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Samizdat

Le fantastique en question.





Christian Bourgeois

Le monde de Narnia, Matrix, le Seigneur des Anneaux, Star Wars, X-Men, j'en passe et des moins bons, que penser du fantastique, ainsi que de la science-fiction ? Dans le cinéma comme à la télévision ou encore dans la BD et les romans ? Pour les uns, méfiance voire rejet car c'est le monde de Satan, du New Age, de l'idôlatrie, que sais-je ?... Pour d'autres, c'est le monde de l'imaginaire, une part de nous-mêmes qui nous a échappé, indispensable à la créativité.

La question n'est pas anodine, car nos enfants, ainsi que nous-mêmes, sommes confrontés au quotidien à ce déferlement de " l' étrange "adroitement entremêlé de sexe, de violence, d'intrigues romantiques, bref, tout ce qui passionne le commun des mortels depuis la nuit des temps.

L'histoire me vient d'un de mes amis qui m'a rapporté que certains “ leaders ” spirituels en France, avaient très fortement déconseillé à leurs ouailles de voir “ le Seigneur des Anneaux ” en raison des diverses représentations du monde d'en-bas formellement interdites (soi-disant) par le commandement de la Bible (Deut. 58 ). Principalement un balrog, celui auquel Gandalf lança un on-ne-peut-plus-courageux: "Vous ne passerez pas!"


Que penser de ces réactions ?
Comment s'y retrouver dans tout cela puisque dans un cas comme dans l'autre, preuves bibliques à l'appui, on peut démontrer le bien-fondé de sa position ? D'ailleurs, quelle position n'est pas justifiable en un siècle où deux mondes se côtoient et s'affrontent, et dans lesquels, ce n'est pas tant le fond de ce qui est dit que la forme qui prévaut, ce qui me laisse à penser que la vérité est devenus plus une question de marketting qu'autre chose?

L'un de ces mondes, empreint d'un matérialisme rationnel tel que rien ne peut exister s'il n'est pas démontrable, contre l'autre, (spirituel ou mystique, au choix) qui prétend précisément l'inverse, à savoir que le monde éternel et vrai est celui de l'irréel; comme si l'un ne pouvait exister qu'aux dépens de l'autre!

Que penser aussi de ces prédications toujours prêtes à enseigner la méfiance ou la peur ? Sont-elles empreintes d'un obscurantisme paranoïaque ou sont-elles au contraire la marque de la Sagesse, qui seule saura nous mener au Salut?  Ne sont elles pas l'interprétation, au-delà de sa signification, de ce fameux verset d' Hébreux 1317 qui plongerait les leaders dans la plus noire des questions : “ Et si je fais mal, n'aurais-je pas, moi, à rendre compte pour avoir fait dévier la pensée de ces âmes que le Seigneur m'a confié ? ”

C'est aussi une question qui doit être posée.

Tout d'abord, je vais parler de ceux auxquels s'adressent ces prédications.

Il y a, en exagérant un peu, deux types de personnes :

Ceux qui marchent sur une parole sûre, exempte de tout défaut, mais aussi se confiant dans tout ce que le matérialisme a apporté comme rigueur intellectuelle, une base prépondérante de notre sécurité, et à l'opposé, ceux qui sont “ pur esprit ”, toujours prêts à rejeter les frontières du réel au profit de l'irréel.

Comme je vais chercher un juste milieu, si jamais il existe, je pose volontairement des jalons très éloignés les uns des autres et qui ne représentent pas la très grande majorité, soyons en conscient. En débutant cette étude, je voudrais aussi préciser que je ne vais pas faire un voyage dans les découvertes de la psychanalyse concernant les fantasmes de l'inconscient.

Quel est le rôle de la prédication ? Enseigner nous dit Paul pour que le chrétien devienne un homme (ou une femme) mûr/e (2 Tim 316-17 Ephésiens 414 ...), apte à discerner ; et discerner signifie soupeser, comparer (donc: oser). La peur de l'inconnu, de l'irréel, de désobéir, doivent-ils alors accompagner une prédication sur de tels sujets, alors que “ l'Amour parfait (celui de Dieu) bannit la crainte ” ?

N'est-ce pas la foi et la connaissance qui doivent nous être transmises non par le rejet, mais par la séparation (ou : sanctification)?

