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CHAPITRE 2 :
La conscience accrue






L'expression conscience accrue a d'abord été utilisée par Rutherford et Sharwood Smith et signifiait pour ces deux chercheurs “ une attention délibérée sur les propriétés formelles de la langue en vue de faciliter le développement des connaissances de la langue seconde ” (Sharwood Smith, 1993). C'est dans le même sens qu'elle est toujours utilisée aujourd'hui par Rod Ellis. La proposition de ce chercheur (1992, 1993a, 1993b, 1994, 1998; Fotos & Ellis, 1991; Fotos, 1993) se situe, comme celle de DeKeyser, dans l'attention sur les formes car elle n'est pas d'abord centrée sur le sens et elle fait systématiquement usage de l'enseignement explicite. Toutefois, elle diffère considérablement de la proposition de DeKeyser et de plus, elle n'est pas basée sur un seul modèle théorique. Ellis (1993b) affirme qu'elle est compatible avec l'ensemble des recherches réalisées jusqu'à maintenant en acquisition des L2.

La position de l'interface faible

Il s'agit d'un modèle qui est en accord avec la position de l'interface faible, ce qui signifie que les connaissances grammaticales explicites que les apprenants acquièrent ont une influence sur les connaissances implicites, mais de façon indirecte. Ellis opte pour cette position car certaines théories en didactique des L2 vont à l'encontre de la position de la non-interface et de la position de l'interface forte. D'une part, il y a une conclusion très bien acceptée par une majorité de chercheurs qui affirme que l'enseignement de la grammaire provoque un apprentissage plus rapide et un plus haut niveau de précision et d'aisance dans la performance (Ellis, 1994). Cette conclusion va à l'encontre de la position de la non-interface car comment serait-il possible que l'enseignement explicite de la grammaire ait un tel impact sur l'apprentissage s'il n'y a aucune influence des connaissances explicites sur les connaissances implicites ? D'autre part, c'est l'existence de patrons de développement en acquisition des L2 qui contredit la position de l'interface forte. Comme nous l'avons vu dans le chapitre précédent, l'existence de tels patrons est soutenue par Pienemann (1984, 1989), qui a développé l'hypothèse de l'enseignabilité qui stipule qu'un enseignement grammatical dirigé à une structure de type développemental n'aura de succès que si l'apprenant est prêt à l'acquérir comme connaissance implicite. S'il ne l'est pas, aucun transfert ne se fera entre les connaissances explicites et implicites, et aucune acquisition n'aura lieu. Si l'apprentissage d'une L2 est régi par des séquences d'acquisition, c'est qu'il ne peut pas se faire de transfert direct entre les connaissances explicites et implicites par le biais de l'enseignement; d'où la position de l'interface faible adopter par Ellis. Selon son modèle, l'apprentissage ne se produit pas uniquement par le biais de la procéduralisation des connaissances explicites, comme le stipule la théorie d'Anderson, mais également par l'attention que porte l'apprenant sur les propriétés de la langue pendant son utilisation.

L'hypothèse de la saisie

Schmidt (1990, 1993, 1994, 1995) a mis en lumière l'importance de l'attention en acquisition des L2 avec son hypothèse de la saisie selon laquelle l'input que reçoit l'apprenant peut se transformer en acquisition seulement si les propriétés formelles de la langue sont remarquées par celui-ci. Selon Schmidt, la saisie consisterait en un processus qui serait un peu plus que de la perception et un peu moins que de la compréhension. Il s'agirait de l'attention, intentionnelle ou non, qu'un apprenant porte sur les propriétés de la langue plus une prise de conscience de ces propriétés. La saisie serait fréquemment consciente et elle est définit opérationnellement comme étant disponible au rapport verbal. Cette hypothèse stipule que la saisie est la condition nécessaire et suffisante pour convertir l'input en intake. Une multitude de facteurs peuvent induire les apprenants à saisir des éléments de l'input : la proéminence des éléments, leur fréquence dans l'input, leur nature inusitée, les demandes d'une tâche ou encore les interactions entre les participants les mettant en évidence. La saisie de l'écart (Schmidt & Frota, 1986) est un autre phénomène pouvant amener à l'acquisition. Il se produit lorsqu'un apprenant se rend compte d'un écart entre sa façon de parler en L2 et l'input. Un apprentissage peut avoir lieu lorsque l'apprenant admet sa responsabilité dans le problème et qu'il est forcé à porter plus d'attention à l'input (Faerch & Kasper, 1986). Ce que l'hypothèse de la saisie implique, c'est qu'il faut plus que de l'input compréhensif pour que l'apprentissage d'un élément grammatical ait lieu, il faut qu'il se produise une saisie ou une saisie de l'écart de la part de l'apprenant. Toutefois, ces dernières ne garantissent pas l'apprentissage car les propriétés formelles saisies ne s'incorporent pas toutes immédiatement dans la mémoire à long terme. Plusieurs saisies peuvent être nécessaires avant qu'un élément grammatical puisse devenir une connaissance implicite et faire partie de l'interlangue de l'apprenant.

