Paul Gosselin (13/9/2024)
Un truc curieux...
Notons d'abord que le document visé ici est un livre publié au plus fort de la Geurre froide. Le sujet : le totalitarisme. Si le journaliste et politicologue français (et communiste défroqué) Jean-François Revel s'attaque à la forme du totalitarisme le plus évident de son époque, le stalinisme, en poursuivant la lecture de ce compte rendu, on verras que bon nombre d'observations de Revel méritent réflexion sérieuse en 2024...
Si Revel dans ce livre est d'une lucidité rationnelle et courageuse (après tout il s'exprimait lors de la Guerre froide) touchant les échecs du communisme[1], devant ce cul-de-sac des prétentions politiques/utopistes du communisme, il est étrange de constater qu'il abandonne sa lucidité rationnelle au sujet de ces échecs et aboutit à proposer la “solution” du mondialisme. Au dos de la couverture du livre, on signale trois idées directrices du livre dont le troisième est :
La société socialiste future ne peut être que planétaire et ne se réalisera donc qu'au prix, sinon de la disparition des États-Nations, tout au moins de leur subordination à un ordre politique mondial.
Initialement cette affirmation me semblait ambiguë, possiblement le fruit d'une déduction à partir de processus politiques/économiques en cours plutôt qu'un développement souhaité par l'auteur. Mais dans le livre Revel revient sur la question et il est manifeste qu'il endosse cette solution (1976 : 17-18) :
Sur un plan purement rationnel, on admet assez généralement l'incompatibilité entre l'État-nation traditionnel et la création d'un nouvel ordre économique mondial. On admet que ce nouvel ordre est le seul cadre possible à des solutions dont aucune, dans la situation présente d'interdépendance des groupes composant l'humanité, ne peut être exclusivement nationale. Le socialisme n'est désormais concevable et ne saurait être réalisé qu'au moyen d'une coordination planétaire.[2]
Possiblement certains répliqueront : “Pourquoi accuser Revel d'abandonner sa lucidité rationnelle?” Eh bien il me semble force de constater que si au 20e siècle une part assez large des élites occidentales ont fait volontiers le service du totalitarisme (sous les formes du nazisme et du communisme) alors pourquoi penser que ces mêmes élites au 21e siècle ne s'offriront pas à nouveau au service d'un néo-totalitarisme encore plus brutal et plus oppressif puisqu'offrant l'accès à un pouvoir planétaire ?[3] Au 20e siècle, les Nations-États ont tout de même offert des obstacles à l'oppression totalitaire chez leurs voisins, mais si on admet un nouvel ordre politique mondial, dès lors, il n'y aurait plus aucune limite à l'oppression... N'est-ce pas un naïveté extraordinaire que penser donner plus de pouvoir aux mêmes élites réduirait l'oppression ? Pourquoi penser que les élites psostmodernes occidentales ont tant changé d'appétit ou de caractère moral ? Ils se sont abreuvés aux mêmes sources et, à peu de choses près, aux mêmes traditions idéologiques. Entres autres ce sont (comme Hitler) les admirateurs de Nietzsche et de son Surhomme/Übermensch. Ce Nietzsche qui exprimait ouvertement et brutalement son mépris[4] du peuple ordinaire (1886/2000: 113)
Aux hommes ordinaires, enfin, au plus grand nombre, à ceux qui sont là pour servir, pour être utiles à la chose publique, et qui n'ont le droit d'exister que s'ils se soumettent à ces conditions ...
Ce serait sans doute une pensée hérétique que de souligner que le totalitarisme du 20e siècle résulte du rejet par les élites occidentales du concept judéo-chrétien que tous les hommes sont faits à l'image de Dieu et à ce titre digne de respect. Par exemple si la Déclaration d'indépendance américaine avançait (1776) : “ Nous tenons ces vérités pour évidentes, à savoir que tous les hommes sont créés égaux, qu'ils sont dotés par leur Créateur de certains droits inaliénables, parmi lesquels figurent la vie, la liberté et la recherche du bonheur[5] ”, il faut tenir compte que ces vérités ne pouvaient être évidentes que dans une culture imprégnée depuis longtemps de concepts judéo-chrétiens. Puisqu'en 2024 les élites postmodernes au pouvoir rejettent ces concepts alors pourquoi ne pas admettre qu'eux aussi s'offriront sans remords au service d'un néototalitarisme si le chèque de paie est bon ?
Sans doute on me répliquera : “ Gosselin, tu ne peux pas ignorer que même à l'époque où le christianisme était dominant que des atrocités ont été perpétrées !? ” En effet les époques chrétiennes n'échappent pas à la réalité que les Fils d'Adam et Filles d'Ève font partie d'une race déchue. Mais il faut considérer qu'au 20e siècle partout où le pouvoir a été aux mains de ceux qui rejetaient sans ambiguïté le concept de l'homme fait à l'image de Dieu (intimement rattaché au concept du Dieu judéo-chrétien), ces gens ont commis des atrocités inimaginables jusqu'à là. L'histoire du 20e siècle, en passant par l'Holocauste, le Holodomor, le Goulag et le Laogai, nous en a fait la démonstration[6]. Puisque le concept de l'homme fait à l'image de Dieu est rattaché au récit de la Genèse, alors l'adoption du mythe d'origines matérialiste (théorie de l'évolution), entraîne inévitablement le rejet de la valeur unique de l'homme, puisque fait à l'image de Dieu.
Mais revenons à Revel. En effet, il abandonne sa lucidité rationnelle à l'égard des échecs du communisme pour une pensée magique à l'égard d'une élite mondialiste assoiffée de pouvoir total/planétaire. En 2024, l'esprit de la Tour de Babel[7] (Genèse 11:1-9) montre son visage chez les postmodernes, en particulier chez les dévots de la secte de Davos[8]. Comme je l'ai noté dans un autre compte rendu de livre par Revel, le critique littéraire George Steiner fait le constat de la tentation totalitaire (et la barbarie) chez les élites et milieux éduqués occidentaux du 20e siècle... Évidemment Steiner ne va pas jusqu'à attribuer les atrocités du 20e siècle au système de croyances des Lumières (et ses nombreux dérivés idéologiques), même si toutes les données historiques qu'il évoque pointent dans cette direction. D'ailleurs au même moment où Revel publiait, le philosophe Francis Schaeffer nous prévenait de la montée d'une nouvelle élite totalitaire en Occident (1976/2014 : 133) :
Si on envisage l'arrivée d'une élite à la téte d'un état autoritaire pour pallier le vide créé par l'abandon des principes chrétiens, il ne conviendra plus de penser de maniére naïve en termes des exemples classiques de Staline et Hitler, mais envisager plutôt un état autoritaire manipulateur. Les gouvernements modernes disposent de moyens de manipulation inimaginables naguére, des moyens liés à des techniques psychologiques, à la recherche biologique, aux médias capables d'influencer les comportements.
