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Samizdat

Les symboles de l'Église*.






Raymond Boivin

L'expérience de la conversion à Dieu apporte dans le coeur de la personne qui s'y engage un sentiment merveilleux de paix et de sécurité. Une vie nouvelle s'ouvre devant soi et rien ne semble pouvoir la troubler. Pourtant, l'ennemi de nos âmes rode et voudrait bien nous détourner de l'objet même de notre foi, du Dieu vivant. L'expérience vécu suffira-t-elle à parer les attaques du doute sur notre esprit? Non, il nous faudra aller chercher dans la Parole de Dieu des ancrages solides pour notre foi.

Cependant, même dans ce bastion de la vérité, l'ennemi a su placer des embuscades pour faire trébucher le croyant. Heureusement, de tous temps des héros se sont levés pour démasquer ses œuvres. Ils ont défendu la vérité en érigeant d'indéfectibles remparts qui portent le nom de symboles ou credo. Mais que sont ces symboles et que peuvent-ils encore nous apporter aujourd'hui? Sont-ils seulement le reflet d'une foi passée ou une expression vivante de la vérité? Ne serait-il pas sage de notre part d'écouter ce qu'ont à dire ceux qui, jadis, ont connu la victoire dans l'épreuve de leur foi?

Le présent travail se veut donc un regard en arrière ayant pour but l'étude de trois différents symboles qui ont su garder la foi de nombre de croyants au-travers les âges. Ces symboles sont celui dit des Apôtres, celui de Nicée-Constantinople et celui d'Athanase. Dans un premier temps, nous situerons ces symboles dans le cadre de leur développement historique. Ensuite nous analyserons leur structure et leur contenu. Et finalement nous déterminerons les ajouts requis pour les églises évangéliques charismatiques afin que leur dogmatique soit satisfaite.

Puisse ce travail nous fournir l'équipement qui saura, non seulement nous protéger de l'erreur mais aussi nous conduire plus loin sur le chemin de la foi.


LE DÉVELOPPEMENT HISTORIQUE DES SYMBOLES
Les symboles que nous nous proposons d'étudier ont été réalisés à des époques et dans des circonstances qu'il importe de connaître. Ces faits nous permettront de cerner plus précisément leur raison d'être, et en conséquence d'en évaluer leur contenu. Tout d'abord, voyons si le germe des symboles se retrouvait sous une forme ou une autre dans les Écritures, identifiant ainsi l'utilisation de symboles dans l'Église primitive.


A. Les symboles dans les Écritures
Dans l'église primitive, les Écritures se résumaient à l'Ancien-Testament. Il faut se rappeler, en effet, que le canon du Nouveau-Testament, tel que nous le connaissons actuellement, n'a été définitivement fixé qu'au début du 3 ème siècle. Les écrits des apôtres circulaient cependant d'une église à l'autre et établissaient peu à peu le fondement de foi de l'Église de Jésus-Christ.

On peut voir tout d'abord que pour le peuple juif, il était commun d'exprimer sa croyance par des expressions, des déclarations déjà bien établies. L'Ancien-Testament regorge de ces expressions, comme le confirme M. Wood, directeur du collège Cliff à Derbyshire en Angleterre: “In the Decalogue are found the rudiments of credal formulation, and in the Shema we reach what may legitimately be regarded as the symbol of OT faith and the earliest attempt to enunciate a doctrine” (805).

Il ne faut donc pas s'étonner de voir cette pratique se perpétuer dès les premiers temps de l'église primitive. Et effectivement, ceci se perçoit dans des expressions du Nouveau-Testament qui manifestement, étaient déjà connues par un certain nombre de personnes. Ainsi Paul déclare: “nul ne peut dire Jésus est le Seigneur! si ce n'est par le Saint-Esprit” (1 Co 12.3). Plus tard, il décrit ce que les apôtres et lui-même prêchent dans des termes qui s'apparentent fort aux symboles: “Christ est mort pour nos péchés, selon les Écritures; il a été enseveli, il est ressuscité des morts le troisième jour, selon les Écritures,...” (1 Co 15.3-4). Ailleurs, c'est une salutation qui semble être une formulation bien établie: “Que la grâce du Seigneur Jésus-Christ, l'amour de Dieu et la communion du Saint-Esprit soient avec vous tous!” (2 Co 13.13).

