Paul Gosselin (1987)
Si nous nous référons à l'histoire de science, la science moderne est apparue en Europe dans un contexte, soit aux 16e et 17e siècles, où christianisme était la vision du monde dominante, pénétrant tous aspects de la vie et de la culture[1]. Non seulement l'antagonisme proverbial entre science et religion n'existait pas[2], mais à cette époque la recherche scientifique elle-même était conçue (par la majorité des scientifiques) comme une tâche religieuse, un moyen de comprendre la sagesse de Dieu manifesté dans la création et comme un moyen d'adorer Dieu. Discutant cette attitude chez les Puritains, R.K. Merton remarque:
Cette attitude vis-à-vis la science n'était pas, cependant, particulière aux protestants, mais était partagé (avec certaines variations) par d'autres scientifiques et mathématiciens du temps tel que Galilée, Descartes, Pascal et le Père Mersennes. Merton précise par ailleurs qu'au dix-septième siècle un grand nombre de mathématiciens et scientifiques de renommés étaient membres du clergé. Merton note aussi des scientifiques laïques de la trempe de Boyle, Nehemiah Grew et Isaac Newton avaient tous un intérêt ardent aux questions théologiques et religieuses[4].
Prenant ces faits en considération, il ne faut donc pas s'étonner aujourd'hui de l'état incomplet (en termes idéologiques) de la science, puisqu'à sa naissance la science était entièrement intégrée au système religieux dominant de cette période: le christianisme. Il y a bonnes raisons de croire qu'à cette époque la science fonctionnait en quelque sorte comme une sous-cosmologie[5], une sous-cosmologie orientée spécifiquement vers l'étude systématique du monde physique et dotée d'une certaine technologie méthodologique. Dans ce contexte, le christianisme fournissait le 'reste' du sens, une cosmologie englobante, nécessaire aux gens de tous temps. Ce 'reste' de sens fourni par le christianisme incluait, entre autres, des prescriptions et interdictions touchant les domaines de la moralité, la sexualité, l'éthique commerciale, la cosmologie générale, l'eschatologie, etc.
Mettant ces considérations de coté pour un moment, il faut souligner que la prise de conscience des aspects métaphysiques ou cosmologiques de la science[6] a eu des répercussions bien au-delà du domaine de la philosophie de science. Cette prise de conscience des aspects métaphysiques de la science a eu un impact important sur le débat sur la rationalité qui a lieu actuellement dans l'anthropologie anglo-saxonne, où l'on tente d'explorer, entre autres, ce que signifie la distinction entre pensée scientifique et pensée pré- (ou non-) scientifique Est-ce que cette distinction est significative ?" Comme nous le verrons ci-dessous, les divers positions à l'égard de origine de la science jouent un rôle important dans la formation d'attitudes et déterminent les positions adoptées par la suite dans le débat sur la rationalité et plus spécifiquement sur la question d'accepter ou rejeter la distinction entre pensée scientifique et non-scientifique.
Étant donnée la dette dûe par un nombre de participants éminents dans le débat sur rationalité aux travaux de Karl R. Popper, il faut rendre compte brièvement sa contribution. Dans un article intitulé Back to the Presocratics[7] (pp.136-165) Popper a postulé, comme l'ont fait la majorité des philosophes et historiens de la science, que l'Occident doit son héritage scientifique aux philosophes de la Grèce antique. D'après celui-ci, la a plus grande contribution des Grecs a été d'établir une tradition de discussions critiques qui rendit possible la relativisation des croyances religieuses contemporaines et de nombreuses innovations sur le plan cosmologique[8].
Dans un article fascinant par Robin Horton[9] nous trouvons une première exploration des parallèles et discontinuités entre pensée scientifique et non-scientifique (plus spécifiquement, la pensée traditionnelle Africaine). Horton souligne le fait que les cosmologies africaines proposent (ou présupposent), tout comme le font les théories scientifiques modernes, un certain nombre de croyances avec lesquelles il est possible d'explorer et mettre de l'ordre dans les données provenant du monde qui nous entoure et aussi que les deux systèmes font également usage d'analogies ou de métaphores. Horton est d'avis que la différence entre pensée scientifique et non-scientifique africaine est due aux circonstances 'ouvertes' ou 'fermées'[10] (concepts empruntés de Popper) des sociétés en question. Horton remarque qu'une sociétés caractérisée (au moins jusqu'à un certain point) par la pensée scientifique implique une situation 'ouverte', c'est-à-dire que la population en général est consciente de l'existence de plus d'une cosmologie ou vision du monde. Par contre, les sociétés traditionnelles (ou 'fermées') impliquent des situations où il y a aucune sensibilité développée d'alternatives cosmologiques et ces sociétés sont habituellement caractérisées par une seule cosmologie ou vision du monde. Horton croit que la présence d'alternatives cosmologiques est un facteur crucial pour la naissance de la science permettant, à la longue, le développement d'attitudes critiques vis-à-vis les conceptions religieuses de l'époque. Dans une situation 'fermée' les gens ont tendance à accepter la vision du monde dominante simplement parce qu'ils ne disposent pas de visions du monde alternatives avec lesquelles ils pourraient développer une position critique. Le scientifique, cependant, est capable d'aller au-delà des perceptions du sens commun du fait qu'il a accès à plus d'une cosmologie.
