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Samizdat

Le débat sur l'usage de l'alcool
parmi les chrétiens.





Paul Gosselin (1991)

Parfois parmi les chrétiens évangéliques la question de l'usage de l'alcool vient sur la conversation. Sur un tel sujet, il est souvent difficile de trouver un terrain d'entente. Dans le texte qui suit, je voudrais examiner simplement ce qui dit la Parole de Dieu à ce sujet. Notons immédiatement que la question est délicate et aussi très sérieuse et que parmi les chrétiens deux positions s'opposent sur la question. Pour certains, on est d'avis que l'alcool n'est d'aucune utilité et que tout chrétien devrait s'abstenir d'en utiliser en toutes circonstances. Dans le deuxième cas, on est d'avis que l'usage modéré de breuvages alcoolisés est admissible et que la Parole n'en condamne que les excès. Dans les deux cas on est d'accord sur un point, c'est-à-dire que les abus d'alcool sont condamnés par la Parole, notamment par Eph. 5: 18:

Dans l'Ancien Testament, la question est traitée particulièrement dans les Proverbes, entre autres Prov. 23: 19-21:

Prenons d'abord la position prônant l'abstinence totale des chrétiens à l'alcool. Quels sont les versets les plus souvent invoqués à l'appui de cette position? Considérons d'abord les cas bibliques d'abstinence. Dans l'Ancien Testament le voeu de nazaréat en est un des exemples les plus connus et impliquait non seulement l'abstinence de tout breuvage fermenté, mais aussi l'abstinence même du jus de raisin non-fermenté et de tout autre produit dérivé du raisin.

Le grand sacrificateur aussi, avant d'entrer dans la tente d'assignation devait s'abstenir d'alcool. Lév. 10: 8-10:

Le contexte de ce verset ("... lorsque vous entrerez... ") indique assez clairement qu'il ne s'agit que d'une abstinence ponctuelle, exigée du sacrificateur seulement au moment de l'exécution de ses fonctions. Daniel et ses trois compagnons à la cour du roi Nebuchadnetsar firent aussi abstinence de vin et des mets de la table du roi (voir Dan. 1: 8-16), mais le contexte ici aussi suggère que ce n'était qu'un voeu temporaire (comme pouvait l'être le voeu de nazaréat Nom. 6: 20) dû au fait qu'ils ne voulaient pas se souiller (Dan. 1: 8). Il faut supposer que le vin et les mets du roi qu'on leur offrait étaient consacrés à divers dieux païens. Le dernier cas d'abstinence à considérer est celui des rois, en Prov. 31: 4-5 on nous indique:

Comme dans le cas du sacrificateur, le contexte suggère une abstinence temporaire visant à préserver l'efficacité du roi dans l'exécution de ses fonctions et non pas une abstinence totale ou perpétuelle. Nous appuierons cette opinion plus loin.

Outre les considérations bibliques, on fait valoir aussi, pour promouvoir la position de l'abstinence totale d'alcool, diverses statistiques concernant les accidents de la route et l'usage d'alcool. Je ne peux citer de chiffres exacts, mais je sais qu'au Québec quelque chose comme 50% des accidents sur la route sont reliés à des abus d'alcool. Un frère présent à l'assemblée (qui travaille dans les A.A.) du 25 fév. a signalé que 14% des buveurs sociaux (occasionnels) deviennent alcooliques à long terme. Ce sont des questions qui doivent être prises au sérieux, bien que les mesures à prendre face à ses questions peuvent être diverses.

Dans la lecture du point 8 à cette réunion du 25 fév. on nous a dit que la motivation derrière celui-ci était de faire valoir un principe biblique, mais comme nos pasteurs nous l'ont souvent répété "Un (ou des) verset(s) hors de son contexte n'est qu'un prétexte !" Il ne faut donc pas s'en tenir à respecter un principe biblique, mais chercher à rendre justice à la Parole de Dieu dans son ensemble ! Considérons maintenant ce que la Parole dit concernant l'usage modéré d'alcool.

