Paul Gosselin (1979)
Intro
Dans le contexte universitaire en sciences sociales lorsque la Bible est mentionné, généralement c'est pour la citer au banc des accusés. C'est d'autant plus vrai lorsqu'il est question des rapports entre les sexes. La note qui suit a été soumis lors d'un examen maison dans un cours d'anthropologie sexuelle à l'université Laval dans les années 70. Comme on peut le voir plus loin à cette époque le matérialisme historique était encore populaire dans les milieux universitaires (le mur de Berlin n'était pas encore tombé). Il va sans dire que cette brève note n'épuise pas ce que l'on pourrait dire à ce sujet.
Mise en garde: ceux (ou celles) qui pourraient être tentés de copier ce texte pour un travail, notez que par expérience lorsqu'on remet en question des présupposés "politically correct" en milieu universitaire cela tend à affecter les notes scolaires... à la baisse.
Question d'examen - Quelles relations l'idéologie entretient-elle avec le rapport des sexes, en vous basant sur une exemple emprunté aux cosmogonies, aux théories de la reproduction ou à la linguistique?
L'objet de cet essai est de tenter d'aborder les différents éléments de la cosmologie biblique concernant les rapports homme-femme, en les situant dans l'ensemble plus globale qu'est la conception biblique de l'humanité. Je crois qu'il est extrêmement important de situer la conception biblique des rapports entre les deux sexes dans son contexte, surtout afin de ne pas tomber dans le piège facile d'accuser la Bible d'être la source de tous nos problèmes.
Il me semble que la question fondamentale sous le traitement critique des textes biblique (tel qu'élaboré par Leboivici et autres) est l'idée que la Bible puisse fournir une base avec laquelle on justifie l'exploitation et l'oppression de la femme. Il est habituelle d'entendre en introduction à l'étude des textes bibliques que "La Bible est la source de nos problèmes (ici en occident)", le patriarcat, l'oppression des femmes, etc. Ça ne me semble pas le meilleur exemple de la vertu tant vantée du scientifique, c'est-à-dire l'objectivité. Généralement le scientifique est censé présenter ses conclusions après investigation et non avant.
Entrons dans la question. La position humaniste qui sert de base à l"'establishment" des sciences sociales dans le cas de l'étude des relations hommes-femmes (surtout dans le cas des marxistes) est qu'il n'existe aucune instance surnaturelle et que l'homme est strictement déterminé par son contexte matériel et social. Une autre prémisse de la position humaniste est que l'homme est foncièrement bon et si l'on change son contexte social de façon à le laisser s'épanouir, il pourra alors exprimer ce qu'il a tout au fond de lui-même. Lorsqu'on situe les relations homme-femme dans cette vision, la même logique est suivie; il s'agit d'éliminer tout ce qui empêche l'homme et la femme de s'épanouir dans leurs relations interpersonnelles.
Bon, que dit la Bible sur ces mêmes questions? Dés le premier verset de la Bible on nous indique que Dieu est là, il crée au commencement l'ordre physique des choses, l'inorganique d'abord, l'organique par la suite, les végétaux d'abord et les animaux par la suite[1].
Au verset 27 du premier chapitre de la Genèse on nous indique que l'homme et la femme ont été créés à l'image de Dieu, on pourrait tout aussi bien dire qu'ils étaient des métaphores de Dieu ou des analogies de Dieu. Dans le deuxième récit de la création (chapitre 2) Dieu plante le jardin d'Éden et leur en confie les soins. On pourrait presque dire qu'il s'agit d'une cage dorée car tout va à la perfection et jusqu'ici l'homme n'a rien à dire sur son sort, mais au chapitre 2:16 et 17 Dieu indique simplement à l'homme qu'il y a un arbre duquel il ne doit pas manger le fruit et que la mort sera le résultat de la transgression de cette interdiction. Dans la tradition humaniste il est habituelle d'interpréter cette interdiction comme une phobie mégalomane de Dieu, craignant qu'Adam et Eve accèdent à une "intelligence" interdite (argument utilisé par Satan d'ailleurs, au chapitre 3). Ça me semble ridicule.
