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J'ai adressé la lettre qui suit (envoyé le 3 mars 2008) aux
signataires du document émis par la TCPE pour une raison simple, l'appui
que les signataires ont manifesté à l'égard du cours
d'Éthique et de culture religieuse que le gouvernement du Québec
se prêt à imposer sur l'ensemble du système éducatif
me semble en contradition avec plusieurs principles bibliques que normalement
ces responsables protestants seraient sensés défendre. Mais
nous aborderons les arguments plus loin. Notons pour le moment que la question
n'est pas du tout abstraite pour moi, car j'ai deux garçons dans le
système scolaire qui seront directement affectés par cette prise
de position en rapport avec le cours d'Éthique et de culture religieuse.
Par la suite je m'adresse directement aux signataires...
Le document déposé par la TCPE est curieux. À la lecture, on énumère plusieurs motifs valables pour s'opposer au programme d'Éthique et de culture religieuse (ECR) qui sera imposé par le Ministère de l'éducation des loisirs et des sports (MELS) sur l'ensemble du réseau scolaire québécois (c'est-à-dire primaire, secondaire, privée, publique et même le réseau école-maison [home-schooling]) dès septembre 2008. Une section discute, entre autres, de la non-neutralité du gouvernement. C'est un excellent motif pour s'opposer au cours ECR, mais le document proposé par la TCPE aboutit, malgré tout, à une conclusion tout à fait opposée à son développement.
Comment se fait-il que la Table de concertation protestante sur l'éducation appuie la position du MELS dans cette affaire? On reconnaît les conflits entre une perspective évangélique cohérente et pourtant... En somme, qui est représenté par la TCPE ? Est-ce possible que cet organisme est devenu, pour toutes sortes de raisons, au cours des années, trop proche du gouvernement du Québec? La question se pose...
Une version antérieure de cette lettre faisait état d'un lien entre le financement de Direction chrétienne et les prises de position de la TCPE. C'est un fait que DC[1] a reçu quelques subventions du gouvernement, mais c'est aussi un fait que les montants en question ne sont pas importants. À vrai dire, la question du financement des activités de Direction chrétienne (ou de la TCPE) nest pas fondamentale ici. Supposons, par exemple, que dans le passé Direction chrétienne na jamais reçu même un seul cent de la part du gouvernement du Québec et sengageait de manière solennelle pour lavenir de refuser toute offre financière gouvernementale (directe ou indirecte). Malgré tout, le problème reste entier. C'est-à-dire au niveau des prises de positions publics et les initiatives qui caractérisent le comportement de la Table de concertation depuis bon nombre dannées.
Dans le passé (en particulier entre 1997-2001), lorsque le gouvernement péquiste menaçait lexistence des écoles franco-protestantes subventionnées, la TCPE a ignoré et abandonné le mouvement de mobilisation naissant chez les parents évangéliques (pour défendre les écoles évangéliques) à son sort. Ce mouvement aurait pu contrecarrer les vux du gouvernement provincial. Linaction de la TCPE a contribué à la destruction des écoles évangéliques. Et la mobilisation des parents évangéliques sest désagrégée. Si, au contraire, les ressources de la TCPE avaient plutôt été mises au service de défendre les intérêts des évangéliques et les aider à se mobiliser, il est fort probable que la situation actuelle serait bien différente aujourdhui.
Le document de la Table de concertation discute de laïcisation, et fait allusion au fait qu'il s'agit d'un système idéologico-religieux (p. 6), affirmation tout à fait exact, mais le document ne tire pas les conclusions qu'il faut de cette observation. Ayant une formation en anthropologie des religions, l'étude des systèmes idéologiques est ma spécialité. Un point que les sociologues notent parfois touchant la Révolution tranquille qui eut lieu au Québec dans les années 1960-1970 est que le vieux tandem État-Église, qui existait depuis la fondation de la Nouvelle-France (remanié quelque peu par les Anglais après la conquête en 1759) a été brisé par les nouvelles élites séculières. On considère généralement que l'essence de ce processus a donc été une révolution administrative, où la gestion des grandes institutions sociales (telles que l'éducation et les soins de santé) est passée de l'Église catholique à l'État. Mais il faut bien comprendre que cela ne constitue qu'un aspect de la chose et que dans ce processus, l'État (sinon le système politique dans son ensemble) a lentement remplacé l'Église catholique sur le plan idéologico-religieux aussi. Pour bien des protestants, la Révolution tranquille a été perçue comme bienvenue, un répit permettant aux protestants[5] de respirer un peu après tant d'années sous diverses mesures de marginalisation du pouvoir catholique.
