Les dieux de l’évangile de prospérité:

Démasquer des idoles américaines en Afrique

Dieudonné Tamfu[1] (2020 - Desiring God)

RÉSUMÉ : Le soi-disant évangile de la prospérité est une perversion de l'évangile biblique, selon lequel Jésus est un moyen d'obtenir les bénédictions de la santé, de la richesse et du pouvoir. Les prédicateurs de cet "évangile" peuvent citer la Parole de Dieu, mais la déformer pour soutenir leur fausse théologie. En sortant des passages de leur contexte, en appliquant une herméneutique naïvement littérale, en embrassant une eschatologie surréaliste et en appliquant mal leurs textes, les prédicateurs de la prospérité déforment les Écritures et exploitent ceux qui les suivent. La meilleure façon de contester la théologie de la prospérité - et de nous en protéger - est d'enseigner une théologie biblique centrée sur le Christ, qui réoriente notre vision du monde et notre désir de chérir Jésus avant tout.

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"La prospérité est la volonté de Dieu [et] le meilleur de Dieu pour vous. 3 Jean 1:2".[2]
"En l'honneur du sacrifice de Jésus, je profite du prix du sang."

J'ai lu ces mots sur un dépliant pour une conférence locale sur le thème  la "Conférence sur la prospérité: Transfert de richesse". Comme c'était sur Facebook, j'ai fait défiler les commentaires et j'ai vu que plusieurs personnes avaient écrit "Amen", ainsi que des commentaires tels que "Je me connecte à ce programme même si je ne serai pas présent au nom de Jésus". Le dépliant avait des centaines de goûts et de cœurs.

Je vis au Cameroun, où l'on ne peut échapper à l'évangile de la prospérité. J'ai récemment prêché un sermon sur la souveraineté de Dieu dans le salut lors d'une conférence baptiste. Immédiatement après avoir quitté la chaire, j'ai entendu l'orateur suivant crier : "Le plan de Dieu pour vous est le succès ! J'espère que quelqu'un a vu l'incohérence.

Récemment, j'ai rendu visite à une famille pour partager l'évangile. Quand je leur ai dit que j'avais de la fièvre et que je ne pouvais pas rester longtemps, ils se sont tous exclamés : "Un homme de Dieu, malade ? Quelques semaines plus tard, une femme m'a demandé pourquoi je suis revenu des États-Unis au Cameroun. Je lui ai répondu que j'étais revenu pour prêcher et enseigner le vieil et véritable évangile de Jésus parce qu'il y avait beaucoup de faux évangiles qui étaient prêchés. Elle m'a demandé quels évangiles j'avais à l'esprit. J'ai immédiatement senti qu'elle n'était pas à l'aise, mais avec prudence et clarté, je lui ai dit qu'il y a de faux évangiles qui promettent la richesse, la santé et le bien-être dans cette vie et qui enseignent que Jésus est le moyen d'atteindre ces fins. Pour cela, elle a présenté ce qui était pour elle un argument solide. "Jésus est devenu pauvre pour que nous devenions riches. Nous ne sommes pas censés souffrir. Dieu ne nous a pas destinés à autre chose qu'à la richesse et à la santé. La souffrance, la douleur et la pauvreté ne sont pas la part d'un vrai croyant parce que Jésus est mort pour nous acheter ces choses".

J'ai beaucoup d'autres histoires comme celle-ci. Il y en a plus que je ne peux en raconter, car il n'y a nulle part en Afrique de l'Ouest où se cacher des idoles américaines de la santé et de la richesse. Ils ont même infiltré les églises orthodoxes. Les prêcheurs qui enseignent fidèlement l'évangile ne peuvent pas entrer dans les maisons de leurs membres et éteindre les télévisions qui diffusent constamment des guérisons et des croisades miraculeuses.

Mon but est de démasquer l'évangile de la prospérité, en particulier dans sa déformation des Écritures, pour le message trompeur et désespéré qu'il est, en espérant que Dieu puisse utiliser ces mots pour protéger et guider certains sur le chemin étroit qui les éloigne des enseignements cancéreux.[3]  L'Afrique a besoin d'être nettoyée des divinités étrangères de l'Occident, la terre où la santé, la richesse et la possibilité d'être devenus des dieux.