Le rôle de l'enseignement explicite selon le modèle de la conscience accrue

Mais quel est le rôle de l'enseignement explicite de la grammaire selon ce modèle d'apprentissage? Selon Ellis (1993b), “ L'aspect-clé de ce modèle est le rôle que des connaissances explicites sont supposées jouer dans la saisie et dans la saisie de l'écart ” (p.99). Ellis en distingue deux : Premièrement, l'enseignement explicite de la grammaire servirait de facilitateur pour que les apprenants puissent “ saisir ” plus facilement les propriétés de la langue afin de pouvoir les incorporer dans leur interlangue. Une fois que la conscience d'un apprenant ait été accrue à propos d'un élément morpho-syntaxique quelconque, il serait en mesure de le garder présent dans sa tête afin de pouvoir le saisir lors d'un input communicatif subséquent (Fotos, 1993). Le deuxième rôle des connaissances explicites en apprentissage est celui du monitorat (identifié par Krashen, 1982). Si un apprenant constate un écart entre sa performance et les connaissances explicites qui lui sont enseignées, il pourra éventuellement les utiliser pour rectifier sa performance.

En résumé, le modèle d'Ellis (1990, 1993b) envisage l'apprentissage d'une L2 de deux façons : d'une part, il n'écarte pas la possibilité que les connaissances explicites puissent se convertir en connaissances implicites de façon directe (comme dans la théorie d'Anderson) s'il s'agit d'un élément grammatical de type variationnel ou si l'apprenant est rendu au stade d'apprendre l'élément grammatical de type développemental enseigné. Ce mode est cependant considéré comme secondaire. La principale façon d'apprendre selon ce modèle demeure les processus de saisie et de saisie de l'écart qui sont facilités par l'enseignement explicite des structures morpho-syntaxiques.

La pratique de classe selon Ellis

Quelles sont les implications pédagogiques de ce modèle d'acquisition des L2 ? Tout d'abord, on constate qu'un élément important de cette approche est l'enseignement explicite de la grammaire, lequel peut être réalisé de façon déductive ou inductive. Au sujet de ces deux façons, Fotos et Ellis (1991) et Fotos (1994) ont comparé une technique d'enseignement explicite déductive et une technique d'enseignement explicite inductive et interactive (appelées tâches de conscience accrue), et les résultats obtenus ont démontré qu'elles étaient aussi efficaces l'une que l'autre. Toutefois, des résultats contraires ont été obtenus dans Robinson (1996), où on observe une différence significative entre les gains de l'enseignement explicite déductif et explicite inductif.

L'enseignement explicite de la grammaire, qu'il soit déductif ou inductif, vise à accroître la conscience accrue des apprenants sur les propriétés de la langue afin qu'elles puissent être saisies au cour de la pratique de classe ultérieure à cet enseignement. Selon cette approche, la pratique de classe ne devrait pas avoir pour objectif de rendre les apprenants capables d'utiliser les structures enseignées dans une communication spontanée. Le but de cette approche n'est pas la maîtrise immédiate des structures cibles. Ellis insiste beaucoup sur le fait que la conscience accrue n'amène pas à l'acquisition immédiate, il affirme qu'elle implique un délai (Ellis,1992). C'est pour cette raison que, selon ce modèle, la pratique de classe prendra plus la forme d'une activité de compréhension que d'une activité de production. Le professeur ne peut pas exiger de ses élèves une production immédiate des structures cibles à cause du problème de la non-enseignabilité et la meilleure façon de permettre aux apprenants de “ saisir ” les propriétés de la langue est d'organiser des activités de compréhension (Ellis, 1993a). Cependant, en plus de ces activités de compréhension, l'apprenant devra aussi avoir l'occasion de pratiquer la langue cible dans une situation réelle de communication. Le professeur doit fournir à l'apprenant des occasions de “ saisir ” les structures enseignées à l'aide d'activités de communication interactives. Bref, selon le modèle de Ellis, la pratique de classe prend deux formes différentes : elle prend d'abord la forme d'activités de compréhension oral ou écrite contrôlées ou semi-contrôlées et ensuite la forme d'activités communicatives libres.

