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Samizdat

Parkinsonien et heureux.

Un témoignage par Happy Luke[1]





Luc de Benoit

"Happy Luke"
"Luquiluc, eh Luquiluc" (Lucky Luke) ! Des enfants me lançaient ce sobriquet dans les hauts de Lausanne, quand j'étais jeune. Savaient-ils qu'il signifie "Luc le chanceux" ?

Pendant ma vie, j'ai connu mieux que de la chance : beaucoup de bonheur. Si je suis un parkinsonien heureux, c'est le prolongement d'un bonheur plus ancien, la preuve que ce dernier tient le coup. Il a d'ailleurs tenu bon face à d'autres épreuves : une santé sérieusement limitée dès 1970, la mort tragique de notre fille en 1999, après des années de pénible maladie, et j'en passe.

Je préfère donc me surnommer "Happy Luke, Luc l'heureux" ou le "béni", sens de notre nom de famille "Benoit". Béni par Dieu, auquel soit tout l'honneur !


Avant[2]
Chacun réagit à la maladie de Parkinson selon son vécu préalable. Voici donc quelques jalons de ma vie.

Mon premier bonheur a été de voir le jour comme petit dernier d'une grande famille stable et unie. Mes parents s'aimaient fidèlement. Ils étaient disponibles. Leur foi était profonde et communicative.

Vue d'artiste (!) de ma famille à mi-mai 1938. Depuis la gauche : Papa (Pierre, 54 ans), Maman (Odette, 39 ans), Luc (15 jours), Dorothée (6 ans), Elisabeth (11 ans ½), Jean (13 ans), Daniel (presque 15 ans) et Claire-Lise (demi-sœur, bientôt 21 ans).

Nous habitions une maison spacieuse et bien située, dans un pays aux milliards de fleurs, épargné par les guerres.

Au début de l'école secondaire, je passai par une profonde expérience de conversion, non à une Eglise ou à un mouvement, mais à Dieu. J'appris à le connaître et à le reconnaître comme Seigneur et libérateur, personnellement, par le dedans, et non pour plaire simplement à mes parents. Je me souviens clairement d'un profond sentiment de mon impureté face à Dieu. Je confessai, aussi aux hommes, divers méfaits d'enfant. Il s'agissait en particulier de menus vols - un début - à l'école primaire et dans un magasin. Le pardon et l'immense amour de Dieu, et l'œuvre de son Esprit Saint en moi devinrent une réalité dans laquelle grandir. Ce fut une nouvelle orientation pour la vie. Mon adolescence fut fort heureuse, malgré la mort de ma mère, du cancer, quand j'avais quinze ans.

Mon bac en poche, j'entrepris des études de théologie protestante évangélique, sans sectarisme. Elles se déroulèrent en Angleterre (Londres, 1957-60) et en Nouvelle Angleterre, près de Boston (1960-62). De 18 à 26 ans, je fis aussi d'autres séjours et stages importants à Göttingen (Allemagne), dans les Cévennes (France), en Israël et au Burundi (Afrique centrale).

Dans les montagnes de ce dernier pays, où nous servions, je rencontrai mon unique : Joan Petrie. Elle venait de Douvres, juste en face de Calais. Elle connaissait déjà bien le français. Nous comptons plus de 37 ans de mariage réussi sur tous les plans, fondé, gardé et renouvelé par notre Seigneur commun. Mille fois merci, ma très chère Joan, pour ta réaction exemplaire à ma maladie ! Nous avons accueilli trois enfants.

Notre famille à fin août 1979. A gauche, Joël (13 ans), puis Luc (41 ans), Christophe (15 jours), Joan (37), et Irène (11 ½). Un bébé et deux ados, ça garde jeune !

Dès 1964, j'ai travaillé à l'Institut biblique Emmaüs, à Saint-Légier (Suisse) depuis 1967. Cette école forme de jeunes adultes pour différents services chrétiens. J'ai enseigné la Bible et l'hébreu biblique, langue originale de l'Ancien Testament : passionnant ! Un "hobby" faisait partie de mon emploi officiel : (beaucoup) développer la bibliothèque, assisté par une équipe d'étudiants.

