Didier Gasser
Albert Einstein. Une personne énigmatique sur certains côtés, mais un savant à l'origine de la théorie de la relativité. Dans les milieux chrétiens, on peu parfois rencontrer quelques unes de ses citations révélant son côté croyant, comme par exemple :
"Albert Einstein (1879-1955) disait: "Je crois en un Dieu personnel et je peux dire en toute bonne conscience que jamais je n'ai eu une attitude athée devant la vie. Etudiant, déjà, je considérais les théories de Darwin, Haeckel et Huxley, comme tout à fait dépassées. L'évolution va toujours plus loin, non seulement dans la technique, mais aussi dans la science...//... . Je suis Juif, mais l'image rayonnante du Nazaréen a une influence puissante sur moi." À la question de savoir s'il acceptait l'existence historique de Christ, il répondit: "Sans doute. Personne ne peut lire les évangiles sans éprouver la présence réelle de Jésus. Sa personnalité ressort de chaque mot.". (D'ASTIER DE LA VIGERIE ; 2007)
Il existe aussi la même citation que ci-dessus, mais plus complète :
“ Quelques déclarations du Prof. Einstein: En 1950, il a déclaré: "La pensée que je suis un athée repose sur une erreur manifeste: Celui qui veut le déduire de mes recherches scientifiques, n'a pas compris ces dernières. Je crois en un Dieu personnel et je peux dire en toute bonne conscience que jamais je n'ai eu une attitude athée devant la vie. Etudiant déjà, je considérais les théories de Darwin, Haeckel et Huxley comme tout à fait dépassées. L'évolution va toujours plus loin, non seulement dans la technique, mais aussi dans la science. On peut dire de la plupart des hommes se vouant à l'étude des sciences naturelles qu'ils s'accordent pour reconnaître que la religion et la science ne sont pas opposées l'une à l'autre.".
Dans une interview avec un journaliste, il dit: "Enfant, j'ai reçu une instruction tant biblique que talmudique. Je suis Juif, mais l'image rayonnante du Nazaréen a une influence puissante sur moi.". À la question de savoir s'il acceptait l'existence historique de Christ, il répondit: "Sans doute. Personne ne peut lire les évangiles sans éprouver la présence réelle de Jésus. Sa personnalité ressort de chaque mot."[1] ”.
Ces citations sont intéressantes, mais il est dommage que des personnes puissent les mentionner sans donner les références, voire sans en vérifier l'origine. Alors que faire lorsque nous avons accès à une citation contradictoire telle que celle-ci (DUKAS et HOFFMAN ; ?). :
"Ce que vous avez lu sur mes convictions religieuses était un mensonge, bien sûr, un mensonge qui est répété systématiquement. Je ne crois pas en un Dieu personnel et je n'ai jamais dit le contraire de cela, je l'ai plutôt exprimé clairement. S'il y a quelque chose en moi que l'on puisse appeler "religieux" ce serait alors mon admiration sans bornes pour les structures de l'univers pour autant que notre science puisse le révéler."
En consultant plusieurs ouvrages pour cette étude (ils sont mentionnés à la fin), on peut constater qu'Albert Einstein semblait avoir de la peine à croire, voire ne croyait pas en un Dieu personnel, à la liberté de choix de l'être humain, et en un Dieu omniscient, le tout comme enseigné dans la Bible. Par contre il n'était pas non plus athée comme nous allons le voir plus loin. On peut aussi constater chez lui une grande sincérité et une grande humilité dans les propos qu'il tenait.
Il est vrai que les deux citations mentionnées au début sont absentes de la plupart des ouvrages consultés ; mais à part la référence indiquée la troisième ne se trouve nulle part !
Albert Einstein était de nature plutôt déterministe quant à sa foi. Ceci transparaît dans la citation suivante. “ Une jeune élève de 6ème année posa la question à Einstein à savoir si les scientifiques priaient et, si oui, pour obtenir quoi ? (EINSTEIN ; Jan. 24, 1936)
"J'ai essayé, dit Einstein, de répondre à votre question le plus simplement possible. Voilà ce que cela donne : la recherche scientifique est fondée sur l'idée que tout ce qui existe est déterminé par les lois de la nature, y compris, bien sûr, les actes des humains. Pour cette raison, le chercheur scientifique sera difficilement enclin à croire qu'une prière puisse influer sur les événements par un simple vœu adressé à un être surnaturel.