Ces expressions, comme de nombreuses autres qui pourraient être présentées, tendent à démontrer que dans l'église primitive, on avait déjà recours à certaines formes déclamatoires. Ces dernières n'étaient pas à proprement parler des symboles complets, des credos établis, mais ils n'en étaient pas moins des éléments constitutifs de symboles à venir.

B. Le développement historique du symbole des Apôtres
Les symboles étaient déjà utilisés à l'époque néo-testamentaire par différents groupes religieux. Ils consistaient en des signes leur permettant de se reconnaître entre eux. Par la suite, les chrétiens ont commencé à se créer des symboles sous la forme de déclaration de foi leur permettant à leur tour de se différencier des autres religions, de se reconnaître entre eux. Bientôt ces symboles furent utilisés avec des buts beaucoup plus spécifiques en regard avec l'Église. Pour sa part, M.Wood en identifie cinq: un catéchisme, le symbole servant de base d'instruction pour les candidats; une recommandation, test d'identité pour être reconnu membre de l'église; une doctrine, pour faire face aux hérésies; une liturgie, pour faciliter l'adoration lors de cultes; et finalement une expérience, le symbole devant être vécu à titre personnel (805).

En ce qui concerne le symbole des Apôtres, il fût pour la première fois nommé spécifiquement sous ce titre en 390, au Synode de Milan. Il était cependant connu bien avant cette date. En fait, la tradition veut qu'il ait été composé par les douze apôtres, chacun ayant contribué pour une partie spécifique. Même si cette théorie est fortement remise en cause depuis le 15 ème siècle, et possiblement avec raison, on peut cependant s'associer à M. Zahn lorqu'il déclare: “Judging from its contents our Creed has a full right to the title apostolical. It does not contain one sentence which cannot be well denied from the history and teaching of Jesus, and the explanatory and illustrative teaching and preaching of the apostles” (Woods, 809).

C. Le développement historique du symbole de Nicée-Constantinople
Au 4 ème siècle, un prêtre d'Alexandrie du nom d'Arius nia la divinité de Jésus-Christ, affirmant plutôt que celui-ci était le premier être créé par Dieu. Déposé par l'évêque Alexandre, il continua malgré tout dans cet enseignement, fort de l'appui de d'autres évêques et de personnes influentes à la cour de l'empereur Constantin. L'Église d'Orient était ainsi bouleversée (Nicole, 46).

L'empereur Constantin, désireux de rétablir la paix, convoqua alors le concile de Nicée en 325. D'abord, une première proposition provenant des Ariens fut rapidement rejetée. Ensuite, Eusèbe de Césarée proposa une formule assez vague pour plaire à la majorité. Mais le compromis était inacceptable pour la minorité orthodoxe et finalement, le symbole de Nicée fût adopté. Arius fût quant à lui exilé.

A ce concile assistait un jeune homme du nom d'Athanase qui avait comme le dit J.M. Nicole, “une clarté de pensée incomparable pour grouper toutes les doctrines chrétiennes autour du thème central de la révélation de Dieu en Jésus-Christ” (50). Ces qualités furent remarquées et bientôt, Athanase fût nommé évêque d'Alexandrie. A ses débuts, il n'avait guère l'intention de poursuivre une guerre qui semblait avoir été gagnée. En effet, “les condamnations portées contre les Ariens appartenaient déjà au passé et les membres du clergé alexandrien gagné à l'hérésie avaient été expulsés de la ville depuis belle lurette. Mais les slogans de l'arianisme restaient dans l'air...” (Kannengiesser, 37).

Athanase devint donc l'adversaire acharné de l'arianisme. Cela lui valu d'être destitué et exilé par cinq fois. Finalement, en 381, le concile de Constantinople fût convoqué par l'empereur Théodose et le symbole de Nicée-Constantinople fût alors reconnu comme la foi des 150 Pères. L'arianisme disparut alors du l'empire romain. C'est aussi à ce concile que fût ajouté une clause déclarant la divinité du Saint-Esprit en réaction aux pneumatomaques qui niaient celle-ci.

