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Samizdat

La loi et la grâce selon
l'épître aux Galates.







Raymond Boivin

L'homme, de par sa nature, est très religieux. La puissance des éléments qui l'entourent lui dicte en effet qu'il doit y avoir un dieu derrière toutes les merveilles de son environnement. Sa conscience même lui souffle la pensée de l'éternité. La grandeur de ce dieu poussera donc l'homme à rechercher sa faveur et ses bénédictions; ou encore, il veillera à ne rien faire qui puisse lui attirer la réprobation divine. C'est là le point de vue de l'homme; mais qu'en est-il de Dieu?

Il y a un dieu derrière la création: c'est l'Éternel, le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob. Il a en effet une opinion bien arrêtée sur la manière que l'homme devrait s'y prendre pour s'approcher de lui et marcher devant sa face. Il a commencé à révéler sa volonté au-travers un peuple qu'il s'est formé, Israël, pour ensuite la préciser par la venue de son fils unique, Jésus-Christ. L'homme n'est donc pas laissé à lui-même pour rechercher à tâtons le chemin du coeur de Dieu. Il peut compter sur des enseignements sûrs, des directives fiables qui le gardera des chemins de néant. Ces instructions sont consignées dans ce livre saint qu'est la Parole de Dieu, la Bible. Plus particulièrement, l'épître aux Galates s'avère une source particulièrement fertile pour le sujet de la justification et la sanctification de l'homme devant Dieu.

Le présent travail s'attachera donc à faire ressortir de l'épître aux Galates les enseignements concernant les principaux éléments qui sont sollicités dans la justification et la sanctification de l'homme: la loi et la grâce. En premier lieu, le contexte de l'épître aux Galates sera défini. Puis, pour expliquer ce qu'est la justification, des précisions seront apportées sur les oeuvres de la loi. Ensuite des raisons seront exposées pour bien faire comprendre que la loi est insuffisante mais nécessaire. Finalement, il sera démontré que la grâce libère, aussi bien dans le domaine de la justification que dans celui de la sanctification.

Puisse donc ce travail nous faire progresser dans la connaissance et la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ.




LE CONTEXTE DE L'ÉPÎTRE AUX GALATES

Lorsqu'on étudie un texte biblique pour en dégager une doctrine, il est très important de bien situer celui-ci dans son contexte. Pour ce faire, nous commencerons par nous instruire sur la nature des églises de Galatie pour déboucher ensuite sur les circonstances entourant l'épître aux Galates.

A. Les églises de Galatie
Les églises auxquelles l'apôtre Paul s'adresse sont formées principalement de Gentils (non juifs) et aussi d'une minorité de juifs. Ils ont été amenés à l'évangile par le témoignage même de l'apôtre lors de son premier voyage missionnaire. lls ne sont certainement pas ignorants de l'histoire de l'Ancien Testament puisque Paul leur en parle comme à des juifs. D'ailleurs, lors des voyages missionnaires de Paul en Galatie, on peut voir que ces villes renfermaient des synagogues, ce qui implique que la culture juive était répandue et connue.

Pour la localisation exacte de la région de la Galatie, les spécialistes de l'interprétation biblique divergent de point de vue. Il y a en effet deux régions qui portent le nom de Galatie: le nord le l'Asie mineure et la province romaine plus au sud. Kuen déclare cependant ceci: “Beaucoup de spécialistes actuels préfèrent l'hypothèse “sud-galactique” lancée en 1748 et adoptée depuis lors par “la majorité des savants modernes”” (205). Quoiqu'il en soit, la compréhension de la substance même de l'épître n'est pas significativement altérée par la connaissance exacte de la localisation de ces églises.


B. Les circonstances entourant l'épître aux Galates
Martin LutherLuther aimait particulièrement l'épître aux Galates qui fut sans conteste une des armes les plus efficaces lors de la Réforme protestante du 16e siècle. Cette épître est à juste titre considérée comme la grande charte de l'Église. Son titre est dû au fait que l'enseignement de Paul a donné le coup d'envoi pour l'identification propre du christianisme, un mouvement qui prône la justification par la foi et qui n'est plus une simple branche du judaïsme. Mais ceci ne s'est pas fait sans douleur, loin de là. C'est dans la controverse, pour ne pas dire grâce à la controverse, que cette grande vérité s'est implantée.