Cette foi n'est-elle pas là pour nous libérer de toute crainte irrationnelle et de l'irrationnel ?

Quelle est la longueur du pas que nous allons franchir lorsque nous déduirons un jour que le diable n'existe pas, ni les démons ou bien qu'on doit se garder de fréquenter ce monde obscur, que le combat spirituel est pure fantaisie parce que à la croix, Jésus a vaincu l'Ennemi et toute sa puissance, etc... tel que dans certains mouvements dits chrétiens cela est depuis longtemps enseigné ?

Et que le parler en langue n'est plus de cette époque, qu'il faut s'en méfier car l'Ennemi lui aussi peut parler en langues ! Soyons sérieux, et afin d'élever le débat, élevons-nous, comme nous le ferions en hélicoptère, à la verticale de la Bible. Dès que nous sommes en hauteur, notre vision des choses change. Nous voyons ce qui auparavant nous était caché et nous comprenons un peu mieux la configuration des lieux.

Montons simplement de quelques dizaines de mètres, de façon à toujours voir les détails du sol.

Si vous avez une Bible à portée de main, ouvrez la au livre de l'Apocalypse et lisez les premiers chapitres. Maintenant, fermez les yeux et osez laisser votre imagination “ voir ” les paroles écrites dans ce livre dit de la Révélation. (Je ne parle pas de visualisation, une technique qui ouvre notre esprit à d'éventuelles chimères).

Evidemment, la Révélation ne concerne pas ces calamités décrites, mais concerne bel et bien l'avènement du Fils de l'Homme.

Comment réagissez-vous ? Est-ce la peur et la culpabilité qui vous assaillent vous auquel Paul dit : “ Car vous n'avez pas reçu un esprit de crainte (peur-servitude) mais d'adoption par lequel vous criez : ABBA, Père ” (Abba, ce mot prononcé publiquement par Jésus pour la première fois sur la croix!) Et aussi : “ il n'y a maintenant aucune condamnation pour ceux qui sont en Jésus-Christ ”.

Maintenant, si vous étiez cinéaste, comment décririez-vous ce que votre imagination vous a permis d'entrevoir ? Tel que c'est écrit ? Car si c'est écrit en termes fantastiques, n'est-ce pas aussi parce que le Saint-Esprit (qui nous donne tout ce qui est à Jésus) l' a voulu ainsi ? Et les visions du livre de Daniel ? Certes on peut rétorquer qu'il s'agit là de valeurs symboliques, ce en quoi je suis tout-à-fait d'accord mais je signale aussi en passant que le symbolique est aussi le langage du fantastique.

Abordons l'une de ces extrêmes dont j'ai parlé plus haut. Il y a du bon et du très mauvais fantastique. Il y a du fantastique issu des fantasmes les plus noirs de leurs auteurs, dans lequel tout est permis et qui nous entraînent dans la noirceur de leur âme et de la nôtre, et il y a un fantastique qui explique par des valeurs symboliques l'inconscient de l'homme et des choses spirituelles qui nous dépassent, dont certaines sont prophétiques (dans le sens où elles annoncent dans un langage qui doit être révélé) ce qui les rendent justement accessible à notre conscient, cf Le Seigneur des Anneaux, Le monde de Narnia....

Mais il y a aussi cette propension à ignorer les barrières de la raison, que je préfère nommer ici sagesse, qui nous fait rejeter, taire ou même étouffer ce conscient au profit d'un inconscient auquel on n'ose plus attribuer de limites par peur (tiens, tiens !) de se sentir coupable, de limiter, de bloquer, et que sais-je encore, le Saint-Esprit, ce que communément on appelle l'hyperspiritualité, une hyperspiritualité dangereuse car séductrice, ce que je vais essayer d'illustrer par un exemple.

Nous sommes en février et je me rends chez un chrétien qui m'invite à regarder un diaporama qu'il est en train de créer avec son ordinateur. Sur chaque photo, fort belle, il a écrit un verset et le tout défile à un rythme appréciable, ni trop lent, ni trop rapide jusqu'à la dernière photo qui représente une magnifique chute d'eau sur laquelle se trouve écrite cette parole de Jésus : “ Celui qui croit en moi, des fleuves d'eau vives jailliront de son sein jusque dans la Vie Eternelle ” . Jean 738 .

