Christian Paulhus
Si la nature, imaginée et disposée par le Créateur, peut nous informer de son choix et de sa tendance, il semble évident que la différence alimente son plaisir. L'harmonie des formes, des teintes, des genres, des odeurs, des sons et des saveurs se présentent dans un monde où chaque élément trouve sa place et son honneur. À partir de cette seule observation, il serait juste de conclure qu'il n'en est pas autrement des humains. N'est-il pas, d'ailleurs, décidé que des hommes de “toutes races, toutes langues et toutes les nations” seront invités dans le Royaume céleste ? Il semble effectivement plaire que chacune des langues de la terre puisse chanter l'inépuisable créativité de leur majestueux Sauveur. Comprenant cette destinée, il est apparut impératif pour les premiers apôtres de valoriser, déjà dans ce monde, les caractéristiques de la diversité dans l'humanité chrétienne : “Dès le début, Dieu est intervenu pour choisir parmi les nations un peuple qui porte son nom (...) C'est pourquoi, je pense qu'on ne doit pas créer de difficultés aux non-Juifs qui se tournent vers Dieu.” (Actes des apôtres, chap. 15, v. 7 à 20)
Perte du foyer d'identité protégé
Jusqu'à tout récemment dans l'histoire, les peuples se réunissaient
dans un territoire où leur langue et leur héritage pouvaient
s'exprimer sans l'altération volontaire du méli-mélo
multiculturel. Les églises revêtaient elles aussi les traits
uniques de ces particularités : les chants, la forme des célébrations,
voire même le mode de vie chrétienne se distinguaient des groupes
culturels des autres pays. Or, en raison des nombreux échanges interculturels
modernes et de la diffusion mondiale des médias, les églises
adoptent de plus en plus des façons de faire empruntées ailleurs,
au lieu de puiser dans leur originalité nationale. À l'évidence,
l'hégémonie d'une langue comme l'anglais ajoute désormais
à cet affaiblissement des distinctions. Sa popularité croissante,
manifestée par des succès avérés en affaires
ou dans les arts, pousse tous ceux qui veulent réussir à l'imitation
de leurs formules et de leurs méthodes. Il en résulte, ici
au Québec comme en d'autres endroits du monde, que l'uniformité
imposée par une culture dominante, estompe la variété
des couleurs culturelles et langagières qui devraient autrement s'exprimer
dans l'harmonie des diversités.
Sans sombrer dans une réaction raciste et séparatrice, les questions de la diversité et du respect de l'unicité doivent être posées dans l'Église : quel honneur accorder à la langue distinctive d'un peuple ? Qu'est-ce que la préservation de sa culture particulière doit apporter à la diversité voulue par Dieu? Quelle importance accorder à l'héritage d'un groupe humain qui nomme les choses différemment et les crées de manière unique ?
Pour démontrer que ces questions sont loin d'être secondaires, revoyons quelques données des Écritures plaçant la langue au cœur du Projet divin. Nous arriverons ensuite aux enjeux de la langue française dans l'Église moderne. Si la présente réflexion porte plus précisément sur la situation Québécoise ou franco-canadienne, c'est qu'en Amérique l'encerclement du monde anglophone avive la problématique de l'envahissement culturel et langagier dans l'accomplissement même de la mission évangélique auprès des francophones. Dans le contexte d'une nation dont la langue et l'identité soulèvent facilement l'inquiétude, il serait sage de discerner que l'infime minorité évangélique francophone (comptant pour moins de 1% des francophones du Québec) limitera son impact et sa crédibilité en lésinant sur la langue de mission.
Le pouvoir de la langue
“Au commencement, la Parole existait déjà. La
Parole était avec Dieu et la Parole était Dieu. Elle était
au commencement avec Dieu. Tout a été fait par elle et rien
de ce qui a été fait n'a été fait sans elle.”
(Évangile de Jean, chap. 1, v. 1 à 3)
La nature et la puissance mêmes du Christ ont été associées au potentiel qui se déploie lorsque Dieu parle. “Dieu dit : “Qu'il y ait de la lumière !” et il y eu de la lumière.” (Genèse, chap. 1, v. 3) La parole est créatrice, à ce point que dans l'Être divin, elle suffit pour devenir vecteur de la Création. Or, réaliser que Jésus est “Parole” de Dieu, doit nous faire considérer l'importance que joue le langage dans le lien familial, ainsi que dans l'expression de la nature même d'une personne ou d'un peuple.
