Paul Gosselin
Remarque: Ces préjugés ou attitudes, ne se rencontrent que rarement, dans les Credos ou les Déclarations de foi des églises évangéliques mais à l'occasion elles peuvent êtres affirmés de manière tout aussi dogmatique. Dans les lignes qui suivent l'attention est surtout accordée aux attitudes touchant la musique chrétienne mais on pourrait facilement traiter d'autres moyens d'expression artistiques dans les mêmes termes. L'ordre des préjugés notés ici n'a rien à voir avec leur statut ou leur popularité.
Préjugé no 1: La musique chrétienne doit servir à la louange, sinon à l'évangélisation! (Et si c'est pour l'évangélisation, elle doit comporter les quatre points du salut).
Ce préjugé est un des plus ancrés que l'on puisse rencontrer en milieu évangélique. Mais d'où vient-il? Que la musique chrétienne puisse servir à la louange n'est certes pas contraire à la Parole de Dieu et l'on peut trouver d'abondants exemples à ce sujet, dans les Psaumes évidemment, mais aussi ailleurs dans la Parole de Dieu. Mais quel verset peut-on citer pour appuyer que la musique chrétienne doive servir à la louange et qu'il s'agit d'une règle absolue ? Il n'y a aucun verset qui l'exige. Pour ce qui est d'utiliser la musique chrétienne pour l'évangélisation[1], 'on est déjà en terrain moins sûr. Où sont les versets pour justifier cette attitude ? Des versets qui décrivent par exemple un apôtre qui évangélise avec un musicien ou encore à l'aide d'un instrument de musique, il n'en existe pas. Réfléchissons, Jésus lui-même a-t-il prononcé même un seul sermon décrivant en détail tous les quatre points du salut ?
Ce sont des questions intéressantes sans doute, mais il faut examiner la question de fonds. Où est-il indiqué dans la Parole de Dieu que la musique chrétienne doit servir uniquement deux objectifs: louange ou évangélisation ? Où est-il indiqué qu'elle ne peut avoir d'autres fonctions ? Aucun verset dans la Parole de Dieu n'établit de telles restrictions. Il y a donc tout raison de croire que c'est à ce genre de restriction que se réfère les commentaires de l'apôtre.
"Si vous êtes morts avec Christ aux rudiments du monde, pourquoi, comme si vous viviez dans le monde, vous impose-t-on ces préceptes: préceptes qui tous deviennent pernicieux par l'abus, et qui ne sont fondés que sur les ordonnances et les doctrines des hommes? Ils ont, à la vérité, une apparence de sagesse, en ce qu'ils indiquent un culte volontaire, de l'humilité, et le mépris du corps, mais ils sont sans aucun mérite et contribuent à la satisfaction de la chair."
(Colossiens 2: 20-23)
Pour démentir ce préjugé voulant que la musique chrétienne doive servir à la louange sinon à l'évangélisation, il suffit d'examiner les Écritures elles-mêmes pour voir que cette attitude n'a pas sa source là. On constate que le sujet des chants dans la Bible est très varié. Toute la gamme des expériences et des émotions humaines y trouve son expression. Voici un petit nombre d'exemples de thèmes qui apparaissent dans la Parole.- un chant de victoire militaire (Exode 15: 1-21) - une chanson d'amour (parfois érotique) entre un homme et une femme mariée (Cantique des cantiques)- une complainte (Psaumes 44, 88 et 137)- une lamentation (Lamentations)- un récit d'aventures en mer (Psaume 107: 23-32)- un chant funèbre et sur l'amitié (2Samuel 1: 17-17)- une étude en sciences naturelles (Psaume 104: 5-30)- un discours sur les conflits sociaux (Psaume 109: 2-20)- une réflexion sur la mort (Psaume 116: 3-15)- une réflexion sur l'obéissance à la Loi (Psaume 119)- un cri pour du secours (Psaume 70)- un chant de repentance (Psaume 51)- le sarcasme visant une divinité païenne (1Rois 18: 27; Esaïe 44: 9-20)- le sarcasme visant des autorités religieuses (Matt. 23: 27)- de l'ironie (1 Rois 22: 15; Luc 24: 18-19a)Sur le plan thématique, que nos artistes chrétiens puisent donc dans les eaux du plein conseil de la Parole de Dieu plutôt que dans les citernes crevassées des traditions religieuses!
