Napoléon Lafontaine
Le récit biblique de Noé et du Déluge est décrit aux chapitres 6-10 de la Genèse. La Genèse nous indique que depuis la sortie d'Adam et Ève du jardin d'Eden, les choses vont de plus en plus mal pour l'humanité. La violence est universelle. Les Écritures nous disent que Dieu en a marre et les choses ne peuvent plus continuer ainsi. Même en tenant compte de ses implications géologiques et environnementales, le Déluge est donc d'abord d'abord et avant tout le jugement d'un Dieu juste sur une race humaine rebelle et impénitente. Évidemment, notre génération, si politiquement correcte, si tolérante, ne tolère vraiment pas entendre parler du concept dépassé du jugement, alors passons...Après tout, nous sommes progressistes et bien intentionnés[1], sûrement mieux qu'eux de toute manière... Mais, au milieu du jugement qui tomba alors, la grâce et la protection de Dieu étaient proposées à tous ceux qui reconnaissaient la justice de Dieu et désiraient se prévaloir de sa miséricorde. On nous indique:
"La terre était corrompue devant Dieu, la terre était pleine de violence. Dieu regarda la terre, et voici, elle était corrompue; car toute chair avait corrompu sa voie sur la terre. Alors Dieu dit à Noé: La fin de toute chair est arrêtée par-devers moi; car ils ont rempli la terre de violence; voici, je vais les détruire avec la terre. Fais-toi une arche de bois de gopher; tu disposeras cette arche en cellules, et tu l'enduiras de poix en dedans et en dehors. Voici comment tu la feras: l'arche aura trois cents coudées[2] de longueur, cinquante coudées de largeur et trente coudées de hauteur." (Genèse 6: 11-15)
En Gen. 7: 15 on note que Noé embarqua sur l'Arche les animaux “ deux à deux, de toute chair ayant souffle de vie ”. Beaucoup de chrétiens prétendent aujourd'hui que le Déluge du temps de Noé n'était qu'une inondation locale. Ces gens croient généralement en un déluge local parce qu'ils ont accepté sans remise en question l'histoire évolutive de la terre promue par le système scolaire ainsi que les médias. De ce fait, on interprète les strates fossilifères comme l'histoire de l'apparition séquentielle de la vie au cours des millions d'années.
Mais retournons au récit biblque. De lArche, il faut exclure évidemment de l'embarquement les organismes marins. Ils savent nager et en général ne respirent pas l'air (sauf les mammifères et reptiles marins). Le récit du Déluge nous indique donc que tous les animaux terrestres et les volatiles furent embarqués. Au moins une paire d'animaux (mâle et femelle), de chaque espèce[3] est embarquée sur l'Arche.
"De tout ce qui vit, de toute chair, tu feras entrer dans l'arche, deux de chaque espèce, pour les conserver en vie avec toi: il y aura un mâle et une femelle. Des oiseaux selon leur espèce, du bétail selon son espèce, et de tous les reptiles de la terre selon leur espèce, deux de chaque espèce viendront vers toi, pour que tu leur conserves la vie." (Gen. 6: 19-20)
Le Déluge est décrit dans la Genèse au moyen du terme hébreu distinctif c'est-à-dire mabbul (Strongs 3999, ex. Ge 6: 17) et, dans le Nouveau Testament, le mot grec kataklusmos (Strongs 2627, ex. 2Pe 2:5). Ces termes uniques, utilisés pour aucune autre inondation, laissent entendre que ce déluge avait vraiment quelque chose d'exceptionnelle, une universalité qui devait être souligné plus tard par l'arc-en-ciel, la manifestation physique d'une promesse de la part de Dieu de ne jamais envoyer un autre Déluge destructeur de la Terre. Si le Déluge de Noé nétait rien dautre une inondation locale, alors il est manifeste que cette promesse nas pas été tenue, car des inondations destructrices locales, il y en a eu à maintes reprises depuis. Au fond, le concept que le Déluge de Noé ait été en réalité une inondation locale, fait de Dieu un menteur. Dautre part, dans le cas dune inondation locale, il y naurait aucun intérêt pour Noé de construire une Arche pendant cent ans afin de recevoir tous les animaux. À moins de postuler que Noé était un débile profond, il aurait vite compris qu'il navait quà migrer vers une région qui ne serait pas touchée, plutôt que se taper tout le travail inutile de construire lArche...
Le Nouveau Testament fait allusion au fait que lors de la construction de l'Arche, on pouvait toujours se repentir. Cela souligne le fait que Dieu n'est pas un sadique qui prend plaisir au jugement. En 2Pierre 2: 5, on qualifie Noé de “ prédicateur de la justice ” et en 1Pierre 3: 20 on note que “ la patience de Dieu se prolongeait, aux jours de Noé, pendant la construction de l'Arche ”. Mais après cent vingt ans de labeur, l'arche est terminée. Et les animaux viennent et prennent place, chacun dans les lieux prévus. Après les animaux, Noé et sa famille embarquent et Dieu lui-même ferme la porte de l'arche (Ge. 7: 16). L'opportunité pour la repentance a pris fin. Le déclenchement du Déluge est décrit dans les versets qui suivent et qui fournissent quelques indices sur les mécanismes en cours.
