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Samizdat

Oser vivre après une tragédie.





Monique Lépine
ECOLE POLYTECHNIQUE DE MONTREAL.
6 DECEMBRE 1989.
14 COUPS DE FEU, PUIS UN QUINZIEME.
LES FAMILLES... LES PROCHES... TOUT LE QUEBEC ... et une mere, elle aussi brisee. Monique Lepine, la mere de Marc.
Assoyez-vous avec elle. Laissez-Ia vous raconter ses 30 dernieres annees et repondre aux questions qui ne lui ont toujours pas ete posees. Car comment se releve-t-on apres s'etre effondree? Quoi faire... maintenant? Comment choisir la vie? Et notre cœur? Qui peut encore le faire battre? Du deuil a I'acceptation, de la reconstruction a la transformation; Monique Lepine nous invite a vivre ces eta pes de guerison. Individuelle et collective.

Monique Lépine
Ce texte est un extrait du livre Renaître (2019 Éditions Saphir)

L’événement

Comme j’en avais l’habitude, en revenant du travail, le soir du 6 décembre 1989, j’ai allumé mon téléviseur pour écouter les nouvelles. Ce que j’ai entendu m’a bouleversée au plus haut point. Un tireur fou venait d’entrer à l’École polytechnique de l’Université de Montréal (université qui était mon alma mater, où j’avais obtenu ma maîtrise en éducation une décennie plus tôt), et avait abattu 14 jeunes filles et blessé plusieurs autres avant de s’enlever la vie.

C’était un mercredi soir. Je suis allée à une réunion de prière et, abasourdie par cette nouvelle, j’ai demandé à ce que l’on prie pour la mère de ce jeune homme.

Le lendemain, je me suis rendue au bureau en fin de journée. Il s’y passait quelque chose d’anormal. Tous les employés étaient encore présents à une heure aussi tardive, et il y avait beaucoup de fébrilité dans l’air. J’étais assise à mon bureau lorsque mon directeur général, accompagné de deux hommes qui s’avéraient être des policiers habillés en civil, sont entrés pour m’annoncer que l’auteur de cette tragédie était mon fils, Marc. S’ensuivirent une période de choc et les instants les plus troublants que j’ai vécus de toute ma vie. On s’est emparé de moi, comme si j’étais l’auteure de ces meurtres, et l’on m’a amenée en criminelle pour être interrogée.

En un instant, mon statut social passa de conseillère professionnelle pour une centaine d’établissements de santé au Québec à celui de « mère d’un criminel ». Mon fils m’avait laissé l’odieux des conséquences de son geste dément. Le regard que l’on posait sur moi était marqué par la surprise et la condamnation. J’étais mise au banc des accusés !

Devant les nombreuses critiques et les revendications de différents groupes sociaux, le Parlement du Canada, en 1991, a décrété la journée du 6 décembre la Journée nationale de commémoration et d’action contre la violence faite aux femmes.

Chaque année, le 6 décembre, et lors de chaque tuerie dans le monde, on se réfère à ce qu’on appelle désormais « la Tuerie de l’École polytechnique de Montréal ».

Sept ans plus tard, un deuxième événement est venu bouleverser ma vie : ma fille, Nadia, incapable de surmonter cette épreuve, s’est réfugiée dans la drogue. Elle s’est suicidée d’une surdose de cocaïne le 2 mars 1996.

Mère monoparentale depuis 1972, voilà que je perdais mes deux seuls enfants… Ma vie s’est effondrée !


Pourquoi écrire un deuxième livre ?
En 2006, suite à une autre tuerie à Montréal, celle-ci au collège Dawson, j’ai accepté de sortir de l’ombre et de faire une première entrevue à la télévision avec le journaliste Harold Gagné. Cette entrevue était intitulée : Après 17 ans de silence.

J’ai voulu partager à la population ce à quoi j’avais réfléchi durant ces dix-sept années de souffrance. Cela a aussi été ma motivation lors des nombreuses interventions publiques que j’ai réalisées. (Dans l’appendice, le lecteur intéressé trouvera le détail de mes sorties publiques.)

Vivre[1], écrit par Harold Gagné et édité chez Libre Expression en septembre 2008, décrit ce que j’appelle la gamme de mes blessures émotionnelles et les actions que j’ai posées pour me sortir de cette torpeur. Je crois sincèrement que, pour être guéri, il faut regarder sa souffrance en face et oser apporter des changements dans sa vie.

Par exemple, le fait de me rendre à l’École polytechnique pour y rencontrer le directeur qui était en poste au moment de la tuerie m’a fait rejeter l’ostracisme dans lequel la société m’avait plongée.

J’ai pris la décision de me relever et de continuer ma route. Mes enfants étaient morts, mais moi, j’étais encore vivante.