Tout a commencé lorsque des chrétiens juifs, des judaïsants, ont enseigné les Galates de la sorte: pour réellement être considéré comme faisant parti du peuple de Dieu, il fallait, après avoir cru au Seigneur Jésus, accomplir les oeuvres de la loi. Ils devaient donc se faire circoncire et suivre les prescriptions de la loi mosaïque. Ce message étant contraire à celui qu'ils avaient reçu de leur père spirituel, l'apôtre Paul, il fallait donc discréditer celui-ci. Boice décrit bien la calomnie dont fut alors victime l'ouvrier fidèle: “Actually, they asserted, he was merely an evangelist who, after he had received some knowledge of Christianity, turned to his own devices and, in order to please the Gentiles, taught an easy gospel that was opposed to that of the apostolic model (1:10). They said that Paul must teach as the disciples taught or be rejected” (411).

Lorsque Paul eût vent de cette influence néfaste pour l'église qu'il avait fondée, il écrivit alors l'épître aux Galates, une lettre pleine de fougue qui montre bien le coeur de l'apôtre. Celui ci doit donc d'abord défendre son apostolat pour ensuite soutenir la saine doctrine de la justification par la foi et non par les oeuvres de la loi. C'est dans cet écrit que l'on peut vraiment voir tout l'esprit combatif qui pouvait animer l'apôtre des gentils.

En ce qui concerne la date de rédaction de cette lettre, il est généralement proposé qu'elle ait eu lieu lors du deuxième ou du troisième voyage missionnaire de Paul, donc entre 49 et 52 ap JC. Certains exégètes pensent qu'elle aurait pu être écrite avant la conférence de Jérusalem. Ceci est cependant peu probable, Galates 2 étant généralement associé à cette conférence.



LA JUSTIFICATION: PRÉCISIONS CONCERNANT LES OEUVRES DE LA LOI

Dans sa défense de la saine doctrine, Paul commence en rappelant un incident survenu à Antioche. À cet endroit, les croyants, qu'ils soient juifs ou gentils, avaient coutume de partager un repas ensemble. Ceci était tout à fait contraire aux lois juives se rapportant principalement à la pureté. En conséquence, lorsque des juifs de Jérusalem envoyés par Jacques arrivèrent à Antioche, ils furent scandalisés. Céphas, qui participait à ces repas, se retira alors par crainte de ces juifs. Ce faisant, il montrait que tant que les gentils n'adoptaient pas la loi juive, ils étaient exclus de la fraternité du peuple de Dieu. En bref, il leur disait que la loi de Moïse était supérieure à la foi en Christ comme moyen de justification.

Lorsque Paul constata cet état de fait, il confronta Céphas en public (la faute ayant été faite en public):

Dans la théologie naissante du christianisme, ces paroles sont d'une importance capitale car c'est la première fois que la doctrine de la justification par la foi est clairement enseignée. Il vaut donc la peine de bien s'arrêter sur la signification des termes que l'apôtre Paul utilise à cette occasion, et principalement sur l'expression “justifié par les oeuvres de la loi”. Cette dernière fait en effet l'objet de deux interprétations principales qui se doivent d'être précisées pour bien comprendre la pensée de Paul concernant la justification. La première sera donc étudiée sous le descriptif de “concept luthérien” et la deuxième sous celui de “concept historique”.

A. Le concept luthérien
Le terme justifié fait référence à la justice de Dieu. Dans la perspective du salut, on ne parle pas de la sainteté acquise de l'homme, mais plutôt de sa situation “légale” face à Dieu. Packer explique bien la nuance qui prévaut ici: “Justifier signifie “déclarer juste”, reconnaître devant le tribunal que le prévenu n'est coupable d'aucune faute, n'encourt aucune sanction et qu'il est habilité à jouir de tous les privilèges accordés à ceux qui ont respectés la loi” (142). Or le privilège qui est ici recherché dans la justification est d'abord et avant tout le droit de faire partie du peuple de Dieu.

