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m. Thys,
Dans votre dernier mot, vous avez laissé tomber quelques commentaires qui ont attiré mon attention. Vous me pardonnerez donc si je récidive. Touchant le fait que la prise de position de SJ Gould (NOMA) expose une faiblesse de la pensée des Lumières, vous avez habilement répliqué en changeant de sujet:
le 16/01/10 17:14, Michel THYS a écrit :
> Peut-être GOULD a-t-il reçu une éducation religieuse dont les traces
> expliqueraient ce respect envers le "magistère de la Religion". Même
> André COMTE-SPONVILLE, qui se dit "athée fidèle",reconnait que son
> athéisme est resté marqué par la foi de son enfance. Je m'étonnerais
> que GOULD, étant Américain, ait eu connaissance de l'alternative morale
> qu'offre l'humanisme laïque.
Mais c'est une idée fixe que l'éducation du jeune âge (0-15 ans disons) immobilise à jamais les conceptions du monde de l'individu? Je constate d'ailleurs monsieur Thys que c'était également le motif de votre premier message où vous me disiez que je n'avais “ pas le choix ” de croire au créationnisme étant donné mon “ arrière-plan religieux ” (dont vous le savez rien pourtant). C'est ironique, car vous semblez tout à fait d'accord avec la perspective des Jésuites sur l'éducation! (Apparemment Ignace de Loyola aurait dit : “ Donnez-moi un enfant jusqu'à sept ans, je vous donne le reste. ”) Mais si on y réfléchit un peu sérieusement, même si vous aviez raison sur “ l'éducation religieuse ” de Gould (ce que vous n'avez pas prouvé), votre affirmation ne tient pas la route, car ça n'explique en rien les prises de position qu'il a pu prendre tout au long de sa vie d'adulte et qui sont en rupture radicale avec cette “ éducation religieuse ” que vous présupposez (sinon votre argument tombe à plat).
Vu l'importance que vous accordez à cette croyance que la perspective d'un individu est déterminée par son éducation familiale, analysons un moment votre croyance. Est-ce dû à votre arrière-plan religieux protestant? Ce serait plutôt invraisemblable, car les Protestants s'appuient sur la Bible convictions fondamentales et croient que l'homme est libre devant Dieu et que cette liberté est accompagnée de la responsabilité de rendre compte devant Dieu de ses gestes et attitudes. C'est à ceci que tiens l'idée que Dieu jugera un jour les nations et les individus, c'est-à-dire le Jugement dernier. Et si l'homme n'est pas libre de ses gestes et attitudes, alors le jugement des hommes devient un concept complètement aberrant, illogique. Étant donné ces faits, votre croyance que la perspective d'un individu est déterminée par son éducation familiale ne doit pas être dû à votre arrière-plan protestant, mais plutôt à vos convictions francs-maçons.
D'ailleurs dans votre argumentaire, évoquer le déterminisme de l'éducation du milieu familiale semble un argument bidon, car on constate que vous vous en servez uniquement lorsque les données du comportement humain évoqué dans la discussion vous sont défavorables.[1] Ça vous évite alors d'argumenter sur le fonds. Ce n'est pas très raisonnable comme comportement, ni très rationnel, mais bon.
En somme, monsieur Thys si vous avez recours à un tel argument, cela revient à admettre (implicitement) que vous avez vidé votre sac et que votre argumentaire ne tient pas la route. C'est, en quelque sorte, une porte de sortie pour éviter d'admettre que vous avez perdu la discussion. Ça permet de changer de sujet afin de ne pas rendre des comptes sur les arguments avancés.
Sur votre site web, dans une discussion avec “ Madame Le Bars ” touchant le port du voile/burka, vous revenez encore sur cette question du déterminisme idéologique du milieu familial en commentant :
"La soumission, en particulier celle des musulman(e)s s'explique. Les observations psycho-neuro-physio-génético-éducatives confirment que la liberté de croire ou de ne pas croire est souvent compromise, à des degrés divers, par l'imprégnation de l'éducation religieuse familiale, forcément affective puisque fondée sur l'exemple et la confiance envers les parents, puis confortée par l'influence d'un milieu culturel unilatéral, puisqu'il exclut toute alternative laïque non aliénante."