Mais dans les faits la Révolution tranquille représente une conversion (au sens religieux) des grandes institutions sociales québécoises. Et ce système religieux ne s'intéresse pas à la conversion d'individus, mais au contrôle des grandes institutions publiques[6]. Sur le plan du contenu, cette conversion a remplacé l'adhésion aux dogmes catholiques par l'adhésion aux dogmes des philosophes et idéologues issus du Siècle des Lumières, philosophies que les évangéliques désignent parfois sous le vocable humanisme. On a rejeté la Bible et le pape et désormais la Science est la vérité et les experts scientifiques et techniques remplacent, dans leurs rôles idéologiques, les curés et les pasteurs d'autrefois. La pensée moderne s'appuie sur une cosmologie matérialiste, une cosmologie athée.
Et si malgré l'étendue de son pouvoir, l'Église catholique tolérait autrefois tout de même un réseau d'écoles protestantes, l'adversaire idéologique auquel les protestants font face aujourd'hui est bien plus puissant et bien plus déterminé à éliminer tout autre discours que le sien sur la place publique. La Révolution tranquille représente donc la pensée moderne/matérialiste, mais le cours d'ECR représente aussi la pensée postmoderne qui se dit plus ouverte à la religion. Mais ce n'est qu'un leurre, car la pensée postmoderne rejette toute vérité et place l'individu au centre de tout. Un indice de la perception qu'ont les élites postmodernes des religions traditionnelles se trouve dans un commentaire émis par le commissaire Charles Taylor après ma présentation le 30 octobre 2007 à la commission Bouchard-Taylor. Il a noté:
“ Là aussi, il y a un problème. Tous les jeunes Québécois à l'école sont conscients qu'il existe plusieurs religions, plusieurs points de vue dans la société, qu'il y a des musulmans, qu'il y a des sikhs, des hindoues et des gens qui sont athées. Comment est-ce qu'ils vont envisager cela ? Maintenant, on ne leur donne pas ce genre d'enseignement maintenant que propose le cours [d'ECR]. Et, je constate qu'il y a des préjugés, de l'ignorance, des vues [absolument] avilissantes d'autres points de vue, de cultures, de la part de certains athées très convaincus à l'égard de la religion catholique et euuh, envers l'islam, par exemple, de la part de beaucoup d'athées et de beaucoup de catholiques, etc. Comment parer à cela ? Les enfants, [ils ont ce phénomène], on leur bourre la tête avec des conceptions très, des conceptions très négatives des autres. Ils savent que les autres existent. Comment combattre cela ? N'est-ce pas que l'école est un endroit où ça devrait se [parler] avec une conception plus positive ? plusˇ... qui comprend mieux le sens de ces différences, de ces postures spirituelles? ”
Le discours est poli. On fait mine de vouloir prévenir des conflits, des tensions, mais il y a lieu de se demander si le chrétien qui croit vraiment aux Écritures est aussi perçu comme un individu rempli de “ préjugés, de l'ignorance, des vues [absolument] avilissantes des autres ”? Dans la tête de nos élites, considèrent-ils que les chrétiens bourrent la tête de leurs enfants “ avec des conceptions très, des conceptions très négatives des autres ” ? Lorsqu'il est question d'homosexualité ou de sexualité en général on peut le penser. Les chrétiens qui osent s'opposer au discours dominant, qui croient que la Vérité existe vraiment, sont régulièrement affublés de l'épithète “ intolérants ”... Il suffit de noter de quelle manière nos élites médiatiques et intellectuelles parlent des chrétiens ou de moralité judéo-chrétienne pour se faire une idée sur leurs intentions. De manière générale, les Américains ont un discours moins nuancé et leurs élites disent tout fort des choses que les élites francophones n'oseraient jamais, mais dans leur intimité, admettent bien... Daniel Dennett, professeur de philosophie (athée) à l'université Tufts, dans son livre Darwin's Dangerous Idea expose au grand jour sa conception de la tolérance religieuse et de son peu de respect pour la responsabilité des parents (1995: 516, 519):
"Save the Baptists! Yes, of course, but not by all means. Not if it means tolerating the deliberate misinforming of children about the natural world. According to a recent poll, 48 percent of the people in the United States today believe that the book of Genesis is literally true. And 70 percent believe that "creation science" should be taught in school alongside evolution. Some recent writers recommend a policy in which parents would be able to "opt out" of materials they didn't want their children taught. Should evolution be taught in the schools? Should arithmetic be taught? Should history? Misinforming a child is a terrible offense. A faith, like a species, must evolve or go extinct when the environment changes. It is not a gentle process in either case. ... This is already accepted practice, but we tend to avert our attention from its implications. We preach freedom of religion, but only so far. ... It is nice to have grizzly bears and wolves living in the wild. They are no longer a menace; we can peacefully coexist, with a little wisdom. The same policy can be discerned in our political tolerance, in religious freedom. You are free to preserve or create any religious creed you wish, so long as it does not become a public menace. .... The message is clear: those who will not accommodate, who will not temper, who insist on keeping only the purest and wildest strain of their heritage alive, we will be obliged, reluctantly, to cage or disarm, and we will do our best to disable the memes they fight for. ... If you insist on teaching your children falsehoods-that the Earth is flat, that "Man" is not a product of evolution by natural selection-then you must expect, at the very least, that those of us who have freedom of speech will feel free to describe your teaching as the spreading of falsehoods, and will attempt to demonstrate this to your children at our earliest opportunity. Our future well-being-the well-being of all of us on the planet - depends on the education of our descendants."
