Napoléon Lafontaine
Une objection traditionnelle à ce récit c'est que l'arche ne pouvait jamais contenir toutes les espèces qui ont été identifiées par la biologie moderne, des milliers d'espèces uniquement dans le cas des insectes. Un des taxonomistes les plus renommées du 20e siècle, Ernst Mayr, a affirmé que la terre comporte au moins un million d'espèces.
Ce qu'il faut noter c'est que l'ampleur de ce problème change radicalement si on modifie notre définition de l'espèce. Il faut noter que le terme hébreu “ min ” (Strongs 4327) que l'on traduit par “ espèce ” dans nos Bibles francophones, dans le livre de la Genèse, ne réfère pas à la notion d'espèce telle qu'on la retrouve dans bon nombre d'ouvrages scientifiques actuels. C'est un terme de classification et le principe de la classification est donnée par Genèse 1: 25, où l'on nous indique " Dieu fit les animaux de la terre selon leur espèce, le bétail selon son espèce, et tous les reptiles de la terre selon leur espèce. Dieu vit que cela était bon. " Ce mode de classification s'appuie donc sur la reproduction et se rencontre à maintes reprises dans la Genèse (Ge 1:11,12, 21,24, 25; 6:20; 7:14).
Les définitions de l'espèce exploitées couramment en sciences visent souvent la description d'organismes dans les conditions habituelles de reproduction et s'appuient souvent que sur des considérations morphologiques (caractéristiques physiques) ou comportementales, plutôt que génétiques ou sexuels. Aux 18e et 19e siècles, les créationnistes (dont Karl von Linné) avaient adopté la perspective que toutes les espèces existantes eussent été créées telle quelle aux jours de la Création et n'avaient varié depuis. Les créationnistes du supposent que les espèces existantes aujourd'hui proviennent pour la plupart d'organismes ayant séjourné sur l'arche de Noé pendant le Déluge (on exclue les baleines et autres organismes marins évidement...).
En biologie, pour le classement des organismes, on utilise généralement une définition morphologique de l'espèce qui est basée sur l'observation d'une population d'organismes au cours d'une certaine période de temps. Si la population semble stable et reste distincte des populations environnantes, on se permet de lui donner le statut d'espèce distincte. Assez souvent des questions purement humaines (et égocentriques) s'y mêlent, car un certain prestige est attaché au fait d'avoir nommé une nouvelle espèce. Une autre approche est de faire appel à une définition génétique comme celle préconisée par Ernest Mayr (1982: 273):
"Une espèce est une communauté reproductive de populations (reproductivement isolées d autres communautés) qui occupe une niche particulière dans la nature."
Règle générale, la définition de l'espèce implique que les membres de cette communauté d'organismes doivent pouvoir s'accoupler et produire des descendants fertiles au moins jusqu'à la 2e génération. Lorsque ce n'est pas possible, on considère que les organismes en question font partie d'espèces différentes. Si effectivement on utilise la reproduction comme barrière entre espèces (et non une définition morphologique) alors par définition le nombre d'espèces apparentes diminue et le problème d'assurer la diversité actuelle avec un nombre limité d'organismes sur un bateau de "plaisance" tel que l'arche de Noé diminue aussi. Aux pages 266-267 de l'article de Mayr, celui-ci avoue qu'il est rare que les biologistes prennent la peine de s'assurer, en créant (ou nommant) une nouvelle espèce, si elle est effectivement isolée sur le plan reproductif des organismes.
Les zoologistes, en particulier les ornithologues et les spécialistes des papillons, ont observé toutefois que dans la nature, la barrière de stérilité est rarement testée chez les animaux, et que la conspécificité est déterminée d'après la compatibilité comportementale.
En lisant entre les lignes... ceci implique qu'on se soucie rarement d'établir de manière précise l'isolement reproductif d'une nouvelle espèce[1]. Il ne faudrait pas s'étonner que les seuls organismes pour lesquels on a ait de l'information quelque peu fiable sont les espèces domestiquées et connues de l'homme depuis des millénaires soient: le bœuf, le cheval, le chien, le chat, la chèvre, le mouton, la poule, etc.). Étant donné ces milliers d'années d'observations et de cohabitation, nous pouvons deviner, avec plus de précision, ce qu'est l'espèce bœuf ou chien, tandis que pour des organismes beaucoup moins connus, vivant la majorité de leur vie loin du regard de l'homme, il faut donc une bonne dose d'orgueil afin de décréter avec confiance où commence et où prends fin une espèce nouvelle. Au XIXe siècle par exemple, un des ornithologistes les plus renommés de l'Angleterre avait décrété que deux oiseaux de la Nouvelle-Zélande constituaient des espèces différentes. Plus tard, on s'aperçut qu'il s'agissait du mâle et de la femelle de l'espèce huias[2]. Si des biologistes évolutionnistes affirment alors avoir découvert une nouvelle espèce et que cela soit cité comme preuve de l'évolution en cours, attendons 50 ou 100 ans encore pour voir quel sera le verdict du temps qui passe.
