Bonjour Monsieur GOSSELIN,
Je vais tenter de répondre à tous vos arguments. Oui, je suis "d'accord avec la perspective des Jésuites sur léducation! (Apparemment Ignace de Loyola aurait dit : " Donnez-moi un enfant jusqu'à sept ans, je vous donne le reste. ". Mais pas tout à fait d'accord, surtout de nos jours et en Occident, où de plus en plus de croyants se sont affranchis, comme moi, des influences religieuses qu'ils ont subies, et ont pris des "positions en rupture radicale avec cette éducation religieuse". J'y reviendrai car vous y revenez aussi plus loin.
Ce n'est que très partiellement à partir de mon expérience religieuse, d'ailleurs assez courte, que j'ai pris conscience de l'importance de l'éducation religieuse.
Voici d'ailleurs la question que je viens de poser, pour la forme !, à Mgr André LEONARD, via un mail à l'archevêché de Malines-Bruxelles :
« Les quatre frères LEONARD, tous prêtres !
Preuve flagrante de la toute puissance d'une éducation religieuse !.
Dès 1966, le psychologue-chanoine Antoine VERGOTE (UCL), a montré qu'en l'absence d'éducation religieuse, la foi n'apparaît PAS spontanément, et que la religiosité à l'âge adulte en dépend. Or chez un enfant de 2 ou 3 ans, les amygdales (du cerveau émotionnel) sont déjà capables de stocker des souvenirs inconscients (donc notamment ceux des prières, des cérémonies, des comportements religieux des parents, .).
Ces « traces » neuronales, renforcées par la « plasticité synaptique », sont indélébiles .
L'IRM fonctionnelle confirme que le cortex préfrontal et donc aussi bien l'esprit critique que le libre arbitre ultérieurs s'en trouvent anesthésiés à des degrés divers, indépendamment de l'intelligence et de l'intellect, du moins dès qu'il est question de religion.
L'archevêque LEONARD en est-il conscient ?
A quand un enseignement pluraliste, objectif et non prosélyte, qui permettrait de choisir de croire OU de ne pas croire? Cela compenserait l'influence familiale, certes légitime et constitutionnelle, mais unilatérale, communautariste et donc peu ouverte à la différence enrichissante de l'autre.
M. THYS Waterloo »
Etant protestant, je pensais, dans ma candeur juvénile de l'époque, être du bon côté de la barrière dogmatique. J'ai réalisé ensuite que les protestants, malgré la libre interprétation de la bible, n'en restent pas incités à un dialogue avec « Dieu », ce qui implique une certaine soumission.
Dès 24 ans, l'idée que l'on puisse être jugé par « Dieu » plutôt que par sa conscience m'a semblé inacceptable.
L'homme n'est que très peu « libre de ses gestes et attitudes », en tout cas beaucoup moins qu'il ne le pense (il y a de nombreux déterminismes : génétiques, liés au sexe, hormonaux, éducatifs, religieux, politiques, culturels, nos lectures, .)
Vous aurez lu ce qu'en pensait Henri LABORIT (Je suis effrayé par tous les automatismes qu'ils est possible de créer à son insu dans le système nerveux d'un enfants, . » Mais l'homme reste évidemment capable, dans une mesure très variable il est vrai, de réagir à l'environnement dans lequel il baigne, par« épigenèse ».
Je pense donc que, surtout, « la perspective d'un individu est déterminée par son éducation familiale ». En témoignent même les francs-maçons « réguliers », c'est-à-dire théistes ou déistes, surtout anglo-saxons, tous chrétiens. Ils imposent hélas de « croire en Dieu et en l'immortalité de l'âme » et observent aussi un respect total de la Tradition. Ils ne reconnaissent même pas comme maçons ceux des « obédiences libérales ».
Les francs-maçons a-dogmatiques, au contraire (dont je suis, mais je m'exprime évidemment toujours à titre personnel), estiment au contraire que chacun doit se forger ses « vérités », personnelles, partielles et provisoires, au contact de celles des autres.
Mon parcours initiatique de 40 ans a d'ailleurs été une perpétuelle remise en question de mes points de vue (je n'ai jamais eu de certitudes), mais pour que je puisse changer radicalement d'avis, il aurait fallu que surviennent de réels éléments nouveaux, que je continue pourtant à rechercher, notamment via ce genre de dialogue.
« Le déterminisme de l'éducation du milieu familial » est évidemment applicable à TOUS les comportements, et donc pas seulement à ceux que j'estime « défavorables ».