Un collège de Dennett, le zoologiste britannique et athée militant Richard Dawkins, partage ce point de vue. Lors d'un interview au poste de télé britannique Channel 4 portant le titre 'The Root of All Evil?' (janv. 2006) il note:
"I'm very concerned about the religious indoctrination of children. I want to show how faith acts like a virus that attacks the young and infects generation after generation ... It's time to question the abuse of childhood innocence with superstitious ideas of hellfire and damnation. And I want to show how the scriptural roots of the Judeo-Christian moral edifice are cruel and brutish ... What in the 21st century are we doing venerating a book [the Bible] that contains such stuff? ... The God of the Old Testament has got to be the most unpleasant character in all fiction--jealous and proud of it, petty, vindictive, unjust, unforgiving, racist, an ethnic cleanser urging His people on to acts of genocide ... When it comes to children, I think of religion as a dangerous virus. It's a virus which is transmitted partly through teachers and clergy, but also down the generations from parent to child to grandchild. Children are especially vulnerable to infection by the virus of religion."
C’est une question qui préoccupe Peter Hitchens, le frère du célèbre athée britannique, Christopher Hitchens, délibérant sur les accusations des nouveaux athées il observe (2010 : 205)
But if we ourselves believe—and are asked by our own children what we believe—we will tell them, and they will instantly know if we mean it and also know how much it matters to us. They will learn from this that belief is a good thing. We will also try to find schools that will at the very least not undermine the morals and faith of the home. And for this, we are to be called abusers of children? This has the stench of totalitarian slander, paving the road to suppression and persecution.
On voit bien que pour ces élites, si l'on ne peut éliminer totalement la religion (judéo-chrétienne en particulier) de la vie sociale, il faut tout de même tenter limiter au maximum son influence et repousser lorsque possible, les gens religieux dans un ghetto, un zoo culturel où ils ne peuvent avoir aucune influence sur la société élargie, voir même sur leurs propres enfants... Dans ce zoo, ils pourront donc jouer à la religion tant qu'ils voudront, mais cela n'aura AUCUNE influence sur la vie sociale. Derrière la façade de la neutralité, un cours comme l'ECR est conçu pour immuniser la population contre les croyances religieuses véritables (et en particulier le christianisme). Dans le monde francophone, il faut nuancer. Nos élites peuvent bien être du même avis que Dennett et Dawkins, mais ils s'abstiennent d'exposer ce point de vue de manière aussi directe.Suite à ma présentation, le commissaire Gérard Bouchard m'a adressé le commentaire suivant :
"Une chose m'étonne dans votre [conviction] c'est que vous ne vous montriez pas plus sensible à l'argument de la diversité. Les jeunes enfants, aujourd'hui, avant même qu'ils entrent à la maternelle, ils sont tout de suite confrontés à la diversité religieuse et vous vous voudriez qu'ils attendent qu'ils aient l'âge de 18 ans avant qu'on leur enseigne exactement ce que c'est ces religions-là, ce que ça veut dire. Comme le disait Charles [Taylor] à l'instant, de former, d'assimiler tous les préjugés de la culture véhicule. Donc là ce n'est pas un travail d'éducation qu'il faudra faire, mais c'est un travail de déconstruction, de déformation. Une fois que les préjugés sont en place, vous savez comme moi que... vous êtes un anthropologue, hein, vous travaillez dans l'imaginaire, sans aucun doute. C'est difficile de déraciner un préjugé. Ça m'étonne que vous ne soyez pas plus sensible à ça, car c'est le terrain où naissent les tensions, les conflits, les irrationalités, les extrémismes. Ce cours-là est un moyen d'éviter ça...." (Clique pour audio: format WMA)
On voit bien que le droit des parents de former les enfants n'a aucun intérêt pour lui. L'intention du gouvernement: on ne veut pas fournir de l'information sur les religions après que les enfants ont eu le temps de former et d'affermir leurs croyances dans le contexte du foyer, car le but du programme est donc de mettre la main sur les enfants avant que cela puisse survenir et d'endoctriner et modeler la vision du monde de nos enfants à l'image des grands penseurs universitaires postmodernes si sages et si éclairés! Mais le philosophe de la science Paul K. Feyerabend rejette le concept qu'il faut se prosterner devant les affirmations des technocrates scientifiques. En faisant preuve d'ironie, il les traite d'esclaves et note (1975/1979: 338)