Un certain nombre de critiques ont été émises vis-à-vis l'approche de Horton touchant les origines de science et la distinction science \ non-science. Ernst Gellner (1973), par exemple, remarque que le 'pauvre sauvage' vivant dans une société monolithique, sans accès à des cosmologies alternatives et sans contact avec d'autres sociétés (ayant des cosmologies différentes), est pratiquement inexistant. Par ailleurs, l'accès à des alternatives cosmologiques ne résulte pas automatiquement dans le développement d'une science de type occidental. Gellner note[11] que bon nombre de sociétés traditionnelles transcendent leurs conceptions du monde habituelles simplement par l'addition syncrétique de croyances provenant d'autres cosmologies. Rien n'est éliminé, tout est compatible. Ainsi, une situation où le pluralisme cosmologique est un fait établi n'a, en soi, rien de 'moderne' ou de 'scientifique' et ne sera pas nécessairement la cause du développement d'une tradition critique tel que requis par Popper et Horton. Examinant une autre question, Paul K. Feyerabend exprime des doutes sur le 'scepticisme essentiel' qui, d'après Horton est le trait distinctif de la science. Le scientifique moyen, d'après Feyerabend[12], a une attitude beaucoup plus fermée que l'ont croît communément . Tout comme le 'primitif', le scientifique moyen réduit le scepticisme au un minimum puisqu'il...
"...est dirigé contre les conceptions de l'opposition et contre les ramifications mineures des idées fondamentales, mais jamais contre les idées fondamentales elles-mêmes. Attaquer les idées fondamentales [du scientifique - PG] provoque des réactions de tabou qui ne sont pas plus faibles que celles des sociétés dites primitives " [13]
Poursuivant cette question, le scientifique moyen, sur-spécialisé, faisant la recherche normale (à la Kuhn), travail à l'intérieur d'un seul paradigme (souvent sans idée de théories alternatives), bien que tous admettent ceci constitue encore de la science! Dans La raison graphique: la domestication de la pensée sauvage, Jack Goody a porté son attention sur des problèmes discutés initialement par Horton. Goody, en accord avec Gellner, constate que la présence de cosmologies alternatives dans une société n'est pas une condition suffisante pour le développement de science, encore moins une condition contraignante. Goody, comme le fait Horton, prend le point de vue standard de la tradition critique à l'origine de science, mais en considérant les faiblesses de l'hypothèse du pluralisme cosmologique, Goody émet l'hypothèse que l'introduction de l'écriture a été d'une importance cruciale en permettant l'accumulation de pensées critiques et d'alternatives cosmologiques. L'écriture, d'après Goody, fournit alors les conditions nécessaires à l'établissement de la tradition critique, ce qui, à son tour, est une condition élémentaire pour la naissance de science. Mais pourquoi porter autant d'attention à l'écriture ? Goody répond:
"(...) quand un énoncé est mis par écrit il peut être examiné bien plus en détail, pris comme un tout ou décomposé en éléments, manipulé en tous sens, extait ou non de son contexte. Autrement dit, il peut être soumis à un tout autre type d'analyse et de critique qu'un énoncé purement verbal. Le discours ne dépend plus d'une "circonstance"; il devient intemporel. Il n'est plus solidaire d'une personne; mis sur le papier, il devient plus abstrait, plus dépersonnalisé.[14]"
Goody réalise, cependant, la difficulté d'établir une dichotomie radicale entre sociétés avec ou sans écriture, une dichotomie qui à elle seule rendrait compte du développement de la science[15], mais il reste convaincu que, dans une large mesure, la science occidentale doit son développement à l'écriture. Ironiquement, des données ethnographiques non seulement connues de Goody mais publiées par lui qui contredisent l'idée qui l'écriture constitue une condition déterminante pour le développement de la science. Dans Literacy in Traditional Societies, Goody (pp.11-16) et d'autres auteurs citent de nombreux exemples de sociétés où existe l'écriture, mais où rien ne permet de croire que quelque chose ressemblant à science occidentale soit sur le point d'apparaître. L'exemple tibétain[16] frappe particulièrement. L'écriture y est limitée à des emplois religieux et l'impression de textes y est associée à l'accumulation d'un capital spirituel.