Une autre interprétation de l'interdiction de Genèse 2:16-17 est qu'elle ouvre la possibilité à l'homme de refuser l'offre de Dieu, de le rejeter. Dieu lui donne une porte de sortie de son petit paradis, il n'en est pas prisonnier. L'homme n'est pas la marionnette de Dieu. On me répliquera immédiatement, une porte de sortie, oui il en donne une, mais c'est toute une porte, la mort. Le penseur de notre siècle ne tarde pas à n'y voir là qu'une matraque autoritaire ... Mais qu'en est-il? La Bible nous dit que Dieu est amour, dans le jardin on voit que Dieu avait donné à l'homme et à la femme tout ce qu'ils auraient pu vouloir pour être heureux. Ainsi, lorsque l'homme décidera de rejeter l'offre de Dieu, il se coupera de celui qui lui avait donné la vie. S'il se coupe de sa source de vie, il ne peut lui rester que la mort. Et si Dieu avait mis tout ce qui était bon pour l'homme dans le jardin, que restait-il hors de ce contexte (dans la désobéissance) ??
C'est un peu comme si l'on disait à une personne ayant des troubles cardiaques, "Ne débranche pas ton "pacemaker" (stimulateur cardiaque) sinon tu pourras en mourir." L'on ne considérera pas une telle déclaration autoritaire ou arbitraire, et même si la personne est assez stupide de le faire, on ne tiendra responsable qu'elle-même. De fait, jusqu'à la tentation de Satan au chapitre 3 l'homme n'a aucune raison de douter de la bienveillance de Dieu. Il ne s'est jamais fait rouler par Dieu mais il écoute tout de même Satan. Il est ironique mais "l'intelligence" qu'apporta l'arbre de la connaissance du bien et du mal était la connaissance de la mort, de la souffrance et de la crainte. Dieu a placé l'homme dans un monde réel, démonstration tangible de son amour, et lorsque l'homme rejettera Dieu, les conséquences aussi (logiquement) seront tangibles soit aux niveaux spirituelles, psychiques, physiques et sociales.
Maintenant, quelles sont les conséquences de la chute de l'homme pour ce qui est des relations homme-femme? Un principe qu'on peut poser à partir de cet événement est que puisque l'homme s'est rebellé contre Dieu, l'on pourra s'attendre à ce que l'homme, lorsqu'il est en possession du pouvoir, l'utilisera invariablement à son profit et il s'en suivra donc toutes les formes plus ou moins subtiles d'exploitation et d'oppression. À l'inverse du dicton qui dit: "Le pouvoir corrompt", ce sont plutôt les hommes qui sont corrompus (de façon plus ou moins apparente) avant d'arriver au pouvoir. Ainsi: bien que la Bible pose l'autorité de l'homme sur la femme dans la vie du couple elle expose aussi de façon claire pourquoi l'homme opprime et exploite la femme, comme il le fait effectivement. Sur un plan plus général, le principe de la déchéance de l'homme permet à mon avis une critique sociale plus pénétrante que celle du marxisme et que, malgré l'établissement de la dictature du prolétariat, les hommes restent les mêmes et sont toujours capables d'exploiter: leur prochain lorsque le pouvoir le permet. J'aimerais citer un texte du Nouveau Testament qui traite le rapport homme-femme en le situant dans le contexte chrétien. Les premiers versets concernant la soumission de la femme feront probablement grincer les dents des féministes, mais ils doivent être mis en rapport avec les versets suivants concernant les responsabilités de l'homme dans sa relation avec sa femme. (Ephésiens 5:22-33)
"Femmes, soyez soumises à vos maris, comme au Seigneur; car le mari est le chef de la femme, comme Christ est le chef de l'Église, qui est son corps, et dont il est le Sauveur. Or, de même que l'Église est soumise à Christ, les femmes aussi doivent l'être à leurs maris en toutes choses. Maris, aimez vos femmes, comme Christ a aimé l'Église, et s'est livré lui-même pour elle, afin de la sanctifier par la parole, après l'avoir purifiée par le baptême d'eau, afin de faire paraître devant lui cette Église glorieuse, sans tache, ni ride, ni rien de semblable, mais sainte et irrépréhensible. C'est ainsi que les maris doivent aimer leurs femmes comme leurs propres corps. Celui qui aime sa femme s'aime lui-même. Car jamais personne n'a haï sa propre chair; mais il la nourrit et en prend soin, comme Christ le fait pour l'Église, parce que nous sommes membres de son corps. C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère, et s'attachera à sa femme, et les deux deviendront une seule chair. Ce mystère est grand; je dis cela par rapport à Christ et à l'Église. Du reste, que chacun de vous aime sa femme comme lui-même, et que la femme respecte son mari."