Dans l'Ancien Testament nous nous apercevons bien vite que les breuvages alcoolisés faisaient partie de la vie courante et même une partie reconnu des rituels prescris par la loi juive. Par exemple, dans l'Ancien Testament j'ai noté au moins 23 instances où le rituel juif (comme en Exode 29: 40) où le sacrifice perpétuel (qui se déroulait deux fois par jour tous les jours) nécessitait une libation de vin.

Avant de pousser plus loin l'analyse, il faut résoudre un problème posé par certains adhérents à l'abstinence totale concernant la traduction des versets touchant l'usage du "vin", s'agit-il vraiment de vin alcoolisé ou seulement de jus de raisin ?? Pour ce qui est de l'Ancien Testament dont les textes originaux furent tous rédigés en hébreu on retrouve plusieurs mots hébreux qui ont étés traduits "vin". Le mot le plus fréquemment traduit par "vin" est "yayin" ( ) et c'est précisément le terme utilisé dans Ex. 29: 40. Dans l'hébreu il y a deux autres termes distincts qui désignent le jus de raisin non-fermenté dont "a-siece" ( ) qui est utilisé à quelques endroits (entre autres Es. 49: 26 et Joël 3: 18) et "tee-rosh" ( ) qui d'après la définition Strong's concernait généralement un jus non-fermenté, bien qu'à de rares occasions un vin fermenté récent. Les deux termes précédents sont traduits dans nos Bibles par vin nouveau. Dans l'Ancien Testament donc on faisait bien la distinction entre les breuvages alcoolisés et les jus non-alcoolisés.

Afin de s'assurer que le terme "yayin" désigne bien le breuvage alcoolisé (et rien d'autre) notons quelques versets où le contexte lui-même élimine toute autre possibilité. Lorsqu'on dit par exemple dans Lév. 10: 9 et Nom. 6: 3 que celui qui avait fait un voeu de nazaréat devait s'abstenir de vin, c'est le terme "yayin" qui est utilisé. Quand, dans les Proverbes, on nous dit que le vin est moqueur (Prov. 20: 1) et que ceux qui s'attardent auprès du vin... se feront piquer (Prov. 23: 30) c'est le terme "yayin" qui est utilisé. Lorsque Daniel fit voeu de ne pas boire le vin du roi (Dan. 1: 5) et que Amos critique Israël parce qu'elle a fait boire du vin aux nazaréens (Amos 2: 12) c'est toujours yayin qui est utilisé.

Qu'en est-il de l'usage de breuvages alcoolisés dans l'Ancien Testament parmi les hommes et femmes de Dieu ? Un très grand nombre de versets nous indiquent simplement que l'usage modéré d'alcool était un fait quotidien accepté. Melchisédek prit un pain et du vin avec Abraham (Gen. 14: 18), la loi admettait l'usage du vin (yayin) et des boissons fortes (shêkâr ou ), que Strong's définit comme une boisson forte très alcoolisée, lors des fêtes au moment où la dîme était apportée (Deut. 14: 24-26), Néhémie, en tant que gouverneur d'Israël, avait du vin à ses tables (Néh. 5: 18), Esther servit du vin à son mari, le roi (Esther 5: 6), il y avait des Lévites au temple chargé des réserves de vin (1Chron. 9: 29), les enfants de Job buvaient du vin (Job 1: 13, 18), on avait assez de vin en Israël au temps de Salomon pour qu'on puisse en exporter 20,000 baths... ce qui correspond à 700,000 litres (2Chron. 2: 10) et la bien-aimée servit du vins à son bien-aimé dans le Cantique des Cantiques (Cant. 8: 2). David, lorsqu'il fut enfant porta du vin et du pain à ses frères en service (1Sam. 16: 20), lors de son couronnement on a servi du vin (1Chron. 12: 39-40) et il y avait un intendant de sa cour qui s'occupait de ses provisions de vin (1Chron. 27: 27). Quant au Psaume 104: 13-15, cela vaut la peine de le citer en entier.