Aux Editions Emmaüs, j'ai écrit trois titres, dirigé l'adaptation française d'un long manuel sur l'Ancien Testament et réimprimé une série d'ouvrages anciens. Avec la rédaction d'articles, quelques cours ou prédications à l'extérieur et divers comités, j'étais souvent à la limite de mes possibilités.

Je ne tairai pas une casse nerveuse, qui m'a marqué. Nous étions installés en famille près de Chicago pour une année "sabbatique" (1970-71). Mon programme théologique avancé se révéla vite irréalisable en un an avec mes petites forces. Averti sur les signes d'une dépression, j'ai décroché à temps, sans hospitalisation.

Le reste de l'année n'a pas été de trop pour me remettre. Au lieu d'un savant mémoire, j'ai rédigé un témoignage privé de 18 pages, intitulé "C'est par fidélité que tu m'as humilié" (Psaume 119.75). Cette expérience pénible m'a enseigné des leçons d'humilité, de compassion, de patience et sur les véritables priorités. J'en avais plus besoin que d'un diplôme universitaire supérieur. Je n'ai jamais pleinement retrouvé mes forces antérieures. Souvent juste à flots, je suis resté familier de touches d'épuisement et de dépression, en général légères et courtes. Mais le fond est ensoleillé et entreprenant (un don), avec un caractère à la fois passionné et flegmatique.

Non sans peine, j'ai dit un oui positif à ce qui s'était passé, en laissant tomber la révolte ou la résignation négative. Oui à Dieu d'abord, avant ses dons et son service. Puis, à cause de lui, oui à tous ses dons, ainsi qu'aux limites qu'il leur trace. Le contentement et la capacité de s'émerveiller malgré les pertes s'apprennent devant lui. Ceux qui savent que Dieu passe avant ses dons et le bonheur, jouissent le mieux et des dons et du bonheur. En même temps, cette vie spirituelle reçue dans mon enfance s'est développée et renouvelée, en moi qui demeure bien imparfait.

Telle a été l'école de ma vie. Ainsi ai-je été armé pour affronter positivement le grand dépouillement actuel.


Le diagnostic
Vers la fin de 1991 – j'avais 53 ans – ma main droite commença à trembler. Puis, au piano, je n'arrivais plus à bien exécuter des trilles. A l'ooordiinateur, j'enfoonçaiiis troopppp longtempps certaiines touches.

Au printemps 1993, ma posture et ma démarche s'étaient un peu altérées. Mon nouveau généraliste, une perle, m'envoya sans tarder chez un neurologue. Voici mon vif souvenir de notre entretien après les examens d'usage (voir illustration ci-contre) :

Comme explications, c'était plutôt maigre. J'ai vite pris trois options: (1) Me renseigner en détail. Mieux valait affronter en face ce qui m'attendait. La maladie de Parkinson au quotidien du Dr P. Pollak a bien fait l'affaire (2e éd., Paris, 2001). (2) Me joindre à un groupe d'entraide. Tant pis si j'allais contempler en autrui ce que je deviendrais plus tard. L'encouragement, le soutien, les informations bien ciblées, les nouvelles rencontres et l'amitié importaient le plus. J'ai donc trouvé les coordonnées de l'Association Suisse de la maladie de Parkinson (ASmP) et de son groupe de Lausanne / Pully. J'en ai beaucoup bénéficié, ainsi que du Centre de Jour pour parkinsoniens qui s'est ouvert depuis chaque mercredi à Pully. Dommage pour la majorité des malades qui s'isolent. Ils ne savent pas ce qu'ils manquent ! (3) Je n'ai pas caché ma maladie. Sans la crier sur les toits, mieux vaut être franc et clair, à tous les stades. Je suis souvent touché par la gentillesse des gens.