Dans ce contexte, l'homme se voit attribuer une autorité sur sa femme, mais le texte biblique spécifie dans quelles conditions cette autorité doit s'exercer. (Une petite remarque en passant: il est curieux que le texte précédant n'ordonne pas à la femme d'aimer son mari. Si le mari remplit ses responsabilités telles qu'indiquées, il est probable que l'amour envers un tel mari viendra tout naturellement[2]) Un autre texte très important nous indiquera comment l'autorité doit s'exercer entre chrétiens. (Matthieu 20:25-28)
"Jésus les appela et dit, Vous savez que les chefs des nations les tyrannisent et que les grands les asservissent. I1 n'en sera pas de même au milieu de vous. Mais quiconque veut être grand parmi vous, qu'il soit votre serviteur et quiconque veut être le premier parmi vous qu'il soit votre esclave. C'est ainsi que le Fils de l'homme est venu non Pour être servi, mais pour servir et donner sa vie comme le rançon de plusieurs."
Ainsi, dans ces conditions, la vision biblique de l'autorité en générale, et plus spécifiquement dans les relations homme-femme, ne peut être envisagé comme une forme de service, le pouvoir n'ayant comme seule justification qu'il permet de mieux servir. Accepter que ces exigences à l'égard de l'autorité soient amoindris ne peut que trahir ce qui est écrit noir sur blanc et ca me parait suspect alors que des gens qui se disent chrétiens ne remplissent pas ces conditions.
Pour certains, je reconnais que les derniers paragraphes peuvent sembler de l'utopisme le plus pur, ne concevant pas quel rapport ces choses peuvent avoir avec la réalité, comment de telles choses peuvent être possibles (s'ils le sont...). La clé se trouve dans une parole de Jésus (Jean 3:3) "En vérité, en vérité, je te le dis, si un homme ne naît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu." L'homme n'est capable d'agir avec justice qu'après une rencontre personnelle avec son Créateur, il a besoin d'être transformé. Même Ché Guévara reconnaissant la nature corrompue de l'homme a constaté le besoin d'un homme nouveau. Est-ce une illusion de croire que Dieu peut changer l'homme et que tout sera parfait? À mon avis, ceci ne demande pas autant de foi que de croire que la dictature du prolétariat nous réglera tous nos problèmes, et nous amènera le paradis sur terre. Personnellement, je peux attester que Christ peut changer un voleur en une personne honnête (comme il l'a fait pour moi). Le marxisme, et le féminisme "radical" qui en est issu, peuvent-ils se vanter d'en faire autant?
Conclusion:
Bien que le cheminement fait jusqu'ici ait semblé long et détourné, cela s'imposait puisque la Bible n'est pas que la Genèse, et c'est dans l'ensemble que tous les éléments ont une cohérence, ce qui n'apparaît pas en les prenant un à un.
Leboivici, Martine
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La Position Féminine dans la Bible
in Tel Quel Hiver '77 no. 7a, 75, 76 pp. 24-29 pp. 100-104 pp. 95-100 |
Lewis, C. S.
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Mere Christianity
MacMillan Publishing Company, New York 1943/77. 190 p. |
L'Ancien Testament
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Bible Jerusalem
Editions du Cerf, Paris 1961 1668 p. |
Nouveau Testament
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Nouveau Testament et Psaumes
Traduction Louis Segond Gédeons International 1976 640 p. |
[1]- Certains ont voulu imposer au récit de la création une interprétation évolutionniste en supposant que les premiers sept jours du premier chanitre de la Genése étaient des périodes géoloqiques longues de plusieurs millions d'années permettant ainsi le temps nécessaire pour l'évolution d'une espéce à une autre. Mais un élément assez simple nous empêche de faire une telle interprétation: au verset 11 du premier chapitre de Genése on nous indique que Dieu crée les herbes et les arbres et le jour suivant (Genése 1:14) Dieu crée les étoiles, le soleil et la lune. Si l'on se tient à des journées de 24 heures comme le texte nous le laisse sous-entendre (en utilisant la formule "il y eut un soir, il y eut un matin" il est encore possible de concevoir la possibilité que les plantes puissent survivre à une journée de 24 heures de noirceur, mais le texte devient intenable si l'on prétend aue le régne vegetal ait pu survivre sans lumière pendant toute une ère évolutive. À ce niveau, vaut mieux accepter le texte tel quel ou le rejeter complétement.
[2]- Un peu d'idéalisme d'homme célibataire que j'étais à l'époque...