Dans chacun des versets cités ci-dessus, il s'agit toujours du terme "yayin" qui est utilisé. A aucun endroit dans la Parole ces actions ou comportements ne sont critiqués, même Salomon qui dit avoir livré sa chair au vin (Eccl. 2: 3) n'est critiqué directement (bien qu'il le fut pour d'autres raisons 1Rois 11: 1-13 et Néh. 13: 26).

D'autre part, Nom. 28: 7 nous indique que le sacrifice perpétuel était offert non pas avec du vin ordinaire ("yayin"), mais avec du shêkâr. Souvent on entend de la bouche de ceux qui prônent l'abstinence totale que dans la Parole le vin symbolise le mal, plus particulièrement la colère de Dieu comme dans Jér. 25: 15 ou Apoc. 14: 8, mais ceux-ci négligent de tenir compte de versets où le vin symbolise quelque chose de très positif comme la sagesse (Prov. 9: 5 et Esaïe 55: 1 - "yayin") ou la bonne nouvelle du royaume de Dieu (Luc 5: 33-39) !! Ailleurs, parmi les promesses de restauration d'Israël Amos 9: 14 déclare que les enfants d'Israël planteront des vignes et en boiront le vin ("yayin") et d'après Esaïe il y aura même du vin au repas de noces au ciel. Le terme employé là est "shemer" ( eNa ) et signifie un vin vieux. L'Ecclésiaste déclare pour sa part (Eccl. 9: 7)

Pourquoi passer tant de temps à appuyer ce point ? Tout simplement parce qu'il y a un préjugé fort répandu chez les Pentecôtistes (et parmi beaucoup d'autres évangéliques aussi) Nord-Américains (avec leur héritage Puritain) voulant que l'alcool fasse carrément partie du monde et de ses influences, un préjugé qu'on a 'spiritualisé' sans égard pour ce que peut dire la Parole à ce sujet. C'est pour cette raison que ce développement m'a paru nécessaire. Pour ce qui est de la mentalité évangélique, de voir partout des symboles maléfiques ou sataniques, au point d'en faire une superstition, vaut mieux se rappeler ce texte de Rom. 14: 14 qui nous est donné par un juif de formation pharisaïque:

Dans le Nouveau Testament le vin n'est pas mentionné très souvent, le terme grec le plus courant désignant le vin est oinos ( ) et c'est ce terme qui est utilisé dans Eph. 5: 18 condamnant l'ivresse, dans 1Tim. 3: 8 précisant de ne pas confier la tâche de diacre à un individu faisant des excès de vin et dans Tite 2: 3 avertissant que les dames âgées ne doivent pas être "adonnées au vin". Ailleurs on lit Paul qui recommande à Timothé de "prendre du vin" (1Tim. 5: 23) et que Jésus change de l'eau en vin (Jean 2: 10) il s'agit bel et bien de vin fermenté et non pas de Welch's car le terme original est toujours "oinos". On entend dire aussi de l part de ceux qui prônent l'abstinence totale que le terme grec "oinos" peut parfois être traduit par un jus non-fermenté ce qui laisserait sous-entendre que la Sainte Cène par exemple ne se faisait qu'avec du jus de raisin non-fermenté et que Jésus, en réalité, a fait du bon jus et non du vin à Cana. Afin de vider la question j'ai consulté quatre dictionnaires Grec-Français (Alexandre 1891, Bailly 1950, Bauer 1950 et Pessonneaux 1915) et tous définissent "oinos" comme vin. Bailly (1950: 1360) et Alexandre (1891: 413), par exemple, indiquent:

La petite note ajoutée par Bauer nous indique bien que les grecs avaient aussi un terme bien distinct pour le jus non-fermenté. D'autre part la Parole nous fait bien entendre que Jésus lui-même prenait du vin et cela peut être établi de manière irréfutable par Matt. 11: 19 (voir aussi Luc 7: 31-34) :

Que Jean soit venu "ne mangeant, ni ne buvant" réfère évidemment au fait que Jean était nazaréen à vie (Luc 1: 15) et ne prenait donc aucun breuvage alcoolisé. Que Jésus soit opposé à Jean dans ce contexte ne peut signifier autre chose que, lui, il était un buveur de vin. Supposer que Jésus s'abstenait aussi de breuvages alcoolisés rendrait ce verset complètement illogique. D'ailleurs, d'après Bauer (1958: 562) le terme traduit ici par buveur peut aussi se traduire par buveur de vin ou soûlard ("wine-drinker, drunkard"), ce qui ne peut laisser aucun doute.

