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Samizdat

J'ai vu Interstellar...



Paul Gosselin (2015)

 

Interstellar

Acteurs
Matthew McConaughey
Anne Hathaway
Jessica Chastain

Réalisateur
Christopher Nolan

Scénaristes
Jonathan Nolan
Christopher Nolan

Producteurs
Jordan Goldberg
Christopher Nolan
Emma Thomas

Sortie
nov. 2014

Durée
169 minutes

Un contact disait au sujet du film "Interstellar": « Ça fait réfléchir... »

Ah tiens...

Il faut avouer que même si de manière générale j'aime bien la science-fiction, ça ne me tentait pas tellement de voir ce film au cinéma, mais j'ai fini tout de même par le regarder. Ouais, bon, je l'ai vu et je dois avouer ne pas être d'accord.

Non, Interstellar ne fait par "réfléchir", mais il me semble plutôt que l'objectif visé par ce film soit plutôt de semer la confusion, ou, pour être un peu plus précis, la déstabilisation du spectateur. Et Interstellar y parvient de diverses manières, entre autres en brisant nos repères habituels de l'espace et du temps. Dans Interstellar, même la Terre n'est plus l'habitation des hommes. Il faut l'abandonner car il est devenu un tombeau. Et pour déstabiliser davantage, par empathie (et des longueurs interminables), on nous fait subir une solitude pire que celle endurée par un prisonnier dans une cellule solitaire, une solitude qui rend fou et méchant. Et la musique grandiose, qui tente d'imiter d'une manière un peu gauche, un autre grand film de science-fiction semblable par Stanley Kubrick, soit 2001, une Odyssée de l'espace (que j'ai vu en salle en 1968), soutien l'affirmation subliminale que: Ceci est un film TRÈS sérieux qui a quelque chose de très important à dire... Évidemment, puisque Interstellar est un film à grand budget, comme les acteurs, les effets spéciaux sont à la hauteur, et encore, le graphisme de certaines scènes rappellent des passages dans le film de Kubrick. Ici et là dans Interstellar, on sent l’amertume des dirigeants des élites de l’exploration spatiale (NASA) qui digèrent mal le fait de ne plus avoir accès au financement illimité auquel ils avaient droit dans les années 60.

Mais si Interstellar sème la confusion, une affirmation faite par ce film reste très clair et sans ambiguïté: c'est-à-dire le message que nous sommes SEULS dans l'univers et le salut de l'humanité doit venir de NOUS. Ne cherchez pas ailleurs...

Il semble donc que les bonzes d'Hollywood aient évolué au-delà du concept d'un autre film de science-fiction du même genre, soit Contact (1997). Dans Contact, les pauvres humains placent leur espoir dans un salut qui vient au-delà des étoiles, c'est-à-dire chez les extra-terrestres. Mais il faut avouer que le projet SETI, ce projet lancé par Carl Sagan pour contacter des civilisations extra-terrestres, a été un gros flop disproportionné. Des méga-antennes radio dirigées vers le ciel, 24hres sur 24, pour écouter du bruit... Si le stresse de la vie vous emmerde, alors ça peut être une carrière passionnante. Mais si on en juge par la tangente prise par Interstellar, certains semblent avoir digéré ce flop et ont décidé de passer à autre chose... Fini la mystique à la gomme de Contact et de SETI, revenons à la réalité...

Mais quelle "surprise", quelle ironie... L'acteur américain jouant le rôle principal dans Interstellar, Matthew McConaughey, a joué également un rôle principal masculin dans le film science-fiction Contact. Il semble bien y avoir une "fuite" dans cette logique...

