Marc Hébert
Introduction
Il y a différentes écoles de pensée pour l'interprétation des chapitres 1 à 3 de Genèse. Il y a les approches littérale, allégorique, mythique, littéraire, etc. Chacune a ses défenseurs et ses contradicteurs, avec des arguments détaillés, élaborés à partir de divers pré-supposés, comme l'inspiration ou non de la bible, et faisant intervenir différentes disciplines, notamment la connaissance de la langue hébraïque, l'archéologie, les théories scientifiques, etc..
Comment un simple chrétien (comme moi), qui n'est pas un érudit, peut-il interpréter ces chapîtres de Génèse avec assurance? Doivent-ils être interprétés littéralement, allégoriquement ou autrement? L'enjeu est considérable au niveau de la foi et peut influencer notre compréhension des doctrines fondamentales du christianisme comme le péché, le salut et la personne de Jésus.
Si l'on doit se confier dans des hommes pour comprendre le sens de Genèse 1-3, je préfère me confier dans la personne des apôtres (Éph 2:20) et des écrivains du Nouveau Testament (Lc 1:3). Comment ces hommes, et le Seigneur Jésus qu'ils ont cité, interprétaient-ils Genèse 1-3? Je considère leurs méthodes d'interprétation bien plus crédibles que celles des érudits modernes qui se contredisent continuellement dans le temps et dans l'espace. Voilà mon point de repère, mon fondement, mon à priori si on veut.
J'ai donc porté mon attention sur les épîtres, car elles ont généralement un style littéraire didactique, plus “occidental”, plus objectif, moins figuré, et plus proche de mon mode de pensée (donc moins sujet à interprétations de ma part). Cependant, afin de restreindre l'ampleur de ce travail, je me limiterai principalement aux épîtres de Paul ou à ses exposés dans le livre des Actes selon la bible Louis Second, Nouvelle édition de Genève ou édition “ à la Colombe ”, avec une emphase sur les personnages de Genèse 1-3.
Adam
Ro 5:14 Cependant la mort a régné depuis Adam jusqu'à Moïse, même sur ceux qui n'avaient pas péché par une transgression semblable à celle d'Adam, lequel est la figure de celui qui devait venir.
1Co 11:8 En effet, l'homme n'a pas été tiré de la femme, mais la femme a été tirée de l'homme;
1Co 11:9 et l'homme n'a pas été créé à cause de la femme, mais la femme a été créée à cause de l'homme.
1Co 15:22 Et comme tous meurent en Adam, de même aussi tous revivront en Christ,
1Co 15:45 C'est pourquoi il est écrit: Le premier homme, Adam, devint une âme vivante. Le dernier Adam est devenu un Esprit vivifiant.
1Ti 2:13 Car Adam a été formé le premier, Eve ensuite;
1Ti 2:14 Adam n'a pas été séduit, mais la femme, séduite, s'est rendue coupable de transgression.
En Rom 5 et 1 Cor 15, Paul établit clairement un lien logique, quant au sort de l'humanité, entre un homme et un autre, soit Adam et Jésus (celui qui devait venir, le dernier Adam). Adam est donc un homme au sens le plus littéral possible du terme, comme l'est Jésus. D'ailleurs, Adam est aussi comparé à un autre personnage historique : Moïse.
Pour ce qui est de la création d'Adam, Paul réfère littéralement à Gn 2. L'analyse des paroles de Paul ne laisse pas de place à l'idée d'un sens autre que littéral pour la personne d'Adam et la façon dont il a été créé ou formé.
Ève
2Co 11:3 Toutefois, de même que le serpent séduisit Ève par sa ruse, je crains que vos pensées ne se corrompent et ne se détournent de la simplicité à l'égard de Christ.
1Co 11:8 En effet, l'homme n'a pas été tiré de la femme, mais la femme a été tirée de l'homme;
1Co 11:9 et l'homme n'a pas été créé à cause de la femme, mais la femme a été créée à cause de l'homme.
1Ti 2:13 Car Adam a été formé le premier, Ève ensuite;
Paul fournit encore une fois pour Gn 2 une interprétation littérale, et non équivoque, de la personne d'Ève, et de sa formation à partir d'Adam.
Le Serpent
2Co 11:3 Toutefois, de même que le serpent séduisit Ève par sa ruse, je crains que vos pensées ne se corrompent et ne se détournent de la simplicité à l'égard de Christ.