D. Le développement historique du symbole d'Athanase
La première allusion que nous ayons de ce symbole remonte au 6 ème siècle. La paternité de ce symbole est attribué à Athanase, évêque d'Alexandrie dont nous avons parlé précédemment. L'écart de deux siècle qui sépare l'écrit de l'auteur présumé souligne la difficulté d'établir le contexte exact qui a entouré sa rédaction.

Cependant certains commentateurs, dont F.F. Bruce (Woods, 809), s'accordent pour désigner la fin du 4 ème siècle comme date probable de composition. Ceci s'accorde bien avec le développement historique de la doctrine suite aux conciles de Nicée et de Constantinople. Jésus-Christ ayant été clairement reconnu comme Dieu, il fallait maintenant éviter d'avoir une religion polythéiste. Le symbole d'Athanase s'est donc attardé à développer la doctrine de la trinité.

Voilà donc maintenant établi le contexte de chacun des symboles que nous nous sommes proposé d'étudier. Nous pouvons maintenant avancer dans l'analyse de leur structure et de leur contenu particulier.

L'ANALYSE DE LA STRUCTURE ET DU CONTENU DES SYMBOLES

La Bible entière, et tout particulièrement le Nouveau-Testament, parle d'un Dieu qui désire se révéler aux hommes sous la personnalité du Fils, Jésus-Christ. Il faut donc s'attendre à ce que la doctrine des hommes tienne compte de ce fait dans l'histoire de l'Église. Et effectivement , Cullman le confirme de la sorte: “La filialité divine de Jésus-Christ et son élévation à la dignité de Kyrios, à la suite de sa mort et de sa résurrection, sont les deux éléments essentiels dans la plupart des confessions du premier siècle” (46). Comme nous le verrons, cette pensée christocentrique sera le fil d'Ariane qui nous guidera dans le labyrinthe des symboles.


A. La structure et le contenu du symbole des Apôtres
Dès les premiers siècles, l'analyse de ce symbole a donné lieu à plusieurs propositions concernant sa structure. Saint Thomas d'Aquin, à titre d'exemple, le séparait en deux parties: Une première traitait de la divinité de Christ et des choses éternelles en sept points; la deuxième traitait de l'humanité de Christ et des oeuvres terrestres en sept autre points.

Une autre théorie divisant le symbole en douze parties demeura longtemps comme la norme d'interprétation. Elle tire son origine au fait d'avoir attribué la paternité du symbole aux douze apôtres. Lubac, faisant mention de cette possibilité comme d'une légende affirme: “Elle a l'inconvénient de porter l'attention sur une division en douze articles, division artificielle, alors que la structure du symbole est ternaire, la foi chrétienne étant essentiellement foi en l'indivisible Trinité” (2). C'est donc cette division en trois que nous retenons comme structure, le Père , le Fils et le Saint-Esprit ceux-ci étant chacun l'objet d'un article. En ce qui concerne l'Église et ce qui suit, nous serions tentés à l'instar de Calvin d'en faire un article spécifique. Mais comme le fait remarquer Barth: “Calvin lui-même interprète sa quatrième partie comme découlant de la troisième” (66).

Article 1: Je crois en Dieu, le Père...

Israël a appris à connaître son Dieu au cours des siècles par des expériences parfois douloureuses. Difficilement, il a dû réaliser que ce Dieu n'était pas fait de mains d'hommes et ne pouvait être contrôlé à son gré. Dieu s'est révélé comme Tout-Puissant et Créateur de l'univers. Cet article confirme ces acquis et ne souligne même pas l'unicité de Dieu, tant le “Chema Israël” de Deutéronome 6.4 était encore présent à l'esprit des personnes qui s'identifiaient à ce symbole.

Mais le point essentiel que cet article souligne concerne la révélation extraordinaire que Jésus-Christ a fait sur Dieu: il est un Père. Quoique prophétisé par Esaïe (9.5), cette notion était voilée au coeur du peuple juif, n'ayant pas encore vu le Fils. Or, comme le dit Barth: “C'est au regard de Jésus-Christ que Dieu est Père. Il est Père en soi, et Jésus-Christ est son fils éternel” (19). On croit ainsi en lui (in eum) et non à lui (ei). C'est ainsi que ce premier article conduit inévitablement au second qui lui est assujetti.

