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Samizdat

La divinité de Jésus :
éclairages tirés d'un essai moins connu de CS Lewis.






Louis Markos (9/10/2024) -> original text: The Worldview Bulletin.

Le Jésus historique qui nous parle à travers les Évangiles fait des déclarations sur lui-même qui sont incompatibles avec celles d’un homme qui n’était qu’un simple prophète juif et rien de plus. Comme l’a si bien expliqué C.S. Lewis dans le livre 2, chapitre 3 de Mere Christianity, un homme qui a dit le genre de choses que Jésus a dites ne pouvait pas être un prophète, tout simplement. Soit il était, comme il le prétendait, le Fils éternel de Dieu, soit un fou à lier, soit le diable de l’Enfer.

L'apologiste américain Josh McDowell, en bon prédicateur, a réduit les options à trois mots commençant tous [en anglais] par la lettre L : Liar, Lunatic, or Lord (c'est-à-dire Menteur, Fou ou Seigneur). Soit Jésus était le pire blasphémateur qui ait jamais vécu (comme l’ont jugé Caïphe et le Sanhédrin), soit un fou qui devait être enfermé (comme l’a pensé sa propre famille ; voir Marc 3:21), soit le Messie promis et le Fils du Dieu vivant (comme le reconnurent et le crurent ses disciples).

Personne à l’époque n’a prétendu qu’il n’était qu’un prophète : ni ses amis ni ses ennemis n’ont avancé cette affirmation indéfendable. Plus précisément, personne n’a contesté les déclarations de Jésus. Soit ils croyaient ce qu’il disait, soit ils utilisaient ses paroles comme preuve de son blasphème ou de sa folie. Ceux qui entendaient son message l’attaquaient, le ridiculisaient ou l’adoraient. Personne n’a pensé le faire passer pour un simple prophète.

L'argument de Lewis est convaincant, mais il repose sur l'idée que Jésus a effectivement affirmé être le Fils de Dieu. De moins en moins de critiques des Évangiles peuvent prétendre que Jésus n'a pas dit les choses qu'on lui attribue (les Évangiles sont trop anciens et trop fiables dans leurs témoignages oculaires pour être considérés comme des légendes), mais plusieurs tentent encore de déformer les paroles de Jésus afin d'en éviter les implications.

Et pourtant, comme l’ont montré Lewis, McDowell et d’autres, les affirmations de Jésus ne peuvent pas être si facilement mises de côté. L’Évangile de Jean est rempli d’affirmations du type « Je suis » par lesquelles Jésus affirme son identité avec le Dieu de l’Ancien Testament, dont le nom est Yahweh (« Je suis ») : « Je suis le pain de vie » (6.35), « Je suis la lumière du monde » (8.12), « Je suis la porte [du salut] » (10.9), « Je suis le bon berger » (10.11), « Je suis la résurrection et la vie » (11.25), « Je suis le chemin, la vérité et la vie » (14.6) et « Je suis le vrai cep » (15.1).

Les affirmations de type « Je suis » atteignent leur paroxysme lorsque Jésus assure à un groupe de chefs religieux sceptiques que « Avant qu'Abraham fût, je suis » (Jean 8: 58). Le fait que les chefs religieux aient reconnu le blasphème dans les paroles de Jésus est évident dans leur réponse : « Ils ramassèrent des pierres pour les jeter contre lui » (8. 59).

Jésus se présente à maintes reprises comme la révélation de Dieu : le connaître, c’est connaître Dieu ; ne pas le reconnaître, c’est ne pas reconnaître Dieu. Ainsi, dans son dernier discours public, Jésus dit : « Celui qui croit en moi, croit non pas en moi, mais en celui qui m’a envoyé. Et celui qui me voit voit celui qui m’a envoyé » (12. 44-45). Plus tôt, il reproche aux pharisiens de ne pas le reconnaître : « Vous ne connaissez ni moi, ni mon Père. Si vous me connaissiez, vous connaîtriez aussi mon Père » (8. 19).

Le quatrième évangile montre clairement que Jésus se considère comme l’égal de Dieu, mais dans le premier évangile de Marc, qui semble moins « théologique », il en est de même. Presque dès son apparition, Jésus revendique le droit de pardonner les péchés (2. 5), un droit qui n’appartient qu’à Dieu, qui est en effet la partie lésée lorsque nous péchons. Le fait que les docteurs de la loi considéraient sa prétention blasphématoire (2. 6-7) en est la preuve.

Les enseignements de Jésus mettent souvent l’accent sur lui plutôt que sur Dieu, contrairement à ce que l’on pourrait attendre d’un simple prophète : « Car quiconque aura honte de moi et de mes paroles au milieu de cette génération adultère et pécheresse, le Fils de l’homme aura aussi honte de lui, quand il viendra dans la gloire de son Père, avec les saints anges » (8. 38). En effet, il précise clairement qu’accepter Jésus équivaut à accepter Dieu : «Quiconque reçoit en mon nom un enfant comme celui-ci me reçoit ; et quiconque me reçoit, ce n’est pas moi qui suis reçu, mais celui qui m’a envoyé » (9. 37).

D’autre part, Jésus promet que ceux qui abandonnent leur foyer et leur famille à cause de lui recevront leur récompense (10: 29-30) ; ou, plus fortement : « Car celui qui veut sauver sa vie la perdra, mais celui qui perdra sa vie à cause de moi et de la bonne nouvelle la sauvera » (8: 35).