Au chapitre 6, Revel dresse un portrait toujours utile des traits caractéristiques d'un régime totalitaire (1976 : 102-103) :
Au surplus, c'est au vu et au su de tous que l'URSS et la Chine présentent les écaractristiques des régimes totalitaires et de la vie quotidienne en pays totalitaire, c'est-à-dire : parti unique officiel ; absence d'élections libres ; information, presse, littérature musique, arts et enseignement soumis au contrôle idéologique : impossibilité pour les ressortissants de se rendre à l'étranger, et même de circuler sans autorisation à l'intérieur du pays ; assignation de facto à résidence et affectation coercitive au lieu de travail ; impossibilité pour les étrangers de visiter librement le pays ; surveillance des ressortissants par une police politique d'État ; l'opposition au gouvernement, c'est-à-dire au P.C., est un délit, ou un crime ; ou encore formule d'un vague redoutable, la “ propagation de nouvelles de nature à nuire au pays ”, au socialisme, telles les nouvelles sur les difficultés d'approvisionnement dans certaines régions ou des révoltes de travailleurs ; subordination de la Justice au Parti ; système concentrationnaire. Ce ne sont là que les plus apparentes, les plus élémentaires des données de l'organisation totalitaire des pays communistes souverains, conditions souvent aggravées dans les pays vassaux.[9]
Si Revel avait survécu jusqu'en 2024, aurait-il admis la prophétie cynique d'Aldous Huxley d'un nouveau totalitarisme plus hypocrite (1958/1990 : 144):
Sous l'impitoyable poussée d'une surpopulation qui s'accélère, d'une organisation dont les excès vont s'aggravant et par le moyen de méthodes toujours plus efficaces de manipulation mentale, les démocraties changeront de nature. Les vieilles formes pittoresques — élections, parlements, hautes cours de justice — demeureront, mais la substance sous-jacente sera une nouvelle forme de totalitarisme non violent. Toutes les appellations traditionnelles, tous les slogans consacrés resteront exactement ce qu'ils étaient au bon vieux temps, la démocratie et la liberté seront les thèmes de toutes les émissions radiodiffusés et de tous les éditoriaux — mais une démocratie, une liberté au sens strictement pickwickien du terme.
Et si Huxley parle d'une démocratie et d'une liberté “ au sens strictement pickwickien du terme ”, cela implique une démocratie et une liberté complètement factice... Il est vrai que si on fait un contraste entre les totalitaires du 20e et le néototalitaires du 21e siècle, les élites postmodernes préfèrent mettent de côté la violence ouverte et s'appuient plutôt sur la manipulation psychologique comme moyen de pression assurant le conformisme des masses. Conseiller de plusieurs présidents français, Jacques Attali est ouvertement le partisan de ce néototalitarisme diffus et plus hypocrite (cité par Salomon 1981: 272)
Je ne crois pas à l'orwellisme, parce que c'est une forme de totalitarisme technique avec un “ Big Brother ” visible et centralisé. Je crois plutôt à un totalitarisme implicite avec un “ Big Brother ” invisible et décentralisé. Ces machines pour surveiller notre santé, que nous pourrions avoir pour notre bien, nous asservissent pour notre bien. En quelque sorte nous subirons un conditionnement doux et permanent...
Ouais, mais si Attali avait été plus honnête, il aurait dit plutôt “ En quelque sorte vous subirez un conditionnement doux et permanent ”... Oubliez le nous...
Au début du 20e siècle, les idéologies modernes, dont le nazisme et le communisme de type stalinien, n'ont pas hésité à exploiter des moyens brutaux et coercitifs pour faire fléchir l'opposition et imposer l'uniformité de l'opinion. À la même époque, des chrétiens exemplaires comme Deitrich Bonhoeffer et Richard Wurmbrand ont eu le courage de se tenir debout devant le mensonge oppresseur ainsi que le courage de payer le prix pour leur foi et leur prise de position. Mais il est très important que le lecteur de cette génération comprenne certains aspects uniques et nouveaux de la situation qui nous confronte actuellement en Occident.
Le truc c'est qu'en Occident nos élites postmodernes ont tiré une leçon très importante de cette expérience du 20e siècle. Ils ont constaté que les méthodes ouvertement brutales et coercitives jettent les cartes sur table et attirent à celui qui les utilise des ennemis déterminés. Ainsi lorsque les SA/Chemise Brunes ou les SS nazis cognent à la porte ont sait très bien à qui on fait affaire. Un ennemi à découvert, comme un régime communiste, force le chrétien (ou dissident politique) à faire une réflexion très sérieuse au sujet de ses convictions pour ensuite poser des gestes en conséquence. En somme, les méthodes brutales et coercitives rendent la situation idéologique (et les enjeux) trop claire.
Ayant appris cette leçon, nos élites postmodernes ont donc mis de côté la persécution et la violence ouverte et s'appuient avant tout sur un pouvoir dissimulé et hypocrite ainsi que sur la manipulation et de petites attaques indirectes, venues de factions (comme les AntiFa ou les Black Lives Matter) sans attache évident.. Il faut voir clairement que ces factions sans attache sont des pions jetables. Lorsqu'ils auront servir leur but, les élites postmodernes n'hésiteront pas à les repousser (ou les éliminer)... Ainsi, dans notre génération, l'État (avec ses institutions démocratiques) n'est plus le foyer unique du pouvoir. Nos élites postmodernes sont bien plus subtiles, plus marketing, que les nazis ou les communistes ne l'ont jamais été. Pas besoin d'envoyer les dissidents aux pelotons d'exécution ou en Sibérie, on peut étouffer leurs voix sans cela. Nos élites postmodernes sont bien installées dans les grands médias et chez Google, NetFlix, Apple, Microsoft, YouTube, FaceBook, dans le système d'éducation, etc... Le pouvoir postmoderne est décentralisé, donc plus difficile à cerner. Imaginez donc un boxeur dans un ring, affrontant un combat avec un adversaire complètement invisible... Il prend régulièrement des coups sur la gueule, mais ne peut en donner pour se défendre...