Article 2: Je crois en Jésus-Christ, son Fils unique

Le fait que la divinité de Jésus-Christ n'est pas clairement stipulée dans cet article prédispose à croire que la polémique à caractère arianiste n'existait pas lors de sa composition. Il est fort possible qu'à ce moment de l'histoire, l'expression “son Fils unique” suffisait à légitimer l'essence divine de Jésus-Christ.

Quoiqu'il en soit, ce qu'on peut voir dans cet autre article, c'est une présentation toute linéaire de la personne et de l'oeuvre de Jésus-Christ. L'ordre de la révélation est respecté, nous montrant Dieu fait homme mourant pour l'homme, ressuscitant des morts et retournant dans sa gloire. Finalement, il reviendra pour juger les vivants et les morts.

Bref, tous les éléments nécessaires pour notre salut y sont présentés d'une manière claire et concise et dans un langage auquel on peut facilement s'identifier. Pour cette raison, plusieurs voient dans le symbole des Apôtres une “confession de foi baptismale élargie” (Hammond,21).

Article 3: Je crois au Saint-Esprit

Si dans les premiers articles, nous pouvions voir la personnalité du Père et du Fils, dans le troisième, on ne voit le Saint-Esprit que par ses oeuvres. Comme dans les premiers articles on croit en[1] lui, mais sans description précise de l'objet de notre foi. Inconsciemment ou non, on a respecté cette parole des Écritures qui fait de l'Esprit quelqu'un qui glorifie Jésus, sans attirer sur lui-même l'attention ( Jn 16.13-15).

Or ses oeuvres sont cependant manifestes. Au point même que l'homme a parfois été tenté de leurs donner une place qui ne leur appartenaient pas, particulièrement en ce qui concerne le “Je crois en l'Église”[2]. Karl Barth, cité par Lubac, remet les choses dans leur contexte. Il décrit fort bien le lien qui existe entre le Saint Esprit et ses oeuvres:

Le symbole dit: “credo ecclesiam”, et non “in ecclesiam”. On ne peut pas croire “en” l'Église,-l'Église sainte,- comme en croirait en Dieu, le Père, le Fils et le Saint-Esprit. D'après le troisième article, on ne peut croire qu'en Dieu, le Saint-Esprit , et c'est en connaissant et en confessant son oeuvre que l'on peut croire que l'Église sainte existe,-croire le pardon des péchés accordé par le Saint-Esprit à l'homme, ou, avec le premier article, croire que le ciel et la terre ont été créés par Dieu, le Père (177).

Le symbole des Apôtres nous montre donc la nature de Dieu sous trois aspects. Il est Père, Fils et Saint-Esprit. Il ne s'attache pas à décrire son essence ou sa substance mais nous révèle son oeuvre créatrice et salvatrice.


B. La structure et le contenu du symbole de Nicée-Constantinople
Le symbole de Nicée-Constantinople a une structure tout à fait similaire à celle du symbole des Apôtres. En fait, les différentes hérésies en vogue au 4 ème siècle ont simplement poussé les Pères de l'Église à développer les doctrines déjà énoncées dans le symboles des Apôtres. Nous voyons donc encore trois articles se rapportant au Père, au Fils et au Saint-Esprit.

S'il y a similitude de structure, il y a cependant une nouvelle orientation qui est donnée au symbole. Dans un document du Conseil oecuménique des Églises, cette nouvelle approche est soulignée comme suit: “ La première personne du pluriel, “nous croyons”, du symbole de Nicée s'écarte du “je crois” du symbole des Apôtres, de la liturgie baptismale et de certaines liturgies eucharistiques” (20). A partir du symbole de Nicée-Constantinople, la confession devient plus une position d'église qu'un témoignage personnel. Cependant les fidèles sont encouragés à s'identifier personnellement au credo de leur église, le geste étant la manifestation visible de la foi.

Article 1: Nous croyons en un seul Dieu, Père, Fils et Saint-Esprit

Le point de distinction le plus important dans cet article par rapport à celui du symbole des Apôtres est celui de l'unicité de Dieu. L'expression “un seul” a été ajouté dans un but bien évident: Puisqu'on allait spécifier la divinité de Jésus-Christ dans ce symbole, il fallait à tout prix préserver la doctrine monothéiste.