L'écriture constitue forcément une des conditions nécessaires pour le développement de la science, mais, et en accord avec Kathleen Gough[17], il faut insister sur le fait que diverses données ethnographiques infirment l'idée que l'écriture pourrait être considérée, par elle-même, un facteur causal ou contraignant. Si nous voulons atteindre une compréhension adéquate du développement de la science nous devons regarder ailleurs, en considérant les effets inhibants et stimulants que peuvent avoir les présupposés cosmologiques pour la compréhension et l'exploration du monde physique qui nous entoure.
En anthropologie, de manière générale, on s'intéresse assez peu à l'origine de la science et des effets que peuvent avoir certains présupposés cosmologiques sur son développement. Cependant il faut tout de même indiquer que certains auteurs comme Beals, Beals et Hoijer ont malgré tout effleuré la question.
"L'idée d'un ordre naturel, un présupposé fondamental de la méthode scientifique, est probablement essentiel à la majorité des interprétations religieuses de la nature de choses, mais il est affaibli par le postulat de l'existence de divinités ou d'esprits malveillants capables de surir le lait, ruiner les récoltes ou d'envoyer la peste sans motif particulier. Les individus qui croient qu'à tout moment ils peuvent être l'objet de malheurs inévitables et inexplicables ne bénéficieront certainement pas de la confiance et de la sécurité dont jouissent ceux-là qui vivent dans un monde paisible gardé par des divinités bienveillants et prévisibles.[18]"
Auparavant nous avons noté un certain lien existant entre la science (lors de sa naissance) et le christianisme. S'agit-il simplement d'un élément anecdotique ou d'un détail insignifiant parmi tant d'autres dans l'histoire de science ou, plutôt, pourrait il être l'évidence d'un rapport plus profond ? Venant de part et d'autres, divers travaux de recherche donnent maintenant à penser que le rapport est tout autre que superficiel. Faisant écho à Beals et Hoijer, Sir Vincent Wigglesworth (prof de biologie à Cambridge) observe que la science exige une forme de foi:
But what is "known" in science? The philosophical answer is: "nothing". What a scientist means when he says that something is known, is merely that he has recognized certain consistencies in the sequence of events which lend plausibility to the idea that certain causes are at work, and the observed consistencies suggest that the phenomena follow certain laws. This is well recognized as a religious approach; it rests upon an unquestioning faith that natural phenomena conform to "laws of nature" whose origins are pressed back into the innermost recesses of our consciousness.[18a]
Dans un essai publié initialement en 1925, Alfred North Whitehead, un mathématicien anglais, a fait les remarques suivantes touchant les origines de science.
"Je ne pense pas, cependant, avoir mis en évidence la plus grande contribution du moyen âge au développement du mouvement scientifique. Il s'agit de la croyance profondément enracinée que le moindre événement peut être mis en relation avec ses antécédents d'une manière parfaitement définie, révélant des principes généraux. Si on élimine cette croyance les travaux incroyables des scientifiques seraient futiles. C'est cette conviction instinctive, maintenu précisément devant l'esprit, qui est le puissant motif de recherche: "Il y a un secret qui peut être dévoilé". Comment se fait-il que cette conviction ait été imprimée de manière si vive sur l'esprit collectif européen ? Quand nous comparons l'attitude de la pensée européenne avec l'attitude d'autres civilisations lorsque laissées à elles-mêmes, il semble qu'elle ne peut avoir qu'une source. Elle doit tirer sa source de l'insistance médiévale sur la rationalité de Dieu, conçu avec l'énergie personnelle de Yahvé et la rationalité d'un philosophe Grec. Chaque détail était surveillé et ordonné: les recherches sur le monde naturel pourraient seulement résulter dans la justification de la foi dans rationalité. Il faut se rappeler que je ne parle pas des croyances explicites d'un petit groupe d'individus. Ce dont il est question ici est l'impression laissée sur l'esprit européen par une foi millénaire. J'entends par ceci une tournure instinctive de la pensée et non pas un credo composé de lettres mortes.
Les conceptions de Dieu proposés en Asie étaient d'un être ou bien trop arbitraire ou trop impersonnel pour que telles idées ait eu un impact sur les habitudes instinctives de l'esprit. Tout incident particulier pourrait être dû à la volonté d'un despote irrationnel ou pourrait émaner d'une origine des choses impersonnelle et mystérieuse. On n'y retrouvait pas la même confiance comme dans le cas d'un être personnel rationnel et intelligent..[19]"
Aussi curieux que cela puisse sembler, le rapport 'plus profond' entre les origines de la science et le christianisme s'établit par l'intermédiaire d'éléments métaphysiques empruntés à la cosmologie judéo-chrétienne et qui constituèrent avec le temps le 'noyau dur' de la science, son idéo-logique[20] (implicite) en quelque sorte. Pour être plus précis, il s'agit de l'ensemble de croyances désigné maintenant par le terme réalisme scientifique. Comme le souligne ici Leatherdale, ce réalisme peut être relié à un certain nombre d'éléments métaphysiques centraux de la cosmologie judéo-chrétienne.