D'autre part, il faut noter que Noé, n'avait pas à embarquer les milliers d'espèces marins. Il en suit que tous les invertébrés et vertébrés marins n'avaient pas besoin d'embarquer sur l'arche pour survivre à un Déluge. Il y a lieu de penser aussi qu'un grand nombre d'insectes ont pu survivre sous forme de larves bien installées dans des troncs d'arbres flottant à la surface des eaux.
Morris et Whitcomb, dans leur ouvrage classique, The Genesis Flood, ont affirmé qu'il n'était pas nécessaire d'embarquer sur l'arche plus de 35 000 animaux individuels. Dans son livre bien documenté, Noah's Ark: A Feasibility Study[3], John Woodmorappe suggère que bien moins d'animaux auraient été logés sur l'arche. Woodmorappe fait remarquer que le mot “ espèce ” que nous utilisons actuellement n'est pas équivalant au concept “d'espèces créées ” dans le récit de la Genèse, Woodmorappe démontre de manière crédible qu'aussi peu que 2 000 animaux aient pu êtres logés sur l'Arche pour donner naissance à toute la variété d'organismes qui nous entourent. Mais pour laisser une marge d'erreur assez ample, il poursuit son étude en démontrant que l'arche pouvait facilement accueillir 16 000 animaux.
Soyons généreux et d'ajoutons à ce chiffre afin d'inclure tous les animaux disparus. Puis ajoutons-y encore d'autres pour satisfaire même les plus sceptiques. Avançons le chiffre de 50 000 animaux, ce qui est bien plus que nécessaire, furent logés à bord de l'arche. Et si on suppose que Noé n'était pas un imbécile, il a dû penser embarquer des spécimens d'organismes immatures. Cela comporte plusieurs avantages : 1) ils sont plus petits 2) ils ont toute leur vie reproductive devant eux 3) pour la gestion des excréments, ils sont moins productifs...
Il ne faut pas oublier que sur Terre il y a seulement un petit nombre d'animaux de très grande taille, comme le T-rex ou l'éléphant, et elles pourraient facilement êtres représentés par des individus immatures. En supposant que l'animal moyen a la taille d'un mouton, et utilisant un wagon de chemin de fer à titre de comparaison, nous constatons que le wagon de chemin pour le transport d'animaux (à double pont) peut accueillir 240 moutons. Ainsi, trois trains comportant 69 wagons chacun auraient amplement d'espace pour transporter les 50.000 animaux, ce qui remplit de seulement 37% de l'espace dont dispose l'arche. Cela laisse libre un espace qui équivaut à 361 wagons supplémentaires ou de quoi faire cinq trains à 72 wagons chacun pour transporter l'ensemble de la nourriture et des bagages ainsi que la famille de Noé de huit personnes. L'Arche avait donc tout l'espace nécessaire.
Récemment des études de morphologie des dinosaures ont indiqué que certains restes de dinosaures, qui avaient été considérés comme des espèces distinctes, doivent être réévalués et regroupés avec des espèces existants. De l'avis de paléontologues tels que Jack Horner (découvreur du Maiasaura) et Mark B. Goodwin (co-directeur du Museum of Paleontology à l'université de Californie, Berkeley), plus d'un tiers des espèces de dinosaures pourraient ainsi disparaître. Ceci a été le sort qui a atteint le Torosaurus et plusieurs dinosaures au bec de canard. L'Arche de Noé semble donc de plus en plus spacieuse.
New Analyses of Dinosaur Growth May Wipe Out One-Third of Species. ScienceDaily (Oct. 31, 2009)
Horner, John R. & Goodwin, Mark B. Extreme Cranial Ontogeny in the Upper Cretaceous Dinosaur Pachycephalosaurus. Public LIbrary of Science ONE 4(10): e7626. doi:10.1371/journal.pone.0007626
Laurent Sacco Un tiers des espèces de dinosaures nont peut-être jamais existé. Actu de Futura-Sciences 4 no.v 2009
HybriDatabase: A Computer Repository of Organismal Hybridization Data
Messy Beasts (Big Cats)
First finding of crossbreeding between dogs and golden jackal confirmed. Phys.org 2015
[1] - Il faut admettre qu'il s'agit effectivement d'un travail bien trop ennuyeux. On peut penser qu'on ne gagnera jamais de prix Nobel, à faire de l'observation de comportements reproducteurs d'animaux, bien que ça pourrait satisfaire certaines tendances voyeureuristques....
[2] - Oiseau maintenant disparu. Voir article sur les oiseaux-mouches par Temeles, E. J. 2002. All the right curves.Natural History Magazine 111(9):52-56.
[3] - L'arche de Noé: une étude de faisabilité. Voir la bibliographie.
Et aussi l'article Could Noah's Ark Hold all the Animals? CARM