Je suis loin d' « avoir vidé mon sac » et encore moins de vouloir gagner ou perdre la discussion. Au début de chaque échange de vues, je précise chaque fois que le but n'est pas de chercher à se convaincre mutuellement, ou d' avoir raison, mais de mieux connaître et comprendre nos positions respectives. Mais il va de soi que vient un moment où, malgré certains points communs, les pierres d'achoppement sont évidentes et suffisamment éclairées, et où l'on se répète. Nous en approchons, me semble-t-il.
Il n'est pas question d' « aboutir en toute logique à l'exclusion du contrôle parental sur les enfants », mais seulement d'essayer de faire prendre conscience aux parents de leur responsabilité morale. Mais comme ils ont le droit constitutionnel d'imposer affectivement leur religion à leurs enfants, il importe, selon moi, que l'école compense cette influence unilatérale puisqu'elle favorise le communautarisme identitaire.
Soit dit en passant, on pourrait reprocher aux parents incroyants d'influence aussi leurs enfants. Certes, mais pas de manière affective, puisque l'athéisme de ces derniers est naturel en l'absence d'influences religieuses et d'inquiétudes métaphysiques illusoires (péchés, culpabilité, jugement dernier, au-delà, .). Les parents incroyants n'imposent pas la soumission, mais développent au contraire l'autonomie, l'esprit critique à tous égards, le doute systématique, l'ouverture à l'autre, etc .
Le système éducatif idéal serait, à mes yeux, celui où les parents et les enseignants coopéreraient dans l'intérêt de l'enfant, au lieu de se renvoyer la balle, comme actuellement.
Tout endoctrinement, qu'il soit politique, religieux ou laïque, est condamnable. Ce dernier a parfois eu lieu jadis, lorsque le dogmatisme et le cléricalisme étaient tout puissants, ce qui a même donné lieu par réaction à de rares conversions, mais de nos jours il est devenu rarissime.
« La perspective d'un individu » n'est « fixée entre 0 et 15 ans », et même à vie que chez les musulmans et certains juifs. A un degré moindre chez les catholiques et les protestants, sauf s'ils sont fondamentalistes (lefebvristes ou évangéliques, par exemple).
Dans tous mes textes, j'écris que l'éducation religieuse laisse des traces neuronales indélébiles dans le cerveau émotionnel, MAIS que « le cortex préfrontal et donc aussi l'esprit critique et le libre arbitre ultérieurs s'en trouvent anesthésiés A DES DEGRES DIVERS, indépendamment de l'intelligence et de l'intellect, du moins dès qu'il est question de religion ». Je ne mets donc pas tous les croyants dans le même sac.
Il n'est pas « hypocrite » de ma part de « parler de liberté de choix » tout en contestant par ailleurs la liberté individuelle. Du fait des déterminismes, je l'ai dit, la part de liberté individuelle est limitée. C'est pourquoi je parle toujours de « pouvoir choisir AUSSI LIBREMENT QUE POSSIBLE et aussi tard que possible de croire ou de ne pas croire ».
Le problème vient de ce qu'actuellement, les dés sont pipés dès le départ lorsqu'il y a eu une éducation religieuse, et c'est pourquoi on ne peut que tenter d'en atténuer l'influence. C'est hélas impensable suite à une éducation coranique, puisque, du moins à ma connaissance, même les intellectuels musulmans les plus progressistes et modernistes ne deviennent jamais athées ou agnostiques. D'autant moins que dans cette religion,l'apostasie est punie de mort. Peut-être y en aura-t-il un jour très lointain, après avoir pris conscience qu'Allah n'existe que dans le coran, dans la charia et qu'on en a abusivement imprégné leur cerveau.
Vous écrivez
> « Et toute cette logique vous conduit en "bonne compagnie",
> avec les Nazis (je n'apprécie pas la majuscule !) par exemple et leur
> jeunesse hitlérienne ou encore avec les communistes sous Staline qui
> agissaient de même. Eux-aussi (je conteste le AUSSI ! : c'est insultant pour
> la laïcité philosophique) bafouaient les droits des parents et exploitaient
> lÉtat et les écoles afin dendoctriner les enfants. Sous Staline, les
> enfants étaient surveillés à lécole et si on détectaient quils avaient
> absorbés à la maison des croyances religieuses " rétrogrades
> ", on pouvaient leur faire des menaces pour les faire abjurer, sinon les
> enlever de manière permanente à leurs parents pour les confier à des
> orphélinats gérés par lÉtat si bienveillantS Sous lempire Ottoman, lÉtat
> agissait de même. Au Moyen ge les Ottomans avaient lhabitude denlever des
> enfants de familles Orthodoxes pour en faire les Janissaires , les
> super-soldats musulmans. Sauf qu'il faut nuancer, car votre stratégie semble
> plus astucieuse que celle des Ottomans, car tandis quelle laisse aux
> parents la tâche de torcher les fesses de leurs enfants, ramasser le vomi,
> payer les comptes et préparer leurs repas, par ailleurs elle leur ôte le
> droit de transmettre leurs convictions. C'est le meilleur des mondes! »
===> Pourquoi persistez-vous à mettre dans le même sac le prétendu athéisme » idéologico-politique des nazis et des soviétiques, et la laïcité philosophique ? Ce n'est vraiment pas un argument ! Il va de soi que celle-ci ne cherche pas à empêcher la croyance religieuse, et encore moins à l'extirper de force comme l'ont fait les soviétiques. La laïcité philosophique n'a aucune « stratégie », mais elle doit se défendre contre le prosélytisme religieux.