"Une croyance dans la certitude de science était sans doute soutenu par la croyance dans un univers structuré et ordonné par Dieu. Nous voyons cela dans la croyance de Descartes que Dieu ne saurait tromper l'homme, en relation à connaissance empirique, et, par exemple, dans la croyance de Newton et certes de toute la tendance déiste de la pensée du siècle des Lumières, d'un univers ordonné conçu par Dieu qui pouvait être compris par la raison humaine. C'est grâce à la connaissance d'un ordre crée par Dieu, donc de choses réelles, que la raison humaine devait vaincre. L'ordre de choses peut être connu avec certitude, et la raison conduit à la certitude, et donc au véritable. Cette conviction ne s'est que peu érodée même avec l'avènement de "l'hypotheticalism", et, dans certains secteurs, par une sensibilité accrue vis-à-vis la nature métaphorique ou analogique de la nouvelle philosophie.[21]"
Pierre Thuiller, par exemple, expose comment l'oeuvre de Newton s'érigea sur ces présupposés:
"Avec le temps, la physique de Newton est apparue comme le modèle d'une oeuvre vraiment scientifique, détachée des spéculations métaphysiques ou religieuses. Mais en fait Newton s'appuyait sur des convictions chrétiennes; il rattachait l'ordre du monde à l'intelligence du Créateur. La deuxième édition des Principes mathématiques de la philosophie naturelle est explicite: " Cet admirable arrangement du soleil, des planètes et des comètes ne peut être que l'ouvrage d'un Etre tout-puissant et intelligent. (...) Cet être infini gouverne tout, non pas comme l'âme du monde, mais comme le Seigneur de toutes choses. (...) Il est présent partout, non seulement virtuellement, mais substantiellement "."[22]
Discutant de la pensée de Galilée, Stanley Jaki met en évidence le fait que sur le plan historique l'élaboration de certains présupposés de la cosmologie judéo-chrétienne rendirent possible le réalisme scientifique:
"Le monde naturel, ici, représente Dieu, bien sûr non pas dans un sens matériel, mais dans le sens rendu possible par la croyance que cette nature était le travail et symbole fidèle d'un Être Suprême des plus raisonnables. Donc la nature, tout comme son Fabricant, ne peut qu'être stable et pénétrée partout de la même loi et logique. De la permanence et universalité de l'ordre du monde il s'en suit, par exemple, que les mêmes lois du mouvement étaient postulées pour la terre et les corps célestes (contre la métaphysique d'Aristote - P.G.). Il en découle aussi que les phénomènes qui surviennent de manière cyclique, tel que les marées, aussi déroutants qu'ils puissent paraître, ne devraient pas être attribuées à une cause miraculeuse. La conséquence la plus importante de la permanence et de l'universalité de l'ordre du monde, ancré dans la notion chrétienne du Créateur, est l'aptitude de l'esprit humain d'étudier cet ordre. Une telle conséquence était inévitable que si la nature et l'esprit humain étaient tous deux produits par le même Créateur. Pour ce qui est de l'esprit humain, Galilée énonçait, de manière énergique, qu'il était un "oeuvre de Dieu et des plus excellents". Un survol rapide des divers accomplissements intellectuels de l'homme, qui mettent fin au Premier Jour, servait précisément pour Galilée de preuve d'une telle conclusion, dont l'inspiration théologique est évidente.[23]"
L'historien américain, Lynn White[24], mets en évidence certains aspects de la cosmologie judéo-chrétienne qui eurent un effet positif sur le développement rapide de la technologie en Occident.