Un autre ajout d'implication moindre concerne “les choses visibles et invisibles”. Par cette expression, on étend la souveraineté de Dieu au domaine spirituel, ce que le symbole des Apôtres ne mentionnait pas spécifiquement.

Article 2: Nous croyons en un seul Seigneur, Jésus-Christ

C'est dans cet article que nous retrouvons les différentes défenses contre les hérésies qui avaient trait à la divinité de Jésus-Christ.

Premièrement, on utilise l'expression “un seul”, mettant ainsi en parallèle “un seul Dieu” avec un seul Seigneur. Deuxièmement, on situe la naissance du Fils “avant tous les siècles” lui attribuant ainsi une essence éternelle. Troisièmement, on s'attarde à son origine: lumière de lumière (Dieu étant lui-même lumière), vrai Dieu de vrai Dieu, engendré et non créé[3].

Ce dernier point est particulièrement important. En effet, comme le dit C.S. Lewis: “On engendre quelque chose de même nature que soi. Mais, créer, c'est faire quelque chose d'une nature différente de soi...ce qui est engendré de Dieu est Dieu, tout comme un homme s'engendre d'un autre homme” (161). En conséquence, le terme choisi pour rattacher le Fils au Père (consubstantiel) a été homooúsios, d'une même substance, plutôt que homoioúsios, d'une substance semblable. Et quatrièmement, on parle de Jésus-Christ comme étant celui par qui tout a été fait, l'identifiant par cela au “Père Tout-Puissant, Créateur du ciel et de la terre, de toutes les choses visibles et invisibles”.

Une autre hérésie niant l'humanité de Christ a été combattu en incorporant l'expression “incarné par le Saint-Esprit dans la vierge Marie et a été fait homme (union hypostatique)”. Et finalement, on ajoute “et son Règne n'aura pas de fin” pour combattre une autre hérésie qui niait le prolongement du règne de Christ après le jour du jugement.

Article 3: Nous croyons en l'Esprit-Saint

Le symbole des Apôtres avait été on ne peut plus discret sur la personnalité du Saint-Esprit. Ceci avait ouvert la porte aux “pneumatomachi (combattant contre l'Esprit qui nièrent sa divinité” (Hammond, 159). Pour contrer ces adversaires, on ajouta diverses allusions à ses attributs et à son essence divine: il règne, donne la vie, procède du Père et du Fils[4], a parlé par les prophètes, et qui, avec le Père et avec le Fils, est adoré et glorifié.

Le symbole de Nicée-Constantinople spécifie donc l'essence divine des trois personnes de la trinité et de leur relation réciproque.


C. La structure et le contenu du symbole d'Athanase
Ce symbole commence et s'achève avec des admonitions très sévères: on doit croire la foi catholique, sinon on ne peut être sauvé. Tout le symbole s'attarde donc à décrire ce qu'est cette foi catholique. De façon générale, celle-ci est présentée en deux articles qui traitent respectivement de deux principes de fusion.

Article 1: La fusion du Père, du Fils et du Saint-Esprit: La Trinité

Nous avons dans cet article la description la plus complète de la doctrine chrétienne de la Trinité. Le tout débute et finit par cette assertion: “Nous adorons un Dieu dans la Trinité, et la Trinité dans l'Unité”. Tout le reste de la proclamation se veut comme un bouclier contre toutes spéculations possibles sur la nature de cette Trinité. On s'attarde donc à conférer à chaque personne de la Trinité et à la Trinité elle-même les mêmes attributs. Par la suite, on reprend la description faite dans le symbole de Nicée-Constantinople sur la relation réciproque des trois personnes de la Trinité.

Article 2: La fusion de Dieu avec l'homme: Jésus-Christ

Cette fois, c'est la doctrine de Dieu fait homme qui est exposée, et ce de façon magistrale. L'auteur insiste sur le fait que Christ est à la fois parfaitement Dieu et parfaitement homme, tout en n'étant qu'un. Il souligne à la fin sa souffrance humaine, sa mort, sa résurrection et son retour dans la gloire divine. L'homme terrestre aura à rendre compte à l'homme céleste des oeuvres qu'il aura accomplies.