Chose curieuse, dans un article intitulé, Theology as Poetry (présenté initialement à la Oxford Socratic Club en 1944), C. S. Lewis l’érudit et littéraire britannique expose de nombreux parallèles entre le récit évolutionniste (issue directement des Lumières) et la mythologie classique païenne ou encore le folklore européen, parallèles qui mettent en lumière la dimension mythique de l'évolutionnisme/matérialisme (que prends pour acquis Interstellar). Sa procédure? Il décrit la théorie de l'évolution à la manière d'un mythe classique grec où une mise en scène théâtrale met de l'avant divers protagonistes, qui se suivent dans le temps, à la faveur des divinités du système darwinien, la sélection naturelle et le temps. L'effet est frappant et on peut noter des parallèles fort révélateurs avec des thèmes du film Interstellar également (Lewis 1962: 155):

Considérez quelques instants prestige esthétique énorme de son [la cosmologie judéo-chrétienne] rival contemporain le plus important – ce que l’on pourrait appeler la Perspective scientifique. […] Si on admet qu’il s’agit d’un mythe, n’est-ce pas l’un des mythes les plus prodigieux que l’imagination humaine ait produit ? La pièce est précédée du plus austère de tous les préludes, le vide infini et la matière agitée, donnant naissance à ce qu’il ne connaît pas. Et alors, par une chance inouïe – quelle ironie tragique – les conditions dans un point de l’espace/temps donnent lieu à un petit ferment qui est le début de la vie. Tout semble s’opposer au héros naissant de notre récit, tout comme tout s’oppose à la réussite du fils cadet ou de la filleule exploitée au début d’un conte de fées. Mais de quelque manière, la vie surmonte tous les obstacles. Traversant des souffrances infinies et franchissant des obstacles à peine surmontables, la vie se reproduit, se propage et se développe. De l’amibe, à la plante, du reptile jusqu’au mammifère. Jetons un bref coup d'œil sur l'âge des monstres. Les dragons rôdent sur la terre, se dévorant les uns les autres pour ensuite mourir. Vient alors le thème du jeune fils et du caneton laid, une fois de plus. Comme une étincelle faible et minuscule la vie a pris naissance parmi les conditions très hostiles du monde inanimé, ainsi encore, parmi les bêtes qui sont bien plus grandes et plus fortes que lui, apparaît une petite créature nue, tremblante, effrayée, trébuchante, pas encore redressée, ne promettant rien. À nouveau, elle est le produit d'une chance inouïe. Pourtant d'une manière ou d'une autre elle prospère. Elle deviendra l'homme de caverne, le mâle avec sa masse et ses pointes de flèche en silex, murmurant et grognant au-dessus des ossements de ses ennemis, traînant sa compagne, hurlante, par les cheveux (pourquoi par les cheveux? ça m'échappe). Il déchire ses enfants en morceaux dans une jalousie féroce jusqu'à ce que l'un d'entre eux soit assez vieux pour le déchirer à son tour, mais il gît, effrayé devant les dieux terribles qu'il a créés, à sa propre image. Mais il ne s'agit que des douleurs de l'enfantement. Attendez la prochaine scène. C’est alors qu’il devient un Homme véritable. Il apprend à maîtriser la nature. La science apparaît et permet de dissiper les superstitions de son enfance. De plus en plus, il contrôle son destin. Passant rapidement sur le présent (car en rapport avec l’échelle temporelle qui nous sert ici, c’est moins que rien), nous le suivons dans l’avenir, au dernier acte, bien que ce ne soit pas encore la scène finale de ce grand mystère. Une race de demi-dieux règne alors sur la planète – et peut-être même sur le cosmos – car des programmes eugéniques nous assurent que naîtrons uniquement des demi-dieux et que la psychanalyse s’assurera de protéger leur divinité de toute tache. Et par ailleurs, le communisme assurera que tout ce dont la divinité peut avoir besoin sera à la portée de main. L’Homme s’élèvera sur son trône. Désormais, il ne lui restera rien d’autre à faire que la pratique de la vertu, croître en sagesse et jouir de son bonheur. Mais il reste le dernier coup de maître. Si le mythe prenait fin à ce stade, ce serait sans doute mélodramatique. Il lui manquerait un élément de la grandeur dont est capable l’imagination humaine. La dernière scène renverse tout. Nous parvenons alors au crépuscule des dieux. Au cours de tous les âges, en silence, hors de la portée de tout pouvoir humain, le vieil ennemi, la Nature a lentement fait ses ravages. Le Soleil se refroidira, tous les soleils se refroidiront – tout l’univers s’épuisera. De chaque centimètre de l’espace infini, la vie (toutes les formes de vie) sera bannie, sans espoir de retour. À la fin, il ne restera rien et des ténèbres universelles recouvriront tout. Nous voyons illustré ici le modèle de plusieurs tragédies élisabéthaines, où la carrière du protagoniste peut être représentée par une longue courbe ascendante, mais qui culbute soudainement, avec son apogée à l’acte IV. Nous le voyons alors grimpant toujours plus haut, atteignant son zénith le plus éblouissant, il est alors enseveli sous les ruines.*