Préjugé no 2: "Mais c'est de la musique du monde!"(sous-entendu: "il existe des formes de musique qui ne sont pas de Dieu")
C'est une question légitime, mais les gens qui tentent de défendre les nouvelles formes de musique chrétiennes vont souvent se justifier par les paroles des chansons. Trop souvent, hélas, lorsque des évangéliques discutent de la musique rock par exemple, on se perd dans des débats interminables sur les messages subliminaux (le "backward masking", notion bien-aimée de nos colporteurs de conférences sur la musique rock) et sur la vie débauchée de tel ou tel artiste (chrétien ou incroyant) et sur des symboles sataniques que l'on croit avoir découverts. Mais avant de pousser plus loin toute discussion, il faut d'abord mettre de côté ces questions secondaires et poser la question fondamentale. D'un point de vue biblique, existe-t-il une musique mondaine ou satanique ? Retrouve-t-on ces catégories dans la Bible ? Rencontre-t-on dans la Bible la notion d'une musique mondaine ?
Si on prend une concordance et l'on cherche dans la Parole la réponse est simplement NON!! Rien dans la Parole appuie l'idée qu'il existe des moyens d'expression artistiques (soit, musique, théâtre, peinture, etc.) qui soient sataniques voir même suspects. Par contre la Parole nous indique que c'est bien du cœur de l'homme que sort toutes les méchancetés et si un moyen d'expression est utilisé pour promouvoir l'avarice, l’adultère, la haine ou d'autres formes d'immoralité, le problème n'est pas dans le moyen d'expression mais bien dans le cœur de la personne qui utilise (et abuse) ce moyen d'expression.
Bien qu'on ne rencontre nulle part dans la Bible la notion d'une musique mondaine, il est peut-être instructif de noter que l'on rencontre de telles notions dans la philosophie païenne ! Platon (428 - 347 av. JC), dans son œuvre qui porte le titre la République (sous forme de dialogue), remarque ce qui suit sur certains rythmes (ou formes musicales) (1967: 151-152)
"Sur ce point, dis-je, nous consulterons Damon et nous lui demanderons quelles sont les mesures qui conviennent à la bassesse, à l'insolence, à la folie et aux autres vices, et quels rythmes il faut laisser pour leurs contraires. Je crois l'avoir vaguement entendu prononcer les noms d'énoplien composé de dactyle, d'héroïque, mais je ne sais quel arrangement il donnait à ce dernier rythme, (...)
Mais voici un point que tu peux trancher, c'est que la grâce et le manque de grâce dépendent de l'eurythmie et de l'arythmie.
Sans doute.
Mais le bon et le mauvais rythme suivent et imitent l'un le bon style, l'autre le mauvais, et pour la bonne et la mauvaise harmonie, il en est de même, si le rythme et l'harmonie se conforment aux paroles, comme nous le disions tout à l'heure, et non les paroles au rythme et à l'harmonie.
Assurément, dit-il, ils doivent s'accorder aux paroles."
Préjugé no 3: "Mais ça ne me conduit pas dans la louange!"
(sous-entendus: "et si ça ne me conduit pas dans la louange c'est la faute de la musique" et "il faut que toute musique chrétienne ait comme thème la louange.")
Mais on peut répondre simplement à cette personne: "Comment ne sais-tu pas si le problème ce n'est pas toi, plutôt que la forme de musique que tu critiques ?" Pour ce qui est de l'idée que toute musique chrétienne doit conduire à la louange, il suffit de poser la question: "D'où vient cette idée ?" Certainement pas de la Bible car il suffit de lire les Psaumes 44 ou 88 pour s'en convaincre. Dans le Psaume 44 par exemple, l'auteur vide son cœur devant Dieu en se plaignant de l'inaction de la part de Dieu et dans Ps. 88, il ne se gène pas pour dire à Dieu qu'il a l'impression que celui-ci veut le détruire! Ce sont des complaintes! L'équivalent moderne le plus proche serait le blues.
Préjugé no 4: "Est-ce que tu sens la paix quand tu écoute ce genre de musique?"