Pour ce qui est du renoncement des moyens coercitifs (violence, brutalité et menace physique) par nos élites postmodernes, il faut ajouter qu'il s'agit d'un renoncement purement stratégique et non pas un renoncement par principe, c'est-à-dire que pour le moment les méthodes manipulatrices leur semblent assez efficaces pour parvenir à leurs objectifs de transformation sociale... Mais comme on le voit bien dans le mouvement Antifa (comparables aux chemises brunes des nazis), nos élites postmodernes démontrent que cela leur gène pas pas du tout de supprimer le droit de parole des autres par l'intimidation et des menaces de violence. Au Canada, la Cour suprême et les politiciens grignotent de plus en plus la liberté de pratique du christianisme. Les attaques contre l'école maison font partie de cette stratégie (et expose l'intolérance fondamentale des postmodernes). Nos élites postmodernes ne peuvent pas supporter que même les plus petits échappent à leur emprise idéologique. Il se peut que leur période d'intervention NON-coercitive des postmodernes prenne fin...
Si, comme je l'ai noté, nos élites postmodernes ont mis de côté la persécution et la violence ouverte, cela n'exclut pas des lapsus d'impatience où s'exprime en plein jour leur mépris des masses, au moyen de la violence. Voyez ce cas, en avril 2021 à Bruxelles sous les restrictions du Covid. On y voit un jour de printemps des gens pacifiquement assemblés dans un parc, voulant simplement prendre de l'air et du soleil, mais qui ont été traités avec une violence digne des chemises brunes nazies...
Une telle intervention est un indice clair que les pions de Davos au pouvoir actuellement violent les charges de responsabilité que le peuple les a accordés. Violer les droits du peuple est sans importance pour eux. Revel, dans un ouvrage postérieur, expose la psychologie déculpabilisée des totalitaires communistes, ce qui à la fin, recoupe largement la psychologie de la secte de Davos actuellement au pouvoir partout en Occident (1983 : 324) :
Contrairement aux classes dirigeantes occidentales, bourrelées de remords et de mauvaise conscience, la classe dirigeante soviétique est pour sa part entièrement dénuée de mauvaise conscience et utilise avec la plus parfaite sérénité la force brute aussi bien pour garder son pouvoir à l'intérieur que pour l'étendre à l'extérieur.
À vrai dire, les élites postmodernes se distinguent à peine de l'élite soviétique décrite ci-dessus par Revel, si ce n'est qu'elles sont plus hypocrites et plus manipulatrices que ne l'ont jamais été les Nazis ou les Soviétiques. Ceci dit, l'épisode d'avril 2021 du parc à Bruxelles expose le fait qu'aux yeux des élites postmodernes la violence n'est jamais exclue, surtout si le temps presse ou que des intérêts qu'ils considèrent majeurs sont en jeu. Que Revel endosse un nouvel ordre mondial m'a semblé à ce point contraire à, et incohérent, avec sa logique lucide habituelle, que j'étais tenté de croire qu'on lui a payé (ou fait pression) pour ajouter ces suggestions, c'est-à-dire que, suite à l'échec du communisme, le mondialisme serait donc la prochaine étape nécessaire... Évidemment Revel n'est plus là pour répondre à une telle question, mais il y a un autre indice qui figure dans la Tentation totalitaire, c'est que cette suggestion du mondialisme comme solution du dysfonctionnement des nations, occupe si peu de place dans ce livre qu'elle paraît parachutée et que si on l'éliminait, cela n'enlèverait très peu aux critiques et observations générales faites par Revel touchant le totalitarisme. Ceci dit, si mon hypothèse est fausse et que dans les faits Revel proposait sincèrement le mondialisme[10] comme solution aux échecs du communisme, alors il me semble qu'il faut conclure que Revel lui-même a peu résisté à la tentation totalitaire...
Et pour le reste ?
En 1976, tout en discutant du contraste entre régimes démocratiques et régimes communistes/totalitaires, Revel émet une observation fort pertinente qui mérite réflexion pour le lecteur en 2024 au sujet d'un trait caractéristique du totalitarisme c'est-à-dire son intolérance pour la dissidence (et la liberté d'expression) (1976: 61) :
Car, encore une fois, le propre du totalitarisme est précisément de considérer qu'aucune manifestation humaine ne possède d'existence autonome, de valeurs de référence propres en dehors de ses relations avec le pouvoir, et qu'elle ne se juge donc que comme parcelle du système d'autorité politique. Au fond, ce n'est pas parce qu'une œuvre “ cache ” une intention politique que le totalitarisme la condamne. C'est, à l'inverse, parce que le régime est totalitaire qu'une œuvre a toujours à ses yeux une dimension politique, ou, plus exactement, a uniquement une dimension politique [ou idéologique], pour ou contre ce régime, lequel est conçu comme un bloc dont les éléments sont indissociables.
Au chapitre 6, Revel discute de la stratégie hypocrite des totalitaires (communistes) face à la critique (1981 : 96)
Les communistes, malgré leurs merveilleux progrès dans le respect d'autrui, dans la tolérance et la soif d'objectivité, malgré leur assomption miraculeuse vers le ciel rose de la liberté de penser, dont leurs alliés ne cessent, depuis soixante années, de saluer avec tressaillements d'allégresse les symptômes chaque jour plus encourageants, surent probité. Ils appliquent leur recette infaillible : ne jamais discuter ni les faits ni les idées, [mais] cracher sur la personne.