"L'an six cent de la vie de Noé, le second mois, le dix-septième jour du mois, en ce jour-là, toutes les sources du grand abîme jaillirent, et les écluses des cieux s'ouvrirent. La pluie tomba sur la terre quarante jours et quarante nuits." (Genèse 7: 11-12)
La Bible décrit deux sources pour les eaux du Déluge: “ le grand abîme ” et “ les écluses des cieux ” (Gen 7:11). Certains créationnistes pensent que par ailleurs que ce grand abîme était la source du fleuve qui arrosait Éden, car on ne mentionne pas de pluie, de lac ou autre source d'humidité: “ Un fleuve sortait d'Éden pour arroser le jardin, et de là il se divisait en quatre bras. ” (Genèse 2: 10). Certains créationnistes pensent que le Grand Abîme était une nappe phréatique immense, situé sous la croûte terrestre et produisant, par endroits, des sources chaudes. Évidemment, sous leffet de la gravité, l'eau va naturellement vers le bas et non pas vers le haut. Cela signifie que l'eau était sous pression, la forçant vers la surface. Existe-t-il une explication raisonnable pour tant d'eau sous la croûte terrestre? Et bien le livre de la Genèse nous fourni un indice un peu mystérieux à ce sujet au début du récit du Déluge en notant:
L'an six cent de la vie de Noé, le second mois, le dix-septième jour du mois, en ce jour-là toutes les sources du grand abîme jaillirent, et les écluses des cieux s'ouvrirent. (Ge 7:11)
Et vers le milieu du récit du Déluge (au bout de 150 jours), on ajoute :
Dieu se souvint de Noé, de tous les animaux et de tout le bétail qui étaient avec lui dans l'arche; et Dieu fit passer un vent sur la terre, et les eaux s'apaisèrent. Les sources de l'abîme et les écluses des cieux furent fermées, et la pluie ne tomba plus du ciel. (Ge 8: 1-2)
Bien des créationnistes pensent donc que la Terre dalors comportait une nappe phréatique immense sous la croûte terrestre que le Bible appel « les sources du grand abîme ». Depuis le Déluge, cette structure serait disparu. Existe-t-il des données empiriques pouvant appuyer un telle idée? Pour une illustration graphique de ce concept, voir à ce sujet les thèses de lingénieur américain Walter Brown. Il faut préciser quil y a actuellement diverses interprétations de la question des « sources du grand abîme » et linterprétation de Brown nest quune parmi dautres.
Peu de gens savent qu'une bonne partie du manteau de la terre est constitué d'olivine[4]. Sur le plan chimique, ce minéral n'est rien d'autre que de la serpentine dont on a chassé l'eau par le moyen du chauffage. Certaines météorites sont censées représenter des échantillons de matériel provenant de la formation du système solaire, et donc la Terre. Par exemple, les chondrites carbonées, peuvent comporter plus de 20% d'eau dans leur structure minérale. En particulier, les chondrites carbonées de classe CI sont composées de silicates hydratés ainsi que les composants volatils de l'eau, le dioxyde de carbone, l'oxygène et l'azote. À titre d'exemple terrestre, le minéral de la serpentine est un silicate hydraté composé à 12,9 % d'eau. Lors du chauffage, cette eau est libérée et le minéral se transforme en olivine, réduisant ainsi son volume. Fait intéressant, l'olivine est un élément important du manteau terrestre. Il semble que près de 50% du manteau supérieur en est constitué. De façon similaire, d'autres silicates hydratés, trouvés dans les météorites et sur la terre, voient réduire leur teneur en eau lorsqu'il est chauffé suffisamment et cela coïncide avec une réduction proportionnelle en volume. En effet, les chondres dans les météorites chondrites sont elles-mêmes sphérules de silicates qui ont été fondus et dont l'eau a été éliminée. Les minéraux restant dans les chondres contiennent une quantité importante d'olivine. Au sujet de la structure initiale de la Terre, le physicien créationniste Barry Setterfield propose le scénario suivant :
Après la semaine de la Création, l'intérieur de la terre a commencé à se réchauffer à cause de la désintégration rapide des éléments radioactifs (à demi vie courte) à la suite des variations dans les valeurs de la vitesse de la lumière. Ce chauffage radioactif a évacué l'eau hors de la serpentine, et d'autres minéraux semblables dans le manteau terrestre et l'a repoussé vers la surface de la Terre. Cette eau atteignait la surface sous forme de sources et de geysers et arrosait le sol. Ceci est confirmé par la traduction la plus ancienne connue du Pentateuque, le Septante, qui a été rédigé vers 285 av. J.-C.. Le Septante stipule expressément dans Genèse 2:6 qu'une “fontaine” jaillissait du sol. Ces fontaines et sources ont sans doute arrosé l'ensemble de la masse terrestre du supercontinent unique qui constituait la surface originelle de la Terre. Et dans l'océan environnant, cette nappe phréatique originelle a été désignée de l'expression “sources du grand abîme” (Gen 7 : 11). Sur une échelle très réduite, un phénomène semblable se produit encore aujourd'hui avec les monts hydrothermaux (ou “fumeurs noirs”) dans la région de la dorsale Sud-Est du Pacifique où des sources d'eau chaude font irruption sous la mer.