Il faut reconnaître, toutefois, que notre connaissance actuelle de ces lois est fragmentaire et imparfaite et que, d'une certaine manière, cette croyance en l'existence de lois fondamentales régissant la nature repose, elle aussi, sur une manière de foi. Il n'en reste pas moins que cette foi est largement justifiée par les succès de la recherche scientifique. D'autre part, tout individu réellement passionné par l'évolution de la science est convaincu de la présence d'un esprit derrière les lois de l'univers, un Esprit bien supérieur à celui de l'homme, et devant lequel on doit se montrer fort humble." ”..
Pour revenir, du moins en partie, aux deux premières citations de cet article. C'est juste après ces 50 ans dans les années 30 (et non dans les années 50 comme certains le mentionnent), qu'Albert Einstein a donné un interview remarquable qui l'a le plus révélé sur sa pensée religieuse. C'était avec George Sylvester Viereck, né en Allemagne et émigré aux Etats-Unis étant enfant. L'interview s'est passé dans l'appartement d'Einstein à Berlin. Par la suite, George Sylvester Viereck est devenu un sympathisant nazi, puis de retour aux Etats-Unis y a fait la propagande de l'Allemagne.
C'est là qu'Albert Einstein a répondu à ces question, notamment à quel point il a été influencé par la chrétienté (VIERECK ; Oct. 26, 1929).: "Enfant, j'ai reçu une instruction tant biblique que talmudique. Je suis Juif, mais l'image rayonnante du Nazaréen a une influence puissante sur moi.", et s'il acceptait l'existence historique de Jésus : "Sans doute. Personne ne peut lire les évangiles sans éprouver la présence réelle de Jésus. Sa personnalité ressort de chaque mot". Dans le même interview, à la question s'il croyait en Dieu, il répondit : "Je ne suis pas un athée. Le problème en question est trop vaste pour notre pensée limitée. Nous sommes dans la position d'un petit enfant qui entre dans une immense librairie remplie de livres écrits en de nombreuses langues. L'enfant sait que quelqu'un a dû écrire ces livres. Il ne sait pas comment. Il ne comprend pas les langages dans lesquels ils sont écrits. L'enfant suspecte vaguement un ordre mystérieux dans l'arrangement des livres mais ne sait pas ce que c'est. Là, il me semble, est l'attitude même de la plupart des êtres humains intelligents envers Dieu. Nous voyons l'univers arrangé merveilleusement et obéissant à certaines lois, mais ne comprenons seulement que vaguement ces lois."
Par ailleurs, Albert Einstein n'a jamais senti la nécessité de dénigrer ceux qui croient en Dieu, il avait plutôt tendance à dénigrer les athées comme dans les citations suivantes (ISAACSON; 2007) :
"Ce qui me sépare de la plupart de ceux ainsi appelés athées, c'est le 'sentiment dune humilité totale devant les secrets inaccessibles de l'harmonie du cosmos.". Plus loin il ajoute : “ Les athées fanatiques sont comme des esclaves qui sentent toujours le poids de leurs chaînes qu'ils ont rejetées après une lutte acharnée. Ce sont des créatures qui – dans leur rancune contre la religion traditionnelle comme “ opium du peuple ” - ne peuvent pas entendre la musique des sphères célestes. ”.
On peut constater, en étudiant Albert Einstein, qu'il ne répondait pas de façon précise aux questions directes savoir s'il croyait en Dieu ; ce qui déroutait plus d'un, d'où peut-être que certains ont voulu faire dire à cet homme des choses qu'il n'a pas dites. D'ailleurs il n'est pas étonnant que des agnostiques, voire des athées n'ont pas l'honnêteté de mentionner ce qui va à l'encontre de leurs convictions.
À un autre moment, dans la petite ville de Princeton sauf erreur, Albert Einstein avait un voisin. Ce voisin était un prêtre Dominicain (les Dominicains sont un ordre dans l'église catholique) qui en outre s'intéressait à la Science ; son nom était R.-L. Bruckberger. Il eu l'opportunité d'avoir une entrevue avec le savant. Dans sa description de l'entretien, il mentionne une question qu'il avait posée à Albert Einstein, question posée par Paul Valéry avant lui : "Mais qu'est-ce qui me prouve qu'il y a de l'unité dans la nature ?". Einstein répondit : "C'est un acte de foi !".