Comme le constate Loschky et Bley-Vroman (1993), il n'est pas toujours facile de faire pratiquer des structures pré-déterminées durant des activités de communication libres. Ces chercheurs distinguent trois types de tâches selon la probabilité d'utilisation des structures cibles. Dans la tâche d'usage naturel, la structure grammaticale recherchée s'utilise naturellement dans la tâche, mais risque de ne pas être utilisée par les apprenants. Dans la tâche d'usage utilitaire, la structure recherchée aide à réaliser les tâches plus facilement, mais n'est pas essentielle à son accomplissement. Finalement, dans la tâche d'usage essentiel, l'utilisation de la structure cible est indispensable à la réalisation de la tâche. C'est donc ce dernier type de tâche que le professeur devrait préparer pour que ses élèves puissent utiliser à coup sûr les structures dont la conscience aura été préalablement accrue. Ces tâches, qui sont organisées sans que les apprenants sachent d'avance quelles structures ils auront à utiliser, sont cependant très difficiles à réaliser à cause du fait qu'elles laissent les apprenants libres d'utiliser les structures de leur choix. Et en raison de la difficulté de faire produire des structures cibles spécifiques, il est plus facile d'organiser des tâches d'usage essentiel en compréhension qu'en production.

La pratique de classe selon la proposition d'Ellis diffère considérablement de celle de la proposition de DeKeyser. Il n'est plus question pour le professeur de faire pratiquer ses étudiants jusqu'à ce qu'ils apprennent les structures cibles. Il est question ici de favoriser la saisie des propriétés formelles de la langue dans un input communicatif en donnant aux apprenants des occasions d'en faire à l'aide d'activités de compréhension et de tâches communicatives. Le professeur ne peut donc pas exercer un contrôle direct sur le processus d'apprentissage, et cela à cause du problème de la non-enseignabilité. Il doit laisser l'apprentissage de la langue cible suivre sa route naturelle pour chacun des apprenants dans la mesure qu'ils réussissent ou non à intégrer leurs saisies des propriétés formelles de la langue dans leurs connaissances implicites.

Des études empiriques sur les activités de compréhension

Pour mettre de l'avant sa conception sur les activités de compréhension, Ellis (1993a, 1998) s'appuie sur les recherches du traitement de l'input menées par VanPatten et d'autres chercheurs (Cadierno, 1995; DeKeyser & Sokalski, 1996; Salaberry, 1997; VanPatten & Cadierno, 1993a; VanPatten & Oikkenon, 1996; VanPatten & Sanz, 1995). Mais dans une revue de ces études, Ellis (1998) n'arrive pas à une conclusion ferme et il affirme : “ Jusqu'ici les connaissances techniques apportées par les recherches du traitement de l'input sont ambivalentes. Ce que l'on peut en dire de mieux c'est qu'elles suggèrent que la pratique de l'input structuré peut constituée une alternative utile à la pratique de la production ” (p.47). Dans cette même étude spéculative, il affirme néanmoins qu'il y a toujours un rôle pour la pratique de la production dans la classe de L2 : “ Le résultat des études revues dans cette section suggère qu'il serait prématuré d'abandonner les approches d'enseignement de la grammaire qui favorisent la pratique de la production ” (p.51). “ Même si la pratique de production ne permet pas aux apprenants d'intégrer de nouvelles structures grammaticales dans leur interlangue, elle les aide à utiliser les structures partiellement apprises plus aisément et plus précisément ” (p. 51). Nous discuterons davantage des rôles respectifs de la pratique de production et de compréhension dans le prochain chapitre qui traite de la proposition de VanPatten sur l'enseignement par le traitement de l'input.