"Nous traiterons bien ces esclaves, et même nous les écouterons, car ils peuvent avoir des choses importantes à dire; mais nous ne leur permettrons pas d'imposer leur idéologie à nos enfants sous le couvert de théories « progressistes » de l'éducation. Nous ne leur permettrons pas d'enseigner les fantasmes de la science comme s'ils étaient les seuls énoncés factuels. La séparation de la Science et de l'État peut être notre seule chance de vaincre la barbarie forcenée de l'âge technico-scientifique et d'accéder à l'humanité dont nous sommes capables, sans l'avoir jamais pleinement réalisée." (Contre la Méthode. Seuil Paris 350 p.)
Si les générations passées avaient droit au cours de catéchisme où tous devaient accepter le même enseignement et les mêmes croyances, le postmoderne adopte plutôt l'attitude du consommateur. C'est un peu comme lorsque vous allez au restaurant-buffet. Vous prenez un plateau, ensuite une assiette et vous vous dites : Hmm, ce soir, un peu de chinois serait bon, tiens un taco et du couscous, ça me tente aussi. Ah, une pointe de pizza et un souvlaki, pourquoi pas ! Bof... je ne sais pas pourquoi, mais j'ai une envie d'une poutine aussi...
Et bien le postmoderne approche la religion avec exactement la même attitude pour se faire une religion sur mesure. Il rejettera complètement l'idée qu'un autre, que ce soit une hiérarchie religieuse ou une tradition culturelle, puisse déterminer ce qu'est la vérité pour lui... Comme on le dit dans le langage courant : Chacun a sa vérité. ... Ça c'est la propagande, mais le postmoderne rejette toute vérité et en particulier la Parole de Dieu. Et pour ceux qui voudraient fouiller plus à fond la question, j'examine de manière détaillée la religion postmoderne dans mon livre Fuite de l'Absolu, volume I. Il existe de rares cas où des élites médiatiques francophones avouent (plus ou moins explicitement) le caractère idéologique de ce cours.. Mme Denise Bombardier, dans une interview avec Paul Arcand, admettait (98,5FM 26/02/08) :
“ C'est sûr que le cours d'Éthique et de culture religieuse, par définition, quand on parle de culture religieuse, on relativise n'est-ce pas. Parce qu'on laisse entendre qu'il y a plusieurs religions, au fond, et quand... et ces gens-là ne veulent pas qu'on vienne dire dans les cours que les grandes religions peuvent se comparer, et parfois s'égaler, et que s'il y a... par exemple, à l'intérieur du christianisme, s'il y a plusieurs religions c'est pour des raisons, on le sait, pour des raisons de schisme, pour des raisons culturelles, pour des raisons... parce que ça s'explique dans l'histoire religieuse par des conflits entre le roi d'Angleterre et la papauté et qu'au fond, il y a une sorte de relativisme. Eux, ils ne veulent pas ça. ”
Dans la même interview, Mme Bombardier poursuit en affirmant que si on permet aux catholiques (ou aux protestants) d'avoir un enseignement qui leur convienne, ce sera le bordel, car toutes les sectes vont aussi exiger un enseignement religieux qui leur convienne... Mais un peu de réflexion, la tête froide, nous montre qu'il n'en est rien. Jusque récemment dans son ensemble le système éducationnel (réseaux publics et privés) tolérait bien, et sans s'effondrer, des cours de religion catholiques, protestants, évangéliques, judaïques, musulmans et amérindiens. Mais les élites médiatiques et éducationnelles semblent affirmer que la pensée unique postmoderne sur la religion est la SEULE solution, sinon c'est la FIN DU MONDE! Pourquoi une telle affirmation? On dirait que la source véritable de crainte pour certains est de se retrouver dans une situation de CHOIX où nos élites perdraient le monopole idéologique absolu sur la génération en formation qu'ils sont sur le point d'acquérir... .C'est ça la source véritable de crainte pour nos élites. Mais si ces gens sont si zélés pour cette conception des choses qu'ils descendent sur le plancher des vaches pour faire du porte-à-porte pour se faire des convertis! Mais de grâce laissez le bon peuple tranquille et ne gaspillez plus l'argent de nos taxes sur des trucs pareils, tandis que le système de santé et le système routier exigent des investissements.