Aujourd’hui, et même après la parution de mon premier livre, une question revient constamment lors de chaque conférence : « Comment avez-vous fait pour vous relever et continuer à vivre ? »

En un mot, Renaître tente d’expliquer mon cheminement spirituel, car c’est dans ma relation quotidienne avec le Christ Jésus que j’ai pu faire face à l’adversité et courir le risque de continuer à vivre.

À vrai dire, si ce n’était de ma foi en Dieu, je ne serais plus de ce monde. L’âme qui souffre cherche désespérément un sens à sa vie et, personnellement, je l’ai trouvé en lisant la Bible et en croyant aux paroles de Jésus. C’est lui qui m’a donné la force d’avancer. Dieu n’a pas supprimé ma souffrance, mais il m’a conduite à expérimenter sa présence dans ce processus de deuil. Au fil des chapitres de ce livre, je vous invite à parcourir avec moi les étapes de ma guérison.

Dieu est venu me rencontrer dans ma douleur et me restaurer progressivement. C’est maintenant à moi de donner au suivant en aidant ceux et celles qui souffrent en silence pour diverses raisons ou suite à des actions répréhensibles commises par leurs proches. Je souhaite de tout coeur que mon livre vous aide à faire face à vos propres souffrances.



La gestation

Oublier son histoire personnelle équivaut à s’oublier soi-même et le chemin que Dieu nous a appelés à vivre. — Dr Dan B. Allister

Je suis née à Montréal, le 20 décembre 1937, de Germaine Trépanier et d’Edmond Lépine. Neuvième de dix enfants, j’étais la quatrième et la plus jeune des filles. Depuis que j’ai l’âge de raison, j’ai toujours cherché le but de ma vie. Je me rappelle, alors que j’entrais dans l’adolescence, d’avoir adopté ce leitmotiv, d'un auteur inconnu, qui m’a inspirée jusqu’à l’âge adulte : Tout ce qui mérite d’être fait mérite d’être bien fait.

À vrai dire, je suis exigeante envers moi-même, et j’ai toujours recherché l’excellence dans tout ce que j’ai fait. Malheureusement, j’étais aussi exigeante envers les autres, et mon fils a hérité de ce trait de caractère. L’excellence est bonne, pourvu qu’on ne veuille pas imposer notre façon de voir les choses aux autres. C’est ce que j’ai appris au fil des ans.

Quand j’ai commencé à lire la Parole de Dieu, j’ai trouvé ce verset dans un enseignement de l’apôtre Paul :

Et quoi que vous fassiez, en parole ou en acte, faites tout au nom du Seigneur Jésus en exprimant par lui votre reconnaissance à Dieu le Père. — Colossiens 3.17

Quand Dieu nous appelle à faire quelque chose, il nous équipe afin que nous puissions l’accomplir. Avec Dieu, tout arrive en son temps, et il ne faut pas aller plus vite que l’Esprit Saint : d’où l’importance d’être à son écoute chaque matin. C’est un apprentissage que j’ai dû faire, étant de nature impatiente.

Voilà donc le premier secret que Dieu m’a révélé : tout faire au nom de Jésus, mais avec excellence. Cela ne vient pas de mes propres forces, car je comprends que toutes mes capacités viennent de Dieu, et je dois lui exprimer de la reconnaissance quand je réussis bien dans mes projets.

J’ai accepté le Christ dans ma vie le 19 novembre 1981 lors d’une conférence ayant pour titre : Oui pour Christ. J’y avais été invitée par un ami, et, pour lui faire plaisir, j’y suis allée avec mes enfants et leurs amis. Je ne savais pas trop à quoi m’attendre. J’écoutais attentivement le pasteur, qui a dit : « Si vous voulez en apprendre plus sur Christ, venez me rejoindre à l’avant. »

Puisque je cherchais à connaître Christ depuis toujours, je me suis avancée immédiatement. Je ne voulais pas m’engager tout de suite sans comprendre de quoi il s’agissait. On m’a alors suggéré de lire deux chapitres de la Bible par jour, ce que j’ai fait et que je fais encore fidèlement. À partir de cet instant, Dieu le Père m’a donné la soif de le connaître, et, depuis ce jour, c’est par sa Parole qu’il me guide et me réconforte.

La Bible déclare :

La foi vient de ce que l’on entend et ce que l’on entend vient de la Parole de Dieu. — Romains 10.17

Mon cheminement de guérison est appuyé entièrement sur ce que j’ai découvert progressivement en marchant avec Dieu. À vrai dire, je suis réellement née de nouveau.

Dans l’Évangile de Jean, Jésus explique cette nouvelle naissance à Nicodème, un chef des Juifs. De nos jours, c’est ce qu’on appelle la régénération, ou naissance spirituelle. La régénération est la re-création et la transformation de l’être humain par Dieu le Saint- Esprit. À travers ce processus, une vie éternelle émanant de Dieu luimême est donnée au coeur du croyant[2].