Martin Luther, c'est bien connu, était un buveur de bière. Entre autres Luther avait un goût si bien connu pour ce breuvage, que les sacramentaires, ses antagonistes décidés, l'appelaient le "pape-bière de la Saxe" : der Sachsische Bier-Pabst. Par ailleurs, Catherine, l'épouse de Luther, comme c'était l'habitude des femmes de campagne à l'époque, faisait la bière pour son mari et ses invités. Ceci dit, cela n'empêchait pas Luther de prêcher contre les abus d'alcool cMartin Lutherhez ces concitoyens Allemands. Dans Les Propos de Table de Luther on note:

Si on se réfère à l'œuvre classique de John Bunyan, Le Voyage du Pèlerin l'usage d'alcool ne fait pas problème, mais fait partie de la vie quotidienne. On y mentionne à diverses reprises les pèlerins faisant usage de vin ou de spiritueux. Voici un exemple tiré du récit du pèlerinage de Christiana lors d'un souper chez Gaius (19?: 153)

C.S. Lewis, un auteur chrétien d'Angleterre bien connu, remarque à ce sujet: (1975: 262)

Eugene Nida, un linguiste évangélique reconnu mondialement, discutant sur le problème de la traduction d'événements bibliques d'une langue à une autre note: (1981: 50)

Un point où on peut vérifier les pratiques des chrétiens du Nouveau Testament touchant l'usage d'alcool ce sont les instructions de Paul laissés à Timothé et à Tite concernant les exigences posées pour la candidature des évêques. Fallait-il qu'ils s'abstiennent totalement de boissons alcoolisés ? La Seconde note (1Tim. 3: 3):

Que veut dire au juste "adonné" ?? La Bible Oxford (RSV) tranche la question "en faveur" de la modération (1 Tim. 3: 3):

Il peut paraître impossible de trancher la question sans aucune ambiguïté parce que dans un bon nombre de versions ces deux versets sont traduits "adonnés au vin" ou "given to wine" (ce qui pourrait donner l'impression de viser l'usage modéré d'alcool), mais si l'on regarde de plus près 1Tim. 3: 8 concernant les exigences posées vis-à-vis les diacres un petit détail de plus semble trancher en faveur de la modération. On note (version Second):

Ici on tranche directement en faveur de la modération, mais il y a le mot "aussi" qui me fait penser que ces instructions (qui suivent immédiatement celles concernant l'évêque 1Tim. 3: 1-7) s'appliquent de la même manière aux évêques, c'est-à-dire que le mot "aussi" pourrait également se traduire par "de même que" (ce qui est le cas dans la Bible d'Ostervald) ce qui implique que l'intention de Paul c'est que les évêques soient exempts des abus tout comme les diacres. La Bible Oxford et la version King James emploient le terme "likewise" à la place du mot "aussi" indiquant que les mêmes exigences s'appliquent dans les deux cas; évêques et diacres. Nous pouvons alors déduire que ce qui Paul veut dire par 1Tim. 3: 3, que les évêques ne doivent pas être "adonnés" au vin, c'est tout simplement de ne pas confier la charge d'évêque à quelqu'un qui est pris par le vin, c'est-à-dire sous l'influence... ou encore quelqu'un qui ne sais pas se contrôler... ce qui nous ramène à une idée clé de 1Tim. 3: 2 qui est traduit de différentes manières dans nos Bibles, c'est celle de la tempérance, de la sobriété et de la maîtrise de soi (on confond trop souvent, parmi nous les Nord-Américains, tempérance et abstinence. Ce ne soit pas deux synonymes !!). La maîtrise de soi s'exerce dans tous les aspects de la vie d'une personne (soumise à Christ) qui sont mentionnés par 1Tim. 3: 1-7... soient celles de ses émotions, ses préjugés, son foyer, ses appétits,... et sa consommation de breuvages alcoolisés.