Première rétrospective
Sans minimiser les pertes, je réalise que mon évolution pendant ces dix premières années de maladie a été privilégiée. D'abord par sa relative lenteur. Une détérioration plus sévère est cependant intervenue surtout depuis un an : un cortège de handicaps plus lourds s'annonce. D'autre part, seule ma main droite tremblait au début, alors que je suis gaucher. Un cadeau ! Autre grâce : l'essentiel de mes capacités intellectuelles est resté intact. J'ai gardé une certaine vivacité d'esprit, toujours fertile et curieux. J'ai frayé la voie à de nouveaux projets et procédures. J'en poursuis toujours une partie. J'ai encore des idées à revendre. Et quelle formation préalable à l'épreuve ! Quel précieux support par mes proches – mon épouse surtout – et mes collègues ! Quel généraliste attentif ! Quelle aubaine que l'ASmP ! Quel soulagement que les prestations sociales (Assurance Invalidité, "2e pilier" ...) et de mon employeur ! Et surtout quel secours divin, qui surpasse tout le reste !


La médecine
Le cocktail de symptômes, leur intensité relative, la vitesse et les paliers de leur évolution varient d'un patient à l'autre. La réponse ou l'intolérance aux puissants médicaments disponibles sont aussi très individuelles. Ah ! Ces pilules du progrès, bienvenues mais éprouvantes ! Cette pénible recherche du moindre mal entre durs effets secondaires et maladie ! Ce droit aux essais infructueux que je concède de bon coeur à mes médecins, compétents, mais à l'arsenal imparfait ! Et aucune de ces molécules n'est capable de guérir. Elles ne peuvent qu'atténuer ou masquer les symptômes. Il en va de même pour la fameuse implantation d'électrodes au millimètre près dans une petite zone profonde du cerveau. Cette opération majeure, à risques, n'est indiquée que dans certains cas. Elle peut déboucher sur des améliorations considérables, voire spectaculaires.

On escompte des remèdes plus radicaux grâce au génie génétique. Certaines des voies envisagées paraissent éthiquement acceptables. Mais des années peuvent passer avant d'éventuelles applications sûres et efficaces.


Le dépouillement[3]
Ce terme décrit bien le processus de la maladie dans le vécu du patient. Il souffre d'un dépouillement prématuré et progressif sur plusieurs plans. Je l'ai illustré ainsi par rapport à ma capacité de travail :

Le principal dépouillement concerne la mobilité (akinésie). Oh ! Ce "strip-freeze" lent et irrégulier des capacités de mouvement, en route vers la nullité et l'impuissance ! Comme ça fait drôle d'éprouver des difficultés croissantes à m'habiller, me laver, manger, marcher, parler distinctement, écrire, aussi au clavier, manipuler des papiers, etc. J'ai professé mon dernier cours, terminé mon ultime virage à skis et ma dernière course en vélo. Le 21 mars, j'ai cessé volontairement de conduire, en fêtant positivement quelque "300'000 km sans accident..." – La lenteur est sœur de l'akinésie. Pendant des heures "productives" toujours plus rares, l'effort augmente et les résultats baissent. Mes activités diminuent. Plusieurs disparaissent.

Les petits dessins et le don de l'humour me permettent de prendre quelque distance par rapport à moi-même, en souriant sur des aspects drôles de ce ce qui autrement n'est pas drôle du tout.

Le dépouillement considérable et épuisant de sommeil (surtout dû aux médicaments?) est dur entre tous pour moi qui ai toujours eu besoin de beaucoup dormir.

Je suis aussi dépouillé de ma quiétude : - par un tremblement croissant, d'abord dans la main droite, puis gagnant l'autre main, les jambes et la mâchoire ; - par quelques dystonies ou contractions involontaires de muscles, pouvant devenir douloureuses ; - par des changements d'état et d'humeur plus ou moins marqués suivant les prises de médicaments et les circonstances : phases plus mobiles et énergiques, puis plutôt avec peine et "pannes" (pas encore de blocages majeurs) ; - par des épisodes irréguliers de dépression endogène, heureusement momentanés, plutôt légers et espacés, parfois plus sévères. Quel trésor mal estimé que mes habituelles ressources de courage ! Alors quel affaissement, voire quelle inversion de la positivité et de l'élan naturels de mon psychisme ! Quelle chute de sa résistance ! Et enfin quel retour mystérieux et spontané d'énergie et de confiance ! Seigneur, tu me tiens tout le temps. "Grande est ta fidélité ! "