Un des moyens d'actualiser cette stratégie d'étouffement de toute discussion sérieuse a été l'expression d'hérésie ciblant le critique du communisme, c'est-à-dire l'accusation d'être contre-révolutionnaire. Il n'est pas inutile de noter que lors de la crise du Covid les pions de Davos au pouvoir (dans l'État et les médias) exploitèrent à fond la même stratégie, mais au moyen de l'expression complotiste. En somme, ceux qui utilisent l'expression complotiste le font parce que ça leur semblait utile afin d'éviter/étouffer un débat qui pourrait les confronter à des faits dérangeants[11] et cela sert à fermer la gueule des critiques. Cette expression a aussi l'avantage de laisser entendre (pas très subtilement) que la personne que l'on étiquette ainsi est un imbécile plus ou moins léger, un être irrationnel qui ne mérite pas d'être écouté... Ces observations concordent d'ailleurs avec une observation de Revel (1976 : 106)
Encore une fois, le stalinisme ne se ramène pas tout entier à ses pires extrémités : interner, déporter ; il commence avec l'hypocrisie, l'intimidation, la malhonnêteté qui décontenancent les alliés et visent – avec quel succès ! – à émousser leur défense en faisant peser sur eux la menace perpétuelle de l'excommunication et en les insensibilisant peu à peu aux avanies qu'on leur inflige.
Discutant du contrôle de la presse sous les régimes totalitaires, Revel offre ces observations (1976 : 13-14)
(...) c'est le journalisme probe qui peut faire reculer le journalisme vénal, et non point une commission administrative, dont le premier soin est en général de distribuer quelques fonds secrets. Une presse libre n'est pas une presse qui a toujours raison et qui est toujours honnête, pas plus qu'un homme libre n'est un homme qui a toujours raison et qui est toujours honnête. (...) J'ai insisté brièvement sur cet exemple classique de la liberté de la presse, par que c'est un des tests fondamentaux qui sert à déceler les esprits enclins à la culture démocratique et les autres. Autant, pour les premiers, définir une presse libre est simple, autant, pour les seconds, c'est tortueux et compliqué, puisque, dans le secret de leur cœur, ils tendant à conclure que seule une presse où s'affirment uniquement leurs propres conceptions serait “ libre ”.
Si en général les dévots des Lumières attribuent la démocratie (et la liberté politique de l'individu) à l'héritage des Grecs, Nietzsche par exemple, en savait assez sur cet héritage pour savoir que démocratie chez les Grecs était réservée qu'aux nobles, qu'aux élites. La majorité de la population des villes de la Grèce antique était composée d'esclaves. Pas question de droits de vote pour les esclaves, pas plus que pour les artisans grecs, femmes grecques ou étrangers libres habitant une cité grecque, même depuis de longues années. La citoyenneté était réservée aux hommes de la noblesse grecque. Comme je l'ai signalé ailleurs[12], la démocratie et les droits politiques accessibles aux masses en Occident sont d'abord le fruit de libertés gagnées par les chrétiens réformés et anabaptistes avant les Lumières. Dès le 16e siècle, les Réformés ont réclamé cette liberté de conscience... Dans la préface de son Institution de la religion chrestienne (1560), adressée à François Ier, roi de France, Jean Calvin, fit ces observations sur les limites du pouvoir d'un chef d'État :
Car ceste pensée fait un vray Roy, s'il se recognoist estre vray ministre de Dieu au gouvernement de son royaume : et au contraire, celuy qui ne regne point à ceste fin de servir à la gloire de Dieu, n'exerce pas regne, mais brigandage. Or on s'abuse si on attend longue prospérité en un regne qui n'est point gouverné du sceptre de Dieu, c'est à dire sa saincte parolle. Car l'edict celeste ne peut mentir, par lequel il est denoncé, que le peuple sera dissipé quand la Prophetie defaudra (Prov. 29, 18).
Ainsi même le roi se doit d'être soumis à la loi de Dieu. Mais quel dirigeant politique postmoderne accepterait de telles limites à son pouvoir ? Un peu plus tard, un Huguenot publie, sous le pseudonyme de Stephanus Junius Brutus[13], son Revendications contre les tyrans, (1579) réclamant autant la liberté de conscience religieuse que la liberté politique. Ce texte largement oublié constitue en quelque sorte un premier texte de science politique chrétienne.
Au coeur de cet ouvrage est la question du rapport entre le chrétien et l'État. Pour situer le texte des Revendications, seulement 7 ans auparavant, en France ce fut le massacre de la Saint-Barthélemy (août 1572) que l'on estime a fait 30,000 morts sur l'ensemble de la France. À Paris on tuait les protestants à coups d'épée et après on larguait leurs cadavres dans la Seine... Cent ans plus tard, les Huguenots étaient toujours persécutés. Certains furent envoyés aux galères et Marie Durand (1711-1776) par exemple, fut emprisonnée pendant 38 ans à la Tour de Constance pour avoir tenu une assemblée illégale. Ainsi les Huguenots savaient quelque chose sur le prix à payer pour la liberté de conscience...
L'auteur des Revendications divise son texte en quatre “Questions”. La première traite le fait que même le roi/dirigeant politique a des comptes à rendre devant Dieu. Mais la 2e question expose le fait que le roi/dirigeant politique a aussi des engagements à tenir et des comptes à rendre devant le peuple. Et à la 3e question, l'auteur examine une situation où, si le peuple juge que le roi a trahi ses engagements à l'égard du peuple, le peuple a le DROIT de le foutre à la porte et établir un autre dirigeant... On pourrait sous-estimer l'auteur des Revendications aux tyrans en pensant qu'il ne comprendrait rien aux totalitaires manipulateurs de cette génération. S'il est vrai que Brutus n'utilise pas le terme “psy-op” ou des trucs semblables, voyez comment il démontre qu'il a très bien compris la psychologie et les penchants manipulateurs des totalitaires (Brutus préfère le terme “tyran”)
Car le tyran est coupable en effet de la plus grande injustice que l'on saurait penser, ce dit Cicéron: & toutefois il se manie de telle sorte que lors qu'il trompe le plus méchamment c'est à cette heure-là qu'il semble être homme de bien. Pourtant fait-il le religieux & dévotieux, artifice le plus subtil de tous ceux que les tyrans sauraient pratiquer, dit Aristote. Il compose ainsi sa contenance, afin que le peuple craigne de rien machiner contre celui qu'il pense être aimé de Dieu, auquel il semble porter si grande révérence. Il feint aussi d'être extrêmement affectionné au bien public mais ce tant pour désir qu'il ait au profit de ses sujets, que de crainte qu'il a qu'eux ne lui courent sus. Outreplus il affecte fort d'être estimé juste & loyal en quelques affaires, mais de petite importance, pour pouvoir tromper & faire outrage plus aisément en choses grandes: ni plus ni moins que les brigands vivent de maléfices & forfaits, qui ne sauraient subsister sans avoir entre eux quelque petite parcelle de de justice. Outreplus il fait du débonnaire, mais en telle sorte qu'il pardonne à certains méchants au supplice desquels il eut même acquis le nom de Prince clément. Pour le dire en un mot, ce que le Roi est, le tyran veut sembler l'être, & sachant que la vertu attire & émeut merveilleusement les hommes, aussi connaît-il qu'il les faut piper [tromper] par quelque beau masque de vertu: mais comment que ce soit qu'il se contrefasse, toujours la queue du renard se monstre: & quoi qu'il fasse du chien couchant, néanmoins à sa queue & à son rugissement on découvre que c'est un lion.