Concernant les statistiques touchant l'usage de l'alcool dans le monde, tel que celles que nous a cité le frère à l'assemblée du 25 à l'effet que 14% des buveurs sociaux deviennent alcooliques, il faut poser la question suivante: Cela s'applique-t-il nécessairement aux chrétiens ? Si une étude faite par un sociologue nous révèle que le taux de suicide chez les adolescents est de 20%, faut-il se résigner à voir disparaître 20% de notre jeunesse ? Non, jamais, car nous croyons que Celui qui a commencé son oeuvre (de sanctification) parmi nous est bien capable de l'amener à terme. Se résigner d'avance à l'idée que des chrétiens faisant un usage modéré d'alcool tomberont inévitablement dans l'alcoolisme m'apparaît comme tenir pour bien peu l'oeuvre fait par Jésus à la croix. Il peut soutenir son serviteur ! De la même manière, nous devons croire alors que Dieu soutiendra les frères et soeurs qui, devant Dieu, utilisent des breuvages alcoolisés.

Je crois qu'en grande partie nos opinions sur la question de la légitimité de l'usage modéré d'alcool sont reliées de près à nos expériences passées avec ce phénomène. Dans mon cas j'ai été élevé dans un foyer catholique où il y a toujours eu dans la maison du fort, du vin et de la bière. Pourtant je n'ai jamais, de ma vie, vu mon père ou ma mère saoul. Si une telle maîtrise de soi peut être possible pour des gens non-nés de nouveau, à combien plus forte raison doit-on croire que cela puisse être possible pour ceux qui ont l'Esprit Saint ? Pour ceux qui ont vu de près des vies détruites par l'alcoolisme, qui n'ont jamais vécu auprès de quelqu'un capable d'enseigner et de donner un exemple vivant de tempérance en matière d'usage d'alcool je peux comprendre que ceux-ci puissent voir l'alcool comme une espèce de monstre dangereux avec lequel on ne peut faire aucun compromis et dont il vaudrait mieux trancher la tête le plus tôt possible,... mais il ne faut pas conclure que tous doivent voir les choses ainsi.

Ayant abordé, jusqu'ici, surtout les aspects les plus généraux de la question, tournons-nous maintenant vers des choses plus pratiques. Que dit la Parole de l'application de règles d'abstinence à des églises ? Jésus, lui-même, n'a rien dit à l'encontre de l'usage de l'alcool. Quant aux apôtres, lorsqu'ils ont écrit aux églises païennes lors du débat sur la circoncision on n'a rien exigé concernant l'usage d'alcool (Actes 15: 25-29). Paul, qui dans ses nombreuses épîtres traitant des divers problèmes des assemblées chrétiennes aurait eu d'amples occasions d'émettre des "recommandations" à l'égard de l'abstinence de l'alcool dans ces églises, mais ne l'a jamais fait. La Parole donc, ne justifie aucunement l'application d'une quelconque règle d'abstinence à une église. A mon sens l'application d'une règle d'abstinence à une église tombe carrément dans les catégories de préceptes visées par Col. 2: 16-23:

Si des chrétiens choisissent librement de s'abstenir d'alcool pour des raisons de faiblesses personnelles, de leur témoignage ou autres ceci est parfaitement justifiable. Par contre, ce qui est injustifiable ce sont des frères (profitant d'une position de leadership) qui imposent leurs pratiques ou abstinences personnelles sur autrui. Rom. 14: 2-6, 10-12 indique clairement que ces questions relèvent de la conscience de l'individu.

Rom. 14: 22-23 appui aussi l'idée que les abstinences qu'on peut s'imposer relèvent de notre conscience et de notre responsabilité personnelle.