Discutant toujours avec “ Madame Le Bars ”, à la fin du même message vous poursuivez:
“ Cela permettrait enfin à chacun de choisir, en connaissance de cause et aussi librement que possible, ses convictions philosophiques OU religieuses, d'améliorer l'adaptation des jeunes à la modernité et de tendre ainsi vers un meilleur “ vivre ensemble ” et vers une citoyenneté responsable. ”
Vous évoquez ici la "liberté de croire" (concept que vous ne définissez jamais, il me semble), mais si vous croyez vraiment que les croyances sont fixées à jamais au jeune âge, cela implique logiquement que des échanges comme celle-ci, avec des adultes, sont complètement vains ? Y avez-vous songé?! Si vous n'avez aucun espoir de convaincre, pourquoi discuter, avancer des arguments? D'autre part, une telle perspective est TRES dangereuse, car elle abouti, en toute logique à l'exclusion du contrôle parental sur les enfants, car le seul moyen qui vous reste pour avancer vos croyances est la recherche d'un contrôle absolu sur le système d'éducation. Si vous êtes cohérent dans vos croyances, usurper les droits des parents d'éduquer leurs enfants afin d'assurer l'endoctrinement “ politiquement correct ” des enfants est votre seule alternative réelle.
Et si vous croyez effectivement que la perspective d'un individu est fixée à jamais entre 0 et 15 ans (et toutes vos affirmations vont dans ce sens), alors il est tout à fait hypocrite de votre part de parler de “ liberté de choix ” par la suite. C'est ce qu'impose votre propre logique, mais je peux comprendre que pour des considérations stratégiques, dans le court terme, qu'il vous soit utile d'exploiter le langage de “ liberté de choix ” pour distraire les masses jusqu'à ce que la situation soit moins ambiguë et votre pouvoir assuré de manière définitive.
Et toute cette logique vous conduit en “ bonne compagnie ”, avec les Nazis par exemple et leur jeunesse hitlérienne ou encore avec les communistes sous Staline qui agissaient de même. Eux-aussi bafouaient les droits des parents et exploitaient l'État et les écoles afin d'endoctriner les enfants. Sous Staline, les enfants étaient surveillés à l'école et si on détectaient qu'ils avaient absorbés à la maison des croyances religieuses “ retrogrades ”, on pouvaient leur faire des menaces pour les faire abjurer, sinon les enlever de manière permanente à leurs parents pour les confier à des orphélinats gérés par l'État si bienveillant... Sous l'empire Ottoman, l'État agissait de même. Au Moyen Âge les Ottomans avaient l'habitude d'enlever des enfants de familles Orthodoxes pour en faire les Janissaires[2], les super-soldats musulmans. Sauf qu'il faut nuancer, car votre stratégie semble plus astucieuse que celle des Ottomans, car tandis qu'elle laisse aux parents la tâche de torcher les fesses de leurs enfants, ramasser le vomi, payer les comptes et préparer leurs repas, par ailleurs elle leur ôte le droit de transmettre leurs convictions. C'est le meilleur des mondes!
Mais je peux comprendre qu'une telle conception puisse plaire aux francs-maçons, car cela correspond tout à fait la conception très élitiste et hierarchique des FM où “ l'illumination ” vient d'en haut pour se communiquer vers le bas et où le seul choix c'est la soumission. Cette conception très hiérarchique des FM a été hérité de l'Église catholique, qui l'a acquis grâce à sa très forte identification avec l'empire romain et ses structures bureaucratiques et les Romains ont pu l'hériter de Platon et ses conceptions élitistes exprimées dans la République (les fameux “ rois-philosophes ” régnant sur les masses ignares, les profanes) et les Grecs ont possiblement hérité ces conceptions élitistes des indo-européens avec leurs sociétés de castes/hierarchiques. Cela rappelle (sur le plan idéologique) ce qu'a dit Lavoisier : “ Rien ne se perd, rien ne se crée. ” Un philosophe de l'Antiquité a dit simplement : “ Rien de nouveau sous le Soleil ”. Mais assez spéculé.
Et tandis qu'il est justement question du “ meilleur des mondes ”, dans le Retour au Meilleur des mondes, l'athée et romancier célèbre Aldous Huxley (et fils du fameux “ bouledogue ” de Darwin, Thomas H. Huxley) a exploré les conséquences d'une logique comme la vôtre lorsqu'elle est poursuivie jusqu'au bout. Il observe (1958/1990: 144):
“ Sous l'impitoyable poussée d'une surpopulation qui s'accélère, d'une organisation dont les excès vont s'aggravant et par le moyen de méthodes toujours plus efficaces de manipulation mentale, les démocraties changeront de nature. Les vieilles formes pittoresques — élections, parlements, hautes cours de justice — demeureront, mais la substance sous-jacente sera une nouvelle forme de totalitarisme non violent. Toutes les appellations traditionnelles, tous les slogans consacrés resteront exactement ce qu'ils étaient au bon vieux temps, la démocratie et la liberté seront les thèmes de toutes les émissions radiodiffusées et de tous les éditoriaux — mais une démocratie, une liberté au sens strictement pickwickien du terme. ”
HUXLEY, Aldous (1958/1990) Retour au meilleur des mondes.