Selon le concept luthérien, la justification par les oeuvres de la loi consiste à vouloir mériter la faveur de Dieu par le moyen d'efforts humains, d'oeuvres bonnes. Théoriquement, si cette façon de faire était valable, un homme pourrait gagner le droit de devenir “enfant de Dieu” sur la base du poids relatif de ses oeuvres. Si la balance penche du côté du bien, il est justifié; sinon, il est maudit. Cette notion trouve sa source dans la pensée juive, comme le démontre Guthrie: “The view was held that man had an impulse towards evil (yëser häräc) as well as an impulse towards good (yëser hatôb). To be considered righteous a man must develop the good impulse and resist the evil. God's opinion of him would depend on how well he succeeded in doing this” (New Testament Theo. 495). Dans le cas spécifique des Galates, ils avaient cru en Jésus mais cela n'était pas suffisant à leurs yeux pour faire partie du peuple de Dieu. Ils devaient ajouter à l'oeuvre du Seigneur la circoncision et le respect de la loi mosaïque pour être justifié, pour obtenir la promesse de l'alliance faite à Abraham.


A. Le concept historique
Le concept historique de la “justification par des oeuvres de la loi” a été élaboré en tenant compte de la pensée juive qui prévalait à l'époque de Paul. En effet, il faut comprendre que pour les juifs, tout, absolument tout vient de Dieu. Pour eux donc, la participation à l'alliance trouve sa source en Dieu seulement, ils sont le peuple élu de Dieu. C'est par la promesse faite à Abraham qu'ils sont devenus la nation choisie d'Israël. Ils se font d'ailleurs appelés avec beaucoup de fierté fils d'Abraham. Mais alors, que sont les oeuvres de la loi selon ce concept? Dunn explique cette idée qui a d'abord été avancée par Sanders: “ ‘Works of law', ‘works of the law' are nowhere understood here, either by his Jewish interlocutors or by Paul himself, as works which earn God's favour, as merit-amassing observances. They are rather seen as badges: they are simply what membership of the covenant people involves, what mark out the Jews as God's people” (194).

Ces oeuvres de la loi servaient donc à démontrer leur appartenance à l'alliance que Dieu avait initié lui-même. Contrairement au concept luthérien où on faisait des oeuvres pour devenir enfant de Dieu, dans celui-ci, on fait des oeuvres pour demeurer enfant de Dieu. C'est d'ailleurs cette pensée qui est véhiculée dans le comportement des pharisiens. Un juif, un vrai juif est celui qui observe scrupuleusement tous les commandements de la loi. S'il ne le fait pas, il tombe sous le jugement de Dieu et est exclu de la communauté des élus.

En pratique, ce concept historique rejoint le concept luthérien: à l'ultime, le salut dépend des oeuvres de l'homme. Quoique fasse Dieu, cela ne sera jamais suffisant; l'homme se sentira obligé de faire sa part. Aussi, dans un sens très contemporain, on peut dire que cette façon de penser luthérienne s'applique bien au non-croyant qui espère gagner son ciel par ses oeuvres. L'autre façon viserait plus particulièrement le croyant qui douterait de la suffisance du salut accordé par la mort de Jésus-Christ.

Paul a donc combattu cette doctrine de la justification par les oeuvres de la loi avec beaucoup de vigueur. Il réalisait que si rien n'était fait, le christianisme serait voué à n'être rien de plus qu'une branche de la religion juive. Voilà pourquoi l'épître aux Galates est si importante: elle marque définitivement la spécificité du christianisme face au judaïsme. Mais cela ne s'est pas fait sans heurts. Il fallait pour cela clairement expliquer pourquoi la loi était insuffisante pour justifier l'homme devant Dieu.


LA LOI: INSUFFISANTE MAIS NÉCESSAIRE

Après avoir avancé que “nulle chair ne sera justifiée par les oeuvres de la loi” (Ga 2.16), Paul doit maintenant étayé son affirmation. Il le fera en démontrant clairement qu'à tous points de vue, la loi est inférieure à la foi.