L'art de bien apprêter les restes
Pour une personne dépouillée par la maladie, "Vivre, c'est l'art d'employer les restes" (Dr A. Liengme). Ma capacité diminuée est comme un verre rapetissé. Au lieu de me lamenter que mon verre n'est plus que d'un déci, je peux me féliciter des boissons variées disponibles pour le remplir chaque jour. La vie reste incroyablement riche et intéressante. J'ai toujours l'embarras du choix. J'apprends à mieux savourer ce qui devient plus rare. Je (re)découvre des activités de remplacement avantageuses et apaisantes. Les escargots m'échappent ? Eh bien, à la place, je chasserai des fleurs ! Elles sont plus exquises, variées et accessibles.

Qu'il est difficile de devoir toujours à nouveau m'adapter à des "restes" qui diminuent ! Parfois j'ai le tout premier terriblement besoin de vivre ce que j'écris. Je résume ces différents points d'abord pour moi-même. Voici les principales:


Conditions pour bien profiter des restes

1. Sur le plan de l'attitude intérieure
Acceptation. Accepter la maladie et sa dure évolution. Sans une telle attitude, mise à jour, je ne peux pas bien apprécier les "restes" et en jouir. Cette acceptation est positive. Je ne baisse pas les bras dans la résignation. J'entreprends tout ce qui est possible pour repousser, ralentir ou masquer la maladie. Mais ce qui reste inévitable, je l'accepte sans révolte devant Dieu, dans la foi qu'il me donnera de surmonter l'épreuve sans être dominé par elle, mais de la dominer par sa grâce, en sorte que la maladie devienne même une occasion de grandir dans cette foi. Ainsi je peux lucidement vivre dans le présent, et non dans les regrets à propos du passé, la crainte de l'avenir ou des fantasmes stériles ("si ma vie avait tourné autrement..."). Enraciné dans le réel, je peux avancer ici et maintenant, appuyé sur Dieu et ses nombreuses promesses.

Parenthèse capitale : Je ne peux guère accepter le présent si je n'ai jamais accepté mon passé, et si je traîne de lourdes et anciennes "dettes" morales non réglées. Salutaire maladie, si elle devient l'occasion de mettre en ordre ma vie et mes relations avec Dieu et les hommes. Un élément majeur de cette liquidation des hypothèques du passé est le pardon, demandé, accepté et accordé, vis-à-vis de Dieu, des hommes et de moi-même. C'est la "spécialité" de Dieu, à grand prix pour lui, d'accorder un plein pardon et un renouvellement complet de vie à tous ceux qui font appel à lui dans ce sens.

Reconnaissance. Me concentrer sur toute la richesse de ce que j'ai encore plutôt que sur ce que j'ai perdu. Exprimer cette reconnaissance. Cette richesse est finalement bien plus importante que ce qui m'a été ôté, même physiquement. Si Dieu et ses précieuses promesses demeurent, à terme tout me reste ! En attendant, je demande et reçois la force intérieure de patienter dans l'espérance.

Dépendance de Dieu. Ceci est applicable à tout chrétien, mais constitue un élément essentiel de mon équilibre et de mon bonheur comme parkinsonien. En tout temps, ainsi que dans une période quotidienne réservée au recueillement, à la méditation de la Bible et à la prière, je suis renouvelé par une sorte de "respiration" spirituelle. D'une part (expiration), je confesse à Dieu mes péchés de chrétien, souvent alors qu'ils sont encore au stade de la pensée, et je me décharge devant lui de tous mes soucis et inquiétudes. D'autre part (inspiration), j'accueille avec joie le plein pardon confirmé et continuel de Dieu, le renouvellement de son Esprit en moi pour transformer mon caractère, et je reçois la lucidité et le secours dont j'ai besoin au bon moment. Alors je peux adorer, louer et remercier Dieu (rien de tel pour rester positif), particulièrement pour le prix inouï qu'il a payé pour m'accorder tout ceci : la mort expiatoire du Fils de Dieu sur la croix ! J'ai aussi l'occasion de prier pour les autres et pour le monde. La maladie ne change rien au but fondamental de la vie : aimer, honorer et servir Dieu et mon prochain, selon mes moyens. Gare à l'égocentrisme qui menace facilement un malade au long cours. Ces démarches intimes ne sont pas une loi ou un devoir pénibles, mais une joie et un merveilleux privilège. Si je les expose, c'est pour vanter et recommander Dieu et sa faveur imméritée. Un parkinsonien, comme toute personne, ne trouve pas le bonheur en le cherchant directement. Il peut le recevoir, mais indirectement, par-dessus, comme un "sous-produit" de la grâce divine.