(sous-entendu: la musique chrétienne doit donner un sentiment de paix)
Bon nombre d'évangéliques l'ignorent, mais une telle attitude n'est pas fondée dans les Écritures. Voici un exemple biblique qui prouve la fausseté de l'assertion qui veut que la musique chrétienne doive toujours donner un sentiment de paix. Dans le cantique de Moïse, qui apparaît en Deutéronome 32: 1-43 (l'introduction est en Deut. 32: 14-30), Moïse prophétise l'apostasie du peuple d'Israël et le jugement de Dieu qui doit suivre. En voici un extrait (Deut. 32: 15-22)
"Israël est devenu gras, et il a regimbé; Tu es devenu gras, épais et replet! -Et il a abandonné Dieu, son créateur, Il a méprisé le rocher de son salut, Ils ont excité sa jalousie par des dieux étrangers, Ils l'ont irrité par des abominations; Ils ont sacrifié à des idoles qui ne sont pas Dieu, A des dieux qu'ils ne connaissaient point, Nouveaux, venus depuis peu, Et que vos pères n'avaient pas craints. Tu as abandonné le rocher qui t'a fait naître, Et tu as oublié le Dieu qui t'a engendré. L'Éternel l'a vu, et il a été irrité, Indigné contre ses fils et ses filles. Il a dit: Je leur cacherai ma face, Je verrai quelle sera leur fin; Car c'est une race perverse, Ce sont des enfants infidèles. Ils ont excité ma jalousie par ce qui n'est point Dieu, Ils m'ont irrité par leurs vaines idoles; Et moi, j'exciterai leur jalousie par ce qui n'est point un peuple, Je les irriterai par une nation insensée. Car le feu de ma colère s'est allumé, Et il brûlera jusqu'au fond du séjour des morts; Il dévorera la terre et ses produits, il embrasera les fondements des montagnes."
Méditons sur la question un instant. Quelles pouvaient être les émotions ressenties par le peuple d'Israël après avoir écouté ce Cantique ? Serein, en paix, ayant le goût de se réjouir ?? Il est peu probable car le contenu prophétique de ce cantique est censé faire dresser les cheveux sur la tête et faire réfléchir et réveiller son auditoire, tout comme Jean le Baptiste qui secoua les gens religieux de son époque en les traitant de race de vipères ou encore Jésus qui traita les pharisiens de sépulcres blanchis!! Non, le but de Dieu n'est pas toujours de provoquer un sentiment de bien-être ou des chants de louange, que ce soit pour les enfants de Dieu ou pour les enfants de ce monde et c'est vrai aussi pour la musique chrétienne de notre siècle. Tous ne sont pas obligés d'aimer des musiques agressives comme le Heavy Metal (chrétien ou pas) mais il est utile de voir que devant la face de Dieu il y a un temps pour toute chose.
1) "Que penser des ex-rockeurs convertis à Christ qui déconseillent tout lien avec la musique du monde? Ont-ils raison ou sont-ils excessivement traumatisés de leurs expériences?"
Le webmestre: Il me semble que c'est du même ordre que le pasteur David Wilkerson qui affirme que Dieu l'a montré de jeter sa TV par la fenêtre puisque c'était une source mauvaise pour lui. Mais il s'est pas contenté de cette discipline. Il a prêché la "Bonne Nouvelle" que tous devaient faire la même chose que lui. Et pourtant les Écritures nous disent effectivement que:
"Et si ton il est pour toi une occasion de chute, arrache-le et jette-le loin de toi; mieux vaut pour toi entrer dans la vie, n'ayant qu'un il, que d'avoir deux yeux et d'être jeté dans le feu de la géhenne." (Matthieu 18: 9)
Ce que plusieurs négligent de noter dans ce verset est l'aspect personnel. On nous indique que si une chose "est pour toi une occasion de chute" d'éliminer son influence. Ça implique que cette chose n'est pas nécessairement une "une occasion de chute" pour tous les autres chrétiens dans l'entourage. Et les Écritures ne disent pas non plus qu'il faille ensuite "évangéliser" tous les autres à notre discipline personnelle. Certainement ces disciplines drastiques sont parfois nécessaires si la personne la fait grâce à une conviction intérieure (et non pas en réaction à un discours extérieur culpabilisant). Jésus a demandé au jeune homme riche d'abandonner tous ses biens matériels pour le suivre, mais rien n'indique que ce soit un décret général s'appliquant à tous les chrétiens.