A. La loi ne peut justifier
Paul débute son argumentation en énonçant que “si la justice s'obtient par la loi, Christ est donc mort en vain” (Ga 2.21). Ceci implique que Dieu a fait un geste absolument inutile en envoyant son Fils mourir sur la croix pour nos péchés puisque l'homme avait la capacité en lui-même de gagner son salut. Il fallait donc que Dieu considère les oeuvres de la loi comme un moyen de justification tout à fait insuffisant pour qu'il agisse de la sorte. Paul amène donc les Galates à réaliser que les oeuvres de la loi et la grâce sont incompatibles, que l'un exclut l'autre: “Voici, moi Paul, je vous dis que, si vous vous faites circoncire, Christ ne vous servira de rien” (Ga 5.2).

Paul poursuit en expliquant pourquoi la loi ne peut justifier personne: “Car tous ceux qui s'attachent aux oeuvres de la loi sont sous la malédiction; car il est écrit: Maudit est quiconque n'observe pas tout ce qui est écrit dans le livre de la loi, et ne le met pas en pratique” (Ga 3.10). La pensée religieuse, comme nous l'avons vu, considère qu'un certain nombre de bonnes oeuvres peut suffire à faire pencher la balance de la faveur de Dieu envers elle. Mais voilà, ce n'est pas comme cela que ça marche. MacDonald résume ici cette règle spirituelle qui régit la relation entre Dieu et les hommes: “The law condemned to death those who failed to obey it perfectly, and this, of course, brought the curse on all, because all have broken its sacred precepts” (23). Une image peut aider à bien comprendre ce principe: Une mère de famille vient de finir de cirer son plancher et son plus jeune tente d'entrer dans la pièce avec ses chaussures pleines de boue. Assurément, sa mère le lui interdira, à moins qu'il n'enlève ses chaussures souillées. Son frère aîné veut lui aussi entrer, mais ses chaussures sont beaucoup moins sales. Il devra malgré tout les enlever lui aussi car ce n'est pas la quantité de saleté qui importe, mais plutôt la propreté parfaite du plancher. Le prophète Habacuc a jadis décrit Dieu en ces termes: “Tes yeux sont trop purs pour voir le mal, et tu ne peux pas regarder l'iniquité” (1.13). Dans la présence du Dieu saint, il n'y a que la sainteté parfaite qui puisse tenir. En conséquence, les oeuvres de la loi ne pourrons jamais justifier qui que ce soit car “Tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu” (Ro 3.23).

Paul interpelle ensuite les Galates sur la base de leurs expériences passées: “Voici seulement ce que je veux apprendre de vous: “Est-ce par les oeuvres de la loi que vous avez reçu l'Esprit, ou par la prédication de la foi?...Celui qui vous accorde l'Esprit, et qui opère des miracles parmi vous, le fait-il donc par les oeuvres de la loi, ou par la prédication de la foi?” (Ga 3.2,5). Il veut éveiller en eux le souvenir du Dieu vivant qui s'est manifesté dans leur vie. Il a agi puissamment et s'est révélé à eux d'une façon qu'il n'avait jamais connue lorsqu'ils étaient sous le régime des oeuvres humaines. En faisant toujours référence à leur passé, il formulera plus tard cette proposition extraordinaire: “Autrefois, ne connaissant pas Dieu, vous serviez des dieux qui ne le sont pas de leur nature; mais à présent que vous avez connu Dieu, ou plutôt que vous avez été connus de Dieu, comment retournez-vous à ces faibles et pauvres rudiments, auxquels de nouveau vous voulez vous asservir encore?” (Ga 4.8-9). Paul, le juif par excellence, est en train de leur dire que de vouloir suivre la loi mosaïque, c'est comme de vouloir retourner dans le paganisme. Barrett explique la profondeur de la pensée de Paul: “The main point is that by allowing themselves to be absorbed in the practices of religion, of any religion, the Galatians were turning to something that is less than God, to things, beings, which in their very essence are not God” (43). Or, c'est en se tournant vers Dieu qu'ils ont reçu toutes ces grâces si excellentes. La loi n'a jamais pu leur apporter ces richesses incommensurables de la présence et de la manifestation de l'Esprit de Dieu dans leur vie.