Plon [Paris] 155 p.
On peut donc aboutir à un régime tout à fait totalitaire, mais sans faire appel à la brutalité de la Solution finale ou du Goulag... Le marketing suffit. On abouti donc à un régime où les droits ne sont pas supprimés sur le plan juridique, mais dans les faits deviennent factices, insignifiants et la pensée unique des élites bien-pensantes devient le cadre indiscutable où tout échange public doit prendre place...
En terminant, je veux vous signaler que certains individus ayant été des athées engagés toute leur vie, finissent néanmoins admettre l'existence de Dieu et ce, sur la base de données très empiriques. Considérez le cas du philosophe britannique Antony Flew qui dans sa vie professionnelle a été un pourfendeur actif du christianisme et de la religion en général, comme l'est actuellement Richard Dawkins. Entre autres, Flew a publié deux ouvrage majeurs attaquant le théisme et le christianisme en particulier dont God and Philosophy (1966) et The Presumption of Atheism (1971). Dans son livre récent There is noa God (Harper 2007) il explique son cheminement :
"I must stress that my discovery of the Divine has proceeded on a purely natural level, without any reference to supernatural phenomena. It has been an exercise in what has traditionally been called natural theology. It has had no connection with any of the revealed religions. Nor do I claim to have had any personal experience of God or any experience that may be called supernatural or miraculous. In short, my discovery of the Divine has been a pilgrimage of reason and not of faith' (p. 93).
Au sujet de son livre voici un article utile : Former leading atheist argues for the existence of God.
Il faut bien s'entendre. Flew ne s'affiche pas en tant que Chrétien. Tout au plus, on peut le considérer déiste. Mais sur le christianisme et la personne de Christ, Flew dit ceci (2007 : 185-186) :
"My current position, however, is more open to at least certain of these claims. In point of fact, I think that the Christian religion is the one religion that most clearly deserves to be honored and respected whether or not its claim to be a divine revelation is true. There is nothing like the combination of a charismatic figure like Jesus and a first-class intellectual like St-Paul. Virtually all the argument about the content of religion was produced by St-Paul, who had a brilliant philosophical mind and could speak and write in all the relevant languages. If you're wanting Omnipotence to set up a religion, this is the one to beat."
Considérez la question et, par pitié, ne me dites pas que le changement d'avis de Flew est dû à son conditionnement religieux dans une vie antérieure... Le christianisme nous affirme que nous sommes faits à l'image de Dieu et que le sacrifice de son Fils à la croix a brisé les chaînes de la condition humaine, nos déterminismes et de nos assujettissements. Cette liberté est pour tous ceux qui veulent s'en prévaloir.
portez-vous bien
Paul Gosselin
Québec, Canada
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Asks the philosopher: "So if God is all powerful can He create an unmovable rock ? But if the rock is
unmovable, then God can't be all powerful, can He ?"
Answers the wise man: "Can a mortal ask questions which God finds unanswerable? Quite easily, I
should think. All nonsense questions are unanswerable. How many hours are there in a mile? Is yellow
square or round? Probably half the questions we ask - half our great theological and metaphysical
problems - are like that."
CS Lewis: A Grief Observed
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check le site:
http://www.samizdat.qc.ca
[1] - Par exemple, le cas d'un ex-franc-maçon évoqué par “ Jean-Baptiste. ” sur votre blog (lundi 21 septembre 2009, 22:54). Vous avez encore réagi de manière très prévisible :
“ Je vous remercie de m'avoir rappelé le texte de cet ancien franc-maçon : Il est probable qu'il avait reçu une éducation religieuse, ce qui confirmerait mon interprétation de la persistance de la foi, ainsi que de la conversion et des “ miracles ”. Bien que médecin, il ne pouvait pas être au courant à l'époque (pas plus que d'autres encore aujourd'hui) des conséquences logiques et prévisibles du bouleversement émotionnel qu'il a subi à Lourdes et qui fut plus fort que son athéisme acquis plus tard. ”
Les portes de sortie sont fort utiles...
[2] - Voir: Wiki, Janissaire.
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