Revel fait des observations parallèles au sujet du communisme (1976 : 131)
Être parvenu à lier, dans l'esprit du temps, la suppression des libertés à celles des injustices sociales, à légitimer ainsi le totalitarisme, est une des grandes victoires intellectuelles du stalinisme. Ce préjugé affaiblit en en effet partout la résistance à l'installation de régimes autoritaires, et il les fait, de surcroît, passer pour progressistes, s'ils prennent la précaution d'annoncer qu'ils le seront...
Ce ne serait pas étonnant que les concepts avancés par l'auteur des Revendications aux tyrans aient eu une influence sur la Révolution française, du moins à la première étape, c'est-à-dire les États généraux, commençant le 5 mai 1789. Mais le reste du scénario a été pris sous le contrôle des francs-maçons, avec toute la violence que l'on connaît (la Terreur). Explorant la pensée de Michel Foucault, Revel répète machinalement un lieu commun (1976 : 255) :
L'individu, au demeurant, pour Michel Foucault, apparaît précisément à ce moment-là [19e siècle] et à cause de cela. La notion d'individualité, la conscience de l'individualité, ignorées auparavant, sont les produits de cette civilisation de la surveillance, ce qui métamorphose chaque homme en cas particulier (...)
La notion d'individualité, la conscience de l'individualité, ignorées auparavant ?Vraiment ? Cette affirmation est manifestement fausse, car la conscience individuelle (et la notion d'individualité) a été mise en place par les Protestants qui affirment que chaque homme doit examiner sa conscience et rendre des comptes devant la Parole de Dieu[14]. Les penseurs des Lumières n'ont fait que chiper les fruits de cette récolte, mais n'y ont pas travaillé. Leur sang n'a pas été versé pour cette cause. En général, les dévots des Lumières n'ont été que les spectateurs de ce combat[15]... Une fois fut gagnée cette liberté de conscience religieuse (liberté de pratique religieuse dégagée de toute intervention ou restriction ecclésiastiques ou étatiques), alors la liberté de presse et la liberté d'expression politique devinrent possibles ainsi que les partis politiques. Sans aucun doute, les prises de position des anabaptistes s'enracinent dans cet enseignement extraordinaire de l'Apôtre Paul:
Il n'y a plus ni Juif ni Grec, il n'y a plus ni esclave ni libre, il n'y a plus ni homme ni femme; car tous vous êtes un en Jésus-Christ. (Gal 3: 28)
Quel choc ? Quel noble du monde ancien aurait pu considérer un esclave son égal ? Et dans une autre épitre, l'Apôtre donne des coups de masse aux privilèges des nobles en disant:
Considérez, frères, que parmi vous qui avez été appelés il n'y a ni beaucoup de sages selon la chair, ni beaucoup de puissants, ni beaucoup de nobles. Mais Dieu a choisi les choses folles du monde pour confondre les sages; Dieu a choisi les choses faibles du monde pour confondre les fortes; et Dieu a choisi les choses viles du monde et celles qu'on méprise, celles qui ne sont point, pour réduire à néant celles qui sont, afin que nulle chair ne se glorifie devant Dieu. (1Cor. 1: 26-29)
Mais revenons à l'époque moderne... Au chapitre 10, Revel considère de l'amélioration des conditions de vie en Occident depuis la Révolution industrielle et, chose curieuse, l'attribue au capitalisme. Voyez (1976 : 222)
La seconde moitié du XIXe siècle et la première moitié du XXe voient se multiplier les lois réduisant la durée du travail, introduisant les congés obligatoires, puis les vacances, enfin, interdisant complètement l'embauche de la main-d'œuvre infantile. À l'échelle du temps historique, ce n'est pas une période très longue. Somme toute, le capitalisme industriel, après avoir, pendant trois ou quatre décennies, créé les conditions d'une exploitation des enfants sans doute plus inhumaine qu'auparavant, a été le système qui l'a fait disparaître, tout comme il a progressivement ramené la durée du travail de quatorze ou douze heures à huit ; de six ou parfois sept jours par semaine à cinq ; et de douze mois par an à onze ou à dix et demi, selon les professions. Et ce, parallèlement à une élévation du pouvoir d'achat.
Le souci des chrétiens pour la justice pour les petits s'est d'abord manifesté chez les partisans chrétiens de l'abolition de l'esclavage comme William Wilberforce. Et plus tard, la préoccupation chrétienne pour la justice sociale pour les enfants et travailleurs n'en est que l'extension. L'Armée du Salut et la Croix Rouge sont des exemples connus d'œuvres liés à ce souci chrétien de justice ou de secours apporté aux démunis.