"En 1956 Robert Forbes de Leyden et Samuel Sambursky de Jérusalem indiquèrent simultanément que le christianisme, en détruisant l'animisme classique, fit intervenir un changement fondamental dans l'attitude vis-à-vis les objets naturels et rendit possible leur emploi pour des fins humaines en éliminant les tabous. Les saints, anges et démons étaient bien réels pour le Chrétien, mais le 'genuis loci', l'esprit habitant un endroit ou objet, n'était plus présent et il n'était plus nécessaire de le craindre si on dérangeait ces lieux.[25]"
Un autre chercheur apportant un support, quelque peu inattendu il faut l'avouer, à l'idée du lien entre la cosmologie judéo-chrétienne et le réalisme scientifique est Joseph Needham, un historien marxiste qui s'est particulièrement intéressé au développement de la science et de la technologie en Chine (ancienne et contemporaine). Needham, bien qu'il soit d'avis que les facteurs environnementaux et socio-économiques eurent un rôle prédominant (voir Needham 1969: 150) dans le non-développement d'une science théorique en Chine (l'inévitable 'détermination en dernière instance de ...'), les faits semblent le forcer hors du cadre théorique (marxiste) orthodoxe pour envisager les effets de certains présupposés métaphysiques sur les origines de la science. Needham note:
Needham, dans la discussion qui suit sur la notion de Dieu dans la cosmologie chinoise, expose au moins un obstacle au développement du réalisme scientifique chez les Chinois:
On rencontre, à divers endroits dans la Bible, le concept que le Créateur impose ses lois sur la Création (concept désacralisé et parasité par les Lumières pour devenir lois de la nature...). Voici quelques exemples:
Et dès le 5e siècle, dans son Cité de Dieu, Augustin d'Hippone mettait en évidence le concept d'une nature soumise à des lois décrétées par le Créateur:
Qu'y a-t-il de mieux réglé par l'auteur de la nature que le cours des astres? qu'y a-t-il au monde qui soit établi sur des lois plus fixes et plus immuables? Et toutefois, quand celui qui gouverne ses créatures avec un empire absolu l'a jugé convenable, une étoile, qui est remarquable entre toutes les autres par sa grandeur, par son éclat) a changé de couleur, de grandeur, de figure, et, ce qui est plus étonnant encore, de règle et de loi dans son cours. (Livre XXI, chap. 8)
Et alors si en effet l'homme est fait à l'image de Dieu (doué de raison), il est concevable alors que l'homme puisse découvrir ces lois de la nature. Il y a un autre parallèle christianisme - science qui mérite d'être exploré. Une des plus grandes innovations théologiques de la Réforme a été de mettre la Bible dans la main de tous les laïcs. Chez les Réformés (et chez bon nombre d'évangéliques) il est une tradition d'apporter sa Bible à l'église le dimanche matin. En écoutant le sermon, le fidèle peut, s'il le trouve pertinent, vérifier directement les dires du prêtre ou du pasteur dans sa Bible et ainsi déterminer s'ils sont crédibles ou nonn[28]. Chez les chrétiens de la Réforme, donc, la Bible constitue donc, une autorité épistémologique suprême. Même si le dirigeant jouit de la plus haute réputation spirituelle et ecclésiastique, son autorité est toujours sujette à examen et à censure s'il se fonde sur autre chose que les Saintes Écritures. En procédant ainsi, les réformés ont établi un standard par lequel tout discours théologique ou expérience religieuse peut être jugé. Il y a un parallèle fort intéressant du côté scientifique. En science, on peut produire une profusion de théories, mais il y a aussi une autorité épistémologique ultime, un standard. Il s'agit de la réalité. L'empirisme prend ces racines dans l'établissement d'un tel standard. Si une théorie scientifique n'explique pas ou ne nous donne pas des outils pour comprendre un aspect de la réalité, elle va à la poubelle. Plus une théorie scientifique explique un grand nombre d'aspects de la réalité, plus elle sera intéressante et riche. Tout comme la Bible sert d'étalon du discours théologique chez le Réformé, la réalité constitue l'étalon du discours scientifique. Tout comme la Bible au niveau théologique, la réalité sert aussi de point de repère auquel tous peuvent avoir accès, sans passer par une autorité ecclésiastique ou philosophique[29] ce qui exige généralement des connaissances linguistiques particulières. Cette attitude a eu l’effet de démocratiser l'étude scientifique et a fourni une poussée énorme à l'expérimentation scientifique.
On ne peut espérer, pour des raisons évidentes, produire dans un article aussi toutes les données historiques nécessaires pour établir de manière irréfutable l'hypothèse de l'origine judéo-chrétienne du réalisme scientifique, mais je crois que les citations produites ci-dessus démontrent au moins qu'il s'agit d'une explication plausible qui mérite d'être prise au sérieux. Le meilleur travail de recherche touchant à cette question qui me soit venu à l'attention jusqu'ici est un volume de Stanley L. Jaki: Creation and Science (1974). Dans cet ouvrage, l'auteur explore plusieurs grandes civilisations antiques, entre autres les Grecs, les Egyptiens, les Babylonniens, les Indiens, les Chinois et les trois grandes civilisations du nouveau monde (en plus d'étudier la science occidentale contemporaine) rendant compte des divers effets qu'eurent leurs cosmologies respectives sur la science de ces peuples. Jaki constate que ce n'est qu'en Occident, là où la notion d'un Dieu créateur transcendant (qui n'est pas limité au monde physique et ses contraintes) et omniscient était devenue une partie intégrante de l'idéo-logique de la culture, qu'une science théorique et expérimentale a pu se développer:
Étant donné qu'il ne serait approprié ici d'enterrer le lecteur sous un déluge de citations provenant des travaux de Jaki, je ne peux que recommander aux curieux et aux sceptiques intéressés par la question des origines de la science occidentale d'y fouiller eux-mêmes. On y trouvera par ailleurs un travail de recherche historique d'une échelle parfaitement monumentale.