En vérité, en vérité, je te le dis, à moins de naître de nouveau, personne ne peut voir le royaume de Dieu. Nicodème lui dit : « Comment un homme peut-il naître quand il est vieux ? Peut-il une seconde fois entrer dans le ventre de sa mère et naître? » Jésus répondit : « En vérité, en vérité, je te le dis, à moins de naître d’eau et d’Esprit, on ne peut entrer dans le royaume de Dieu. Ce qui est né de parents humains est humain et ce qui est né de l’Esprit est souffle de vie. Ne t’étonne pas que je t’aie dit : ‘Il faut que vous naissiez de nouveau.’ — Jean 3. 3-7

Cette société, si religieuse dans ma jeunesse, a rejeté Dieu à cause des abus de nombreux membres du clergé et d’un enseignement erroné à plusieurs égards. La religion et la relation authentique qu’une personne peut avoir avec Jésus sont deux concepts très différents. Quand je parle de Jésus, je fais référence à Celui qui est mort sur la croix du Calvaire afin de nous réconcilier avec notre Père céleste. Il ne faut pas confondre Jésus avec la religion.

Lors du premier sermon que j’ai entendu dans une église évangélique, le pasteur prêchait et expliquait ce verset tiré de la première épître de l’apôtre Pierre :

Comme des enfants nouveau-nés désirez le lait pur de la parole. Ainsi, grâce à lui vous grandirez [pour le salut], si du moins vous avez goûté que le Seigneur est bon. — 1 Pierre 2. 2-3

Par la suite, j’ai acheté un livre, Si tu veux aller loin[3], qui m’a aidée à approfondir cette notion de croissance spirituelle. En voici deux extraits :

Je m’obstine à te voir, toi mon lecteur, plutôt jeune, jeune au moins dans la foi, un nouveau-né en Christ. Or un bébé, c’est délicieux, mais il ne faut pas en rester là : un bébé de trente ou quarante ans, cela fait pleurer. Je veux que tu grandisses, que tu atteignes rapidement la maturité d’un homme ou d’une femme de Dieu. Je pourrais résumer mon ambition pour toi en un mot : du biberon au bifteck.

Je ne sais quel chemin Dieu choisira pour toi, mais si tu lui obéis, si tu l’aimes à ce point-là, il fera quelque chose d’extraordinaire de ta vie. Aujourd’hui, je te pose une question :

« Quel genre de vie cherches-tu ? Une petite vie confortable, médiocre, banale ou le grand horizon de Dieu ? » Si tu veux aller loin, très loin avec Dieu, lis ce livre. Aie le courage de te mettre face à face avec Dieu.

J’ai donc décidé de lire ce livre afin que Jésus-Christ fasse de moi, et sans délai, une femme de Dieu. J’étais pressée, car j’avais déjà 42 ans et je ne voulais pas rester au biberon. J’assistais à toutes les réunions qui pouvaient m’aider à comprendre ma foi, tant dans mon église locale que celles offertes par les organisations chrétiennes. J’avais soif de connaître le vrai Dieu trinitaire : Père, Fils et Saint- Esprit. Je voulais développer une relation intime avec lui.

Dès le début de mon cheminement avec Dieu, j’ai compris que l’humain a besoin d’appartenir à un groupe. Et après avoir lu un avertissement de l’apôtre Paul, j’ai décidé de faire partie de l’Église de Jésus-Christ, le Corps de Christ, comme il l’appelle dans ses épîtres. J’ai choisi de me joindre à l’Église évangélique, puisqu’elle se base uniquement sur la Bible, incluant l’enseignement des Évangiles et la vie de Jésus. Je ne voulais pas faire les choses à moitié :

Examinez-vous vous-mêmes pour savoir si vous êtes dans la foi ; mettez-vous vous-mêmes à l’épreuve. Ne reconnaissez- vous pas que Jésus-Christ est en vous ? A moins peut-être que vous ne soyez disqualifiés. — 2 Corinthiens 13.5

Dieu a créé l’être humain tripartite : esprit, âme et corps. Avec le temps, en lisant la Première épître aux Thessaloniciens, j’ai saisi que mon esprit avait été régénéré par l’Esprit de Dieu à ma nouvelle naissance. Que mon âme, composée de mon intelligence, de ma volonté et de mes émotions, avait besoin d’être renouvelée, transformée, guérie par le Seigneur Jésus ; bref, que je devais offrir mon corps à Dieu parce qu’il était devenu le temple du Saint-Esprit.



Notes

[1] - GAGNÉ, Harold. Vivre, Montréal, Libre Expression, 2008, 270 p. Disponible en version électronique chez l’éditeur.

[2] - Commentaire sur la régénération, La Bible Esprit et Vie, Springfield, Missouri États-Unis, Life Publishers International, 2006.

[3] - SHALLIS, Ralph. Si tu veux aller loin, Saint-Hyacinthe, Éditions Farel, 1985, 156 p.



Renaître (ISBN : 978-2-9812154-8-2)