Puisque Dieu nous a fait à son image, il a ainsi tissé ce même lien structurel entre notre identité et nos paroles. En effet, n'est-il pas fréquent de constater que le langage (parlé, chanté ou écrit) exprime les pensées et les émotions les plus profondes de l'être? Collectivement, la langue maternelle d'une nation définit les contours de son âme, elle communique ses passions et ses espoirs, elle raconte sa présence et son histoire dans un territoire longtemps habité. Un peuple prie, pleure, proclame ou déclare ses peines comme ses joies à travers ses poètes, ses compositeurs, ses auteurs ou ses grands orateurs. La langue maternelle a ainsi le pouvoir de faire battre à l'unisson les cœurs de toute une nation !
Le lien entre Royaume de Dieu et la langue terrestre
Lorsque l'Évangile du Royaume a été annoncé
pour la première fois après la résurrection du Christ,
le Saint-Esprit a pris soin d'exprimer la pensée divine dans la langue
maternelle des milliers de visiteurs réunis à Jérusalem :
“Ces disciples de Jésus qui parlent ne sont-ils pas tous
Galiléens? Comment se fait-il donc que nous les entendions chacun
dans notre propre langue, notre langue maternelle? (...) nous les
entendons parler dans notre langue des merveilles de Dieu !”
(Actes des apôtres, chap. 2, v. 7 et 11).
Ce fait n'est pas qu'une démonstration accessoire du miracle de l'Esprit venant habiter les disciples de Jésus-Christ. Cet événement fondateur annonce bien prophétiquement le destin final de l'Église naissante. L'Apocalypse révèle effectivement l'intention divine de faire proclamer éternellement aux peuples de toutes langues les merveilles du Dieu Sauveur : “Tu as racheté pour Dieu par ton sang des hommes de toute tribu, de toute langue, de tout peuple et de toute nation. Tu as fait d'eux des rois et des prêtres pour notre Dieu, et ils régneront sur la terre.” (chap. 5, v. 9 à 10). Par conséquent, les disciples de chaque langue portent le destin d'adorateurs de leur nation. En tant que représentants de l'identité et de l'âme de leur peuple, ils sont appelés à louer le Seigneur dans leurs propres mots. Nulle part il n'est dit que les humains sauvés par Jésus devront abandonner leur identité langagière pour n'utiliser que l'idiome des anges ou celui plus usuel d'une autre nation.
Ainsi, sur la terre et dans le monde présent, les membres d'une Église nationale doivent déjà “sanctifier” leur langage en le consacrant à l'adoration du Roi des rois. Car c'est bien en tant que “rois et prêtres” de leur nation propre qu'ils activent le pouvoir transformateur de leurs paroles, en Dieu (réf. Apoc. 5. 9-10). Les chrétiens peuvent donc puiser dans les richesses de leur langue maternelle, pour en extraire des œuvres d'art musical, d'art littéraire ou oratoire. Et comme Dieu amena à Adam ses créations terrestres pour qu'il les nomme, il n'est pas surprenant que l'Auteur du Royaume demande aux chrétiens, de toute langue, de décrire Ses réalisations célestes : “L'Éternel Dieu façonna à partir de la terre tous les animaux sauvages et tous les oiseaux du ciel, puis il les fit venir vers l'homme pour voir comment il les appellerait. Il voulait que tout être vivant porte le nom que l'homme lui donnerait.” (Genèse 2, v. 19) !
L'Évangile en Francophonie
Les chrétiens francophones ont été choisis pour opérer
une œuvre royale dans leur langue d'usage et leur culture unique. Cette
communauté de foi doit “racheter” sa langue, pour la
transformer en instrument d'adoration et d'intercession. Les chrétiens
pourront mieux atteindre le cœur des nations francophones lorsqu'ils
élèveront la noblesse de leur langue à des niveaux
de sagesse et de beauté artistique inconnus parmi les non-croyants.