L'auteur est d'avis que le débat fondamental engagé par Jaki (et par d'autres à venir ? ) touche le coeur d'un problème capital, bien qu'épineux; les divers systèmes idéologiques religieux du monde sont-ils d'une valeur épistémologique indifférente ou se peut-il que certains se prêtent mieux au développement d'une science empirique que d'autres ? Il est possible d'admettre, grosso modo, qu'une grande variété de systèmes idéologiques-religieux peuvent donner lieu à des sociétés raisonnablement équilibrées, mais les données offertes ci-dessus poussent à croire qu'ils ne peuvent pas tous donner lieu à une science vigoureuse. Paul K. Feyerabend se plaint qu'on proclame trop vite la supériorité de la science occidentale, qu'on devrait laisser développer librement, côte à côte, toutes les traditions (ou cosmologies) de manière à voir si d'autres traditions ne pourraient pas faire "beaucoup mieux"[31]. 'Malheureusement' l'expérience que réclame Feyerabend a déjà (en termes historiques et anthropologiques) eut lieu. Parmi les différents systèmes idéologiques-religieux du monde qui eurent parfois des milliers d'années pour se développer, un seul donna naissance à une science théorique et expérimentale capable d'un développement autonome prolongé.
Les faits qui précèdent mettent quelque peu en doute la version 'standard' de l'origine de la science occidentale véhiculée de manière générale par l'histoire des sciences, attribuant cette origine à divers éléments de la philosophie naturelle des Grecs; de plus un certain nombre de faits (historiques) font problèmes à cette version. Jaki remarque que la version 'standard' des origines de la science manque généralement de signaler que les Grecs eux-mêmes portèrent leur science jusqu'à un certain point seulement, à partir duquel elle fut condamnée à la stagnation et au déclin[32] et que les Grecs d'ailleurs ne portèrent jamais une attention systématique à l'expérimentation. La 'tendance expérimentale' est née et a été popularisée sur une grande échelle seulement dans l'Europe du 17e siècle. Jaki constate également qu'à l'extérieur de l'Occident, par exemple à Byzance, aux Indes, chez les Arabes médiévaux et même chez les Chinois[33], l'arrivée de la science grecque ne provoqua pas la naissance d'une institution sociale indépendante et vigoureuse dont les apports éclipsèrent rapidement ceux des Grecs comme ce fut le cas en Europe aux 17e et 18e siècles. L'hypothèse des origines grecques de la science semble donc un cul-de-sac.
Il s'agit d'un fait curieux, mais si on admet l'hypothèse de l'origine judéo-chrétienne de notre cosmologie scientifique occidentale, cela éclaire considérablement le fait que Popper ait attribué le réalisme scientifique comme tel non pas à la 'tradition critique' grecque, mais au 'common sense'[34]. Ce que Popper néglige de souligner est que le' sens commun' en question ici est le 'sens commun' de l'Occident, un ensemble de croyances et de présupposés qui, au cours des siècles, s'est imprégné de présupposés métaphysiques judéo-chrétiennes. Hors de l'occident les attitudes vis-à-vis le monde (et les idéo-logiques sous-jacentes) étaient incapables de soutenir la confiance que nous vivons dans un monde ordonné et rationnel.
Il se peut que certains se plaindront de la version des origines de la science occidentale offerte ci-dessus, qu'elle ira appuyer les préjugés occidentaux à l'égard de l'infériorité des 'autres', encourageant le paternalisme, voire même le racisme. Qui sait ? Tout est possible. Chose certaine, l'étroitesse d'esprit fera toujours feu de tout bois. Cependant, en regardant cette question avec un peu d'ouverture d'esprit, on peut tirer des conclusions tout autres. Par exemple, en retournant à mes premières impressions des travaux de J. Needham je me rappelle d'avoir été particulièrement impressionné par le niveau avancé de la technologie des chinois médiévaux, dépassant à bien des égards celle existant en Europe à ce moment-là. D'autre part, le contraste assez frappant entre la description donnée par Needham des Européens de l'époque, comme des barbares demi-imbéciles[35] et pas tellement innovateurs eux-mêmes (au moyen âge du moins), mais empruntant des améliorations technologiques et diverses inventions d'un peu partout, et celle qu'il donne de l'ingéniosité des Chinois médiévaux, est telle qu'elle me pousse à la réflexion suivante: Comment se fait-il alors que ces Chinois si ingénieux n'inventèrent pas la science et que ces Occidentaux, l'inventèrent (ou du moins elle prit naissance chez eux) ??
Il semble bien évident que cet événement n'est certainement pas dû à une quelconque supériorité intrinsèque des 'races' occidentales ou des Européens, mais plutôt à une 'coïncidence heureuse' qui fit des occidentaux les héritiers d'une cosmologie encourageant une attitude confiante vis-à-vis l'étude et l'exploration rationnelle du monde. Cette cosmologie, il faut le souligner, n'était pas native à l'Europe, mais avait été colportée du Moyen-Orient. Mais il y a là, un concept que l'esprit de nos élites, assujettis à la pensée du Siècle des Lumières ne pourra jamais considérer, car le système des Lumières est dans son essence une réaction au système judéo-chrétien.