Qu'elle soit politique ou philosophique, la laïcité ne cherche pas à « ôter le droit des parents de transmettre leurs convictions ». Elle souhaite seulement les inciter à ne pas influencer leurs enfants au point de nuire à leur futur libre arbitre, et donc s'ouvrir eux-mêmes à l'existence d'autres conceptions philosophiques existant dans le pays. Ils ont certes le droit de le refuser, mais pas de contester celui de l'Etat de vouloir favoriser, sans prosélytisme aucun, cette ouverture d'esprit, dans l'intérêt d'un meilleur vivre ensemble.
Les francs-maçons conçoivent l'élitisme, non pas comme provenant d'un quelconque sentiment de supériorité, mais de leur souci de n'accepter par cooptation parmi eux que des hommes et des femmes dont ils ont pu apprécier les qualités morales et humaines, et qui souhaitent édifier, dans la tolérance et la fraternité et par la méthode symbolique, leur « vérité » personnelle à partir de celle des autres, travailler à leur perfectionnement individuel et contribuer, à leur mesure, au progrès de l'humanité. Il s'agit donc d'un élitisme plus moral qu'intellectuel ou autre.
La « hiérarchie » n'est qu'administrative, pour permettre le bon déroulement des Travaux, et sans aucune « soumission », la liberté de pensée et d'expression y étant totale.
Mais il s'agit de sociétés humaines où l'on constate parfois une certaine « rubanite », et où persistent des Obédiences encore majoritairement dogmatiques, parce qu'anglo-saxonnes, où « l'illumination vient d'en haut ».
Certes, notre époque se caractérise notamment par une mondialisation économique et un individualisme forcenés, mais la « pensée unique », due à une absence croissante d'esprit critique, n'est pas, à mon sens, du côté des «élites», mais des populations, de plus en plus aliénées aux mêmes medias.
C'est à cause du « pari de PASCAL qu'il y a des athées qui, au terme de leur vie, deviennent « croyants », ou encore, parce qu'à l'article de la mort, des traces d'influences religieuses précoces, enfouies dans leur inconscient limbique, remontent à la surface. N'a-t-on pas vu un vieil Irlandais délirer en gaélique, langue qu'il avait oubliée depuis 80 ans ?
Désolé, mais, bien que défendant l'athéisme, Anthony FLEW a pu être influencé religieusement, son père étant ministre méthodiste. Il estime entre autre, que l'impossibilité de fournir une théorie naturaliste à l'origine de l'ADN de la première espèce capable de se reproduire constitue un argument susceptible de lui faire croire en Dieu. Mais, aussi éminent philosophe soit-il, je pense qu'il n'a pas pris conscience de l'influence que des centaines de millions d'années a eue sur l'évolution, et encore moins des observations psychoneurophysiologiques relatives à l'origine et à la persistance de la foi.
Il est d'ailleurs sensible à l'argument téléologique, fondé sur l'ordre apparent de la nature, alors que celui-ci est aussi le résultat d'une infinité d'adaptations.
Cet argument est finaliste est normal de la part d'un déiste, mais anthropomorphique .
Quand il dit que sa « découverte du divin fut un pèlerinage de raison et non de foi », donne-t-il des détails ? Bref, au premier abord, son argumentation me paraît assez subjective.
Vous dites : « Le christianisme nous affirme que nous sommes faits à limage de Dieu et que le sacrifice de son Fils à la croix a brisé les chaînes de tous nos déterminismes et de nos assujettissements ».
===> C'est une affirmation évidemment sincère mais gratuite, fondée sur le préjugé de l'existence de « Dieu », et donc impossible à prendre en considération par un athée, de même que tous les textes dits « sacrés ».
A propos de l'allusion à Paul de Tarse, je vous suggère de lire en pièce jointe ce qu'en dit le Dictionnaire rationaliste, que je ne considère pas pour autant comme « parole d'évangile ».
Bien à vous,
Michel THYS
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