Qu'est-ce que c'est ?
Le Collins English Dictionary affirme que l'évangile de la prospérité est "une version moderne ou, selon certains, une perversion de l'évangile selon lequel les pleines bénédictions de Dieu disponibles pour ceux qui s'approchent de Lui dans la foi et l'obéissance comprennent la richesse, la santé et le pouvoir".

Bien que la définition de Collins soit bonne, j'y apporterais quelques modifications. Le dictionnaire mentionne ceux qui s'approchent de Dieu dans la foi et l'obéissance comme les bénéficiaires de ses bénédictions, mais dans les versions de l'enseignement de la prospérité en Afrique, l'obéissance est ignorée. Ces prêcheurs prêchent rarement, voire jamais, contre le péché. Contre l'incrédulité ? Oui. Seulement parce que c'est une façon pour eux d'excuser leur incapacité à réaliser les miracles, la richesse, la santé et le pouvoir qu'ils promettent. Quand, comme des nuages sans eau (Jude 1:12), ils ne parviennent pas à délivrer, ils mettent cela sur le compte du manque de foi des autres. Ainsi, la foi est pour eux un moyen d'excuser leur incapacité. Sur la base de mes interactions avec les défenseurs de la théologie de la prospérité et les enseignants de ce sacrilège, j'ai retravaillé la définition de Collins :

L'évangile de la prospérité est une perversion idolâtre de l'évangile selon lequel Jésus est un moyen d'obtenir les pleines bénédictions de Dieu, principalement en termes de richesse, de santé et de puissance, dont disposent désormais ceux qui font confiance et obéissent à certains principes de foi prescrits par un homme de Dieu particulier.

Bien que les adhérents ne soient pas d'accord sur le fait qu'ils pervertissent l'évangile, il n'est pas nécessaire d'avoir un diplôme de théologie pour savoir que la théologie de la prospérité contient une grande divergence par rapport à la vérité biblique. Cependant, une interprétation prudente de la Bible qui prend le contexte au sérieux nous aidera à mieux identifier les erreurs de ces prédicateurs. Avant d'examiner certaines des façons dont ils interprètent mal les Écritures, demandons-nous pourquoi les prédicateurs de la prospérité les interprètent mal.

Pourquoi ?
L'un des aspects les plus dangereux de la "maladie insidieuse "[4] de la théologie de la prospérité est son appel aux Écritures. Les enseignants de la prospérité doivent habiller leur enseignement dans des vêtements conformes aux Écritures pour éviter que les adeptes ne détectent ses défauts. Ils représentent bien la représentation de l'hérésie d'Irénée :

L'hérésie, en effet, n'est jamais exposée dans sa difformité nue, de peur que, étant ainsi exposée, elle ne soit immédiatement détectée. Mais elle est habilement parée d'une robe attrayante, de manière à ce que, par sa forme extérieure, elle semble plus vraie que la vérité elle-même aux yeux des inexpérimentés (aussi ridicule que l'expression puisse paraître).[5]

Les prédicateurs de la prospérité utilisent la parole de Dieu, mais uniquement à leurs propres fins. En raison de leur manque de formation ou de leur rejet délibéré de la vérité, ils déforment la parole de Dieu pour exploiter les autres.[6]

Ces prêcheurs tordent les Écritures afin de tordre les bras de leurs adeptes pour de l'argent. Ils les déforment pour extorquer. Pourquoi écouterait-on des prêcheurs qui exploitent les autres, ou pourquoi prêcherait-on pour exploiter ? La convoitise. Les prêcheurs de la prospérité font appel aux désirs lubriques des gens. Ils séduisent avant d'escroquer. Ils savent que les gens ont un désir insatiable de biens, de santé, de pouvoir. Ils le savent eux-mêmes. C'est donc ce qu'ils offrent, et c'est ce qu'ils amassent pour eux-mêmes, laissant à leurs adeptes des désirs ardents pour les mêmes choses.

Cette offre est particulièrement attrayante pour les personnes du monde majoritaire, dont la plupart vivent dans une pauvreté abjecte. Mais elle s'adresse aussi à l'Occident riche. Qui ne veut pas être riche, en bonne santé et puissant ? Ou, dans le cas des Occidentaux, plus riches, plus sains et plus puissants ? Nous les aimons tous naturellement. Nous les chérissons. Pourquoi pas ? Ils apportent la sécurité. Donc si Jésus les obtient pour moi, je peux l'accepter.