2. Conditions sur le plan pratique
Collaborer activement à mon traitement. Ne pas trafiquer médicaments ou posologie sans en avoir discuté avec mon médecin. Une montre multi alarmes me rappelle le moment des prises. Des pilules "de secours" sont toujours prêtes dans mon porte-monnaie, en cas d'oubli. - Pratiquer de la gymnastique quotidienne et des promenades, en plus des séances de physiothérapie et autres. M'alimenter sainement et boire assez. Me reposer suffisamment. Contre l'enthousiasme qui me fait oublier pauses ou limites, je suis armé d'une minuterie.


M'adapter signifie :

Me décharger suffisamment. Ne pas me surmener en m'acharnant à produire autant qu'avant dans tel ou tel domaine. Me simplifier la vie. Appartement de retraite plus petit que prévu (salutaire délestage), mais mieux adapté, voiture avec sièges plus hauts et transmission automatique, désabonnements, etc. Souplesse dans l'organisation. Eviter les engagements et délais trop contraignants, en me ménageant des possibilités de retrait ou de report en cas de périodes difficiles. Profiter des meilleurs jours et moments dans la journée. Les réserver pour les activités les plus importantes et intéressantes. Ne pas courir plusieurs lièvres à la fois. Là où c'est possible, suppléer mes manques par des moyens et aides techniques (planche de baignoire, pinces et ciseaux spéciaux, aides au travail sur ordinateur, "système D", etc.). En rédigeant ce témoignage, j'ai développé un système d'écriture abrégée, pour limiter le temps perdu à écrire des notes personnelles très lentement, en grosses lettres pour rester lisible. On peut contourner certains obstacles pour atteindre les mêmes fins. Quelles sont les "fleurs" que je peux toujours chasser à la place des "escargots"? Vive les hobbies à valeur thérapeutique, pour moi surtout la peinture sur cailloux et le piano, encore possibles dans les bons moments.

Ne pas m'isoler, rester ouvert. Continuer à m'intéresser aux autres et au monde, en particulier à ceux qui sont plus mal lotis que moi : lectures, vidéos et émissions intelligentes de TV, usage bien ciblé de l'Internet, si j'y ai accès ... Participer à un groupe de soutien de l'Association Suisse de la maladie de Parkinson, ainsi qu'à un Centre de jour, groupe de gymnastique appropriée ou encore à des sorties ou vacances sur mesure. Cultiver des amitiés. Penser aux besoins de mon / ma partenaire, si je suis accompagné : repos, changements, surprises.


Si tout va mieux ou si rien ne va plus
Espoirs ou craintes pour le lendemain existent bel et bien. Mais je les dépose ou je m'en décharge devant le Seigneur. Si d'heureuses surprises m'attendaient : nouveaux traitements, opération quand même ...? Dieu peut me guérir, il l'a bien fait pour d'autres. Qui ne le désirerait pas?