Le cours d'ECR n'est donc en aucun cas neutre, car il met toutes les religions sur le même plan. Dans les faits il présentera aux enfants une religion polythèiste! L'ECR constitue donc le petit catéchisme postmoderne[7]. L'ECR est tout à fait représentatif des courants de pensée postmodernes qui sont à la mode dans les milieux universitaires. Si les cours de religion dans nos écoles étaient monopolisés par les raëliens ou des bouddhistes cela provoquerait sans doute une réaction très forte chez les protestants, mais ce n'est pas parce que le cours d'ECR est rédigé par des profs d'université et promu par des fonctionnaires d'État qu'il est neutre...
Il faut bien s'entendre. Évidemment, ce cours comportera tout de même un certain nombre d'informations factuelles sur les religions en question. Là n'est pas le problème. Le problème est dans le contexte de la présentation. Dans ce cours, le christianisme sera présenté au même plan que les spiritualités autochtones, l'islam, le bouddhisme, l'hindouisme et l'athéisme. Dans ce contexte, le christianisme aura exactement le même statut que l'occultisme. Ceux qui ont conçu le cours d'ECR ne sont en aucun cas motivés par le désire de propager l'idée que les Écritures sont la VÉRITÉ. Ils ont déjà leur “ bonne nouvelle ” postmoderne à répandre...
Dans notre contexte, les protestants doivent tenir compte de quelques principes tirés de la Parole de Dieu qui s'appliquent à nos circonstances :
1- Primauté de l'autorité des Écritures au-dessus de tout savoir et toute institution humaine, qu'elle soit civile, religieuse, scientifique ou idéologique !
2- D'après les Écritures, les parents ont la responsabilité de l'éducation de leurs enfants et non pas l'État (Deut 4:9; Deut 6 : 1-9; Deut 8:5; Prov 22:6) [Cela vaut nécessairement pour tous les parents (évangéliques, protestants, catholiques, musulmans, juifs et athées]
3- Du point de vue des Écritures, l'État a plusieurs fonctions légitimes:
- Appliquer la justice (Romains 13: 4)
- Gérer le bien publique (Matt 22: 21; Romains 13: 6-7)
4- Si l'État reste dans ces bornes, le chrétien doit respecter son autorité (1Thess 4:10-12; 1Pierre 2:12)
5- Si l'État[8] prend position contre la Vérité, le chrétien doit s'opposer à son pouvoir et s'appuyer sur la Parole, même si cela exige des sacrifices, même au prix de la perte de sa vie (Daniel 3 : 8-18; Actes 4: 19; 2Thess 2: 10)[9]
6- À cela, l'évangélique ajoute que la conversion doit être totalement libre et ne peut être imposé par quelque institution sociale, soit Église ou État. Cela implique le rejet de toute fusion État=Religion, situation commune dans le monde de Antique, toujours actuel dans le monde musulman. Contrairement à Mahomet, Christ s'est opposé à prendre le pouvoir politique lorsque l'occasion lui a été présentée[10].
Cela implique donc que, pour le protestant, l'État séculier a une fonction légitime, mais limitée. Ces limites sont soulignées par l'affirmation de Christ : “ Rendez donc à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. ” (Mt 22 : 21) Cette affirmation souligne donc que César n'a pas tout pouvoir. Son pouvoir est nécessairement limité. Les chrétiens des premiers siècles ont souvent payer de leur vie pour s'opposer au pouvoir absolu de César. César, à l'époque, exigeait de se faire adorer comme un dieu. Jésus pouvait se placer à côté de César, mais pas le déplacer... Les choses ont-ils changées? A priori, l'État peut appuyer une moralité fondée par les Écritures, mais il ne peut en aucun cas usurper le rôle d'enseignement des parents et de l'Église. S'il ose le faire, il dépasse la limite que lui attribue les Écritures. Dans le cas qui nous concerne, l'État québécois cherche à jouer un rôle idéologique, il cherche à fonder une nouvelle religion d'État. Ce qu'offre actuellement l'État du Québec en rapport avec le cours d'ECR est inacceptable. Les parents protestants ne peuvent que l'opposer.