1Ti 2:14 Adam n'a pas été séduit, mais la femme, séduite, s'est rendue coupable de transgression.
Ro 16:20 Le Dieu de paix écrasera bientôt Satan sous vos pieds. Que la grâce de notre Seigneur Jésus-Christ soit avec vous!
Paul ne mentionne qu'une fois le mot serpent en allusion à Genèse, soit en 2 Cor 11:3 “le serpent séduisit Ève”. Il ne dit cependant pas qu'elle est la nature du serpent. Mais en lisant le contexte de ce passage, on voit bien le parallèle que fait Paul entre Ève et le serpent, d'une part, et entre les corinthiens et Satan, d'autre part.
On peut donc assez facilement conclure que derrière le mot Serpent, il y a la personne de Satan. À l'inverse, il n'y a aucune indication de Paul qu'il y ait un serpent animal (possédé) comme le nécessiterait une interprétation strictement littérale de Genèse. D'ailleurs, Paul ne dit pas qu'il y avait un serpent, il dit : “le serpent” en utilisant un article défini et singulier. Or, on sait que Paul n'hésite pas à échafauder son interprétation de Genèse sur l'emploi d'un article, plutôt que d'un autre (Ga 3:16). D'ailleurs, il s'agissait d'un serpent bien spécial, puisqu'il était doté de la parole (et de l'ouïe).
En fait, Paul déclare en Rom 16:20 que Satan sera écrasé sous les pieds (comme annoncé au serpent en Gn 3:15).
Maintenant quelle serait la raison de l'utilisation symbolique du serpent en Genèse pour figurer Satan? Est-ce la ruse, la dangerosité du serpent, le fait qu'il s'agisse d'un animal impur, et même possiblement sujet aux possessions démoniaques à l'instar des cochons (Mc 5 :12), est-ce la forme visuelle sous laquelle se manifesterait les anges déchus (serpents, dragons, scorpions, voir Ap 12 :9)? Paul ne le précise pas.
Chérubins
Les chérubins sont mentionnés à la fin de Gn 3 comme étant des sortes de soldats devant empêcher que l'homme se nourisse des fruits de l'arbre de la vie. Dans le Nouveau-Testament, on ne retrouve la mention des chérubins qu'en Hé 9:5, qui dit que “Ce n'est pas le moment de parler en détail là-dessus”. On ne connaît donc pas la pensée de Paul (auteur possible de l'épître aux hébreux) à ce sujet. Mais rien n'indique qu'il s'agisse de symboles. Paul d'ailleurs semble mieux que quiconque connaître la diversité des êtres spirituels (Éph 6:12). On doit donc à mon avis pencher dans le sens qu'il s'agit d'êtres personnels, non humains, distincts de Dieu, et non pas des symboles.
Les arbres
Paul élabore peu sur les animaux et les plantes et ne fait pas mention des arbres en Éden. Il ne nous éclaire donc pas sur l'arbre de la connaissance du bien et du mal. Cependant, il dit en 1Tim 4:4, en parlant des aliments : “... tout ce que Dieu a créé est bon, et rien n'est à rejeter, pourvu qu'on le prenne avec actions de grâces...” . Doit-on supposer que cela contredit l'idée de la littéralité du fruit de la connaissance du bien et du mal, puisqu'il s'agirait d'un aliment “pas-bon”? C'est possible, mais ce n'est pas clair.
En fait, quand Paul parle d'Adam et Ève, de leur séduction et de leur péché, il n'en précise pas la nature. Il ne dit pas : “ils ont mangé ceci ou cela”. Qu'elle est donc la “transgression semblable à celle d'Adam” mentionnée dans sa lettre aux Romains? Paul ne le dit pas. Soit que c'est évident pour ses premiers destinataires, soit qu'au contraire il préfère ne pas s'aventurer sur l'interprétation de Genèse. Adam et Ève ont péché, c'est là le point important pour Paul.
La création de l'univers
Paul parle abondamment de la création et du Dieu créateur. Je me limite ici seulement à deux versets.
2 Cor 4:6. Dieu, qui a dit: La lumière brillera du sein des ténèbres! a fait briller la lumière dans nos coeurs pour faire resplendir la connaissance de la gloire de Dieu sur la face de Christ.