Une autre prophétie de l'Apocalypse apparaît pour nous inspirer : “L'ange avait un Évangile éternel pour l'annoncer aux habitants de la terre, à toute nation, à toute tribu, à toute langue et à tout peuple. Il disait d'une voix forte : “Craignez Dieu et rendez-Lui gloire, car l'heure de son jugement est venue. Adorez celui qui a fait le ciel, la terre, la mer et les sources d'eau.” (chap. 14, v. 6-7). Cet honneur dû à la langue et à la culture identitaire d'un peuple se révèle donc comme une caractéristique essentielle du plan de Dieu dans l'évangélisation. En effet, il n'en va pas que du respect élémentaire envers le peuple que l'on tente d'atteindre avec l'Évangile, mais également de l'application biblique du Projet entamé il y a 2000 ans dans la Jérusalem terrestre, et culminant un Jour dans la Jérusalem céleste. En définitive, dans le choix de la langue d'usage, au sein des églises ou mouvements chrétiens œuvrant en Francophonie, cette destinée décrite plus tôt doit présider à la préférence normative d'un français aussi riche et juste que possible.
Fragilités et clivages historiques au Québec
En mai 2011, un enseignant d'histoire déclarait ceci dans le journal
Le Devoir :
“La question de la langue est un enjeu épineux au Québec,
mais selon moi fondamental, car il représente littéralement
la force centrifuge de notre culture québécoise. En effet,
notre langue est catégoriquement le centre même à
partir duquel se diffuse notre culture, notre patrimoine. Or elle agit
en tant que “produit générateur” de notre encyclopédie
culturelle nationale — en l'occurrence, la nation québécoise,
faisant donc office de “staple”: nom donné, au début
du XXe siècle, par des historiens canadiens (Innis, Mackintosh)
reconnaissant le rôle majeur joué par une chronologie de
ressources naturelles exploitées (morue, fourrure, bois d'œuvre,
blé) en Amérique du Nord depuis le XVIe siècle, dans
des coordonnées spatio-temporelles définies. (...) La langue
est au développement de notre culture ce que la fourrure a été
au développement de notre économie, sans laquelle nous n'aurions
pu atteindre un tel niveau de développement. Elle est donc essentielle,
inhérente et nécessaire.(...)
Sans notre langue française, notre culture n'est malheureusement
plus, car notre histoire nationale ainsi que notre art national sont francophones.
Supprimer plus de 400 ans de français, c'est dissoudre le système
racinaire de notre histoire, de nos origines, voire de notre philologie
québécoise.
Certes, il ne faut pas non plus faire abstraction de la présence
de l'anglais dans notre culture, mais il ne faut pas pour autant faire
la promotion d'un “bulldozage” intensif de nos fondations
nationales, donc culturelles. Délaisser l'importance de notre langue
au profit d'une autre langue, c'est saigner notre culture jusqu'à
l'hémorragie générale. Notre langue française
est le squelette de notre corps national et de notre singularité
culturelle. Alors, pourquoi vouloir fracturer notre propre ossature? ...]”
Jean-François Richer
Les francophones d'Amérique se sont toujours sentis menacés par la majorité anglophone. Particulièrement au Québec, leur langue est demeurée leur refuge, leur forteresse et leur fierté. Mais aujourd'hui encore, avec l'influence des médias et la diffusion puissante des productions anglophones (chansons, films, livres, émissions télé, etc.), la nouvelle génération se trouve d'autant plus fragilisée. D'où les appels forts, émotifs et répétés des leaders et intellectuels québécois francophones.
Malheureusement, dans le milieu des églises chrétiennes, la relation entre francophones et anglophones n'a pas un passé tranquille. En ce qui concerne le Projet de Dieu pour la Francophonie d'Amérique, plusieurs guerres d'églises ont laissé une déchirure profonde. N'en rappelons ici que deux épisodes documentés :
Un clivage religieux et linguistique s'est donc installé, résumé dans l'énoncé suivant :
favoriser l'identité francophone = être de foi catholique
versus
être de foi protestante = favoriser l'identité anglophone
Or, si dans le passé l'église catholique a contribué à cette équation, nous constatons qu'elle risque fort de perdurer, mais dû à une nouvelle situation.
Telle langue, telle mission ?
Ce qui vient d'être démontré précédemment
nous amène à une problématique sérieuse apparaissant
maintenant dans les églises évangéliques francophones.
Décrivons d'abord leur parcours récent.
À la fin du siècle dernier et au début du 21e siècle, les églises Protestantes francophones marquent une croissance remarquée. Mais sans que l'église catholique n'intervienne pour chasser ces protestants hors du giron francophone, une forte influence anglophone tend à détourner ces chrétiens de leur identité linguistique. Comment expliquer cela ?
