Paul Gosselin (22/1/2024)
Récemment un ami m'a filé une copie d'Amen (2002), un film par le réalisateur Costa-Gavras. Il s'agit d'un film sur l'Holocauste, mais qui examine avant tout le silence des autorités protestantes et catholiques au sujet des exterminations de Juifs pendant l'époque nazie, autorités qui ont misé avant tout sur la business d'église avant la Vérité et ont permis à cette catastrophe de prendre tant d'ampleur.
Oui, le sujet est dur, mais si Costa-Gavras ne pas fait de spectacle avec la violence de l'événement, il ne laisse aucun doute sur l'ampleur du crime.
Ce film nous confronte au fait que lorsque l'église bouffe 2-3 cm de mensonges et de compromis sur le Vérité, alors dans la suite, elle risque de bouffer des milliers de kilomètres de mensonges... Et touchant les “2-3 cm de compromis et de mensonges,” je pense en particulier aux mensonges sur le récit de la Création de la Genèse, qui est clairement la fondation de l'Évangile que les évangéliques prêchent (ou sont censés prêcher). C'est là qu'on apprend que l'humain est une créature déchue, un être qui a besoin d'un Sauveur.
Au début du 20e siècle, l'Église en Occident avait largement accepté la relativisation de la Genèse (avec l'école de pensée théologique de la Haute Critique biblique) pour l'adapter à la “vérité” du mythe d'origines matérialiste proposé par les scientifiques (connu aussi comme la “théorie de l'évolution”). Avec le recul, je constate que si on avait fait le marketing des croyances évolutionnistes SEULEMENT en termes de philosophie matérialiste, alors elles n'auraient jamais gagné autant de popularité et poussé des racines aussi profondes dans la culture occidentale. Récemment la lecture d'un manuscrit par un scientifique Américain m'a fait prendre connaissance qu'au 19e siècle, initialement c'est le clergé, non pas les scientifiques, qui ont montré plus d'ouverture aux concepts évolutionnistes. Mais puisqu'on a fait le marketing les croyances évolutionnistes en les enrobant du manteau de la “Science”, plutôt que du manteau de la philosophie (ou de la théologie) ceci comporta deux avantages immédiats.
1) faire le marketing des croyances évolutionnistes avec un emballage ”scientifique” accordait immédiatement un grand prestige à cette idéologie, car en Occident la science avait déjà acquis un grand respect intellectuel et populaire.
2) Et une fois l'étape précédente franchie et admise par les chrétiens, alors toute critique des croyances évolutionnistes pouvait alors être rebutée en alléguant que cela impliquait “une attaque contre la science”, jetant immédiatement un discrédit sur les critiques et érigeant un bouclier imparable aux critiques des croyances évolutionnistes.
Mais à partir du moment que le clergé ait accepté le scientisme, c'est-à-dire idéologie issue des Lumières qui implique l'affirmation que la Vérité puisse venir de la Science (plutôt que de la Parole de Dieu), alors cela ouvrait toutes grandes les portes de l'église à l'idéologie eugéniste, le concept (largement appuyé par la science de l'Évolution) qu'il y a des “races inférieures” et dans la lutte pour la survie, des races qu'il fallait éliminer. Voici un truc de mon champ d'études, l'anthropologie sociale. Avant la Deuxième Guerre mondiale, presque tous les anthropologues étaient racistes et eugénistes, car il y avait une abondance de chercheurs prônant un racisme scientifique. Francis Galton, le cousin de Charles Darwin, a fondé ce système de croyances raciste (eugénisme) enveloppé de l'aura de la ‘Science'.... Ainsi le racisme scientifique était le truc progressiste du début du 20e siècle, car dans cette logique il était naturel de favoriser les “races plus avancées” ou évoluées et étouffer ou éliminer les races moins évoluées. Le racisme scientifique était donc le CONSENSUS scientifique de l'époque. Mais après que les horreurs de l'Holocauste furent connues, alors tous ces anthropologues sont devenus (sans remords de conscience...) partisans de la Déclaration universelle des droits de l'homme et “on est tous frères!” Ouais, bandes d'hypocrites...
C'est une tache terrible sur les autorités chrétiennes du début du 20e siècle, surtout évangéliques, qu'ils n'ont pas IMMÉDIATEMENT reconnu que l'eugénisme était clairement un AUTRE ÉVANGILE, c'est-à-dire affirmant pouvoir “sauver” les hommes au moyen de la sélection génétique (et des massacres à grande échelle). Mais puisque l'église du début du 20e siècle avait déjà bouffé des mensonges du scientisme, la relativisation de la Genèse, elle n'a pas hésité à admettre l'eugénisme. Après tout les “ autorités scientifiques ” l'appuyaient... Et par la suite en Allemagne, après avoir bouffé tant de mensonges les églises ont servilement fourni des soldats à l'effort de guerre nazi ainsi que des officiers SS pour gérer le programme de la Solution Finale...