Nous sommes tous, dans une certaine mesure, attirés par l'évangile de la prospérité. Selon Gordon Fee, il s'agit "d'une dangereuse déformation de la vérité de Dieu, un message qui ne peut finalement faire appel qu'à la déchéance humaine".[7]  Déchéance ? C'est en chacun de nous. Nous nous détournons facilement de Dieu dans la colère lorsqu'il laisse entrer la souffrance dans notre vie et nous enlève les choses que nous aimons. La convoitise est un problème humain. Nous luttons tous avec elle dans une certaine mesure, ce qui signifie que nous devons être doux pour corriger ceux qui ont été trompés.

Mais Paul charge les croyants de tuer "la convoitise, qui est l'idolâtrie" (Colossiens 3:5). La convoitise, dit-il, est terrestre, et c'est l'idolâtrie. C'est de l'idolâtrie parce qu'elle détrône Dieu et son Christ dans le cœur et couronne les choses matérielles. Les biens remplacent Dieu. Lorsque la richesse, la santé et la puissance deviennent des dieux, Dieu devient le moyen des dieux - la marque de la théologie de la prospérité. Mais une telle recherche de la santé n'apporte que la mort, la richesse, les malheurs et la puissance, la misère.[8]

Dans le Nouveau Testament, la convoitise "semble toujours impliquer une avidité humaine qui conduit à l'exploitation des autres".[9]

Il y a eu parmi le peuple de faux prophètes, et il y aura de même parmi vous de faux docteurs, qui introduiront des sectes pernicieuses, et qui, reniant le maître qui les a rachetés, attireront sur eux une ruine soudaine. Plusieurs les suivront dans leurs dissolutions, et la voie de la vérité sera calomniée à cause d’eux. Par cupidité, ils trafiqueront de vous au moyen de paroles trompeuses, eux que menace depuis longtemps la condamnation, et dont la ruine ne sommeille point. (2 Pierre 2:1-3, c'est nous qui soulignons)

Ils ont les yeux pleins d’adultère et insatiables de péché; ils amorcent les âmes mal affermies; ils ont le coeur exercé à la cupidité; ce sont des enfants de malédiction. Après avoir quitté le droit chemin, ils se sont égarés en suivant la voie de Balaam, fils de Bosor, qui aima le salaire de l’iniquité, (2 Pierre 2:14-15, c'est nous qui soulignons)

Lorsque la passion pour les choses matérielles devient dieu, Dieu et sa parole deviennent des moyens. Le mouvement détrône Jésus pour que sa parole ne devienne qu'un manuel pour mammon, un guide pour l'or, un sentier pour la forme physique et un moyen pour la force. Le ministère devient une affaire. Les prédicateurs "voient la prédication comme un moyen de gagner de l'argent. En fait, le mot grec traduit par exploit pourrait être utilisé pour désigner une transaction commerciale, comme c'est le cas dans Jacques 4:13, qui parle de personnes discutant de plans d'affaires. Pour les faux enseignants, le ministère est devenu une affaire visant à satisfaire leur convoitise".[10] L'amour idolâtre et insatiable pour les choses conduit à des distorsions grossières de la parole de Dieu. Examinons quatre exemples.

Erreur 1 : Sorti de son contexte
L'un des premiers slogans que vous apprenez au séminaire est "Le contexte est roi". Il est impossible de saisir le véritable sens d'une déclaration sans en connaître le contexte. Sans le contexte littéraire, il n'y a pas de sens du tout ; nous n'avons que des significations possibles. C'est un terreau fertile pour les faux enseignants, car il leur permet de faire passer le message qu'ils pensent que leur public veut entendre. Le pire ennemi de la fausse interprétation est le contexte. Andy Naselli affirme à juste titre à propos du contexte : "Garder à l'esprit les multiples couches du contexte littéraire vous aidera à interpréter de manière responsable. Sinon, vous risquez de vous rendre coupable d'une éisegèse risible"[11]. L'éisegèse, qui se lit dans le texte, est le don corrupteur que partagent tous les prédicateurs de prospérité. Voici quelques exemples courants.