2) Que penser des messages subliminaux? Fiction ou pas ?
Le webmestre: Que les messages subliminaux existent et sont exploités par certains musiciens (rock ou autre), aucun doute. Que les messages subliminaux aient l'effet qu'on leur attribue, je n'ai aucune raison de le croire. Est-ce qu'on a découvert un mécanisme dans le cerveau capable de décoder (au niveau inconscient) des messages joués à l'envers ? Où sont les études scientifiques qui prouvent une telle chose ? Il semble qu'on ait tenté d'utiliser les messages subliminaux pour conditionner des gens qui voulaient arrêter de fumer et ça n'a pas eu les résultats escomptés... Et alors si on m'affirme qu'un message subliminal puissent faire adorer Satan ou accomplir un meurtre... désolé, j'y crois pas. En ce qui me concerne ça démontre évidemment une intention de la part de l'artiste, mais pour celui qui écoute, c'est uniquement du bruit.
3) À quel point le "contenu", qui est habituellement explicitement bon, neutre ou mauvais, est lié à la forme? Par exemple, Stravinsky a écrit la danse sacrale (dont le titre semble évoquer quelque chose de pas très biblique.... du moins supposons que le thème est contre les enseignements de la Bible). Si on écoute seulement la mélodie, peut-on dire que l'oeuvre est répréhensible puisque la mélodie a été écrite en fonction d'une thématique disons "satanique"? En approfondissant ce point, on peut aussi se demander : "et si l'artiste écrit une pièce parfaitement géniale, avec une mélodie exquise, dans le but de glorifier Satan (un bon exemple est Hotel California, dont le thème est une cérémonie occulte), est-ce que la mélodie peut contenir l'essence de l'inspiration satanique ou glorifie-t-elle quand même Dieu de par l'excellence du travail technique?
Le webmestre: À mon avis le talent vient TOUJOURS de Dieu. Les Écritures nous affirment que "toute grâce excellente et tout don parfait descendent d'en haut, du Père des lumières, chez lequel il n'y a ni changement ni ombre de variation." (Jacques 1:17) Satan ne donne rien, il pervertis ce qui est bon. Il le détourne. À aucun endroit dans les Écritures voit-on attribuer un talent quelconque à Satan. Évidemment le phénomène de l'art dédié à Satan existe, mais dans la musique populaire il faut faire une distinction. Il y a un grand nombre d'artistes pop qui exploitent de manière superficielle des symboles religieux ou occultes parce que ça fait "cool". Et tout comme bien des artistes très mondaines se mettent une croix dans le cou (pense Madonna par ex.) bien d'autres artistes exploitent des symboles occultes parce qu'ils trouvent ça "cool", et non parce qu'ils sont des adeptes du satanisme. Il ne faut pas trop vite sauter aux conclusions, dans un cas comme dans l'autre. Et pour trancher la question, il me semble qu'il faut trouver des preuves en dehors de la pièce de musique elle-même (interviews, biographie, etc.). Évidemment chaque artiste (chrétien ou pas) aura des comptes à rendre au Créateur de ce qu'il aura fait de ses talents... L'expression artistique est toujours à mon avis le reflet du cur. Et si le cur est plein de choses sordides, ce sera reflété dans l'expression artistique, inévitablement...
En fait, ces interrogations reviennent à se demander si c'est Dieu ou Satan qui inspirent les idées ou si on peut penser par nous-mêmes en ce qui a trait aux choses neutres. (je sais que c'est Dieu qui nous donne le désir de bien faire et que c'est Satan qui tente, mais qu'en est-il des choses neutres, comme découvrir la gravité, par exemple?)
À mon avis, le talent pour produire de la musique, des tableaux, de la poésie, des programmes d'ordinateur ou faire de la mécanique, tout vient de Dieu. Ces choses font partie ce que les réformés appelaient la "grâce commune". Il en est question dans le premier chapitre de mon livre Hors du ghetto.
- (1993) La Bible. [édition 1910 de la Bible Louis Segond] Online Bible (version Mac) Oakhurst NJ
PLATON ([350 ? av JC]/[1967]) La République. (introduction, traduction et notes par Robert Baccou) Garnier-Flammarion Paris (coll. Texte intégral; 90) 510 p.
[1]- Dans certaines églises évangéliques, cela ne fait pas très longtemps que c'est admis.