[1]- Le christianisme de cette époque, avait pénétré la plupart des cultures hôte, mais si on évalue les comportements européens en rapport avec les normes bibliques cette 'réussite' semble plus souvent superficielle. Il suffit seulement de penser aux guerres entre 'Chrétiens' et la persécution des Juifs et autres minorités pour s'en rendre compte.
[2]- Dans Scepticism, Theology and the Scientific Revolution in the Seventeenth Century. Richard Popkin démontre bien que cet antagonisme appartient plus à la mythologie positiviste qu'à l'histoire réelle (pp. 1-28 dans Problems in the Philosophy of Science. Lakatos and Musgrave (éds.) North-Holland Amsterdam 1968 448 p., voir surtout pp. 5-7).
[3]- Merton, Robert K. The Sociology of Science. U. of Chicago Presse Chicago 1973 p.232 (traduction de l'auteur)
[4]- Merton note (Ibid. pp.249-250):
"Boyle (who did work in physics and chemistry-P.G.), though he never took orders, was deeply religious: not only did he devote large sums for the translation of the Bible and establish the Boyle lectures in theology, but he learned Greek, Hebrew, Syriac and Chaldee that he might read the Scriptures in the original ! For much the same reason, as he states in his Cosmologica Sacra, Nehemiah Grew, the estimable botanist, studied Hebrew. Napier and Newton assiduously pursued theological studies and for the latter part, science was in part highly valued because it revealed the divine power. Religion, then, was a prime consideration and as such its teachings were endowed with a power that emerges with striking emphasis. There is no need to enter into the motivations of individual scientists in order to trace this influence. It is only maintained that the religious ethic, considered as a social force, so consecrated science as to make it a highly respected and laudable focus of attention."
[5]- Popper, du moins, ne serait guère gêné par une telle affirmation. Un certain temps auparavant il écrivait lui-même (dans une des préfaces à la Logique de la Découverte Scientifique Payot Paris 1973 480 p.):
"Pourtant, je crois personellement qu'il y a au moins un problème philosophique qui intéresse tous les hommes qui pensent. C'est le problème de la cosmologie: le problème de comprendre le monde. Je crois que toute science est cosmologie et, pour moi, l'intérêt de la philosophie aussi bien que de la science, résident uniquemment dans leurs contributions à l'étude du monde." (p. 12)
[6]- Voir Popper, Karl R. La connaissance objective. PUF [Bruxelles] 1972/78 p.50 (dans le contexte de sa discussion du réalisem scientifique), Gilkey, Langdon Religion and the Scientific Future. Harper and Row New York 1970 p.53-54, et Bunge, Mario Les Présupposés et les produits métaphysiques de la science et de la technologie contemporaine. pp.193-206 in Science et Métaphysique. Dockx, Settle, et al. Ed. Beauchesne Paris 1976 254 p.
[7]- Dans Popper, Karl R. Conjectures and Refutations. Routledge & Kegan Paul London 1965 pp.148-151.
[8]- Ibid. pp.148-151
[9]- Horton, Robin "African Traditional Thought and Western Science." in Africa Vol.37 no.1 pp.50-77 1967 Vol.37 no.2 pp.155-187 1967
[10]- En anglais il s'agit des termes "open and closed predicaments".
[11]- Voir Gellner, Ernst The Savage and Modern Mind. pp.162-181 in Horton and Finnegan (éds.) 1973 (p.166-167)
[12]- Feyerabend, Paul K. Contre la méthode. Seuil Paris 1975\ 79 350p. (voir pp. 335-336)
[13]- Ibid. p. 298
[14]- Goody, Jack La raison graphique: la domestication de la pensée sauvage. Éditions de minuit Paris 1977/79 p. 96
[15]- Ibid. pp.106-107.
[16]- Goody, Jack (éd.) Literacy in Traditional Societies. 1968 (voir pp.15-16)
[17]- Gough remarque:
"Ma discussion d'alphabétisation dans le Kerala traditionnelle tend ainsi porter dehors conclusions atteint d'une considération générale de Chine et Inde. (...) L'alphabétisation est pour la la plupart un permettant plutôt qu'un facteur causal, fabrication possible le développement de structures politiques complexes, raisonnement syllogistique , enquêtes scientifiques, conceptions linéaires de réalité, spécialisations érudites, élaboration artistique, et peut-être certaines sortes d'individualisme et d'aliénation." (traduction de l'auteur, p.153)
dans Kathleen Gough Literacy in Kerala 1968 pp.130-160 in Goody, J. op. cit. À ce sujet on pourrait aussi consulter un article intéressant par Ruth Finnegan; Literacy versus Non-Literacy: The Great Divide. (in Horton, Robin and Finnegan, R. éds. Modes of Thought Faber and Faber London 1973 399p.)