"Vous n'avez pas parce que vous ne demandez pas" (Jacques 4:2b). Les prédicateurs de la prospérité utilisent ce verset pour apprendre à leurs disciples à "le nommer et le revendiquer". Lorsque vous lisez correctement ce verset dans son contexte, vous vous rendez compte que Jacques ne nous enseigne pas en premier lieu comment prier, mais qu'il condamne notre convoitise (Jacques 4:1-4).

"Ne vous y trompez pas : On ne se moque pas de Dieu, car ce que l'on sème, il le moissonnera aussi" (Galates 6:7). Les prédicateurs de la prospérité utilisent ce verset pour promettre à leurs disciples de plus grandes récompenses s'ils donnent de plus grandes sommes d'argent au prédicateur. Les versets suivants expliquent dans leur contexte que semer, c'est "faire le bien" et que ce que nous récoltons pour avoir fait le bien, c'est "la vie éternelle" (Galates 6:8-9). Ce verset n'a rien à voir avec l'argent.

"Le Christ nous a rachetés... afin que, dans le Christ Jésus, la bénédiction d'Abraham parvienne aux païens" (Galates 3:13a, 14a). Les prédicateurs de la prospérité utilisent ce verset pour enseigner que Dieu nous donnera les bénédictions matérielles qu'il a promises à Abraham. Cependant, si vous lisez le verset dans son intégralité, vous constaterez que Paul explique ce qu'il entend par la bénédiction d'Abraham. Il s'agit de "l'Esprit promis" (Galates 3:14b).

"S'il était riche, il s'est appauvri à cause de vous, afin que vous deveniez riches par sa pauvreté" (2 Corinthiens 8:9). Il est évident que les prédicateurs de la prospérité interprètent ce verset comme étant une question d'argent. Mais que veut dire Paul ? Quelques versets auparavant, il parle des églises macédoniennes qui se trouvent dans une "extrême pauvreté". Ils ne sont pas riches, mais Paul dit qu'ils ont une "richesse de générosité" (2 Corinthiens 8:2).

Les exemples pourraient se multiplier, car les prédicateurs de prospérité ignorent presque toujours le contexte de ce qu'ils prêchent. Une fois, je me suis rendu dans une église de la prospérité et j'ai écouté un sermon intitulé "Votre gloire perdue". La prophétesse a prêché à partir de Luc 15:8, qui dit : "Ou quelle femme, ayant dix pièces d'argent, si elle en perd une, n'allume une lampe, ne balaie la maison et ne cherche avec soin jusqu'à ce qu'elle la trouve ? À ma grande consternation, elle est entrée en scène avec un balai et a dit que nous devions balayer nos maisons spirituelles et retrouver notre gloire perdue. Elle a nommé la gloire perdue du mariage, de l'éducation et des visas. Bien que j'aie été choqué par une telle mauvaise interprétation de la parole de Dieu, j'ai été bien plus surpris par l'excitation de la foule et le nombre de personnes tombant sous son "onction". Si vous lisez le contexte de ce verset, vous constaterez que Jésus donne une parabole pour décrire la joie du ciel "sur un seul pécheur qui se repent" (Luc 15:10). Malheureusement, la prédication de ce soir-là n'a pas produit de joie céleste. Personne n'a été poussé à se repentir ; on leur a seulement appris à convoiter.

Un moyen facile de se protéger et de protéger les autres contre les faux enseignements est de lire le contexte littéraire. C'est tout. Lisez tout le chapitre de Luc. Lisez le livre de Luc en entier. Sachez ce que l'auteur essaie de vous communiquer pour ne pas être si facilement trompé.

Erreur 2 : Trop littéral
Une autre mauvaise méthode d'interprétation dans le mouvement évangélique de la prospérité est la lecture littérale du langage figuratif dans l'Écriture. On entend souvent les adeptes dire, par exemple, "Jésus est mort pour que nous puissions vivre en abondance".

Jésus a bien dit : "Je suis venu pour qu'ils aient la vie et qu'ils l'aient en abondance" (Jean 10:10). Dans le contexte, cependant, Jésus se met en contraste avec les faux enseignants qui sont comme un voleur qui "ne vient que pour voler, tuer et détruire". Si nous prenons cela au pied de la lettre, Jésus dit qu'au lieu de prendre dans nos maisons et nos trésors, il les remplira d'abondance. Cependant, devrions-nous lire ce verset littéralement ? Est-il possible que Jésus utilise un langage figuratif pour communiquer la vérité spirituelle ?