Pourtant le Nouveau Testament comporte nombre d'avertissements solennels contre accepter ou enseigner un “ autre Évangile ”, même s'il s'il était promu par être aussi prestigieux qu'un ange (ou encore un scientifique en sarrau blanc)... Avertissements qui souvent terminent avec le jugement “ Qu'il soit anathème ! ” Ou en langage plus coloré : “ Qu'on le largue en Enfer ! ” Le clergé chrétien, en particulier les évangéliques, aurait dû immédiatement reconnaître que l'eugénisme était un “ autre évangile ” puisqu'il affirmait pouvoir sauver les hommes de leur condition déchue grâce à des traitements génétiques, la mise en place de programmes sociaux d'avortement comme Planned Parenthood (ciblant directement les noirs aux États-Unis) et l'application du concept darwinien de “ la lutte pour la survie ” à des sociétés concrètes et aboutissant à des programmes d'euthanasie comme le T4 et la Solution Finale/Shoah des nazis. Que tant de protestants et d'évangéliques du début du 20e siècle n'aient pas réussi à tirer ces conclusions est un échec théologique monumental.
Mais à vrai dire, l'état actuel de l'Église me semble pire encore que celui des années 1930. Non seulement on a des autorités chrétiennes qui acceptent de relativiser le récit de la Genèse (aidé par des subventions permettant la propagande pro-évolutionniste dans les collèges bibliques par l'institut BioLogos), mais les élites postmodernes font de grandes pressions juridiques et idéologiques (tant en entreprise que dans le système d'éducation) pour corrompre l'enseignement moral sexuel de l'Église. Sodome et Gomorrhe frappent à la porte.... Et le jugement de Dieu suivra...
Je pense qu'il ne faut PAS se leurrer, car les scènes de collaboration au mal des autorités chrétiennes sous le régime nazi que l'on voit dans le film Amen par Costa-Gavras risquent de se reproduire à nouveau devant nos yeux en 2024... Il ne faut pas oublier que nos élites postmodernes ont maintenant entre les mains des moyens de pression et de manipulation idéologiques que Hitler ou Staline n'auraient jamais pu imaginer.
Enfin, les jours et années qui suivent nous diront si l'Église de cette génération sera complice des mensonges à la mode en 2024 ou trouveras le courage de s'attacher à Celui qui a dit: “Je suis la Voie, la Vie, la Vérité. Nul ne vient au Père que par moi.” Il nous a tout de même avertis...
“Je vous le dis, quiconque me confessera devant les hommes, le Fils de l'homme le confessera aussi devant les anges de Dieu; mais celui qui me reniera devant les hommes sera renié devant les anges de Dieu.” (Luc 12: 8-9)
Costa-Gavras oublie quelques détails...
Puisqu'on peut classer Costa-Gavras sur le plan idéologique comme progressiste, il ne faut pas s'étonner que son film Amen porte TOUTE son attention critique sur les fautes des églises chrétiennes, protestantes et (surtout) catholiques[1] pendant l'Holocauste, mais ce faisant Costa-Gavras oublie quelques autres détails pertinents touchant cette situation... Entre autres, le biologiste français Pierre-Paul Grassé nous fait cette leçon d'histoire (1980: 44):
Après le triomphe du national-socialisme, la science allemande apporta massivement sa caution inconditionnelle au Führer. Anthropologistes, généticiens, économistes, légistes, avec zèle, se mirent au service de leur nouveau maître. [Grassé ajoute, en note en bas de page [2] – PG]: L'appui des intellectuels allemands à leur Führer fut massif. Lors du référendum de 1933, les déclarations de professeurs appartenant à des universités (non à toutes) furent réunies en un volume. Parmi les auteurs de ces textes, on relève le nom du célèbre philosophe Martin Heidegger, ce qui est à la fois surprenant étant donné l'idéalisme qui imprègne son œuvre et révélateur de l'état d'esprit qui donna la victoire à Hitler.