Plus loin R.-L. Bruckberger mentionne l'énumération des mystères de la foi catholique, dont la Trinité, l'Incarnation de la Parole créatrice, la conception virginale de Jésus-Christ, la résurrection de la chair, en demandant à Einstein ce qu'il en pense. Celui-ci de répondre : «Nous sommes au milieu de l'échelle. Nous ne sommes pas au plus bas, puisque nous avons émergé de l'animalité. Mais nous sommes loin d'être au sommet de l'échelle. Il y a beaucoup plus intelligent que nous. Nous ne pouvons fixer aucune limite aux virtualités de la matière. Encore moins pouvons-nous en fixer au pouvoir de l'esprit. D'ailleurs comment séparer la matière de l'esprit ? Tous ces mystères dont vous me parlez n'ont pour moi rien d'absurde et ils sont beaucoup plus que des symboles. Ce sont sans doute des réalités, mais infiniment plus chargées de sens que nous ne pouvons l'imaginer. Ce n'est que plus tard, à la fin des temps, que nous pourrons, sinon comprendre, du moins vivre peut-être leur éblouissement.»
Enfin, par souci de respect pour les origines du savant, R.-L. Bruckberger
pose la question : «Pour vous, quelle est l'essence de la religion d'Israël
?». Il s'attendait à une réponse que bien des rabbins
lui avaient faite : «C'est la religion de la Loi donnée par Dieu
à son peuple !». Mais Albert Einstein répondit avec une
gravité presque solennelle (BRUCKBERGER ; 1986): «C'est la religion
de la vie !»..
- ANATOLIA ; 2000 ; Albert Einstein, Pensées intimes ; Editions du Rocher.
- AUFFRAY Jean-Paul ; 2005 ; Comment je suis devenu Einstein, La véritable histoire de E=mc2 ; Editions Carnot.
- BALIBAR Françoise ; 1993 ; Einstein, La joie de la pensée ; Editions Gallimard.
- BRUCKBERGER R-L. ; 1986 ; Au diable le Père Bruck, l'Amérique 1950-1958 ; Editions Plon ; Paris.
- DE CLOSETS François ; 2004 ; Ne dites pas à Dieu ce qu'il doit faire ; Editions du Seuil.
- DUKAS Helen et HOFFMAN Banesh ; ? ; Albert Einstein / 1879-1955 / "Albert Einstein : le côté humain" ; lettre éditée du 24 mars 1954.
- DÜRRENMATT Friedrich ; 1982 ; Albert Einstein ; Editions de l'Aire.
- EINSTEIN ; Jan. 24, 1936 ; Einstein to Phyllis Wright ; AEA 52-337.
- FRANK Philippe; 1968 ; Einstein, sa vie et son temps ; Editions Albin Michel.
- GREIF Jean-Jacques ; 2005 ; Einstein, l'homme qui chevauchait la lumière ; Editions L'Archipel.
- GRIBLIN Jean-François; 1984 ; Einstein ; Editions Mengès .
- HOFFMANN Banesh ; 1975 ; Albert Einstein, Créateur et Rebelle ; Editions du Seuil.
- ISAACSON Walter ; 2007 ; Einstein ; His Life and Universe ; Editions Simon & Schuster.
- KLIMAS, Liz; 2015; Einstein’s Personal Letters Reveal How He Felt About God. The Blaze (June 11)
- MARIANOFF et WAYNE ; 1951 ; Einstein dans l'intimité ; Editions Jeheber.
- MERLEAU-PONTY Jacques ; 1993 ; Einstein ; Editions Flammarion (col. Figures de la science).
- SCHWARZENBACH Alexis ; 2005 ; Le Génie Dédaigné, Albert Einstein & la Suisse ; Editions Metropolis.
- VIERECK ; Oct. 26, 1929 ; Viereck a premièrement publié
l'interview dans : “ What Life Means to Einstein. ”, Saturday
Evening Post ; 372-378. Ces citations ont été généralement
tirées de traduction et paraphrase dans : Brian 2005 ; 185-186 et dans
Calaprice. Voir aussi : Jammer 1999 ; 22
Remerciements à Monique Stajessi, à mes parents (Marguerite
et Marcel), à mes enfants (Laure-Aimée Sarah, Daniel, Mathias
et son foyer), au pasteur Steve Emmet, et à l'association Au Commencement
pour leur aide matérielle, morale et spirituelle.
[1] - Tiré d'une brochure intitulée "Shalom ... Un message de paix par le moyen des timbres-poste d'Israël.