Ouais, sil la hantise du 19e siècle était un apocalypse généré par les lois de la thermodynamique, au 21e notre apocalypse tourne autour de la dégradation de l'environnement. Mais bon, il faut avouer que le thème central d'Interstellar nous ramène en plein dans la vision du monde moderne, celle issue des Lumières. Ouais, par notre Raison, nous surmonterons tout... Ouais... La science (euh..., c'est-à-dire les scientifiques) nous conduira au Paradis Perdu. Mettons-nous (les bornés, les imbéciles et les crétins) à genoux devant cette élite éclairée. EUX, ils SAVENT et ils savent ce qu'ils font! Eux seuls peuvent nous conduire... Ouais... Un peu d'enthousiasme, secouez-vous un peu tout de même!!

Désolé, mais ce rêve, cette utopie, c'est un cul-de-sac pathétique et risible (le 20e siècle l'a assez démontré). Vous vous demandez peut-être: «Mais de quoi parle-t-il au juste ?» Et bien dans son essai Grammars of Création[1], le critique littéraire, George Steiner, observait que pour l'Occident le 20e siècle, n'a pas été ce paradis sur terre prophétisé par les propagandistes des Lumières (2001: 12-13).

Ouais, si Steiner est assez honnête pour voir le problème, on constate qu'il n'a pas vraiment le courage d'examiner de plus près. Quelle était au juste la source de cette folie et de ces horreurs ? Pour se faire une idée précise, il faut savoir le courage de demander qui était au pouvoir au 20e siècle et quelle vision du monde avaient-ils adoptée ? La dernière phrase de Steiner lui laisse une porte de sortie (aussi risible que malhonnête). Mais si dans les faits aux 17e ou 18e siècles les chrétiens gardaient encore beaucoup d'influence dans les cercles de pouvoir en Occident[2], déjà au 19e siècle ils ont été marginalisés et au 20e siècle ce sont les divers disciples des Lumières qui dominent sans partage sur les cercles de pouvoir en Occident, c'est-à-dire sur l'éducation, le juridique, la science, la culture et la politique... Mais puisque Steiner a subi avec succès son lavage de cerveau universitaire, pour lui ce ne sont pas des questions “ pertinentes ” ou “ intéressantes ”... Impossible d'aller plus loin sur les sources idéologiques de la visite en enfer au 20e siècle. Et si vous êtes étudiant universitaire, oubliez toutes ces questions au plus tôt, car ça pourrait être nuisible pour vos plans de carrière... Mais n'attendez pas que les disciples des Lumières reconnaissent leur fautes. La repentance n'est pas un concept reconnu par ce système idéologico-religieux. Les fautifs, se sont toujours les "autres"... Ceci dit, les dévots des Lumières ont élevé à un niveau insoupçonné l’art hypocrite de jouer les vierges offensées par des trucs tels que l’inquisition, les Croisades, les prêtre pédophiles, Galilée, etc, mais ne leur demandez pas un instant d’introspection, de réflexion sérieuse sur leur propre comportement et sur les horreurs qu'ils ont commis/initiés.. Ah non, pas la peine… pas pensable... Vous n’avez manifestement rien compris