[18]- Beals, Beals and Hoijer (éds.) An Introduction to Anthropology. 1977 p. 492 (traduction de l'auteur)
[18a]- Sir Vincent B. Wigglesworth The Control of Form in The Living Body. 1977 p. 252 (in the Encyclopedia of Ignorance, Ronald Duncan and Miranda Weston-Smith (eds.), Pergamon Press
[19]- Citation de Alfred N. Whitehead, Science and the Modern World. Free Press New York 1967 pp.12-13 (traduction de l'auteur) Immédiatement après cette phrase Whitehead 'atténue' ces affirmations en laissant planer un doute sur l'idée que la logique de la théologie judéo-chrétienne pouvait justifier la foi dans un monde ordonné et intelligible. Il est un peu difficile de déterminer ce qu'il veut dire au juste par ceci étant donné que ses propres affirmations (dans la citation) rendent très bien compte de l'intelligibilité de la nature en fonction de l'intelligibilité du Créateur... à moins de considérer la notion d'un Dieu omniscient et omnipotent comme étrangère à la cosmologie judéo-chrétienne ! Il semble que cette intèrrogation soit surtout une concession au positivisme régnant. Whitehead ne prend d'ailleurs même pas la peine de la justifier, du moins dans la dissertation sous la considération.
[20]- Ce concept a été développé par un anthropologue, Marc Augé. L'idéo-logique n'est pas un ensemble de discours explicites sur un sujet donné, mais elle constitue plutôt une syntaxe conceptuelle (variable d'une culture à une autre) à partir de laquelle peuvent se formuler diverses idéologies. Augé remarque: (1975: XX)
"L'idéo-logique ne constitue pas la somme des discours que pourrait tenir la société la plus avertie, le mieux initié de ses membres: elle est la structure fondamentale (la logique syntaxique) de tous les discours possibles dans une société donnée. C'est dire que tous la respectent ou plus exactement s'y réfèrent, même ceux qui essaient de manipuler ou de détourner les règles officielles de l'ordre social."
in Augé Théorie des pouvoirs et idéologie: étude de cas en Côte d'Ivoire. Hermann Paris 1975 440 p.
[21]- Leatherdale, The Role of Analogy, Model and Metaphor in Science. North-Holland Amsterdam 1974 pp. 231-232
[22]- Thuiller, Pierre Jeux et enjeux de la science: Essai d'épistémologie critique. 1972 pp. 46-47
[23]- Cité dans Jaki, Stanley L. Science and Creation. Academic Press New York 1974 p. 278
[24]- Connu en bonne partie pour ses recherches incriminant la vision du monde chrétienne en rapport avec les problèmes écologiques de l'Occident.
[25]- White, Lynn Medieval Religion and Technology. U. of California Press Berkeley 1978 p. 237
[26]- Needham, Joseph La science chinoise et l'Occident (Le grand titrage). Seuil Paris 1969/73 p. 32
[27]- Ibid. p. 251. Voir aussi Jaki, Stanley L. op. cit. p. 41
[28]- Les juifs de Bérée, de l'Église primitive, sont cités en exemple (Actes 17: 10-11) car ils vérifièrent les paroles de l'apôtre Paul afin de s'assurer qu'elles étaient fondées dans les Écritures.
[29]- Platon ou Aristote par ex.
[30]- Jaki, Stanley L. op. cit. p. VIII
[31]- Feyerabend, Paul K. Science in a Free Society. NLB London 1978 p. 106-107. Il est difficile à déterminer ce que Feyerabend entends ici par "faire beaucoup mieux". Est-ce que nous devrions prendre cela dans des termes spéculatif\ moraux, technologiques ou théoriques ? Feyerabend ne le dit pas.
[32]- Pour plus d'information sur cette question voir Jaki The Role of Faith in Physics. in Zygon Vol. 2 no. 2 1967 p. 195, Jaki op. cit. p.102-137, id. The Road of Science and the Ways to God. U. of Chicago Press Chicago 1978 p. 19-33 et Hooykaas, R. Religion and the Rise of Modern Science. Scottish Academic Press Edinburgh 1972 p. 29-30.
[33]- Voir aussi Needham op. cit. p. 20
[34]- Popper, Karl R. op. cit. 1973 p. 32-44 (en anglais: "common sense").
[35]- Du moins c'est une image auquelle Needham revient à de nombreuses reprises. Il semble réellement aimer raconter des histoires de ces européens médiévaux, pas très illuminés, qui traînaient en cour de justice des coqs soupçonnés d'avoir pondus des oeufs et d'autres animaux soupçonnés d'avoir enfreins les 'lois de nature' (voir Needham op. cit. p.253) ce qui implicait généralement une manifestation de sorcellerie.