Pour les protestants, le système de croyances postmoderne constitue un adversaire idéologique bien plus puissant, plus déterminé et bien plus sournois que ne l'a jamais été l'Église catholique même au sommet de son pouvoir au 19e siècle. Même l'église catholique n'a jamais été aussi loin pour éliminer tout autre discours religieux sur la place publique. Dans le passé au moins il y avait un choix entre le cours de religion catholique ou protestant. Aujourd'hui, nos élites ont décidé que la pensée unique nous convient bien mieux... On est témoins d'un paradoxe pervers, un comportement qui suinte l'intolérance absolue véhiculée au moyen d'un discours de tolérance et de neutralité. Quelle hypocrisie! Sans doute, dans leur intimité, les auteurs d'ECR seraient du même avis que l'auteur suivant:
Le coup le plus dur qui ait frappé l'humanité, c'est l'avènement du christianisme. (
) Par le christianisme, le mensonge conscient en matière de religion a été introduit dans le monde. (
) Dans le monde antique, les relations entre l'homme et les dieux étaient fondées sur un respect instinctif. C'étàit un monde éclairé par la notion de tolérance. Le christianisme, le premier dans le monde, a exterminé ses adversaires au nom de l'amour. Sa marque est l'intolérance.(1952 : 7-8)
Il est vraisemblable, en ce qui concerne la religion, que nous allons entrer dans une ère de tolérance. Il sera admis que chacun peut faire son salut à sa convenance personnelle. Le monde antique a connu ce climat de tolérance. Personne ne s'y adonnait au prosélytisme. (1952: 331)
Mais il est possible que nos élites seraient un peu étonnés d'apprendre que l'auteur des lignes qui précèdent est Adolphe Hilter (extrait, tiré des Tischgespräche )! On constate, par leur comportement, que les élites postmodernes ne tolèrent aucune déviation idéologique sur la place publique. Ils exigent le pouvoir absolu sur la place publique. Les parents évangéliques du réseau écoles-maison échappent en partie à ce contrôle et dans certains cas, on voit les autorités chercher à tout prix fermer cette porte de sortie. Voici un exemple de harcèlement qu'a subi une famille protestante faisant de l'école-maison. Lorsque la situation s'est envenimée et que la commission scolaire a voulu imposer à tout prix son contrôle absolu sur le contenu enseigné, cela a abouti à une visite par une travailleuse sociale de la DPJ. Lors de cette rencontre, il a été question de :
“ (...) les croyances religieuses de la famille ont été abordées, incluant des questions pour savoir si la lecture biblique et l'assiduité à l'église étaient obligatoires, et si les parents pouvaient nommer, pour chacun de leurs enfants, trois amis hors de leur communauté d'église! ” (Hiver 2007, Vol. XVI, No. 4. Bulletin du Home School Legal Defence Association of Canada.)
Ce questionnement dévoile une intolérance nouveau genre. Pour les élites postmodernes, les chrétiens (cohérents) sont les nouveaux hérétiques... Une communauté qui a eu le courage de s'opposer à l'intolérance du MELS a été les mennonites de Roxton Falls dans la région de l'Estrie. Ces mennonites ont été pris dans un bras de fer avec les fonctionnaires du MELS qui exigent que l'école mennonite doive embaucher des enseignants certifiés par le Ministère, que leur programme doive se conformer à celui établi par le MELS. Les mennonites rejettent les conceptions de la sexualité ainsi que les conceptions évolutionnistes des origines qu'imposent les programmes du MELS tandis que mennonites exigent que les enseignants soient des chrétiens de confiance. De plus, le MELS a l'arrogance d'affirmer que leurs exigences “ ne constituent en rien une atteinte aux droits religieux ” ! Évidemment, lorsqu'on se met en position de définir ce qu'est un droit religieux, cela facilite les choses[11]... Les mennonites ont eu les couilles de résister à ces pressions totalitaires et plutôt que se soumettre, ils ont accepté la perte de leur école ainsi que leurs maisons et ont décidé de quitter la province! Quel exemple de courage! Manifestement ces mennonites n'ont pas bouffé de la théologie superficielle si courante dans nos milieux évangéliques qui affirme que “ j'ai le droit d'être heureux(se) ”... Combien d'entre nous sont prêts à sacrifier des acquis pour défendre la vérité? Pendant toute une génération, on a prêché un évangile sans repentance dans nos églises, un évangile qui n'exige aucun sacrifice, aucun changement de comportement réel, alors il ne faut pas trop s'étonner d'en être arrivé là...