Finalement, Paul réfute l'argument que la loi, donnée 430 ans après la promesse, invalide cette dernière. Ceci n'est jamais énoncé aussi explicitement par les juifs, mais leur façon de vivre revient à dire cela. Ils croient que Dieu fit une promesse à Abraham, qu'eux-mêmes sont des enfants d'Abraham, mais que toute cette grâce est tributaire de leurs oeuvres, de leur respect de la loi. Mais Paul est catégorique: “Une disposition, que Dieu a confirmée antérieurement, ne peut pas être annulée, et ainsi la promesse rendue vaine, par la loi survenue quatre cent trente ans plus tard. Car si l'héritage venait de la loi, il ne viendrait plus de la promesse; or, c'est par la promesse que Dieu a fait à Abraham ce don de sa grâce” (Ga 3.17-18). C'est la parole de Dieu, son caractère qui sont mis en cause ici. Dieu ne change pas et ce qu'il promet, il le fera. Ainsi, lorsqu'il promit une descendance à Abraham, ce dernier ne comprit pas la puissance de Dieu et voulut l'aider en ayant un enfant d'Agar. Mais ce geste n'invalida pas ce que Dieu avait promis. Isaac, l'enfant de la promesse vint au monde et Ismaël, l'enfant des oeuvres, fut renvoyé et aucun héritage ne lui fut attribué. Les Galates devaient donc réaliser que leur héritage ne pouvait en aucun cas être acquis par les oeuvres de la loi.


B. Alors, pourquoi la loi?
Naturellement, la question se pose: Alors, pourquoi la loi? Si l'alliance faite avec Abraham ne peut en aucun cas être altérée par la loi, à quoi donc sert-elle? Si la loi ne peut apporter ni la présence de Dieu, ni son approbation, a-t-elle encore sa raison d'être? Ces questions sont tout à fait légitimes et Paul prendra la peine d'y répondre avec beaucoup d'intelligence, celle-là même que donne l'onction de Dieu.

La réponse que fait Paul est celle-ci: “Elle a été donnée ensuite à cause des transgressions” (Ga 3.19). En entendant cela, on pourrait croire que Paul enseigne que Dieu voulait modérer les péchés de son peuple en lui donnant la loi. Ceci est partiellement vrai, si on considère l'aspect social de la loi. En punissant le mal, il est certain qu'un frein est mis à la méchanceté de l'homme envers son prochain. Mais ce n'est pas le but premier de la loi selon la pensée de Paul. Celui-ci fait d'ailleurs une déclaration surprenante dans son épître aux Romains: “Or, la loi est intervenue pour que l'offense abondât” (5.20). En ciblant l'aspect moral et non plus l'aspect social de la loi, on peut mieux comprendre la raison d'être de la loi dans le processus du salut de l'homme. Wiersbe explique: “The law does not make us sinners; it reveals to us that we already are sinners (see Rom. 3:20). The Law is a mirror that helps us see our “dirty faces” (James 1:22-25)-- but you do not wash your face with the mirror!” (703). Mais alors, avant que la loi ne soit donnée sur le mont Sinaï, les hommes n'avaient-ils pas conscience de la méchanceté de leur gestes? Certes oui, ils réalisaient qu'ils n'agissaient pas toujours correctement face à leur prochain. Mais moralement, ils devaient comprendre que c'est envers Dieu qu'ils péchaient. Barrett précise d'ailleurs ce point en se basant sur la sémantique: “Sin has been in the world since the time of Adam; that is, it is coextensive with the human race and with all human history. But sin, αμαρτια, as Paul uses the world, is an abstract rather than a concrete term. It describes man as he declines from God, man centred upon himself, man falsely related to God” (33). La loi fait donc ressortir la gravité du péché, éveille la conscience de l'homme à son état de déchéance. On ne peut soigner que celui qui se sait malade.