Heb 11:3. C'est par la foi que nous reconnaissons que l'univers a été formé par la parole de Dieu, en sorte que ce qu'on voit n'a pas été fait de choses visibles.
Paul n'indique pas un sens figuré à la lumière mentionnée en Gn 1:3. Cette lumière serait la contre-partie visible de la lumière invisible (dans les coeurs), la vérité. Paul se sert ici du concret pour exprimer l'abstrait, par analogie. Il y aurait donc une lumière réelle et visible en Gn 1:3, qui est le type d'une lumière spirituelle. Et tout cela vient de la Parole de Dieu. Paul a d'ailleurs expérimenté ces différents aspects de la “lumière” sur la route de Damas et lors de sa conversion (Ac 9). Paul réitère également qu'en Gn 1 “ Dieu a dit ”, sans laisser sous-entendre une interprétation autre que littérale de cette description de l'activité de Dieu.
Autres thèmes de Genèse abordés par Paul
Pour Paul, l'union conjugale décrite en Gn 2:24 est à prendre au sens strict (Éph 5:31 et 1Cor 6:16). L'homme doit s'attacher à sa femme (et non pas avec une prostituée) pour devenir avec elle une seule chair. Il y a un sens littéral à Gn 2:24, décrit par un euphémisme, qui n'en est peut-être pas un, c'est-à-dire “devenir une seule chair” (acte conjugal).
De façon connexe, la pudeur fait aussi l'objet d'exhortations par Paul, comme en 1Ti 2:9 “Je veux aussi que les femmes, vêtues d'une manière décente, avec pudeur...”. Pas de doute, la nudité n'est plus de mise, sauf évidemment dans la relation conjugale. On peut donc croire que pour Paul la nudité en Genèse et le besoin de se vêtir (avec des peaux de bêtes ou autrement), est à prendre au sens propre.
Paul parle aussi des “douleurs de l'enfantement” en Rom 8:22-23 “Or, nous savons que, jusqu'à ce jour, la création tout entière soupire et souffre les douleurs de l'enfantement. Et ce n'est pas elle seulement mais nous aussi, qui avons les prémices de l'Esprit nous soupirons en nous-mêmes, en attendant l'adoption, la rédemption de notre corps.”.
Paul réfère vraisemblablement à Gn 3:16 dans un parallèle création déchue - nouvelle création. S'il utilise une analogie en comparant les douleurs de l'accouchement par la femme (en Gn 3:16) et les douleurs du corps avant la résurrection, Paul met indirectement en évidence la littéralité de la malédiction relative à l'enfantement mentionnée en Gn 3:16 (et la promesse de la rédemption).
Paul réfère à d'autres thèmes de Genèse comme l'image de Dieu, le péché et la mort. Mais j'arrêterai ici mon analyse de la façon dont l'apôtre interprète Gn 1-3 dans ses écrits.
Conclusion
En général, on peut constater que, dans la pensée de Paul:
Cependant, Paul ne précise pas ce qu'est le péché originel, ni la nature des 2 arbres en question, ni les fleuves en Éden.
Cela m'amène donc, dans mon exégèse, à considérer d'abord le sens littéral de Genèse 1-3, puis considérer en deuxième possibilité un sens figuré à certains passages, si le sens littéral est contredit par un autre texte biblique. Par exemple, la littéralité des fleuves en Genèse (du moins leurs noms) semble logiquement incompatible avec la littéralité d'un déluge universel. Or, l'apôtre Pierre met en évidence l'idée d'un déluge global (1Pi 3 :20). L'apôtre Jean indique pour sa part que le Serpent ancien n'est nul autre que Satan (Ap 12 :9)
Avec ce procédé à l'esprit, l'interprétation de Genèse sera plus facile, bien qu'il reste certaines difficultés. Néanmoins, il me semble impossible de voir en Génèse une quelconque “ évolution de l'homme ”. La seule transformation littérale qui nous y est montrée est celle de la poussière de la terre pour faire Adam, puis la transformation d'une côte d'Adam pour générer Ève, par une action spéciale de Dieu. Si la création d'Ève a été faite rapidement et sans “ chaînon ” intermédiaire, il en va de même pour la création d'Adam à partir de la terre. C'est en raison de cette évidence que la bible a été mise en cause par les tenants de l'évolutionnisme. Il y a en effet une incompatibilité profonde et évidente entre la vision du monde de Paul, de la bible et celle de l'évolutionnisme athée ou théiste.