Il appert que cette évidence risque de nouveau de créer une cassure entre les protestants-évangéliques francophones et la population générale du Québec, qui se considère toujours menacée dans son identité linguistique. Comment, en effet, désirer atteindre cette francophonie fragilisée avec une représentation de l'Évangile assaisonnée et imprégnée d'“anglophonies”? Même en d'autres foyers francophones, comme la France ou la Suisse, n'est-il pas risqué, finalement, de mettre de l'avant des noms anglophones pour désigner des communautés chrétiennes francophones ou des actions évangéliques faites auprès d'eux ? Céder à la mode des anglicismes, surtout pour la tâche missionnaire qui consiste à toucher nos concitoyens francophones, n'est-il pas dévier du projet de Dieu de faire jaillir l'identité même de la Francophonie dans son Royaume ?
Ce qui est un peu aberrant, c'est que tandis que trop d'églises négligent le sérieux de cette tâche identitaire, du côté des Québécois non chrétiens, la mission de faire fleurir la Francophonie d'Amérique apparaît dans le succès de ses auteurs, penseurs et artistes sur la scène mondiale. À cet égard, la réussite est si remarquable que même les Canadiens anglophones apprécient ces traits créatifs forts émergeant du Québec. Et tout Québécois pourrait le clamer, l'âme entière du peuple n'est jamais aussi fière que lorsqu'un de ses enfants remporte du succès sans concéder à la fierté de sa langue. Par conséquent, les chrétiens francophones du Québec se doivent d'entrer dans cette fierté d'être s'ils veulent faire avancer la Mission du Royaume. Sans conteste, l'expression originale, éclatée, imagée et distinctive des chrétiens francophones doit donner à l'Évangile des couleurs vives qui trempent dans sa nature identitaire unique, à la fois Française et Américaine.
Conclusion en actions
Nous l'avons vu dans les Textes inspirés, chaque langue distille
un parfum que Dieu a créé pour un festival mondial d'adoration
et de salut. Or, à cet égard, il est important de saisir et
de chérir la valeur de la langue française. En un seul vers
d'un poète, dans la prose d'un roman, dans l'élan de ses chants,
nous effleurons l'intensité et la clarté descriptive de cette
langue. Imaginons donc un peu que les chrétiens francophones réalisent
l'importance de préconiser et d'approfondir la louange de Dieu dans
leur langue ? Imaginons que des auteurs chrétiens francophones en
fassent “baver” d'admiration par les descriptions suaves qu'ils
produiraient au sujet de Jésus ?
Pour y arriver, retenons ces principes directeurs puisés dans les vérités bibliques énoncées précédemment :
C'est le principe suivi par l'apôtre Paul, de se faire “tout à tous”, jusqu'à préserver le caractère unique de ceux qu'il voulait atteindre avec l'Évangile (1 Corinthiens, chapitre 9, versets 19-23). Imitons le prince des évangélistes, en nous gardant de vouloir dénaturer, même par la langue d'usage, l'expression du Christianisme à travers la Francophonie. Par exemple, l'utilisation publique de l'anglais pour désigner des églises ou des activités d'églises agissant dans une culture majoritairement francophone, devrait être abandonnée. La langue française est si riche ! Usons d'imagination pour impressionner nos concitoyens francophones avec des titres, des logos, des désignations magnifiant la beauté et l'originalité de cette langue. Il s'agit là d'une autre manière de respecter un autre principe si essentiel de l'œuvre du Royaume : le principe d'amour ! En effet, l'amour de nos concitoyens francophones implique que nous les servions en nous mettant à leur niveau. Mieux encore, l'amour nécessite que nous leur redonnions, à rebours de la tendance anglicisante du monde, leur véritable identité francophone. La Francophonie chrétienne, à cet égard, doit saisir la grandeur du rôle que Dieu veut lui voir jouer dans ce monde.