Plus loin, Revel examine un autre aspect du totalitarisme, écrasant l'autonomie des individus et exprimant son mépris pour la liberté d'expression et l'autonomie de conscience des individus (1976: 320) :
À l'opposé de ce qu'on lui demande parfois, dans un esprit de patronage où le paternalisme autoritaire prolonge le dogmatisme religieux et prélude au maoïsme pour façonner les pensées et les actes des masses, la mission d'une civilisation démocratique, libérale, n'est pas de choisir le genre de vie des individus, de leur fournir un “ idéal ”. Seuls les sujets immatures attendent de l'Etat-Pygmalion un “ but ” et les moyens de l'atteindre, pas les citoyens adultes. C'est dans les sociétés totalitaires que l'État se charge de “ donner un sens ” à la vie des êtres. L'État libéral, lui, tend, au contraire, à créer les conditions où aucun genre de vie, aucun prototype de sensibilité n'est imposé d'avance par la collectivité à l'individu.
Notons un point important ici, c'est-à-dire que c'est justement le rôle d'une religion (ou système idéologico-religieux) de proposer/donner un sens à l'existence humaine. Ainsi lorsqu'un État se donne le droit de jouer ce rôle nous faisons face alors à une fusion entre système idéologico-religieux et État. Et dès que ce constat est fait alors cela pose la question : quel est ce système idéologico-religieux que l'État cherche à imposer ? Quels sont ses dogmes et pourquoi a-t-on fait appel à l'appareil d'État pour imposer ce système plutôt que le proposer directement au peuple et les laisser, individu par individu, décider librement ? Sur le plan logique, le choix de faire appel à l'État pour faire le marketing d'un système idéologico-religieux expose le fait que l'on fait face à une élite qui tient pour très peu de choses la liberté de choix du peuple...
Ce que Revel décrit ci-dessus, c'est justement ce qu'on a vu au Québec où les élites postmodernes (via l'État québécois) se sont chargées de donner sens à l'existence des Québécois. Mais en termes plus précis, c'est au moyen du système d'éducation québécois qu'on a vu les élites postmodernes exploiter l'État pour imposer leur sens de l'existence (c'est-à-dire leur propagande idéologique) sur les Québécois. Il est temps de constater que depuis longue date l'État s'est immiscé entre les parents et leurs enfants et a érodé et réduit à une peau de chagrin les choix des parents touchant les cours d'éducation religieuse dans le système d'éducation. Depuis que les commissions scolaires confessionnelles ont été abolies au Québec (2007), les élites postmodernes, sans mandat du peuple, ont exploité l'État comme matraque pour imposer à tous les citoyens leur système de croyances et idéologie. C'est la situation où on se retrouve depuis l'imposition unilatérale du cours Éthique et culture religieuse (2008) et son remplaçant, le programme Culture et citoyenneté québécoise (CCQ, entré en vigueur automne 2024), enseigné pendant les six années du primaire et quatre des cinq années du secondaire... Évidemment les programmes de sexualité pro-LGBTQ imposés dans le système d'éducation découlent naturellement de l'imposition du système idéologico-religieux postmoderne. Notons que peu importe le parti politique au pouvoir au Québec, le projet idéologique de pensée unique des élites postmodernes a avancé, et ce au mépris des droits des citoyens québécois... Dans les faits, ces programmes ne sont que des variantes d'un catéchisme postmoderne, une religion (hypocrite) d'État. Si on appelle ça laïcité, ça n'y change rien...Il est temps pour les Québécois de s'ouvrir les yeux, car cette progression idéologique porte tous les traits d'un régime totalitaire (mais en plus marketing que le nazisme)...
Au chapitre 11, Revel souligne un fait troublant, la schizophrénie de l'Occident face aux diverses formes de totalitarisme (1976 : 263-64)
Le totalitarisme devrait inquiéter et paraître dangereux où qu'il soit, et d'autant plus qu'il fait école et se répand dans le monde. Mais tout se passe, au contraire, comme si la conscience morale, chez les défenseurs occidentaux de la démocratie, ne disposait que d'une quantité fixe d'indignation, cessant d'être disponible envers le stalinisme à la moindre alerte sur le front fasciste, pour ne pas dire presque jamais disponible envers le stalinisme.
Il y a tout lieu de penser que ce que Revel affirme ici au sujet du totalitarisme soviétique, soit aussi vrai des attitudes des Occidentaux aux formes de néo-totalitarisme en 2024. Dans les faits, la quantité fixe d'indignation en Occident que note Revel n'est qu'un symptôme de la vulnérabilité de l'Occident face à la tentation totalitaire. Comme je l'ai affirmé ailleurs, on sera une cible plus ou moins vulnérable à une propagande en proportion du nombre de présupposés/croyances que l'on partage avec le propagandiste... Évidemment, plus on a de présupposés/croyances en commun avec le propagandiste, alors plus on sera vulnérable à sa propagande.
En passant, voici une petite observation sur la relation à l’État chez les postmodernes.
Il est bien connu que le postmoderne rejette les méta-récits, c'est-à-dire tout texte sacré (en tant que texte vrai). Cela implique donc le rejet de la VÉRITÉ exclusive de la Bible, du Coran/Hadiths, les Analectes de Confucius et les Sutras des hindous[16]. Mais depuis les Lumières, cela implique aussi le rejet des textes sacrés modernes tel que Mein Kampf des nazis ou le Manifeste du parti communiste de la gauche. Chez certains postmodernes cela va jusqu’au rejet de la science comme texte sacré (ce qui implique un rejet d’un truc très cher aux penseurs des Lumières). La science ne serait donc plus VRAIE universellement, mais ne serait rien de plus qu’un savoir occidental. Même le concept de « progrès » serait à renverser, car progrès vers quoi ?
Ainsi le postmoderne refuse tout Absolu épistémologique, moral ou éthique. Mais lorsque le postmoderne fait face aux abus de l’État, cela pose problème, car devant ces abus il n’a pas accès à aucune loi morale au-dessus de l’État. Au mieux, il ne lui reste qu’une banale réaction émotive: “Je n’aime pas tes abus”. Ce à quoi l’État peut répliquer: “Mais je m’en contrefous”... Avec quoi le postmoderne critiquerait-il l’État? Il n’a rien sous la main. Il n’a pas de Vérité. Et s'il n'y a pas Référence au-dessus de l'État, alors toute tension sociale ça risque fort d'aboutir à une lutte darwinienne sans pitié d'intérêts et de pouvoir. Ainsi, l’individu postmoderne est tout nu devant l’État, un misérable pion manipulable... Mais bon, tant que son cellulaire/mobile fonctionne correctement, il supportera tout ça sans se poser de questions. Du pain et des jeux...
