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Samizdat

La réaction de certains chrétiens évangéliques à l’égard
du film La Passion du Christ.






Daniel Audette

Rares sont les films qui ont suscité autant de passions comme l’a fait celui de Mel Gibson, La Passion du Christ. La gamme des opinions à l’égard de celui-ci est d’ailleurs assez vaste, allant de réactions positives à des critiques parfois très acerbes. Dans cette confusion d’idées, on se serait attendu à ce que les chrétiens évangéliques se rangent au moins du « côté positiviste » de l’opinion publique. Mais, étrangement, le camp évangélique s’est lui aussi scindé en deux, de sorte qu’on a vu apparaître un groupe favorable à l’oeuvre de Mel Gibson et un autre groupe qui, pour des raisons multiples, rejettent radicalement son film. Je me questionne sérieusement sur le bien-fondé d’une telle opposition de la part de certains évangéliques.

D’abord, La Passion du Christ est sans contredit un film qui devrait à tout le moins remuer les sentiments de tous les chrétiens à l’égard de leur maître : en effet, on ne se remémore pas le Christ crucifié sans que nos cœurs soient touchés à vif devant le spectacle de tout ce qu’il a choisi de souffrir pour nous. Point n’est besoin de s’accorder avec tout ce que le film présente pour se rappeler que le Christ en croix est celui qui, dans l’histoire de l’humanité, est véritablement venu pour « cette heure », afin d’obtenir le pardon des péchés pour ceux et celles qui croient en lui. Si ce n’était que pour cette seule raison que je viens d’évoquer, quel chrétien, même celui qui questionne tel ou tel aspect du film, oserait condamner La Passion du Christ?

Ensuite, pour les jeunes de la génération actuelle, qui n’ont bien souvent jamais entendu parler de Jésus-Christ, ce film ne leur offre-t-il pas une occasion exceptionnelle d’avoir un premier contact avec ce personnage historique que nous, chrétiens évangéliques, considérons si important? Pour quelques-uns d’entre eux, il s’agira peut-être du seul contact réel qu’ils auront eu durant leur vie avec Jésus de Nazareth; d’autres profiteront certainement de ce premier contact pour s’informer davantage sur la foi chrétienne, acheter une Bible et peut-être même chercher une église locale! D’autant plus que le film de Mel Gibson ne présente pas tel ou tel Jésus de quelque secte religieuse suspecte et hérétique. Il y a certes des digressions historiques et certains ajouts symboliques insolites dans l’œuvre cinématographique de M. Gibson, mais, dans l’ensemble, on peut sans conteste affirmer que son film respecte assez fidèlement les récits évangéliques. Pourquoi alors dissuader le public d’aller le regarder?

D’ailleurs, il me semble n’avoir jamais entendu les évangéliques prononcer un boycottage contre la trilogie culte des frères Wachowski, La Matrice. Or s’il y a bien un film où le caractère messianique de Jésus est emprunté pour être ensuite bafoué impunément, c’est celui-là! À vrai dire, plusieurs évangéliques sont allés voir la trilogie des frères Wachowski, non pour la dénoncer, mais plutôt pour admirer le symbolisme judéo-chrétien que celle-ci est censée renfermer. Mais qui prétendra être en mesure d’expliquer clairement la foi chrétienne à quelqu’un en se basant uniquement sur La Matrice? Personne, bien entendu. Pourtant, les évangéliques n’interdisent aucunement la vue de la trilogie des frères Wachowski, certains évangéliques allant même parfois jusqu’à désirer voir cette trilogie pour s’étonner des analogies qu’elle présente entre ses personnages futuristes et les figures bibliques, bien que ces mêmes chrétiens sachent fort bien que nul n’embrasse la foi chrétienne grâce à La Matrice. Par contre, en ce qui concerne La Passion du Christ de Mel Gibson, on retrouve des évangéliques qui condamnent ouvertement le film et qui dissuadent fortement les gens d’aller le regarder. Or ce film est probablement le premier long métrage du 21e siècle propre à susciter chez une personne un intérêt sincère pour la foi chrétienne! Il devient donc évident qu’une réflexion sérieuse ainsi qu’une prise de conscience non moins sérieuse s’imposent ici.

