)' Il dit que tous les voies de la créativité humaine ('cultiver des bulbes, dessiner une nouvelle voiture, construire un ordinateur, etc.') appartiennent à la culture chrétienne, et 'ne sont pas des procédés mécaniques; nous pourrions les décrire mieux en termes organiques comme le fait la Bible.' Un chapitre entier, 'Autorité et dérèglement' est consacré à clarifier davantage la perspective chrétienne sur ce sujet.
Les chrétiens se demandent souvent si la consécration d'une vie aux arts n'est réellement qu'un passe-temps pécheresse et hédoniste puisqu'elle 'ne fait rien d'autre que d'apporter du plaisir.' Voici la réponse de Rookmaaker à cette question:
"L'art n'est pas une religion ni une activité reléguée à quelques hommes choisis, ni encore une affaire mondaine inutile. Aucune de ces perspectives de l'art n'estime de manière approprié la créativité que Dieu a donné à l'homme. L'art est la capacité de faire quelque chose de beau (et aussi utile), tout comme Dieu qui fit le monde beau et déclara, 'Il est bon.' Comme tel, l'art n'a nullement besoin d'être justifié, plutôt il demande une réponse, comme celle des vingt-quatre anciens de l'Apocalypse qui adorent Dieu pour l'acte même de création ... La justification suprême pour toute la création est que Dieu l'a voulue... Si nous ne pouvons admettre cela, nous ne sommes pas loin d'accepter des théories matérialistes et évolutionnistes qui sont toutes fondées sur des présupposés fonctionnalistes...
De la même manière, l'art n'a pas besoin d'être justifié. Il est plein de sens en lui-même, pas seulement en tant qu'instrument évangélisation ou pour servir à un quelconque but pratique, ou didactique. L'art doit être libre, libre de la politique (et on peut inclure ici les question de politique ecclésiastique); libre des traditions du passé; libre de la mode du présent; libre du jugement de l'avenir; et libre de nos besoins économiques et sociaux. ... Christ mourut pour restaurer notre humanité, et pour donner sens à la création de Dieu ... la vie entière est chrétienne à moins que nous ne fassions Christ très petit.
Mais si l'art n'a pas besoin de justification, il n'en suit pas que l'art puisse être de 'l'art pour l'art même[3]'... Rien n'est complètement autonome ... Plus que l'art s'engage dans la réalité, et plus concrets que soient ses maintes relations avec notre vie quotidienne, plus nous allons reconnaître qu'il n'a pas besoin de justification." (113, 114, 115)
Dans sa 'Lettre à un artiste chrétien', Rookmaaker explore plus en détail les tâches et le sens de l'art. Le passage joyeux qui suit nous bénit en particulier:
L'art a accompli son devoir quand il apporte à notre prochain des choses de beauté, une joie à jamais. L'art a des relations directes avec la vie, la vie de tous les jours, la joie, la profondeur de l'existence humaine, simplement en étant simplement de l'art... C'est ainsi car le Dieu qui créa la possibilité de l'art et mit la beauté dans sa création. Il est le Dieu des vivants et veut que l'homme vive. Dieu est le Dieu de la Vie, le Donneur de la Vie. (120)
Si je devais choisir un seul passage du livre entier pour l'apprendre par coeur, je choisirait celui-là.
Quel beau livre, inspiré par les Écritures, fondé sur la création biblique, et complètement édifiant! Nous le recommandons de tout cœur à tous nos lecteurs.
Un extrait d'une allocution sur le sujet des attitudes négatives des chrétiens sur les arts (fichier MP3; anglais, 300K)
[1]- paru dans CSSH Quarterly vol. 5,no. 4 (Summer 1983), p. 22-24) Traduit par Ellen Myers et Paul Gosselin
[2]- NdT: Ce volume est le seul des ouvrages de Rookmaaker à ma connaissance existant en français. L'art moderne et la mort d'une culture. Ligue pour la lecture de la bible 1974 Guebwiller, France 284 p.
[3]- NdT: "Art for art's sake" en anglais.