BRUTUS, Stephanus Junius (1579) Revendications contre les tyrans. [De la puissance légitime du prince sur le peuple et du peuple sur le prince] (PDF 5Mb) texte polémique huguenot rédigé sous pseudonyme.
GOSSELIN, Paul (2020) The Origins of Totalitarianism by Hannah Arendt: A Comment. (GoodReads - 13/8/2020)
GOSSELIN, Paul (2022) Edward Veith's Modern Fascism : A Review. (Samizdat - Sept. 2022)
GOSSELIN, Paul (2023) Comment les démocraties finissent : Un compte rendu. (Samizdat - 26/2/2023)
GOSSELIN, Paul (2024) Le fantôme de Nietzsche en 2024: ou Par-delà bien et mal, un compte rendu. (Samizdat – 1/1/2024)
HOPKINS, C.J. (2024) Covid Totalitarianism is Akin to Nazi Totalitarianism and Even if the German State Imprisons me for Saying This I Will Continue to do so. (Daily Sceptic – 8/2/2024)
HUSTING, Ginna & Martin ORR (2007) Dangerous Machinery: "Conspiracy Theorist" as a Transpersonal Strategy of Exclusion. Symbolic Interaction - May 30(2):127-150
HUXLEY, Aldous (1958/1990) Retour au meilleur des mondes. Plon [Paris] 155 p.
MILTON, John (1644) Areopagitica : A Speech For The Liberty of Unlicenc'd Printing, to The Parlament of England. (The John Milton Reading Room)
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PHILLIPS, Robin (2024) How the Cult of Fun is a Trojan Horse for Totalitarianism. (Salvo - 14/1/2024)
REVEL, Jean-François (1976) La Tentation totalitaire. Robert Laffont - Paris (coll. Libertés 2000) 370 p. [ISBN : 978-2253013723]
REVEL, Jean-François (1983) Comment les démocraties finissent. Grasset Paris 332 p.
SALOMON, Michel, éd. (1981) Conversation avec Jacques Attali (pp. 264-279), tiré de “ L'avenir de la Vie ”. [préf. d'Édgar Morin, coll. Les Visages de l'avenir] Seghers 432 p.
SALLUST (2024) Authoritarian Government Always Suppresses Free Speech – But the Worst Part is the Public Joins In. (Daily Sceptic - 31/8/2024)
SCHAEFFER, Francis (1976/2014) L'héritage du christianisme/How Should We Then Live? Samizdat 170 p. (Ebook)
SOLZHENITSYN, Aleksandr (1983) “Godlessness: the First Step to the Gulag”. Templeton Prize Lecture, 10 May 1983 (London)
STEINER, George (2001) Grammaires de la création. Gallimard [Paris] (collection NRF-essais) 430 p.
WATSON, Mike (2024) To Spread Democracy, You Gotta Have Faith. (Washington Free Beacon - 21/9/2024)
Dossier de presse sur le totalitarisme doux au Canada...
[1] - Même si Revel fait parfois une distinction assez arbitraire entre socialisme et communisme...
[2] - Et aux pages 314-15 de la Tentation, Revel ferme toutes les portes de sortie avec une critique non équivoque du concept de Nation-État. Ainsi le mondialisme serait la SEULE solution aux problèmes géopolitiques...
[3] - Au Québec, tous ces fonctionnaires avec la conscience morale remplacée par leur chèque de paie n'auront aucune objection, du moins dans la mesure que les chèques de paie continuent de rentrer...
[4] - N'est-ce pas le même mépris que l'on rencontre chez les francs-maçons à l'égard des non-initiés ?
[5] - Texte original : We hold these truths to be self-evident, that all men are created equal, that they are endowed by their Creator with certain unalienable Rights, that among these are Life, Liberty and the pursuit of Happiness.
[6] - Il semble que le dissident russe Aleksandr Soljenitsyne (et survivant des camps de concentration communistes) ait fait ce lien. Lors de son discours du Prix Templeton (1983), Soljenitsyne a médité sur la source de la catastrophe énorme qu'a provoquée la révolution bolchevique en Russie et fit ces observations :
Il y a plus d'un demi-siècle, alors que j'étais encore enfant, je me souviens avoir entendu quelques personnes âgées offrir l'explication suivante des grands désastres qui s'étaient abattus sur la Russie: les hommes ont oublié Dieu; c'est pourquoi tout cela s'est produit.
Depuis lors, j'ai passé près de cinquante ans à travailler sur l'histoire de notre Révolution; au cours de ce processus, j'ai lu des centaines de livres, recueilli des centaines de témoignages personnels, et j'ai déjà contribué huit volumes dans l'effort de débarrasser les décombres laissés par ce bouleversement. Mais si on me demandait aujourd'hui de formuler de manière aussi concise que possible la cause principale de la Révolution désastreuse qui a englouti une soixantaine de millions de personnes, je ne pourrais pas le dire plus précisément que de répéter: les hommes ont oublié Dieu; c'est pourquoi tout cela s'est produit.
Une chose me frappe dans ce commentaire. Soljenitsyne avait une formation en mathématiques et savait que si vous supprimez un facteur critique dans une équation, le résultat final serait radicalement différent. Les hommes n'ont pas oublié Dieu, ils l'ont plutôt éliminé de l'équation... Je pense que c'est un constat de polichinelle que d'affirmer que les élites postmodernes de cette génération n'ont pas que “oublié Dieu”. Ça dépasse largement ça. Ils ont plutôt fait tout en leur pouvoir pour l'éliminer Dieu de l'équation, c'est-à-dire en éliminant toute trace d'influence de moralité judéo-chrétienne en Occident. Ainsi, si au 20e siècle les Russes ont été aux premières loges pour voir ce que feraient les élites communistes, nous sommes désormais aux premières loges pour voir ce que feront les élites postmodernes. Mais voici une perspective intime et personnelle de la réalité d'un régime totalitaire stalinien pour ceux qui ont osé la dissidence chrétienne, c'est-à-dire le récit véridique de la vie du chrétien roumain Richard Wurmbrand;
[7] - C'est-à-dire la tentation d'un pouvoir total et illimité.
