Paul Gosselin
J'ai jamais eu l'habitude d'aller régulièrement au théâtre. Trop snob, trop cher... Mais depuis que j'ai commencé la rédaction d'un livre sur les attitudes culturelles des évangéliques, les questions artistiques m'intéressent plus.
Enfin, il y a pas longtemps j'ai vu une pub pour une pièce de théatre, Le Visteur par Éric-Emmanuel Schmitt présenté au théâtre de la Bordée. Le synopsis indique:
"Vienne 1938: les nazis ont envahi l'Autriche et persécutent les juifs. Par optimisme, Sigmund Freud ne veut pas encore partir: mais en ce soir d'avril, la Gestapo emmène Anna, sa fille, pour l'intérroger. Freud, désepéré, reçoit alors une étrange visite. Un homme apparaît dans on bureau de travail et tiens d'incroyables discours. Qui est-il ? Un fou ? Un magicien ? Un rêve de Freud ? Une projection de son inconscient ? Ou bien est-il vraiment celui qu'il prétend être: Dieu lui-même ?"
Ce synopsis me pique, mais on peut tourner la chose de bien des manières. Nos élites "politically correct" présentent rarement la vision du monde judéo-chrétienne de manière très objective ou favorable. Il faut, présenter les chrétiens, soit en fanatiques ou en illuminés un peu aliénés. Tout autre nuance serait inutile. Difficile de deviner comment ça peut tourner. Pour me fixer, j'appel un ami chrétien qui écrit des pièces de théatre et on y va ensemble.
J'y suis allé. J'ai bien aimé. Et évangélique que je suis, il y aurait peu de choses que j'aurais exprimées différemment si je l'avais écrit moi-même. A priori, ça vise un auditoire intello (Freud est un personnage principal), mais en fait n'importe qui qui s'intéresse aux Grandes Questions de la vie (et tôt ou tard on est tous philosophes) peut y assister avec plaisir. Les dialogues sont bons (et piquants). Le texte est riche et il faut constamment garder l'attention, tout comme lors d'un spectacle de Sol (monologuiste québécois). "Dieu" n'a pas l'air d'un imbécile ni d'un sadique non plus. C'est un Dieu fantaisiste et ironique, avec des tours dans son sac. Une telle pièce aurait pu être écrit par un évangélique, mais je n'ai pas de raison de croire que Schmitt est un évangélique. Parfois dans nos milieux évangéliques on se contente de choses si mal écrites au niveau du théâtre et si prévisibles qu'un enfant de dix ans peut prévoir ce qui se passera dans les 3 dernières scènes après avoir vu le premier. Du "Pablum" pour l'esprit (et aussi intéressant à regarder)...
La pièce, telle que jouée au Québec, comporte une ironie, car Jean-Louis Roux joue le rôle de Sigmund Freud, un psy juif pourchassé par les nazis, et pourtant Roux, dans les années 30, jeune étudiant, fut un moment sympathisant nazi. Étrange ironie. Pour ceux qui iront le voir le Visiteur il y a une petite "passe" vers la fin qui contient une allégorie à mon sens. Si vous ne le découvrez pas, laissez-moi savoir. Si vous y assistez pas, pensez pas me le demander... Certes l'épisode est étrange, quasi-oedipal. Le moins qu'on puisse dire, il n'est pas raté comme élément de fin !
janvier 2000
Le Visiteur - Eric-Emmanuel-Schmitt - Le site officiel