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Samizdat

Le prix de l'essence au Québec :
Reste-t-il un seul journaliste intègre ?





Georges Darveau


Au Québec, un enfant de dix ans est capable de comprendre qu'au sujet du prix de l'essence, il n'existe AUCUNE compétition et que le prix de l'essence est le résultat de collusion. Il faudrait être complètement lobotomisé pour ne pas faire ce constat. Quelque part, un petit comité intime se réunit périodiquement et décide ce que sera le prix de l'essence à la pompe pour les diverses régions de la province et dans la journée même TOUTES les stations d'essence ont synchronisé leur prix avec le montant fixé. Non seulement la collusion manifeste au sujet du prix de l'essence au Québec peut être comprise par un enfant, dans la région de la ville de Québec cette situation dure depuis au moins 30 ou 40 ans. Ça n'a rien de nouveau. Dans les années 80, il est vrai qu'il existait quelques postes d'essence indépendants qui tentaient (plus ou moins) d'offrir un peu de compétition pour le prix de l'essence, mais on a réglé ce problème. On a maté les récalcitrants. Plusieurs indépendants ont fermé boutique et les autres ont accepté la soumission aux diktats du “ petit comité intime ” (en échange d'éviter de se voir fermer le robinet des pétrolières pour leur approvisionnement).

Il est clair que ce “ petit comité intime ” exploite une stratégie psychologique pour faire accepter cet état des choses par les consommateurs, notamment en faisant des augmentations en dents de scie, plutôt qu'en ligne droite. Mais qu'est-ce que des augmentations en dents de scie ? Je m'explique, c'est que chaque grosse augmentation du prix de l'essence est suivie (un mois ou deux plus tard ?) d'une petite baisse, qui laisse respirer la population pendant un bref moment (lui permettant de s'ajuster à la nouvelle réalité), avant de déclencher une nouvelle hausse. C'est donc une logique, trois pas en avant, un pas en arrière, trois pas en avant, un pas en arrière, ainsi de suite... Évidemment ce “ petit comité intime ” fait preuve d'une créativité extraordinaire pour trouver des prétextes[1] pour justifier les augmentations de prix de l'essence, mais, chose curieuse, semble manquer totalement d'imagination pour baisser le prix de l'essence[2], même lorsque le prix du baril de pétrole brut a baissé. Dans ce cas, aucun prétexte n'est bon...

Mais voilà le truc, si on avait juste UN seul journaliste intègre au Québec, depuis longtemps on aurait dévoilé aux Québécois QUI sont les membres de ce “ petit comité intime ” qui, surtout en 2022, exploite le peuple et s'amuse à rendre la vie des Québécois si misérable (mais si rentable pour eux...). Il serait bien utile aux Québécois de savoir QUI sont les membres de ce “ petit comité intime ” afin d'exposer leurs activités aux yeux de tous, de leur demander des comptes et poser des questions sur leurs motivations. Un journaliste sérieux aurait tôt fait d'exposer la chose, car il suffirait de poser des questions aux bons endroits...

Dans les années 1990 je me souviens vaguement que le Club Automobile du Canada avait fait quelques enquêtes au sujet du prix de l'essence, mais chose curieuse, depuis que la CAA a pris une entente avec les pétrolières Irving pour offrir à ses clients des cartes bonies donnant des crédits sur les achats d'essence, tout à coup ces enquêtes au sujet du prix de l'essence ont cessé. Un hasard sans doute...

Bon, on peut se permettre de spéculer sur la composition de ce “ petit comité intime ”. Naturellement il doit impliquer les gens de toutes les grandes pétrolières actifs au Québec. Cela va de soi. Mais il y a un autre joueur qui doit inévitablement y figurer aussi, c'est-à-dire le gouvernement du Québec, car l'État québécois n'est jamais intervenu pour contrer la collusion si manifeste du prix de l'essence à la pompe. Plus le prix augmente, plus cela profite à l'État québécois. Au Québec il semble bien que 40% du prix à de l'essence à la pompe ce sont des taxes diverses. On peut donc compter sur la présence d'un agent de l'État québécois à ce “ petit comité intime ”. Non, ça ne peut être le ministre du Revenu ou même un sous-ministre, mais fort probablement un attaché, quelqu'un que l'on pourrait larguer au cas où cet arrangement à l'amiable pourrait attirer trop d'attention...

Je suis bien d'accord que mes intuitions au sujet du “ petit comité intime ” sont spéculatives. C'est d'accord. Si c'est un fait établi et patent qu'il y a collusion depuis 30-40 ans au Québec entre les joueurs impliqués à établir le prix de l'essence à la pompe, il reste à établir COMMENT cela se fait et QUI précisément est impliqué dans ce processus.

Mais voilà que la question se pose toujours : reste-t-il encore UN seul journaliste intègre au Québec qui oserait fouiller sérieusement ces questions ???


Notes

[1] - Et dans ce cas, TOUS les prétextes sont bons : accident dans une raffinerie, tensions au Moyen Orient, guerre ailleurs, pluie trop forte la veille, etc...

[2] - Et je parle ici de baisses réelles de prix, non pas de baisses symboliques, c'est-à-dire de petites variations sur une courbe toujours à la hausse.



NB: l'opinion exprimée ici n'engage que son auteur.


(section Practicos)