Une étude empirique sur la proposition d'Ellis

Fotos (1993) a étudié l'effet de l'enseignement explicite de la grammaire sur les saisies des apprenants dans une tâche postérieure et elle a utilisé deux types de traitements pour accroître la conscience des apprenants: un enseignement déductif et une tâche interactive. Dans chacun des traitements, elle a inclu trois structures linguistiques différentes et elle a aussi mesuré la performance des apprenants pour chacune de ces structures. Ses questions de recherche furent les suivantes : 1) Est-ce que le développement des connaissances explicites à l'aide de l'enseignement formel traditionnel et de la tâche interactive provoquera plus de saisies des éléments linguistiques que pour le groupe contrôle qui n'aura été exposé à aucune activité de conscience accrue ? 2) Est-ce que la quantité de saisies sera la même pour le traitement avec les tâches interactives qu'avec l'enseignement formel ?

Les saisies des structures grammaticales ont été opérationalisées par la reconnaissance et le soulignement des structures d'un court texte (une semaine après le traitement) et d'une dictée (deux semaines après le traitement). Les chercheurs demandaient de manière très vague aux apprenants de souligner tous usages spéciaux de l'anglais. Les réponses aux deux questions de recherche furent affirmatives. Les résultats ont confirmé qu'effectivement il y a eu plus de saisies pour les deux groupes expérimentaux que pour le groupe contrôle. En ce qui a trait à la comparaison entre le traitement déductif et le traitement de la tâche interactive, il n'y avait aucune différence significative dans aucun des tests entre les deux groupes expérimentaux pour chacune des tâches. Les deux groupes expérimentaux ont donc obtenu des gains entre le pré et le post-test pour chaque tâche et un maintien significatif pour le test final qui avait lieu deux semaines plus tard. Selon l'auteure, ces résultats suggèrent que les apprenants ont été capables de développer un niveau significatif de conscience accrue à la suite des traitements explicites et que, comme l'indique le modèle d'Ellis (1990, 1993), une fois que leur conscience a été accrue, les apprenants sont demeurés alertes vis-à-vis les structures en les “ saisissant ” une et deux semaines plus tard dans les inputs communicatifs. De plus, les résultats indiquent une certaine corrélation entre le nombre individuel de saisies et les résultats des tests de performance. Toutefois, cette corrélation est faible et ne permet pas de conclure qu'il existe une relation entre les saisies et l'apprentissage. Fotos qualifie son étude d'exploratoire et est consciente de sa faiblesse au niveau de l'opérationalisation de la saisie. Les saisies identifiées dans cette étude ne correspondent peut-être pas à ce qui s'est vraiment passé dans la réalité. En résumé, les résultats de cette étude apportent un appui à l'efficacité de l'enseignement explicite à provoquer des saisies ultérieures dans un input communicatif, mais ne permettent pas de conclure que les saisies ont un lien avec l'acquisition des structures cibles.

Les études empiriques sur l'hypothèse de la saisie

Beaucoup d'études empiriques en didactique des L2 ont comme prémisse théorique l'hypothèse de la saisie de Schmidt (exemple :  DeKeyser, 1995, 1997; DeKeyser & Sokalski, 2001; Ellis & Fotos, 1991; Fotos, 1994; Swain, 1998; Swain & Lapkin, 1995; Van Patten & Cadierno, 1993a, 1993b), mais très peu d'études ont été réalisées avec le principal objectif d'apporter des preuves à cette hypothèse. Il a eu des études de cas de type ethnographique dont celles de Schmidt (voir Huot & Schmidt, 1996) qui ont permis d'établir des liens entre les réflexions métalinguistiques et l'apprentissage, mais étant donné la nature de ces études, aucune généralisation des résultats ne peut être faite. Des études de Robinson (1995a, 1995b, 1996a, 1996b, 1997a, 1997b) et d'Alanen (1995), traitent également de la question de l'attention dans l'apprentissage, mais seules les études de Jourdenais, Ota, Stauuffer, Boyson et Doughty (1995), Leow (1997, 1998a, 1998b, 2000) et Rosa et O'Neill (1999) se penchent directement sur cette question.