Mais la loi ne se contente pas de condamner le pécheur. Elle sert aussi comme panneau de signalisation pour indiquer la solution au problème de l'homme. Comme le déclare Paul: “Ainsi la loi a été comme un pédagogue pour nous conduire à Christ, afin que nous fussions justifiés par la foi” (Ga 3.24). Bruce précise cependant la limite du sens à donner au mot pédagogue: “The παιδαγωγος, who, for all his disciplinary function, might establish a bond of close affection with his charge, was not an instructor, not a 'pedagogue' in the modern sense” (182). La loi n'a donc pas comme fonction de changer le coeur de l'homme, mais plutôt de conduire à Christ qui seul a ce pouvoir de transformation. Pour finir cette section, voici un texte de John Stott cité pas Swindoll qui décrit bien la situation:

LA GRÂCE QUI LIBÈRE

Après avoir compris que les oeuvres de la loi ne peuvent justifier l'homme devant Dieu, il est temps maintenant d'étudier le moyen de la grâce que Dieu a pourvu pour notre salut.

A. La justification
La grâce n'est pas en ce vingtième siècle un mot qui est très usuel dans le langage courant. En fait, même dans les milieux chrétiens, il n'est pas tout à fait certain qu'il soit bien compris. La définition classique telle que présentée par Packer est celle-ci: “La grâce, c'est la faveur, l'amour immérité reçu de Dieu” (97). Selon l'épître aux Galates, il est évident que l'homme ne peut rien faire qui puisse le rendre acceptable aux yeux de Dieu, lui faire mériter la moindre faveur de sa part.. La loi le condamne, lui montre combien ses péchés l'éloignent de Dieu. De ce constat, l'homme ne peut que crier à lui, ne peut que compter sur sa grâce.

En réalité, tout commence avec Dieu. Avant même que l'homme ne crie, Dieu a pourvu. Paul déclare en effet que “lorsque les temps ont été accomplis, Dieu a envoyé son Fils, né d'une femme, né sous la loi, afin qu'il rachetât ceux qui étaient sous la loi, afin que nous reçussions l'adoption” (Ga 4.4-5). “Lorsque les temps ont été accomplis” parle de la provision prévue depuis longtemps par Dieu. En fait, on peut en voir la trace dès la chute lorsque Dieu déclare au serpent: “Je mettrai inimitié entre toi et la femme, entre ta postérité et sa postérité: celle-ci t'écrasera la tête, et tu lui blesseras le talon” (Ge 3.15). Mais encore plus précisément, Paul explique l'annonce de la provision de Dieu par la promesse faite à Abraham: “Or les promesses ont été faites à Abraham et à sa postérité. Il n'est pas dit: et aux postérités, comme s'il s'agissait de plusieurs, mais en tant qu'il s'agit d'une seule: et à ta postérité, c'est-à-dire, à Christ” (Ga 3.16). La grâce de Dieu se manifeste donc par le don gratuit de Jésus-Christ, mort sur la croix pour les péchés du monde. La part de l'homme consiste uniquement à accepter par la foi l'oeuvre ainsi accomplie pour son salut.

En ce faisant, l'homme hérite de privilèges extraordinaires, à la mesure du don de Dieu. Tout d'abord, il devient fils de Dieu (Ga 3.26). Ce titre parle de la nouvelle relation qui existe entre le Créateur et sa créature. Il n'y a en effet plus aucune barrière entre le Dieu de sainteté et l'homme qui place sa confiance dans la mort expiatoire de Jésus-Christ. Une intimité est maintenant possible, au point de pouvoir dire “Abba! Père!” (Ga 4.6).

Étant fils, il est aussi héritier de la promesse de bénédiction qui a été faite à Abraham et à sa postérité, à savoir Christ (Ge 22.16-18). Ceci est rendu possible par le fait que le croyant s'identifie parfaitement à Christ. C'est ainsi que Paul déclare: “Vous tous, qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ” (Ga 3.27). Et plus loin : “Et si vous êtes à Christ, vous êtes donc la postérité d'Abraham, héritiers selon la promesse” (Ga 3.29).

L'homme qui a placé sa foi en Christ peut enfin espérer être trouvé parfaitement juste au jour du second retour du Fils de l'homme (Ga 5.5). Jamais la loi n'aurait pu lui promettre une telle situation de coeur. Il n'y a que la grâce qui a le pouvoir de libérer les profondeurs de l'homme.