Il me demande mon avis et je m'arrête sur la dernière photo. Quelque chose me gêne que je ne comprends pas. Au bout d'un petit moment, je trouve enfin ces mots qui expliquent mon attitude que ce chrétien espérait beaucoup plus enthousiaste.

Voilà ce qui me dérange : toutes ces photos fort belles avec ces versets, je les connais depuis que je suis converti. Elles ne sont plus des images vivantes, mêmes si elles sont associées à la Parole. Elles sont devenues des clichés sensés exalter notre âme ou stimuler l'esprit, selon. Après réflexion, elles semblent nous ramener à nous et à nous-mêmes uniquement.

Ce qui me gêne dans la dernière photo m'amène à ma propre remise en question de la vie de l'Esprit.

Mais comme il m'a demandé mon avis, je lui donne. Je n'ai vu dans ce qu'il a fait, ai-je dit, que de magnifiques clichés. Or, quelque chose dans la photo de cette chute d'eau me retient toujours en arrière. Je la trouve maintenant trop peu conforme à la réalité spirituelle, car qui peut se vanter de voir dans sa vie une effusion constante du Saint-Esprit semblable à cette chute d'eau ?

Cette dernière photo me semble aujourd'hui irréaliste, comme coupée de ce monde vers lequel Jésus fut envoyé et qu'à notre tour nous devrions essayer d'atteindre.

Mon verdict (très positif au demeurant), est sans appel et me surprend moi-même. Cet ami m'entend lui dire qu'à la place d'une chute d'eau, j'aurais mis Mère Thérésa en train de s'occuper d'un lépreux. Car voilà où doit nous mener l'action de l'Esprit dans nos vies : à nous tourner vers les plus démunis, les plus pauvres, accomplir les œuvres que Jésus a fait sur Terre : Il a en son temps prié pour des lépreux afin qu'aujourd'hui on s'occupe d'eux.

Voilà ce que sont vraiment ces fleuves d'eau vive qui jaillissent en vie éternelle.

Voyons le deuxième de ces extrêmes :

Il est quelque part symbolisé par Thomas qui, après la résurrection, refuse de croire qu'il s'agit bien du Christ à moins qu'il n'ait mis lui même ses doigts dans les plaies du Seigneur. (Jean 2024-29 ). L'histoire pourrait être amusante, si le moment n'avait été si dramatique, car quand Thomas manifeste sa méfiance (v 25), Jésus n'est pas présent dans la pièce avec lui. La scène prend toute son ampleur quand une semaine après, Jésus parle à Thomas, non pour le culpabiliser de son incrédulité à mon avis, mais pour l'amener à une foi particulièrement vivante, non pas basée sur la parole a priori irréaliste de ses compagnons d'(in)fortune, mais sur un événement authentique qui sans donner tort à son rationnalisme, le remet à sa juste place.

La raison n'est pas un problème, et dans le livre des Proverbes 321-27, nous sommes encouragés à utiliser notre raison, et ailleurs, nous sommes aussi invités à ne pas nous laisser entraîner à tout vent de doctrine.

Le problème est quand la foi devient prisonnière de la raison à tel point que dès que quelque chose insulte notre entendement, nous sommes prêts à tout pour museler ce quelque chose, témoignage de notre insécurité latente qui nous prive de notre pouvoir de réflexion et donc d'ouverture sur des choses pas forcément directement accessibles à notre intellect. Pire: nous accordons à ce système de pensée la valeur de Vérité ou encore de Liberté. N'est-il pas là le problème?

Rationnaliser ce qui nous dépasse, mettre des mots sur le non-nommable et enfermer par ce moyen des valeurs abstraites dans notre entendement où elles seront retenues prisonnières de notre rationnalisme dont la frontière avec l'incrédulité est très mal définie?

Faisons un test.

Voici quelques mots que vous allez essayer de définir avec qui vous voudrez (plus on est de fous...) : Perfection, liberté, vérité, amour, amitié, équilibre, démocratie... Des mots qui font rêver mais qui pourtant sur Terre sont sources de conflits, mineurs ou majeurs.