Quand Caïphe demande à Jésus s’il est « le Christ, le Fils du Dieu béni », il répond : « Je le suis, et vous verrez le Fils de l’homme assis à la droite de la Puissance et venant sur les nuées du ciel. » En réponse, Caïphe déchire son vêtement et déclare Jésus coupable de blasphème, sentence sur laquelle tous sont d’accord (Marc 14, 61-63).

Je pourrais citer bien d’autres exemples tirés de Matthieu et de Luc où Jésus fait des déclarations qui le qualifieraient de blasphémateur ou de mégalomane s’il n’était pas, en fait, le Fils de Dieu. Je voudrais plutôt conclure en examinant trois revendications plus subtiles concernant la divinité que Lewis mentionne en passant dans un essai moins connu publié dans God in the Dock (Eerdmans, 1970) : « Que devons-nous faire de Jésus-Christ ? »

Après avoir expliqué comment la prétention du Christ à avoir l'autorité de pardonner les péchés l'identifie à Dieu, Lewis attire l'attention de ses lecteurs sur un verset facile à négliger, mais qui comporte des implications remarquables :

Il y a ensuite une affirmation qui semble un lapsus étrange. Un jour, cet homme est assis sur la colline qui domine Jérusalem et, soudain, il fait une remarque extraordinaire : « Je vous envoie sans cesse des prophètes et des sages » [Matthieu 23:34]. Personne ne fait d’observations à ce sujet. Et pourtant, tout à coup, presque par hasard, il prétend être la puissance qui, depuis des siècles, envoie des sages et des dirigeants dans le monde.

Dans l’Ancien Testament, c’est Yahweh, et Yahweh seul, qui envoie des prophètes et des sages pour enseigner et avertir son peuple. Si Jésus affirme être celui qui envoie, c’est s’identifier à Yahweh. Ce n’est pas un prophète humain qui envoie les prophètes, mais le Dieu qui les a créés. Moïse, David, Isaïe, Daniel : aucun de ces dirigeants choisis par Dieu n’aurait pu prétendre de la sorte. Aussi grands soient-ils, ce sont eux qui sont envoyés, et non Celui qui envoie.

Ces grands hommes de foi n’auraient pas fait non plus l’affirmation choquante que Lewis souligne ensuite :

Voici une autre remarque curieuse : dans presque toutes les religions, il existe des pratiques désagréables comme le jeûne. Un jour, cet homme dit tout à coup : « Personne n’a besoin de jeûner pendant que je suis ici » [Marc 2, 18-20]. Qui est cet homme qui remarque que sa simple présence suspend toutes les règles normales ? Qui est la personne qui peut soudainement dire à l’école qu’elle peut prendre congé?

Nous avons ici un homme à qui non seulement le vent et la mer obéit, mais qui revendique le droit de redéfinir la nature même de la religion juive, dont il est un fidèle adepte. Nous qui vivons de l'autre côté de Pâques, nous ne sommes peut-être pas particulièrement surpris de ces choses, mais ceux qui ont vécu à l'époque de Jésus auraient certainement reconnu le caractère radical de la prétention de Jésus à suspendre les règles en raison de sa présence dans le monde.

En soulignant ces deux versets apparemment mineurs, Lewis démontre que les prétentions de Jésus à la divinité sont omniprésentes et sous-tendent presque tout ce qu'il a dit et fait. Mais il ne s'arrête pas là. Lewis trouve ensuite une preuve de la divinité de Jésus dans quelque chose qu'il n'a dit dans aucun de ses sermons ou discours :

Parfois, les déclarations laissent entendre que Lui, l’Orateur, est complètement sans péché ou faute. C’est toujours l’attitude. « Vous, à qui je parle, êtes tous des pécheurs », et Il ne suggère jamais, même de loin, que ce même reproche puisse être porté contre Lui.

Ni Moïse (Deutéronome 32:50-52), ni David (Psaume 51:1-5), ni Isaïe (Isaïe 6:5), ni Daniel (Daniel 9:7-11) n’ont jamais prétendu être exempts de péché. Il en va de même pour les épîtres du Nouveau Testament, où Paul (1 Timothée 1:15), Jacques (Jacques 3:1-2), Pierre (1 Pierre 2:24) et Jean (1 Jean 1:8-10) se comptent tous parmi les pécheurs que Christ est venu sauver. Seul Christ, parmi les vases choisis par Dieu, se présente comme sans péché.

Si un prédicateur accusait continuellement sa congrégation de péché sans jamais admettre qu’il était lui-même pécheur, nous en conclurions qu’il était rempli d’orgueil et qu’il se trompe sur sa propre nature. Pourtant, Jésus nous apparaît dans les Évangiles comme humble et sain d’esprit : ni pharisaïque comme les pharisiens qu’il dénonçait, ni dérangé comme les démoniaques qu’il a libérés.


Cet homme était sûrement le Fils de Dieu !


Louis Markos, professeur d'anglais et chercheur en résidence à l'Université baptiste de Houston, est titulaire de la chaire Robert H. Ray en sciences humaines ; ses 22 livres comprennent The Myth Made Fact: Reading Greek and Roman Mythology through Christian Eyes, Apologetics for the 21st Century, Atheism on Trial, From Achilles to Christ et From Plato to Christ: How Platonic Thought Shaped the Christian Faith.

traduction: PG


Éditions françaises de Lewis

Voilà pour quoi je suis chrétien [traduction de Aimé Viala] Guelwiller, France: Ligue pour la lecture de la Bible, 1979. 235 p.

Dieu au banc des accusés. 1982 EBV/Sator [traduction de God in the Dock]