Tout le contenu du symbole d'Athanase sert donc à magnifier cette dualité qui régira à jamais l'univers: trois personnes et une substance, la Trinité; une personne et deux substances, Jésus-Christ.


LES AJOUTS REQUIS POUR LES ÉGLISES ÉVANGÉLIQUES CHARISMATIQUES

L'étude des symboles tend à démontrer que lorsque la vérité est évidente, on ne ressent pas la nécessité de la verbaliser. Mais dès que l'erreur s'élève, les symboles se précisent pour contrer l'hérésie. De plus, l'histoire nous montre que les erreurs passées, tel l'arianisme, ont la vie dure et que nos églises modernes ont tout intérêt à conserver ces précieux héritages. Ainsi font les Assemblées de la Pentecôte du Canada qui “souscrivent au Credo historique de l'église universelle” (Déclaration de la dogmatique, 2)

Cependant, lorsque l'ennemi est repoussé sur un front, il ne tarde pas à en attaquer un autre. C'est pourquoi nos églises évangéliques charismatiques doivent mettre la même ardeur que les combattants des siècles passés pour défendre leurs croyances. C'est en effet ce qu'elles firent en établissant des confessions de foi claires et concises sur les principaux aspects de leurs doctrines. En les étudiant, nous pouvons dégager quelques points essentiels qui doivent être ajoutés à l'ensemble des symboles pour satisfaire la dogmatique des églises évangéliques charismatiques. Les confession qui ont été choisies sont celles de l'Alliance Évangélique (Nicole, 256), des Assemblées de la Pentecôte du Canada (Déclaration de la dogmatique, 2-7) et des Assemblées de Dieu (Menzies et Horton, 263-266). Les trois premiers ajouts peuvent satisfaire aux critères de l'ensemble des églises évangéliques alors que les deux derniers reçoivent surtout l'assentiment des églises charismatiques.

1. Nous croyons à l'inspiration divine, à l'autorité suprême et à la toute suffisance des Saintes Écritures

Ce premier article a pour but de combattre deux erreurs importantes. La première concerne, avec la moitié du rationalisme au 19 et 20 ème siècle, cette insistance du monde et de certains théologiens à douter de l'inspiration des Écritures. Or pour les évangélistes, ceci est de première importance car toute leur foi est basée sur ce qu'ils déclarent être la Parole de Dieu. La seconde se veut une réaction au catholicisme romain qui donne l'autorité suprême à l'Église. Thiessen décrit cette thèse: “Quand les évêques se rencontrent, ils sont infaillibles en tant que groupe; et lorsque le pape, l'évêque de Rome, parle ex cathedra, il est l'organe du Saint-Esprit et il émet le jugement infaillible de l'Église” (69) . Non, il n'y a pas d'autorité plus élevée que celle de la Parole de Dieu.

2. Nous croyons que conséquemment à la Chute, la nature humaine est morte spirituellement et totalement dépravée

Une autre conséquence du rationalisme est la négation du péché. Ce faisant, l'homme se coupe d'une saine repentance, d'une tristesse sur sa situation qui puisse le conduire au salut. Comme le dit le Seigneur: “Ce ne sont pas les biens portants qui ont besoin de médecin, mais les malades. Je ne suis pas venu appeler des justes, mais des pécheurs” (Mc 2.17).

3. Nous croyons à la justification du pécheur par la foi seulement

Dans sa nature ,l'homme accepte très difficilement le don gratuit de Dieu sur la simple base de la foi, sans les oeuvres. Ainsi, l'église catholique romaine a pendant des siècles encouragé ses fidèles à cheminer sur le chemin du salut par les oeuvres. Mais en 1517, le moine augustin Martin Luther s'inscrit en faux contre cette doctrine et initie le mouvement de la Réforme. La doctrine de la justification par la foi est devenue si importante qu'on vint même à remettre en question le symbole des Apôtres. Cullman explique: “Et même les théologiens de l'orthodoxie protestante du XVII ème siècle osèrent l'attaquer: ils étaient choqués de ce que la doctrine paulinienne de la justification par la foi, dont la Réforme avait fait la substance de l'Évangile, n'y fût même pas mentionnée” (9).