La Parole de Dieu laisse bien entendre que dans la vie d'un chrétien qu'a l'occasion il peut devenir nécessaire d'abandonner certaines choses ou habitudes (mêmes bonnes en soi) afin d'être plus apte à faire l'oeuvre à laquelle Il nous a appelés. (1Cor. 9: 24-27)

Berry, dans sa traduction (littérale) à partir du Grec original, traduit le deuxième verset cité ci-dessus (1Cor. 9: 25) de la manière suivante:

Cette version fait bien ressortir que l'objectif des abstinences que peut s'imposer un chrétien n'est pas le développement d'un nouveau système religieux (appliqué à tous), mais une maîtrise de soi qui permet une plus grande efficacité du chrétien dans son ministère. Évidemment nous n'avons pas tous les mêmes ministères (1Cor. 12: 12) ni les mêmes faiblesses et, de ce fait, nous nous imposons pas les mêmes abstinences. Si certains chrétiens s'abstiennent de regarder la télévision, lire certaines revues, manger certaines nourritures, faire des achats dans des tabagies (afin d'éviter de rencontrer de la littérature pornographique) et même du mariage cela implique-t-il nécessairement que tous doivent faire de même? Sûrement pas.

Un point qui est d'importance secondaire est l'observation que la science médicale appuie l'idée que l'usage modéré d'alcool est bénéfique pour la santé. Entre autres, cela comporte une protection pour les crises cardiaques (voir Daleau 2001). D'autres part, les Écritures elles-mêmes font part de l'utilisation du vin pour des fins de santé. "Ne continue pas à ne boire que de l'eau; mais fais usage d'un peu de vin, à cause de ton estomac et de tes fréquentes indispositions." (1Tm. 5: 23)

La Parole prévoit-elle des églises où se côtoient abstinents et non-abstinents ? Oui, effectivement, et elle pourvoit aussi (dans le contexte de la discussion autour des viandes et breuvages offerts aux idoles) des directives qui s'appliquent aux deux groupes. Rom. 14: 13-20 nous averti:

1Cor. 10: 23-24, 29-32 indique:

Si l'on parcourt les épîtres de Paul concernant la coexistence des frères faibles et forts l'on se rend vite compte que la grande part du poids de la responsabilité porte sur le frère 'fort' (qui ne doit jamais oublier 1Cor. 10: 12). Celui-ci doit penser à son frère faible, a ne pas user de son privilège de manière à le faire tomber (outre les versets déjà mentionnés voir aussi Rom. 15: 1; 1Cor. 8: 9-13). Aux frères faibles la Parole demande qu'ils s'abstiennent de juger leurs frères qui marchent autrement qu'eux (Rom. 14: 2-6). Concernant la notion de 'faire attention pour un frère faible' il faut signaler que parmi nous cette idée peut parfois être abusée. 1Cor. 8: 10 dit aux forts:

Le contexte nous indique bien que l'action du fort affecte directement le faible. Il le voit. Dans sa vie privée, dans son foyer, le fort doit veiller afin de ne pas blesser la conscience d'un frère faible, mais lorsque celui-ci n'est pas présent physiquement le fort peut user de son privilège sans être inquiété. Trop souvent des frères n'ayant jamais eu de problèmes avec l'alcool, mais qui ont la démangeaison d'imposer l'abstinence sur d'autres abusent de ce principe en invoquant un "frère faible" omni-présent (un peu comme le Big Brother d'Orwell) afin d'imposer leur point de vue à un frère sans aucune autre raison valable. Cela n'est rien d'autre que du phariasianisme !! Il faut avoir de la compassion pour des frères faibles qui ont eu par le passé de vraies difficultés avec l'alcool, mais on a pas à encourager la paranoïa ! Chez certaines personnes cette volonté d'imposer aux autres ses propres disciplines semble résulter d'une espèce d'intolérance. Une incapacité d'accepter que d'autres chrétiens puissent s'établir des règles de vie différents des siens. Au fond, ils vivent une certaine insécurité touchant leur position et cela les rend mal à l'aise de voir que d'autres font pas la même chose qu'eux. C'est pourquoi, ils se sentent rassurés s'ils peuvent imposer leur position à d'autres. Parfois cela peut prendre très longtemps avant d'apprendre la leçon enseignée par (Rom. 14: 4-7)