Juste avant cette déclaration, au verset 9, Jésus dit : "Je suis la porte. Si quelqu'un entre par moi, il sera sauvé et entrera et sortira pour trouver un pâturage". Puis il dit : "Le voleur ne vient que pour voler, tuer et détruire. Je suis venu pour qu'ils aient la vie et qu'ils l'aient en abondance" (Jean 10:10). Jésus utilise clairement un langage figuré au verset 9, puisqu'il n'est pas une porte littérale. Le langage du verset 9 suggère de continuer à lire l'ensemble du passage comme figuratif, auquel cas le "voleur" et la "vie en abondance" sont également figuratifs. Cette interprétation est confirmée par l'auteur lui-même, Jean, qui dit que Jésus parle métaphoriquement : "Cette figure de rhétorique, Jésus l'utilisait avec eux, mais ils ne comprenaient pas ce qu'il leur disait" (Jean 10:6). On peut donc conclure sans risque que "la vie en abondance" n'est pas littérale. Si tel est le cas, que signifie "Je suis venu pour qu'ils aient la vie et qu'ils l'aient en abondance" ?

Lorsque nous pensons au contexte, nous ne pensons pas seulement aux versets qui entourent le verset, mais aussi à l'ensemble du livre. Comment Jean utilise-t-il le mot "vie" dans tout l'Évangile ? La vie dans le livre de Jean fait presque toujours référence à la vie éternelle. Nous devons donc envisager la possibilité que la vie que Jésus décrit n'est pas présente, mais future. Dans Jean 10:10, la "vie abondante" est une riche imagerie de la vie éternelle du royaume, comme le montrent d'autres passages de l'Écriture (cf. Ésaïe 35:1-10 ; 55:12-13 ; 65:17-25 ; Michée 4:1-5 ; Zacharie 14:1-21). Bruce Milne note que cette vie abondante "est brièvement aperçue en Éden, et vue en vision dans l'Apocalypse comme une ville descendant de Dieu, la sainte demeure de Dieu avec son peuple. C'est la vie pour laquelle nous avons été créés".[12]

Erreur 3 : L'avenir maintenant
Des titres de livres comme Your Best Life Now[13], qui se vendent à des millions d'exemplaires dans le monde entier, révèlent une autre erreur d'interprétation majeure. Les prêcheurs de la prospérité ignorent le concept du "déjà, mais pas encore". Pour eux, il n'y a pas de promesses d'avenir. Le royaume des cieux est déjà venu dans sa plénitude. Nous pouvons donc avoir une santé parfaite dès maintenant. Nous pouvons jouir d'une vie sans souffrance maintenant. Certains prêcheurs de la prospérité enseignent même que nous ne mourrons pas si nous avons la foi. "La mort n'est pas votre part", déclarent-ils. C'est très gênant quand ces prêcheurs meurent.

Dans l'Ancien Testament, les prophètes ont prédit l'accomplissement de nombreuses grandes promesses lors de la venue du Christ. Dans le Nouveau Testament, nous découvrons que certaines de ces promesses s'accomplissent lors de la première venue de Jésus, tandis que d'autres s'accompliront à son retour. L'incapacité des prédicateurs de la prospérité à saisir ce concept conduit à attirer l'avenir pour le mettre dans le présent.

Erreur 4 : Mauvaise application
Après avoir interprété le sens d'un texte de l'Écriture, nous devons l'appliquer à notre vie. Si un prédicateur de prospérité fait un pas de plus vers une interprétation correcte de la signification d'un texte, il échouera probablement lamentablement dans l'application de celui-ci, un échec qui dit qu'il n'a jamais vraiment interprété correctement.