Les versets qui suivent donnent une idée de l'importance du Déluge en tant que phénomène géologique et hydrologique.
"Les eaux grossirent et s'accrurent beaucoup sur la terre, et l'arche flotta sur la surface des eaux. Les eaux grossirent de plus en plus, et toutes les hautes montagnes qui sont sous le ciel entier furent couvertes. Les eaux s'élevèrent de quinze coudées au-dessus des montagnes, qui furent couvertes. Tout ce qui se mouvait sur la terre périt, tant les oiseaux que le bétail et les animaux, tout ce qui rampait sur la terre, et tous les hommes. Tout ce qui avait respiration, souffle de vie dans ses narines, et qui était sur la terre sèche, mourut." (Genèse 7: 18-22)
Et quelle était cette pluie dont il est question en Genèse 7 : 12 lorsqu'il est dit qu'il “ a plu quarante jours et quarante nuits ”? S'agissait-il d'une pluie ordinaire ? Le chercheur créationniste canadien Ian Juby est d'avis que :
Le récit biblique dit expressément qu'il a plu pendant quarante jours et quarante nuits, mais plus tard, au chapitre 8:2, il est dit qu'au bout de cent cinquante jours que “ Dieu se souvint de Noé ” et les animaux dans l'arche. Et c'est à ce stade que les fontaines du grand abîme, les écluses des cieux furent fermées, et le texte de la Genèse précise que cette pluie a cessé. Il semblerait qu'il n'a pas plu au cours du reste du Déluge, et il me semble logique que cela soit dû à une intervention surnaturelle. Après un tel Déluge, l'atmosphère devait être sursaturé et il résultait une pluie qui ne cessait pas. Quelque chose a changé au bout de quarante jours cependant. Il semblerait que la pluie des premiers quarante jours avait quelque chose de différent qui la distingue de la pluie que nous connaissons aujourd'hui, car Dieu lui-même semble faire une distinction entre la pluie des quarante jours et quarante nuits et la pluie qui est tombée au cours des cent dix jours suivants.
Il y a lieu de penser qu'au moment du Déluge, la répartition des océans et des continents devait être fort différent de celle que nous connaissons actuellement, car même si les caps polaires actuels fondaient tous d'un seul coup, cela ne suffirait pas à submerger tous les continents. D'après le géologue R. F. Flint (1971: 84) si tous les glaciers et les calottes glaciaires devaient fondre, le niveau de la mer ne monterait que d'environ 65 mètres. Ce serait certes catastrophique pour les grandes villes situées près de la mer, mais ce ne serait en aucun cas la fin de l'humanité. Et pour régler le problème ce ne serait certainement pas la peine de construire une Arche comme celle décrite dans le livre de la Genèse. N'Importe quel imbécile comprendra qu'il suffise d'émigrer vers des terres plus hautes pour éviter les pépins...
Dans le monde francophone, il nest évidemment pas difficile de trouver des érudits qui prétendent que le récit du Déluge, contenu dans la Genèse, a été rédigé dans les faits que quelques siècles avant Jésus-Christ et sappuie en réalité sur des légendes babyloniennes dune inondation, telle que lon retrouve dans l'épopée de Gilgamesh. Ce serait donc un emprunt. Mais, si une telle affirmation a tout pour plaire le penseur issu des Lumières, il y a un problème, car l'arche du récit de Gilgamesh a la forme dun cube. Cest très loin de la description quen fait le récit de la Genèse. Et dans les faits, selon des études en ingénieurie, les proportions de lArche de la Genèse sont tout à fait conformes aux normes les plus exigeantes pour la stabilité dans une mer déchaînée, ce qui est loin dêtre le cas dun cube. Mais si le récit de la Genèse est le plus ancien, il ny a pas lieu de sétonner que lors de sa transmission dans dautres cultures que des erreurs et distorsions ont pu êtres introduits.
[1] - Comme l'étaient tous sans doute Staline, Hitler, et Pol Pot...
[2] - On ne sait pas exactement quelle longueur avait la coudée de la Genèse. Dans le monde antique, cette mesure pouvait varier, mais l'étalon est la distance entre le coude et l'extrémité des doigts d'un homme adulte. Pour une discussion à ce sujet voir cet article d'Answers in Genesis:
[3] - Et pour certaines espèces déclarées pures, sept couples furent embarqués.
[4] - L'olivine transparente porte le nom péridot.