Je crains en effet que certains chrétiens évangéliques ne sachent pas discerner correctement les véritables ennemis de la foi chrétienne; ils prennent malheureusement pour cible non pas ceux qui sont contre Christ, mais ceux qui sont pour lui. Bien sûr, il s’agit là d’un constat fort triste, et nous ne pouvons que déplorer une telle attitude de la part de ces quelques évangéliques. Cependant cette attitude, comme certains seraient tentés de le croire, n’a pas ses racines dans la chrétienté occidentale. On la retrouve également chez les apôtres : « Jean lui dit: Maître, nous avons vu un homme qui chasse les démons en ton nom et qui ne nous suit pas, et nous l’en avons empêché, parce qu’il ne nous suit pas » (Mc 9.38). Peut-être Jean et les autres apôtres attendaient-ils de la part de leur maître quelques félicitations, une petite tape amicale sur l’épaule et un remerciement du genre : « vous avez bien fait de faire cesser les exorcismes de cet imposteur, car il commençait vraiment à m’importuner! ». En fait, Jésus leur a répondu : « Ne l’en empêchez pas, car il n’est personne qui fasse un miracle en mon nom et puisse aussitôt après parler mal de moi. En effet, celui qui n’est pas contre nous est pour nous (Mc 9.39-40). » « Ne l’en empêchez pas » : laissons une fois de plus cette parole du Christ retentir puissamment. Laissons-la en effet nous remémorer cette vérité qu’un témoignage en faveur du Christ, quel qu’il soit, n’est jamais contre lui. Bien au contraire, un tel témoignage est à coup sûr pour lui, et du coup il est également pour nous. Car n’est ce pas précisément pour nous sauver que Jésus-Christ est venu?

Enfin, je ne vous cacherai pas que je me questionne sérieusement sur les motivations qui peuvent pousser certains chrétiens évangéliques à s’opposer aussi radicalement au film de Mel Gibson. Sont-ce les quelques digressions historiques qu’on retrouve çà et là dans le film la cause de cette opposition? Le symbolisme religieux? Ou peut-être les quelques allusions au Catholicisme? On reproche également à Mel Gibson les intentions profondes qui l’auraient poussé à produire son œuvre cinématographique : on l’accuse en effet de barbarie sacramentelle et de partialité catholique. On le suspecte donc gravement, et du coup on suspecte également la réussite de son film. Mais nous ferons bien d’écouter attentivement ceci : « Qu’importe! De toute manière, que ce soit sous un faux prétexte ou que ce soit en vérité, Christ est annoncé; je m’en réjouis et je m’en réjouirai encore » (Ph 1.18). L’apôtre a prononcé ces paroles alors qu’il se trouvait dans les chaînes à cause de l’évangile, privé de la liberté dont il jouissait auparavant pour annoncer publiquement la bonne nouvelle. Cependant, il se réjouissait que l’évangile soit annoncé, même si certains de ceux qui le proclamaient étaient animés par des motifs suspects. Partageons-nous une joie similaire à celle de Paul? Il y a certes dans le film de Mel Gibson quelques détails que nous jugeons nécessaire de corriger. Pourtant, Christ n’en est pas moins annoncé! Son nom figure actuellement au box-office des films américains les plus populaires! Saisissons donc l’occasion extraordinaire que nous offre ce film pour annoncer l’évangile du Seigneur que nous adorons. Et s’il nous faut corriger les quelques digressions qui se trouvent dans La Passion du Christ, et bien, levons nos manches et mettons-nous à l’œuvre! Au moins le film aura fait jaser de Christ. N’est-ce pas d’ailleurs ce que nous désirons tous, faire parler et parler de Jésus-Christ?