Prenons le mot “ liberté ”, celui qui fait probablement couler le plus d'encre. Et de sang... Pourquoi? Parce qu'il est indéfinissable ? Parce que la liberté n'existe pas en tant que telle ? Qu'est-ce que la liberté de penser ? La liberté sexuelle ? La liberté de la presse ? Aussi longtemps que ce monde sera monde, la discussion continuera et avec elle, les guerres.


Parlons “ gargouille ”.
Nous connaissons tous les gargouilles, ces figures en pierre taillée représentant le plus souvent des êtres ou animaux fantastiques présumés comme venant des ténèbres, situées la plupart du temps en haut des églises ou dans les points stratégiques de ces mêmes édifices.

Selon certaines versions très sérieuses, cela représente Satan et ses démons en train de vouloir dominer l'église.

Selon d'autre versions tout aussi sérieuses, il faut “ lire ” cette représentation autrement : les gargouilles, certes représentent des êtres fantastiques, mais sous la domination du Christ, lequel trône sur toute chose.

Comprenons bien ceci : au moment où ces églises (et chapelles) furent construites, la seule façon universelle, en raison de l'illettrisme, de transmettre d'une façon permanente et efficace le message de l'évangile était par le moyen des arts : la musique, la sculpture et la peinture et comme en ces temps d'obscurantisme, la relation avec les pratiques de sorcellerie était monnaie courante : il était donc impossible d'échapper au fantastique.

Comprenons bien : je ne prétends pas que chaque chrétien devrait être ouvert au surnaturel, au fantastique et à la science-fiction. Je ne parle que du plus petit dénominateur commun entre tous : la sécurité de l'Amour sans failles de Dieu qui nous amène à réaliser qu'un autre monde que le rationnel existe et qu'il fait aussi partie de notre héritage. Une révélation, certes progressive selon les cas, qui devrait au moins bannir de nous tout esprit de jugement, car elle inclut aussi la guérison divine et la délivrance dont nous ne pouvons décemment faire l'impasse tant les besoins sont grands et les promesses de Dieu précises à ce sujet.

Donc, selon que l'on porte un regard ou un autre, le sens symbolique est radicalement différent. La question est celle-ci : Comment doit-on enseigner la lecture du fantastique tout en restant assuré que nous ne faisons pas fausse route? La première extrême est-elle la bonne ou est-ce la seconde ? Je vais faire une réponse de Normand pas très édifiante je le reconnais : peut-être la première, peut-être la deuxième.

Pourquoi ? Parce que nous devons enseigner à discerner, à établir la pensée dans une forme de maturité qui ne lui fait ni craindre une version, ni adorer l'autre, selon que nos aptitudes l'auront ou pas décidé. En d'autres termes, nous devons apprendre à penser en hommes libres, et libres de toute crainte.

Car nous ne sommes pas tous doués de la même façon d'une aptitude au fantastique, ni d'une aptitude au rationnel !

Je dirais même que nous devrions réfléchir, quand nous élaborons une stratégie intellectuelle de réflexion, aux conséquences que notre façon de penser va entraîner, même si nous ne pouvons pas toutes les prévoir.

Dans Jean 316 , Jésus nous apprend du Père Céleste :  “  Qu'Il a tant aimé le monde qu'Il a donné Jésus-Christ, Son Fils, afin que quiconque croit ne périsse pas mais ait (accès à) la Vie Eternelle. ”

Ma question est donc celle-ci : "Est-ce qu'en enseignant la peur ou la méfiance, je vais rendre le chrétien propre à partager l'évangile avec des non-croyants en lien avec le fantastique, ou est-ce que je ne vais pas plutôt fortifier ces mêmes croyants dans leurs peurs par le moyen du jugement ?  Et ainsi creuser davantage cette dichotomie entre l'Eglise et le Monde ?"

Ce qui va à l'encontre du verset cité juste avant, car Jésus ne nous dit pas que : “ ...Dieu a tant jugé le monde qu'Il a confié aux chrétiens le soin de continuer à le faire... ”, chose pour laquelle, on en conviendra tous, nous n'avons pas besoin de la puissance du Saint-Esprit. Or, après avoir cotoyé bon nombre de milieux chrétiens et évangéliques, force m'a été de reconnaître qu'une forte majorité d'entre nous avons réécrit le verset dans la deuxième version.

Ce qui m'amène à poser la question redoutable de définir ce qu'est vraiment un chrétien victorieux.