Christian Paul-Hus,
Dans un article du quotidien La Presse au début d'avril dernier, un observateur de la scène américaine relevait une caractéristique tout à fait étonnante des mouvements évangéliques : leur attente exaltée de la fin du monde provoquerait chez leurs membres les plus influents un désengagement politique face aux menaces écologiques mondiales. Le reporter Réal Pelletier y citait quelques chrétiens de la mouvance Fondamentaliste qui déclaraient : “On est là pour vénérer Dieu et non la création” ou encore “Dieu nous a procuré ces choses (de la nature) à utiliser. Après que le dernier arbre sera tombé, le Christ va revenir”.
Il y a certainement quelques entrepreneurs pollueurs qui trouvent dans l'eschatologie chrétienne une excuse spirituellement positive à leur nonchalance écologique. Mais de toute manière, de tels propos rapportés publiquement correspondent souvent à un iceberg idéologique : ce que de hauts placés de la hiérarchie évangélique américaine osent déclarer devant des micros peut révéler ce qu'une forte masse de chrétiens pense en sourdine. Mais ne tombons pas dans le piège de la “paille dans l'œil” américain. La présence incontournable des Évangéliques dans la vie médiatique outre frontière projette sur la place publique des visions du monde apparentées à celles de certains Évangéliques d'ici.
Loin d'être malheureuse ou gênante, cette situation permet à des discours “Fin-du-mondistes” fort questionnables de franchir les murs sécurisants et trop souvent clos des églises. Dès lors, ce qui pouvait être toléré dans ce milieu minoritaire et refermé, se voit enfin confronté à la réflexion d'une plus vaste Assemblée. Et puisqu'on nage ici en plein champs prophétique (l'annonce et la participation à la Fin du monde), n'est-il pas sage, comme le recommandait Paul aux Corinthiens, qu'un ensemble plus vaste juge des allégations de quelques-uns (1 Corinthiens 14. 29-33) ? En observateurs avisés, revoyons donc le fil des récentes décennies.
Tout d'abord, il est indéniable qu'un petit nombre d'auteurs évangéliques contemporains ont pu aviver l'attente eschatologique des chrétiens fondamentalistes. En effet, nous constatons que dès les années '70, des best-sellers décrivaient avec force détails des programmes apocalyptiques éminents qui trouvèrent une large diffusion autant pour l'évangélisation que pour l'édification des croyants. Pourtant, en relisant aujourd'hui ces feuillets, livrets ou bouquins, nous devons admettre qu'une bonne partie de leurs prédictions ne trouvèrent jamais leur accomplissement. Or, le principe biblique est très clair face à de fausses alertes prophétiques (Deutéronome 18. 20 à 22). Étonnamment, loin d'être dénoncés et sanctionnés, ces auteurs reprirent de plus belle leurs élucubrations dans les années qui suivirent !!? On ne compte donc plus aujourd'hui les livres, romans et même vidéos qui exploitent encore cette vision “Fin-du-mondiste”, tant ils sont nombreux ! Comment, par conséquent, ne pas s'étonner que des chrétiens évangéliques souffrent de désengagement social, d'indifférence écologique ou même d'une satisfaction mal contenue devant les dégradations humaines causées à la Terre ?
Sans vouloir prétendre à une pensée parfaite, il me semble pertinent à ce moment-ci de lancer un appel à une réflexion plus critique. Certes, l'espérance eschatologique réconforte et éclaire les croyants. Mais où, dans la Bible, Dieu nous encourage t-il à provoquer la Fin par une déresponsabilisation par rapport à la santé de sa Création ? En quel texte inspiré pouvons-nous trouver une recommandation à ne pas être compté parmi les défenseurs de la Nature ? Par quelle sentence biblique pourrions-nous masquer notre négligence, notre mutisme ou nos propres abus face à une Oeuvre qu'il a déclaré très bonne ?
Les chrétiens fiers d'être “fondamentalistes” sont arrivés à un point, dans notre société, où ils ne peuvent plus conserver leurs convictions à un niveau limité ou privé. De plus en plus, les Évangéliques sont connus. Leurs croyances sont analysées, leur idéologie est sondée et leur éthique se voit de plus en plus étalée sur la place publique. Même s'il fallait briser un peu cette sorte d'unanimité avec les leaders “Fin-du-mondistes” nord-américains, ne serait-il pas temps de questionner avec maturité certaines errances que nous avons depuis trop longtemps tolérées ?
Francis Schaeffer
La pollution et la mort de l'homme. (traduit de "Pollution and the Death of Man".)
La Ligue pour la lecture de la Bible 1974