B. La sanctification
L'enseignement de Paul, de par sa richesse, est parfois difficile à comprendre pour certains. Il en est d'ailleurs conscient; aussi, donnera-t-il des précisions pour éviter que ses lecteurs aillent d'un extrême à l'autre. Oui, il a affirmé que la foi étant venue, le croyant était dégagé du précepteur de la loi (Ga 3.25). Ils avertit même les Galates en ces termes: “C'est pour la liberté que Christ nous a affranchis. Demeurez donc fermes, et ne vous laissez pas mettre de nouveau sous le joug de la servitude” (Ga 5.1). En recevant ces paroles, les Galates risquent de passer du respect légaliste de la loi à la licence et au dérèglement. C'est pourquoi Paul donnera-t-il cette instruction: “ Frères, vous avez été appelés à la liberté, seulement ne faites pas de cette liberté un prétexte de vivre selon la chair; mais rendez-vous, par la charité, serviteurs les uns des autres” (Ga 5.13). Il y a comme un paradoxe dans ce commandement, liberté et service. Mais ce qui semble un paradoxe est en réalité un équilibre. MacDonald explique: “The proper balance is that liberty which lies between law and license. The Christian is free fromm the law, but not lawness; he is enlawed to Christ” (74).

Ceci dit, il demeure un danger subtil qui guette le chrétien. Bridge le souligne très clairement: “Having trusted in Christ alone for our salvation, we have subtly and unconsciously reverted to a works relationship with God in our Christian lives. We recognize that even our best efforts cannot get us to Heaven, but we do think they earn God's blessings in our daily lives” (17). Ceci fait penser à l'interprétation de la justification qui a été donnée au deuxième chapitre du présent travail. Généralement, le croyant pensera comme Luther et ne comptera pas sur les oeuvres de la loi pour son salut. Mais une attitude pharisaïque peut facilement prendre le dessus dans sa vie. Ceci est d'autant facile qu'elle répond à la tendance naturelle de l'homme à la religion. Guthrie explique ce penchant: “But the legalistic method has its attractions. If the path to righteousness consists of well-defined duties which can be verified, it is a simpler matter for the individual to apply himself wholeheartedly to such a fixed procedure than if he has to exercise the discipline of a personal faith” (Galatians, 39). Les oeuvres sont alors considérées comme des conditions sine qua non de la démonstration d'un vie chrétienne véritable.

Cette façon de penser amènera des dérèglements majeurs dans la vie du croyant. Sa perception de l'amour de Dieu à son endroit sera tributaire de sa capacité ou non de respecter les “lois” qu'il se sera données pour se considérer chrétien. Il est à remarquer que ces “lois” peuvent aussi lui avoir été suggérées par son entourage chrétien. De plus, si par bonheur il réussit à remplir les conditions de vie qu'il s'est imposées, alors Dieu est alors tenu de le bénir. S'il ne le fait pas, si des épreuves arrivent dans la vie du croyant, alors Dieu est considéré injuste. Le chrétien sera alors tenté de tout abandonner.

La solution à ce problème se trouve dans cette parole de Paul: “Si nous vivons par l'Esprit, marchons aussi selon l'Esprit” (Ga 5.25). Le chrétien légaliste ne peut que produire des oeuvres, telle une machine sans vie. Il est conditionné par la loi. Mais le fruit, lui, ne peut venir que de la vie. Pour ce faire, le croyant devra être conduit par l'Esprit de Dieu et non par des règles de vie. Ceci implique une pensée centrée sur Dieu, sur sa grâce suffisante pour accomplir sa volonté. La motivation n'est alors plus du tout la même, comme l'explique Bridge: “The solution is to be so gripped by the magnificence and boundless generosity of God's grace that we respond out of gratitude rather than out of a sense of duty” (75).