Pour certains la réalisation que l'interdiction de boire l'alcool ne s'applique plus nécessairement à eux, peut avoir l'effet d'une euphorie étourdissante. Un peu comme un veau qui sort de l'étable au printemps qui, découvrant les grands espaces pour la première fois, se met a courir et à faire des sauts. C'est un nouveau pays à découvrir. De même qu'une personne peut avoir été contrainte dans ces appétits pendant un long moment par un légalisme étouffant (le sien ou celui des autres), il se peut qu'en rejetant ce légalisme il risque d'aboutir dans de nouvelles difficultés. Il ne faut pas être naïf au point de croire que cette liberté est sans danger. Allez auprès d'un alcoolique (ou des ces proches, s'il lui en reste…) pour savoir quelle dévastation l'alcoolisme peut amener. Ce n'est pas une chose à prendre à la légère.


Quelques considérations pratiques:
Une question fondamentale dans tout aspect de la vie chrétienne c'est d'avoir une vie de prière et de lecture de la Parole stable, car c'est la réalité de cette relation qui est testé dans la maîtrise de soi. Lorsque vient la tentation dans la vie d'un chrétien (que ce soit au niveau sexuelle, alcool, matérialisme, etc.), ce n'est jamais par nos propres forces que nous tenons debout devant le tentateur et l'ennemi de nos âmes, car à ce moment la réalité de notre état spirituelle est révélé, soit notre force, ou pour notre honte, notre faiblesse. Bien des illusions et des paroles de "foi" grandioses tombent dans ces testes. Le psalmiste nous montre bien la voie à suivre, ce qui est la source du caractère de l'homme de Dieu:

Initialement, je crois qu'il faut être prudent. Sur le plan individuel, moins on a eu d'exemples de maîtrise de soi dans la domaine de la consommation d'alcool à son jeune âge, plus il faut être prudent. Avec qui boira-t-on ? Avec une personne qui contrôle mal ses pulsions ou avec quelqu'un qui se contrôle ? Faut y songer. Quand boire ?? Vaut mieux boire seulement dans le contexte d'un repas, car au fond, l'alcool c'est un breuvage. Éviter les occasions à boire qui sont uniquement sociales comme accepter de boire un coup dans une brasserie ou dans un bar (ou autre endroit "consacré", si on peut dire, uniquement à la consommation d'alcool). Ça ne veut pas dire ne jamais manger dans une brasserie, mais d'éviter d'y aller avec comme seul but de prendre une consommation alcoolisée. Ça pourrait devenir une habitude. Lorsqu'on fait de la consommation de l'alcool, un activité en soit, il y a peut être un problème. Il faut savoir reconnaître que si certaines situations vous conduisent à dépasser vos limites, vaut mieux le noter immédiatement et les éviter par la suite. La parole nous avertit bien solennellement…

En dehors de ces considérations, je n'ai plus rien à dire concernant la Parole et l'usage modéré d'alcool. Je crois avoir démontré que l'usage modéré d'alcool est bel et bien une alternative biblique et qu'elle peut être pratiqué par une bonne part des membres de nos assemblées sans risque. Je peux très bien comprendre que d'un point de vue de gestion pastorale qu'il soit très tentant de 'trancher' la question en exigeant l'abstinence totale des membres de l'assemblée... plus de problèmes, ou du moins, moins de problèmes, mais ça me semble simpliste. Ça me semble simpliste pour une bonne raison. Si la Parole prévu l'usage modéré d'alcool c'est que Dieu a sûrement prévu la grâce (et le "gros bon sens" !) afin de soutenir ces serviteurs dans cette voie. Il faut donc mettre de côté nos préjugés dénominationnels et voir comment une telle situation peut se vivre en pratique. Il serait fort utile, je m'imagine, de s'informer auprès de frères et soeurs en France et en Allemagne afin de voir comment on vit la coexistence abstinents - non-abstinents chez eux. Ce n'est pas mauvais non plus que nos pasteurs nous fassent réfléchir à l'occasion avec des sermons sur les problèmes qu'engendrent les abus de l'alcool en autant qu'on évite le légalisme.