L'application de la phrase "Ne touchez pas à mon oint" (1 Chroniques 16:22 ; Psaume 105:15)[14] en est un excellent exemple. Les prédicateurs de la prospérité enseignent que vous ne pouvez pas critiquer ou parler contre eux, les "hommes de Dieu", parce que Dieu dit : "Ne touchez pas à mon oint". C'est leur application du texte, et c'est ainsi qu'ils s'élèvent. C'est une façon pour l'"homme de Dieu" de devenir plus important que le Christ lui-même. C'est ainsi qu'ils échappent même à la prison. Un prédicateur de prospérité nigérian a récemment avoué à sa congrégation qu'il avait commis un adultère, parce que sa femme avait fait de même. Mais il n'y a eu aucune conséquence ecclésiastique ou légale, car les membres de l'église craignent de toucher "l'homme oint de Dieu".[15] Dans ces églises, il est plus tolérable de parler de Christ de manière blasphématoire que de prononcer une parole contre l'homme de Dieu. Parce que l'oint ne peut et ne doit jamais être interrogé ou touché, les fidèles ne remettent jamais en question leur enseignement.

Robert Bowman examine la montée de l'usage courant de ce langage "ne touchez pas mon oint", montrant astucieusement que l'expression interdit de tuer l'oint, mais qu'elle n'interdit pas de critiquer et d'examiner leur vie et leur enseignement .[16] Les prédicateurs de la prospérité appliquent à tort ce texte afin de contrôler leurs fidèles. Leur application est erronée, car elle contredit clairement l'Écriture, qui nous commande de mettre à l'épreuve tout esprit, tout enseignement et les faux enseignants (1 Jean 4:1).

Une théologie biblique centrée sur le Christ
Étant donné que les idoles américaines de la santé, de la richesse et du pouvoir - ou l'évangile de la prospérité - se nourrissent de la mauvaise interprétation des Écritures, la seule façon de la remettre en question est de recourir à une théologie biblique solide et centrée sur le Christ. Puisque les prédicateurs de la prospérité tiennent à l'autorité des Écritures, seule l'Écriture peut et doit réfuter le mauvais usage des Écritures.[17] La théologie biblique centrée sur le Christ présente au moins trois avantages pour répondre à ce mouvement.

Tout d'abord, une interprétation centrée sur le Christ fera comprendre que la Bible ne nous concerne pas en premier lieu, mais qu'elle concerne le Christ. Si les Écritures parlent de lui (Jean 5:39 ; Luc 24:44), il doit être au centre de notre méditation, de notre prédication et de notre enseignement bibliques. Cette approche centrée sur le Christ montrera clairement que l'évangile ne concerne pas la santé, la richesse et la puissance, mais que Dieu en Christ lui-même est la bonne nouvelle. Jésus est mort pour nous amener à Dieu.[18]

Deuxièmement, une théologie biblique centrée sur le Christ transforme notre vision du monde de sorte que nous prions et aspirons à la santé, à la richesse et à la puissance uniquement si elles servent notre joie en Christ et font progresser le royaume du Christ. En grandissant dans notre connaissance du Christ et de sa parole, nous apprenons à supporter patiemment la souffrance pour la gloire de Dieu et le bien des autres.

Troisièmement, la théologie biblique permet de comprendre que la santé, la richesse et le pouvoir nous sont d'abord réservés dans la gloire, et que c'est alors Dieu, et non ses bénédictions, qui sera au centre de nos affections. Dieu ne nous donnera tout qu'une fois qu'il sera devenu tout pour nous.

J'ai récemment organisé une conférence au Cameroun sur le royaume de Dieu. Nous avons enseigné ce que toute la Bible enseigne sur le royaume de Dieu, de la Genèse à l'Apocalypse. À la fin de cette conférence, un participant m'a fait part de sa condamnation à l'égard de cet enseignement. Il s'est repenti de sa croyance en la théologie de la prospérité et a même avoué publiquement à son église qu'il les avait induits en erreur. Une telle confession publique est presque inconnue dans notre culture basée sur la honte, mais la théologie biblique centrée sur le Christ lui a permis d'être contre-culturel.

Alors que nous cherchons à aider ceux qui sont emportés par de faux enseignements, corrigeons avec douceur et patience (2 Timothée 2:24-25). Corrigeons les fausses méthodes d'interprétation. Ouvrons-leur toute la Bible afin qu'ils voient en quoi tout cela concerne Christ et le grand plan de rédemption de Dieu. Veillons aussi sur nous-mêmes, afin de ne pas nous retrouver dans le même fossé. Jésus a dit : "Prenez garde, et soyez sur vos gardes contre toute convoitise, car la vie d'un homme ne consiste pas dans l'abondance de ses biens" (Luc 12:15).