Dans cette perspective, si le chrétien tombe, il ne voit plus Dieu comme le juge qui le condamne d'avoir manqué à ses engagements. Il le voit plutôt comme un père qui voit son enfant qui apprend à marcher et qui est tombé. Il lui tend la main et lui dit: “Je suis fier que tu fasses l'effort d'apprendre à marcher. Je suis ton père et je t'aimerai toujours”. Quelle motivation à se relever! Et s'il se tient droit, sa récompense sera la joie de voir son père plutôt que la promesse de recevoir un quelconque bonbon.



CONCLUSION

Le coeur de l'homme n'a pas changé avec les siècles. L'esprit de religion qui habitait Caïn est toujours aussi vivant à notre époque qu'il l'était à la sienne. Cette tendance naturelle à s'auto-justifier a même été amplifiée par l'idée qu'il n'y a plus d'absolu, que tout est relatif. Le péché est ce que tu crois être le péché pour toi!

Mais heureusement, Dieu ne change pas au gré des désirs humains. Il est “l'alpha et l'oméga, le commencement et la fin” (Ap 21.6). Il n'y a chez lui “ni changement ni ombre de variation” (Ja 1.17). Il a établi des règles, des lois qui sont le reflet de son caractère de sainteté et d'amour. Grâce à celles-ci, l'homme a le moyen de juger de façon objective l'éthique qu'il s'est établie. Mais surtout, il peut juger du fossé qui le sépare de Dieu et de la nécessité de ne compter que sur Sa grâce pour son salut et sa marche chrétienne. Il est donc juste de dire que la loi conduit à la grâce, si seulement l'homme accepte honnêtement de regarder dans ce miroir de sainteté.

Parlant de son mandat, Jésus-Christ a proclamé: “L'Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu'il m'a oint pour annoncer une bonne nouvelle aux pauvres; Il m'a envoyé pour guérir ceux qui ont le coeur brisé, pour proclamer aux captifs la délivrance, et aux aveugles le recouvrement de la vue, pour renvoyer libres les opprimés, pour publier une année de grâce du Seigneur” (Lc 4.18-19). À l'instar de son Seigneur, l'Église est appelée à proclamer une année de grâce dans la vie de ceux qui ont été trop longtemps enchaînés par la servitude du péché. Elle-même se doit de vivre la grâce du Seigneur pleinement et ne pas empêcher qui que se soit d'en user. Alors tomberont le légalisme et l'hypocrisie, l'uniformité et la suffisance. Chacun sera libre d'être ce que Dieu aura vraiment voulu pour lui, sans égard au moule préformé de la religiosité.


Puisse donc notre vie devenir un chant d'adoration

pour celui par qui nous avons tout reçu!

Avec permission


OEUVRES CITÉES



Barrett, C. K..Freedom and obligation : a study of the Epistle to the Galatians. Philadelphia : Westminster Press, c1985.

Boice, James Montgomery. The Expositor's Bible Commentary. vol. 10, Grand Rapids, Zondervan Publishing house, 1985.

Bridges, Jerry. Transforming Grace, living confidently in god's unfailing love. Colorado Springs: Navpress, 1991.

Bruce,F. F.. The epistle to the Galatians: A commentary on the Greek Text. Grand Rapids: William B. EErdmans Publishing company, 1982.

Dunn, James D. G.,. Jesus, Paul, and the law : studies in Mark and Galatians. Louisville, Ky. : Westminster/John Knox Press, c1990.

Guthrie, Donald. Galatians. Grand Rapids : Eerdmans, 1981.

Guthrie, Donald. New Testament theology. Leicester, England ; Downers Grove, Ill. : Inter-Varsity Press, 1981.

Kuen, Alfred. 66 en 1, Introduction aux 66 livres de la Bible. Saint-Légier: Éditions Emmaüs, 1991.

MacDonald, William. Galatians, Free From the Law-Yet Not Lawless. Oak Park,Illinois: Emmaus Bible School, 1959.

Packer, James. Les mots en question. Mulhouse Cedex, France: Éditions grâce et vérité, 1991.

Swindoll, Charles R.. Galatians: Letter of Liberation. Fullerton: Insight for Living, 1987.

Wiersbe, Warren W.. The Bible Exposition commentary. vol.1, Wheaton, Illinois: Victor Books, 1994.