Pour certains dont la mémoire peut faire défaut, il serait utile de rappeler qu'autrefois au Québec les Français et Anglais avaient le droit constitutionnel d'avoir des écoles confessionnelles supportées par l'État. En général, les francophones envoyaient leurs enfants dans les écoles catholiques et les anglophones dans les écoles protestantes. Mais vers la fin des années 70 les évangéliques francophones ont ouvert des écoles évangéliques francophones publiques dans le système protestant. En 2001, après 20 ans d'existence et de croissance continue, une collusion exceptionnelle entre le gouvernement fédéral et provincial ainsi que les instances juridiques à la Cour Suprême du Canada a abouti à l'élimination des écoles évangéliques francophones. Là encore, la TCPE a fait la promotion de la position gouvernementale et recommandait aux évangéliques d'accepter le fait accompli.
Il faut penser plus loin que des questions politiques immédiates et les pressions que peuvent exercer sur nous l'État ou les médias. À vous qui avez signé le document de la TCPE, il faut penser à votre responsabilité devant Dieu concernant les générations d'enfants issus de milieux évangéliques qui seront assujettis à la propagande du cours d'ECR dans les années à venir. Il faut penser à votre responsabilité devant Dieu de transmettre sa Parole qu'il nous a confié et votre responsabilité devant le Corps de Christ. Connaissant bien le milieu universitaire, il faut souligner que les auteurs de ce cours n'ont, dans aucun cas, le souci d'avancer la propagation de la Parole de Dieu. Lorsque les enfants de milieu évangélique auront passé 13 ans dans le système à la fin, ils vont possiblement se dire chrétiens, mais il est fort probable qu'ils vont penser comme des païens et se comporter comme des païens aussi....
Dieu vous a mis dans une position d'autorité dans son Église et vous aurez des comptes à rendre un jour devant Lui touchant vos prises de position. Les Écritures nous servent des avertissements sévères à ce sujet :
Mes frères, qu'il n'y ait pas parmi vous un grand nombre de personnes qui se mettent à enseigner, car vous savez que nous serons jugés plus sévèrement. (Jacques 3:1)
Mais, si quelqu'un scandalisait un de ces petits qui croient en moi, il vaudrait mieux pour lui qu'on suspendît à son cou une meule de moulin, et qu'on le jetât au fond de la mer. (Mt 18:6)
Si vous voulez éviter de faire des jeunes de famille évangéliques qui se diront plus tard "chrétiens", mais qui penseront (et se comporteront) exactement comme des païens, alors il faut faire face à ce conflit. Il FAUT prendre une distance critique face à l'idéologie gouvernementale. Pensez plus loin que la situation présente et pensez aux enfants. Ils ont déjà des pressions sociales et culturelles énormes qui les éloignent des principes la Parole et de la Vérité. Faut-il en ajouter?
Les parents évangéliques exigent donc du gouvernement qu'il offre des options qui respectent l'autorité des parents de gérer la formation des enfants. Ce que le gouvernement offre/impose actuellement n'est pas acceptable.
Pour ces raisons, je vous demanderais donc de vous dissocier publiquement du document émis par la Table de concertation protestante et de prendre publiquement la parole contre le cours d'ECR afin de contrer les effets que vont subir les enfants de famille évangélique. Cette prise de position peut être faite au nom de votre association d'églises si possible, sinon à titre personnel. Et si vous êtes d'accord pour contrer les effets du cours ECR, votre appui au mouvement CLE (Coalition pour la Liberté en Éducation) serait apprécié. Ce mouvement comporte aussi bien des parents catholiques que protestants et évangéliques.
Pour les évangéliques de notre génération, la grande tentation est de rester dans notre petit ghetto confortable et éviter à tout prix le conflit avec les grands pouvoirs. En somme, les élites de notre société nous disent : “ Confiez-nous vos enfants et l'on se chargera de les élever dans la voie que nous voulons qu'ils suivent...! ”
Il est temps pour les évangéliques de se réveiller de sommeil. Il est temps pour notre leadership évangélique de se réveiller et de cesser de se mettre la tête dans le sable sur les questions sociales. Il est temps pour nous de devenir le sel de la terre dans le Québec de 2008. Il est le temps d'abandonner les théologies superficielles du confort qui nourrissent notre passivité et notre égoïsme et de réfléchir un peu sur le rôle que nous pouvons jouer dans notre génération. Si nous affirmons que Dieu nous a confié la Vérité dans sa Parole et que nous croyons que cela soit important, il se peut bien que nos affirmations soient testées. À quel point au juste croyons-nous vraiment que les Écritures sont importantes? Quel prix sommes-nous prêts à payer pour nous assurer que cette Parole soit effectivement transmise à la prochaine génération? Sommes-nous prêts à le faire même si cela nous attire le mépris des grands de ce siècle? Je crains que la réponse ne soit le silence et que la majorité des évangéliques préfèrent de beaucoup leur confort (institutionnel ou personnel)...