[8] - Au sujet de Davos, il ne faut pas ignorer que cette secte tolère facilement des individus avec un passé familial où figure l'influence du nazisme. C'est le cas de la vice-première ministre canadienne Chrystia Freeland (et membre du conseil d'administration du Forum économique mondial / Davos). Guy Bouliane note touchant Freeland (2022)
Selon les archives canadiennes de l'Ukraine, son grand-père était un collaborateur nazi de longue date qui gagnait sa vie en publiant de la propagande fasciste pour le public ukrainien. Une vérité historique bien documentée qu'elle a tenté de dépeindre comme de la propagande russe.
Guy Bouliane (2022) Sur les pas de son grand-père, Chrystia Freeland a été surprise en train de brandir la banderole de l'UPA, une organisation fasciste ukrainienne qui a collaboré avec l'Allemagne nazie... (3/3/2022)
[9] - Le dramaturge américain vivant en Allemagne, C.J. Hopkins, a également fait des observations très utiles sur les différents visages du totalitarisme. Le nazisme n'est qu'un exemple du totalitarisme, PAS le seul (2024) :
Not every form of totalitarianism is the same, but they share common hallmarks. Forcing people to display symbols of conformity to official ideology is a hallmark of totalitarian systems. Declaring a ‘state of emergency' and revoking constitutional rights for no justifiable reason is a hallmark of totalitarian systems. Banning protests against Government decrees is a hallmark of totalitarian systems. Inundating the public with lies and propaganda designed to terrify people into mindless obedience is a hallmark of totalitarian systems. Segregating societies is a hallmark of totalitarian systems. Censoring dissent is a hallmark of totalitarianism. Stripping people of their jobs because they refuse to conform to official ideology is a hallmark of totalitarian systems. Fomenting mass hatred of a ‘scapegoat' class of people is a hallmark of totalitarianism. Demonising critics of the official ideology is a hallmark of totalitarian systems. Instrumentalising the law to punish dissidents and make examples of critics of the authorities is a hallmark of totalitarianism.
[10] - Une note de Claude Imbert Revel l'insoumis. (Le Point – 4/5/2006) laisse entendre que mondialisme de Revel était tout à fait sincère...
[11] - Bien avant la crise du Covid les sociologues Husting et Orr firent les observations qui suivent sur l'expression équivalente en anglais Conspiracy Theorist et la stratégie de marginalisation manipulatrice qui la sous-tend (2007) :
If I call you a “conspiracy theorist,” it matters little whether you have actually claimed that a conspiracy exists or whether you have simply raised an issue that I would rather avoid. As part of the machinery of interaction, the label does conversational work (Goffman 1967) no matter how true, false, or conspiracy-related your utterance is. Using the phrase, I can symbolically exclude you from the imagined community of reasonable interlocutors (Hall 1970:21). Specifically, when I call you a “conspiracy theorist,” I can turn the tables on you: instead of responding to a question, concern, or challenge, I twist the machinery of interaction so that you, not I, are now called to account. In fact, I have done even more. By labeling you, I strategically exclude you from the sphere where public speech, debate, and conflict occur.
Ces observations sont très pertinentes touchant le comportement des élites lors de la crise du Covid. Non, ce n'est pas un hasard que les élites postmodernes ont exploité à fond cette technique manipulatrice. En somme les organismes qui ont abondamment exploité l'étiquette "complotiste" insinuent par là que la personne qui fait “certaines affirmations” ou pose “certaines questions” est hors du "consensus" et donc par ce fait à la fois discréditée et marginalisée... Une partie du pouvoir de ce mécanisme psychologique est qu'il joue sur la PEUR de la marginalisation de l'individu et d'être exclu de la sécurité du troupeau.
Évidemment, ce n'est pas un hasard que les élites postmodernes ont exploité à fond cette technique manipulatrice. Et s'il se trouve que vous ciblez (avec l'étiquette “complotiste”) des personnes déjà orientées vers le consensus, comme les bureaucrates, employés d'État ou le clergé, alors une telle stratégie sera TRÈS efficace. Une fois ciblés, ils retourneront docilement au troupeau pour éviter tout discrédit ou toute honte qui pourrait éroder leur autorité (ou réputation/carrière). Ceci dit, pour résister à la pression du conformisme (lorsqu'on est ciblé avec l'étiquette de "théoricien du complot"), l'individu doit ACCEPTER sa marginalisation ainsi que les autres conséquences possibles: érosion de la crédibilité, limitation d'accès aux ressources institutionnelles et limitation de carrière (ou mise à pied)...
[12] - Le fantôme de Nietzsche en 2024: ou Par-delà bien et mal, un compte rendu. (Samizdat – 1/1/2024)
[13] - Manoeuvre nécessaire, car à l'époque les Huguenots étaient férocement persécutés.
[14] - Et bien avant, on peut penser à Augustin d'Hippone (354-430 apr. J.-C.) avec ses Confessions qui fut la première autobiographie de l'histoire...
[15] - Et se sont alors évertués à récolter les fruits et s'en attribuer le mérite... À ce titre, on peut penser à l'intérêt de Voltaire pour les Quakers (cf. ses Lettres rédigées lors de son exil en Angleterre). Sans doute aucun dévot des Lumières ne pourrait admettre que les bénédictions politiques qu'a bénéficié l'Occident aient quelque lien avec cette déclaration de Christ : “ Si vous demeurez dans ma parole, vous êtes vraiment mes disciples; vous connaîtrez la vérité, et la vérité vous affranchira ”. (Jean 8 : 31-32) Parfois traduit, “ La Vérité vous rendra libres. ”
[16] - Je sais, je sais, les textes sacrés de l’Orient n’ont pas en général la prétention de transmettre une vérité exclusive, comme c’est le cas des textes monothéistes du Judaïsme, du Christianisme ou de l’Islam. D'autre part, si le postmoderne se dit ouvert à la religion, il rejettra avec mépris toute prétention d'une religion à une vérité exclusive et universelle. Pour le postmoderne cela relève de l'hérésie... Ce dogme postmoderne est largement diffusé avec le dicton: « Chacun a sa vérité »... Dicton au marketing très réussi, à la condition de ne pas se demander ce que vaut une vérité qui n'est valide que pour soi.