Ou si mon état empirait et dépassait mes forces? Si j'avais de terribles passages à vide? Si la fin de ma vie était particulièrement pénible? Beaucoup n'ont pas été guéris. - C'est là précisément que l'espérance chrétienne fait toute la différence. Le Seigneur me porterait. Même si je devais finir mes jours sans pouvoir raisonner, parler ou prier – avec la maladie d'Alzheimer en plus, par exemple – mon espérance objective resterait sans limites. Le trésor de ma vie serait gardé et caché en Dieu, qui la ferait éclater de santé dans la gloire au jour de la résurrection. En (l') attendant, je peux vivre au présent avec lui et affirmer : "Ma chair et mon cœur peuvent défaillir, Dieu sera toujours le rocher de mon cœur et ma part" (Psaume 73.26), et "Mes temps sont dans ta main" (Psaume 31.16, toutes les étapes de ma destinée, faciles ou difficiles). Oui, Seigneur, ta grâce me suffit (voir 2e lettre de Paul aux Corinthiens 12.9). L'apôtre Paul affirme dans la même lettre : "Nos légères afflictions du temps présent produisent pour nous, au-delà de toute mesure, un poids éternel de gloire" (4.17). Je paraphrase enfin le verset qui précède (4.16) : Si mon être extérieur se détruit, mon être intérieur se renouvelle de jour en jour.

Etre parkinsonien, c'est un peu comme vieillir prématurément et plus vite, mais pas à ce point (conversation authentique avec ma fille, quand elle était petite) :



Fin mars 2003, Happy Luke - Luc de Benoit, chemin de Béranges 41, 1814 La Tour-de-Peilz (Suisse). - Illustrations : H. Luke

Post-scriptum - nov. 2004

A propos, je ne résiste pas à l'envie de partager une suite, postérieure au témoignage: Si, si ..., j'ai trouvé qui était plus lent qu'un "parkinsonien bernois" (en Suisse, on se moque toujours de la [soi-disant] grande lenteur des Bernois): c'est un "parkinsonien bernois ... constipé", comme moi, etc. La constipation représente parfois une conséquence très sérieuse de la maladie de Parkinson, quand les muscles qui normalement "poussent" échappent aux "ordres" de pousser. Mais ce n'est sûrement pas une constipation de pensée. Je souffre plutôt d'une occasionnelle "incontinence de réflexions et d'idées", dont le nombre croît parfois de concert avec mon incapacité de les réaliser... A la limite, un tel état peut devenir une composante maladive de l'épreuve.

Je reprends à mon compte ce que mon père soulignait parfois : Celui qui ne sait pas rire, j'ajoute en particulier sur lui-même, n'a pas encore bien compris le sérieux de l'existence. Autre remarque : J'ai réalisé qu'une plaisanterie appliquée à moi-même, en plus de son effet thérapeutique sur ma propre personne, enchante et détend généralement les gens. Mais l'effet n'est pas forcément pas le même sur un vrai Bernois, si l'on raconte la même plaisanterie d'un ton moqueur en sa présence. Ici, j'ai simplement repris à mon compte une Xième plaisanterie de service sur "le" (les) Bernois. Et il est exact que ma "commune d'origine" (entité propre aux citoyens suisses) est la ville de Berne, même si je n'y ai jamais vécu. Mais, je le sais aussi pour avoir passé par des épisodes dépressifs: il y a des états où l'on n'arrive plus, mais alors pas du tout, à rire sur soi-même et sa situation. Savoir en rire est aussi une grâce, et (re)commencer à le faire est "thérapeutique" comme signe et manifestation d'une grâce guérissante plutôt que comme cause de guérison.


Notes

[1] - Une version condensée de ce témoignage a paru dans Promesses No 148 - 2004 / 2. Mise en ligne autorisée sur ce site. Copiable et transmissible à quelques expl., mais dans son intégralité, y compris la présente notice. Mise en ligne sur d'autres sites ou publication imprimée: sur permission, svp. Vu mes limitations, je ne garantis pas réponse ou échanges à tout courrier. LdB

[2] La maladie de Parkinson est due à la mort progressive et inexpliquée, dans une petite région centrale du cerveau, de cellules assurant la capacité de se mouvoir. Cette maladie se manifeste par une rigidité et une réduction croissantes des mouvements, souvent accompagnées d'un tremblement. L'essentiel des fonctions intellectuelles peut être longtemps conservé.

[3] Absence pathologique de mouvement.