Ouais, et ce même Heidegger que Grassé mentionne est toujours vu comme un intellectuel cool dans nos universités... Il est toujours étudié... Il a toujours de l'influence (en particulier chez les philosophes postmodernes). Il va sans dire qu'on ferme les yeux sur ses liens avec le nazisme. Tout est oublié... Interviewé en 1940 Einstein observait ce qui suit au sujet de la servilité des universités lors de la montée du nazisme en Allemagne (Anonyme 1940 : 38):
Being a lover of freedom, when the (Nazi) revolution came, I looked to the universities to defend it, knowing that they had always boasted of their devotion to the cause of truth; but no, the universities were immediately silenced. Then I looked to the great editors of the newspapers, whose flaming editorials in days gone by had proclaimed their love of freedom; but they, like the universities, were silenced in a few short weeks.... Only the Church stood squarely across the path of Hitler's campaign for suppressing truth. I never had any special interest in the Church before, but now I feel a great affection and admiration for it because the Church alone has had the courage and persistence to stand for intellectual and moral freedom. I am forced to confess that what I once despised I now praise unreservedly.
Toujours au sujet des universités sous les nazis, un ouvrage du scientifique américain Jerry Bergman signale que la majorité des intervenants à la conférence de 1942 à Wannsee (qui mit en marche la Solution Finale, programme d'extermination nazi des juifs européens) étaient des diplômés universitaires...
It was not until January 20, 1942 that 15 high-ranking Nazi Party and German government officials gathered in the Berlin suburb of Wannsee at the invitation of Reinhard Heydrich to discuss, and coordinate, the implementation of what they called the “Final Solution of the Jewish Question.” [Whitman, 2017, pp. 48–49.] Of the 15 persons who attended, eight held academic doctorates. [Roseman, 2002.]
Eh, oui, il faut accepter le fait que le concept de la Solution Finale a été pondu par des progressistes universitaires et non pas par des théologiens ou du clergé. Il est donc manifeste que les sentiments antisémites les plus violents ont déjà trouvé place (confortable) dans les universités. Et en 2024, pourquoi ce serait différent?? Et si dans ce film Costa-Gavras cible pour sa critique l'Église, c'est avec raison qu'il le fait, car le comportement des dirigeants d'églises était en contradiction avec les enseignements de Christ. Mais l'envers de la médaille est qu'on ne peut en dire autant des progressistes qui ont conçu la Solution Finale ou des fonctionnaires qui l'ont appliqué. Quel enseignement progressiste ont-ils transgressé ? N'ont-ils pas scrupuleusement respecté la logique du Progrès et de la lutte pour la survie darwinienne (qui n'est que la logique du progrès, appliqué au monde biologique d'abord et aux questions politiques et sociales ensuite) ? Lutte sans merci pour la survie darwinienne (moteur du progrès dans ce système de pensée) que les nazis ont appliqué à partir d'une perspective raciale et que la gauche (notamment Staline) a appliqué à partir d'une perspective de la lutte des classes, prolétaires contre capitalistes. La Solution Finale et le Goulag (ou le Laogai) ne sont que des déductions logiques du concept darwinien du progrès, le mythe d'origines matérialiste auquel, il va sans dire, que tout nazi et marxiste met sa foi. Si Costa-Gavras a tout à fait raison de souligner l'incohérence des autorités chrétiens sous le régime nazi, on ne peut déduire aucune incohérence ou contradiction dans les prononcés ou gestes posés par les élites progressistes de cette même époque et qui ont accouché l'Holocausteet le reste... Selon les dogmes et lignes de pensée de leur propre vision du monde, ils n'ont RIEN à se reprocher...
D'autre part, puisque le progressiste adhére à un système de croyance qui ne comporte aucun concept de repentance, il ne songerait jamais à se repentir... Ça ne lui viendrait jamais à l'esprit.
Anonyme (1940) German Martyrs. pp. 38-41 Time magazine 23 Dec., vol. 36 n° 26
BRUTUS, Stephanus Junius (1579) Revendications contre les tyrans. [De la puissance légitime du prince sur le peuple et du peuple sur le prince] (PDF 5Mb) -> texte polémique huguenot rédigé sous pseudonyme.
GOSSELIN, Paul (1979) Mythes d'origines et théorie de l'évolution. Samizdat
GOSSELIN, Paul (1986) Article reviews on the New (scientific) Priesthood. (Samizdat)
GOSSELIN, Paul (2020) Le chrétien et l’État: Pertes de libertés en 2020 et Romains 13. (Samizdat)
GOSSELIN, Paul (2022) Commentaires sur les Revendications: Une théologie politique protestante sous la crise du Covid. (Samizdat)
GRASSÉ, Pierre-Paul (1980) L'Homme en accusation: De la biologie à la politique. Albin Michel Paris 354 p.
ZEHRER, Karl (1995) Les Églises évangéliques sous le IIIe Reich: Article paru en 1995 dans la revue de la Fédération Suisse Romande des Eglises Evangéliques. (VoxDei - 22/5/2022)
[1] - On peut noter que dans le film de Costa-Gavras des deux protagonistes défendant les Juifs, un est protestant, l'autre catholique (un Jésuite près du Pape).