Nous l'avons vu, respecter le Créateur de la diversité humaine, c'est entrer dans son mouvement de respect des différences. Faire honneur à la langue française dans nos églises, c'est encourager les créateurs de toutes disciplines artistiques (chansons, poésie, écrivains, etc.) à prioriser le bon usage du français. Les textes de l'Apocalypse nous affirment que les langues sont éternelles, puisqu'elles traverseront l'au-delà afin de chanter les gloires de notre Dieu. Le fait de dire, raconter, chanter et prier toutes les vérités de l'Évangile en français, prépare déjà la Francophonie chrétienne à cette merveilleuse destinée. Martin Luther a marqué profondément sa nation en traduisant la Bible en Allemand. Il offrait ainsi l'opportunité à ses semblables d'entrer en relation avec Dieu dans leur identité langagière. Nous savons aujourd'hui quel impact puissant a eu ce geste, alors audacieux, auprès des siens. L'Angleterre a vécu une transformation spirituelle semblable avec l'arrivée de la Bible King James. Et que penser de l'œuvre, bénie par Dieu, de centaines de missionnaires qui traduisent encore aujourd'hui la Parole de Dieu dans les milliers de langages de la terre ? N'est-ce-pas là un travail respectant la stratégie de Dieu ?! Le ministère des églises et des missions francophones doit donc demeurer exempt de tout écart quant à la favorisation prioritaire du langage utilisé et diffusé. En terre francophone, honorons la volonté de Dieu en priorisant et en développant l'usage du français. Bien sûr, s'il y a un pourcentage minoritaire d'auditeurs d'une autre langue, nous devons avoir assez de déférence pour leur pourvoir une traduction, quand c'est possible. Mais dans un contexte où une grande majorité de l'auditoire est francophone (ex. 80%), il serait mal avenu d'accorder autant, sinon plus de place, à des chants anglophones ou à l'usage équivalent de l'anglais dans les discours. Cette dernière situation pourrait prévaloir dans un contexte où la majorité des auditeurs voudraient atteindre fortement une minorité par l'Évangile. Mais autrement, la vie normale d'une communauté chrétienne francophone ne devrait pas concéder à sa prérogative, vu l'importance de valoriser et de favoriser l'utilisation de la langue française en contexte numérique majoritaire.
Si la langue anglaise est si attirante, au niveau de l'expression de la foi chrétienne, c'est précisément parce que les chrétiens anglophones du siècle présent comme des siècles passés, ont littéralement envahis leur lieu public par des productions marquées en langue anglaise. Dans la musique, même les “Grammy Awards” ont été obligés de reconnaître cette riche contribution en décernant annuellement des trophées à la production musicale évangélique. Si nous sommes impressionnés nous aussi par la beauté et le succès de l'hymnologie anglophone, il ne faut pas nous résoudre à simplement traduire (dans un mauvais français, en plus) ces chants chrétiens. Le destin de Dieu, exprimé dans la diversité du Royaume, nécessite que les artistes chrétiens francophones implorent l'Esprit Saint de les inspirer de la même manière. Puisque les églises francophones ont tellement été bien desservies dans le passé par des cantiques si riches de profondeur et de sens (pensons ici à nos recueils de cantiques datant du 19e et 20e siècles), elles doivent encore croire que Dieu n'a pas épuisé son imagination et sa créativité pour l'Église d'aujourd'hui ! À travers la communauté chrétienne francophone contemporaine, Dieu veut, pour ainsi dire, purifier et sanctifier le français. La mission d'utilisation de la langue française, dans les chants comme dans toutes les fonctions chrétiennes du langage (prière, livres, noms d'églises ou d'événements chrétiens), doit par conséquent atteindre au moins un succès similaire à ce qui se produit dans les églises anglophones modernes. Cela ne pourra évidemment s'atteindre qu'en ne cédant plus au charme de l'usage de l'anglais dans nos missions francophones.
Par le respect de ces principes clairement inspirés du Projet divin,
nous nous alignerons mieux sur le destin que Dieu veut poursuivre en Francophone.
Par conséquent, maintenant plus que jamais, il faut à l'Église
francophone le courage de son identité et la fierté de sa
langue. Il lui faut comprendre l'amour de ce que Dieu a voulu exprimer en
elle. L'objectif recherché ici n'est pas de dénigrer la valeur
de l'anglais. Seulement, si l'identité et la langue des autres sont
à admirer, elles ne doivent pourtant être simplement imitées.
Notre destin est celui de créer, sans emprunter, par complexe ou
facilité, l'âme expressive des autres. Frères et sœurs
de la Francophonie chrétienne, entrons donc, en français,
dans notre destinée !
Dunn, Oscar (1880) Glossaire Franco-Canadien et vocabulaire de locutions vicieuses usitées au Canada. Avec une Introduction de M. Fréchette (Projet Gutenberg)