L'étude de l'attention, de la conscience et de la saisie comporte une épineuse difficulté d'ordre méthodologique car ces processus cognitifs internes sont cachés aux yeux de l'expérimentateur. Selon Leow (1997) et Rosa et O'Neill (1999), c'est avec le protocole de la pensée à haute voix au moment où les sujets complètent les tâches qu'il est possible d'observer le mieux ce processus. En utilisant ce procédé, ces chercheurs sont arrivés à la conclusion que l'attention et le degré de conscience avaient un rôle important dans le traitement subséquent des informations de la L2.

Dans Leow (1997), la saisie a été opérationalisée comme n'importe quel correction ou commentaire des sujets sur une forme cible durant l'exécution d'une activité de mots-croisés. Après l'analyse des protocoles de la pensée à haute voix, Leow (1997) a établi différents niveaux de conscience dans les saisies: un niveau supérieur où il se produisait une analyse métalinguistique correspondant à des processus conceptuels de tests d'hypothèses et de formation de règles morphologiques, et un niveau inférieur où il ne se produisait pas ce type de processus. Il a observé que les apprenants qui démontraient un plus haut niveau de conscience obtenaient de bien meilleurs résultats dans les tests que ceux qui démontraient un bas niveau, spécialement dans la tâche de reconnaissance des morphologies cibles et aussi dans la tâche de production écrite. Ces résultats sont une preuve tangible de l'effet de la saisie au niveau de la compréhension sur l'apprentissage des structures cibles en acquisition des L2. Cette étude comportait des faiblesses méthodologiques telles que le fait d'avoir utilisé seulement des formes morphologiques et un petit échantillonnage, en plus d'avoir utilisé une technique controversée en didactique des langues (protocole de la pensée à haute voix), mais elle constitue néanmoins une preuve empirique en faveur de cette hypothèse.

Rosa et O'Neill (1999) ont réalisé une étude dans la même ligne d'investigation, mais en explorant le rôle de la conscience avec une structure syntaxique au lieu des formes morphologiques. Ils ont obtenu les mêmes résultats que Leow (1997), permettant ainsi une plus grande généralisation des résultats. De plus, ces chercheurs sont arrivés à la conclusion que les deux niveaux de conscience (celui de la perception et celui de la compréhension) avaient un effet significatif sur la performance des pré et post-tests, donnant ainsi un appui à l'hypothèse que pendant la résolution d'une tâche, la saisie au niveau de la perception (niveau inférieur) est suffisante pour que l'input se convertisse en intake, c'est-à-dire, en information que l'apprenant perçoit et utilise dans des processus cognitif ultérieurs (Van Patten, 1990).

Une autre conclusion intéressante de l'étude de Rosa et O'Neill est que le type de traitement donné aux apprenants a eu des répercussions sur leur niveau de conscience. Les apprenants qui ont reçu un enseignement formel sur les structures cibles ont obtenu plus de prises de conscience au niveau de la compréhension (niveau supérieur) que s'ils n'avaient pas reçu ce traitement, entraînant par surcroît une meilleure performance dans les tests mesurant l'acquisition. Ces résultats sont en accord avec ceux de l'étude de Fotos (1993) mentionnée ci-haut et constituent une preuve en faveur de la proposition de la conscience accrue d'Ellis (1990, 1993b).

Les résultats des études de Leow (1997) et de Rosa et O'Neill (1999) ont démontré le rôle du niveau de conscience dans le traitement ultérieur des formes saisies, mais selon Leow (2000), la question fondamentale à propos de si la saisie est essentielle au traitement ultérieur n'a pas été résolue. C'est cette question qu'il a voulu résoudre dans une étude ultérieure (Leow, 2000). Il a effectué quelques changements méthodologiques à son étude antérieure et il a posé la question suivante : Quel est l'effet de la prise de conscience ou de son absence dans l'intake subséquent et dans la production écrite des formes morphologiques cibles selon les mesures effectuées par la reconnaissance de choix multiple et la tâche de production écrite, respectivement ? Il est arrivé à la conclusion suivante : “ Du point de vue théorique, aucune dissociation entre la conscience et l'apprentissage n'a été trouvée dans cette étude, les résultats sont compatibles avec l'hypothèse que la conscience joue un rôle crucial dans le traitement subséquent des informations de la L2 ” (p.573).