Et si ce serait le cas, tout ce que je peux répliquer serait “ Que Dieu nous botte les fesses! ”
Paul Gosselin
Anthropologue, auteur et webmestre du site Samizdat
St-Augustin, le 3 mars 2008
Paul Arcand interview Denise Bombardier. (2008) Coalition contre les cours d'éthique religieuse--Le scepticisme envers les politiciens. 98,5FM 26/02/08
Dennett, Daniel C. (1995) Darwin's Dangerous Idea: Evolution and the Meanings of Life, Penguin: London,
Duchesne, Christian (2007) Commission Bouchard-Taylor: Intégrisme laïcisant.
En directe Société Radio Canada lundi le 29 octobre 2007.
Gosselin, Paul (2001) Lettre ouverte à monsieur François Legault, Ministre de l'Éducation du Québec.
Gosselin, Paul (2007) Écoles laïques, écoles neutres: Légende urbaine ?
Gosselin, Paul (2007) La définition de la religion: un autre son de cloche. (mémoire présenté à la commission Bouchard-Taylor le 30 oct. 2007)
Gosselin, Paul (2006) L'absorption des croyances dans une culture postmoderne.
Gosselin, Paul (2005) La définition de la religion en anthropologie sociale.
Gosselin, Paul (2007) Le silence des agneaux.
Hitchens, Peter (2010) The Rage Against God: How atheism led me to faith. Zondervan Grand Rapids IL 224 p.
Hitler, Adolf (1952) Libres propos sur la guerre et la paix. (recueillis sur l'ordre de Martin Bormann 1941-1942, coll. Le Temps présent) Flammarion [Paris] 370 p.
Huxley, Aldous (1958/1990) Retour au meilleur des mondes. Plon [Paris] 155 p.
Lewis, C.S. (1943/1986) Abolition de l'homme. réflexions sur l'éducation. Criterion Limoges 201 p (version etext anglaise)
PaulHus, Christian (2007) Critique d'un enseignant du projet de cours d'éthique et de culture religieuse.
[1] - Voici le lien pertinent Registres des entreprises du Québec: Direction chrétienne :
[3] - Voici le lien pertinent :
[4] - Lien pertinent :
[5] - Cela ne concerne à vrai dire que les évangéliques œuvrant auprès de la population francophone. Les protestants anglophones n'ont jamais été la cible de ces restrictions.
[6] - Comme c'est le cas de l'Islam justement. Cette religion s'intéresse avant tout au contrôle du territoire et de l'État.
[7] - Pour un examen approfondi de ce système de croyances, voir mon dernier livre Fuite de l'Absolu, volume I.
[8] - Ou toute autre institution humaine.
[9] - L'église des premiers siècles s'est appuyé sur ces principes pour s'opposer au culte de César. Ils étaient intolérants de cette doctrine...
[10] - Voir l'épisode de Jean 6: 14-15 où l'on a voulu faire de Christ le roi. Offre qu'il a refusé (ce qui fait contraste avec l'attitude du prophète Mohamed qui a saisi le pouvoir politique et militaire à la première occasion).
[11] - Il y a lieu de penser que bientôt d'ailleurs ce terme ne signifiera plus rien du tout. Ceci aboutit à une situation qui ressemble à celle décrite (en 1958!) par Aldous Huxley à l'égard de l'institution sociale que l'on nomme démocratie. Dans le Retour au Meilleur des mondes, il note à ce sujet (Huxley 1958/1990: 144):
Sous l'impitoyable poussée d'une surpopulation qui s'accélère, d'une organisation dont les excès vont s'aggravant et par le moyen de méthodes toujours plus efficaces de manipulation mentale, les démocraties changeront de nature. Les vieilles formes pittoresques — élections, parlements, hautes cours de justice — demeureront, mais la substance sous-jacente sera une nouvelle forme de totalitarisme non violent. Toutes les appellations traditionnelles, tous les slogans consacrés resteront exactement ce qu'ils étaient au bon vieux temps, la démocratie et la liberté seront les thèmes de toutes les émissions radiodiffusés et de tous les éditoriaux — mais une démocratie, une liberté au sens strictement pickwickien du terme.