Reconnaissant le sérieux de la question de l'usage de l'alcool parmi les chrétiens je serais d'accord qu'on inclut un point dans la liste des critères d'admission concernant cette affaire afin de faire réfléchir les candidats sur leur position personnelle face à l'usage de l'alcool. Voici ce que je propose à la place du point B.

Recommandation: Nous proposons que les personnes ayant eue, par le passé, des problèmes avec l'alcool considèrent sérieusement l'abstinence totale à d'alcool. Ils devront pouvoir démontrer qu'ils vivent (6 mois - 1 an ?) sans abus d'alcool. En général, dans les cas d'alcoolisme, l'abstinence totale s'impose comme seule solution. En ce qui a trait aux personnes n'ayant jamais fait d'abus fréquents d'alcool nous exigeons qu'ils veillent sur eux-mêmes afin d'éviter de faire usage de boissons alcoolisés devant un frère ou soeur ayant une faiblesse de ce côté.

En termes pratiques, cette recommandation pourrait être communiquée aux candidats (2, 3 semaines, 1 mois ?) avant qu'ils ne signent leur déclaration d'adhésion au Carrefour et l'on pourrait exiger d'eux qu'ils signalent, au moment de leur signature, quelle pratique ils adoptent. L'objectif étant ici de provoquer une prise de position de la part du candidat (en fonction de sa situation, ses faiblesses ou forces, son environnement social, etc…) devant sa conscience et devant Dieu, sans toutefois exiger que cette prise de position soit en faveur de l'abstinence (ou de la modération), bien que ce soit les seules alternatives bibliques possibles.

A mon avis une très bonne part des abus d'alcool peuvent être éliminés dans un milieu chrétien si les enfants apprennent, assez jeunes, à expérimenter dans leur foyer sous surveillance parentale (évidement) l'usage modéré d'alcool. Déjà ils sauront reconnaître leur 'limite' et sauront quand s'arrêter avant qu'il ne soit trop tard. Un individu ainsi équipé saura alors, je crois, beaucoup mieux se contrôler qu'un autre qui aura appris à boire avec sa bande de copains dans les 'partys' d'étudiants, de bureau ou dans les bars ou tavernes où les abus sont ouvertement encouragés. A mon sens l'initiation à l'usage d'alcool constitue une responsabilité bien paternelle et il faudra peut être envisager (à long terme) un cours ou une conférence pour les pères à cet effet. Je présuppose ici évidemment que les deux parents savent contrôler leur usage d'alcool. Si ce n'est pas le cas, alors pas la peine d'initier les enfants dans ce contexte.

Je ne me leurre pas à croire que l'admission de l'usage modéré d'alcool réglera tous les problèmes, il y en aura inévitablement (Matt. 18: 7), mais la Parole ne nous enseigne pas d'inventer des règlements afin de faire disparaître des problèmes du coeur humain, mais nous conduit à apprendre à appliquer les procédures prescrites par Jésus lui-même dans Matt. 18: 15-20 lorsque les cas d'abus se présentent et les prendre un à un !




Bibliographie






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Bunyan, John Bunyan's Complete Works (vol. I) 19? 414 p. + 350 p.
Le Voyage du Pèlerin en Ebook

Laimonis Gailis, Julie Lamarche, Sophie Boudriau, Mohamed Chahine, and Pascal Daleau;
Ethanol delays and reverses lysophosphatidylcholine-induced calcium overload in neonatal rat heart cells
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Luther, Martin Les Propos de Table de Martin Luther.
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Pessonnaux, Emile Dictionnaire Grec-Français.
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Strong, James Strong's Exhaustive Concordance.
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(+ annexes)

Bible (version Second)
Société Biblique 1910(74) 1277p.

La Sainte Bible (version d'Ostervald)
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Holy Bible (King James Version)
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The New Oxford Annotated BIble (R. S. V.)
Oxford U. Press New York 1973 1564p. (+ annexes)



NB: à moins d'indication contraire, toutes les citations de la Bible sont de la version Second.