Par ailleurs, Steiner note que la catastrophe du 20e siècle en Europe a comporté un autre trait particulier, il a impliqué une régression sur le plan de la civilisation. Le Siècle des Lumières avait prédit avec confiance la fin de la torture par des instances juridiques. Elle avait décrété que le retour de la censure, de l'envoi au bûcher de livres, voir même de dissidents ou d'hérétiques était inconcevable. Le 19e siècle considérait comme allant de soi que le développement de l'éducation, l'accroissement du savoir scientifique et la facilité de voyager rapidement apporteraient une amélioration continue, voire inévitable, de la moralité publique et privée ainsi que la tolérance sur le plan des opinions politiques. Chacun de ces espoirs s'est révélé faux. La Première Guerre mondiale a créé un choc, une grande désillusion pour cette génération, mais ce fut peu de chose si on considère ce qui allait suivre... Steiner note qu'il faut constater que l'éducation, en soi, s'est montrée incapable de rendre la sensibilité et la raison résistante à la logique de la haine. Mais il trouve préoccupant de constater qu'une culture aussi raffinée que celle de l'Allemagne sur le plan artistique, scientifique et intellectuel ait collaboré si facilement et si activement au sadisme de l'idéologie et de l'État nazi. Cette logique pose inévitablement la question, est-ce que cela pourrait se produire encore ??

Si donc le 20e siècle a exposé aux yeux de tous les défaillances déguellasses et tragiques de la propagande des Lumières (propagé par Interstellar), où donc trouver des réponses ? Où donc trouver le sens à l'existence humaine ? Ouais, la pensée des Lumières peut constituer une belle idéologie pour les beaux jours, mais lorsqu'arrivent les jours de ténèbres, tout ce qu'elle peut nous dire est : «Nous venons de nulle part et notre destination ultime c'est aussi nulle part.»Ça c'est le sourire crétin de Bouddha, c'est le sourire de la mort et du Néant[3]... Désolé, mais si le néant ne vous attire pas, alors il vous faut sortir du cul-de-sac du système idéologico-religieux des Lumières. Il est temps de mettre le matérialisme à la poubelle...

La Bible dit qu'il y a un Autre, un Être qui existe dans une autre dimension et qui a parlé au cours de l'Histoire humaine et qui ne nous a pas laissés seuls. Il dit qu'il est notre Créateur et qu'il est même venu parmi nous. Pas, comme dans La Guerre des mondes de HG Wells, avec des armes laser anéantir nos forces militaires, mais dans un état de vulnérabilité, avec une main de guérison et en enseignant la Vérité.

La Bible dit également que l'humanité est une race déchue et que nous vivons dans un monde déchu. Chose curieuse, cette doctrine est confirmée à tous les jours de manière TRÈS empirique par la une de n'importe quel quotidien. Le problème fondamental de l'homme est donc dans son coeur, pas dans l'environnement... Si nous voulons trouver une solution au problème de l'homme, elle se trouvera nulle part ailleurs qu'en s'humiliant devant Celui qui fut cloué à la croix pour nos mensonges, nos adultères, nos haines, nos meurtres, nos colères, nos préjugés, nos vols et notre orgueil.



Références

LEWIS, C. S. (1962) They Asked for a Paper. Geoffrey Bles London 211 p.

STEINER, George (2001) Grammars of Creation. Yale University Press New Haven 347p.


Autres commentaires sur «Interstellar»

Interstellar : « la situation est grave et désespérée, mais rassurez-vous, on gère ! » (Pep's Café)


Notes

[1] - Il est vrai qu'une édition française existe de ce livre (Grammaires de la création. Gallimard 2001 [collection NRF-essais] 430p.), mais je ne l'ai pas sous la main.

[2] - À ce tire, on peut penser aux luttes du parlementaire anglais William Wilberforce pour mettre fin à l'esclavage dans l'empire britannique. Ses convictions chrétiennes ont joué un rôle de premier plan dans cette initiative. On dit que si ces efforts avaient été faits juste 50 ans plus tard, où l'influence judéo-chrétienne avait diminuée, elles auraient probablement échoués et l'esclavage existerait toujours en Occident...

[3] - Quelle surprise alors de constater que, encore aujourd'hui, les disciples des Lumières sont parmi les premiers à faire la propagande de la mort (sous toutes ses formes), soit pour l'avortement, le suicide assisté ou encore pour l'euthanasie... Nietzsche en tout cas était un disciple des Lumières plus lucide et plus honnête que bien d'autres, car dans Le gai savoir il parlait de «danser sur le bord de l'Abime». Il avait très bien compris là où conduit un matérialisme cohérent.