4. Nous croyons au Baptême du Saint-Esprit avec le parler en d'autres langues comme signe initial

Plusieurs confessions évangéliques croient que le Baptême du Saint-Esprit est le résultat de la conversion et lui est concomitant. Cependant, pour les confessions charismatiques étudiées, cette expérience est distincte et subséquente à l'expérience de la nouvelle naissance. Contrairement à ce que disent les premières confessions, ce n'est pas le fruit de l'Esprit (Ga 5.22) qui est le signe du Baptême du Saint-Esprit mais bien le parler en d'autres langues (glossolalie).

5. Nous croyons que les dons du Saint-Esprit sont des aptitudes surnaturelles dans le but du ministère

Le mot important ici est “surnaturelles”. En effet, dans les églises non charismatiques, les dons du Saint-Esprit sont assimilés aux dons naturels des hommes. Les charismatiques croient pour leur part que Dieu peut parler et agir de façon surnaturelle au-travers les croyants. Le don de guérison, qui est souvent le plus controversé, est ainsi encouragé.

Voilà donc résumé les principaux ajouts pouvant satisfaire la dogmatique des églises évangéliques charismatiques. Certes, il y a dans la confession de foi de ces églises beaucoup plus de points de doctrine que ceux qui ont été proposés. Mais on doit garder à l'esprit qu'un symbole n'est pas une confession de foi. On n'y retrouve vraiment que l'essentiel de la foi chrétienne. Les confessions de foi, quant à elles, développent à partir de ce noyau de vérité.


CONCLUSION
A l'aube du 21ème siècle, le mandat du Seigneur demeure toujours aussi actuel: “Allez, faites de toutes les nations des disciples” (Mt 28.19). En effet, le monde souffre de ne pas connaître son créateur. Aussi, l'Église a-t-elle le devoir de le lui présenter; mais...en a-t-elle le pouvoir?

Cette interrogation peut sembler déplacée car elle remet en question le plan même du Seigneur. Pourtant, elle se doit d'être posée car c'est le salut des âmes qui en dépend. Oui, les croyants désirent la puissance de Dieu. Ils désirent toujours plus d'expériences dans le domaine spirituel. Aussi se tournent-ils résolument vers l'avant, oubliant souvent l'expérience qui est en arrière.

Toutefois, il serait imprudent, voir même orgueilleux de rejeter du revers de la main l'expérience des chrétiens d'autrefois. Or. le témoignage qu'ils nous ont laissé se résume à une seule chose: connaître Dieu. Ils ne se sont pas satisfaits d'une connaissance superficielle mais ils ont eu plutôt à coeur de plonger dans les profondeurs de Dieu. Et c'est à cela que l'Église est appelée. La puissance qu'elle recherche se trouve dans ces paroles de Jésus qui précède le mandat: “Tout pouvoir m'a été donné dans le ciel et sur la terre” (Mt 28.18). Connaître le porteur de ces paroles a été notre premier appel et c'est à celui-ci que nous devons toujours revenir.

Les symboles ont été, pour bien des générations avant nous, un tremplin pour leur foi. Si certains n'y voyaient que des mots à réciter, plusieurs y ont puisé une louange pour leur Dieu, le connaissant un peu plus en vérité. Associons-nous donc à ces témoins de la foi. Arrêtons-nous et sachons qui est notre Dieu.




OEUVRES CITÉES


Barth, Karl. La confession de foi de l'Église : explication du symbole des apôtres d'après le catéchisme de Calvin. Neuchâtel : Delachaux & Niestlé, 1946.

Conseil œcuménique des Églises. Confesser la foi commune : explication œcuménique de la foi apostolique telle qu'elle est confessée dans le Symbole de Nicée-Constantinople. Paris : Éditions du Cerf, 1993.

Cullmann, Oscar. Les premières confessions de foi Chrétiennes. Paris : Presses universitaires de France, 1948.

Hammond, T.C.. “Frères, je ne veux pas que vous ignoriez...”: Un résumé de doctrine chrétienne. Fontenay-sous-Bois, Belgique: Farel., 1977.

Kannengiesser, Charles. Le verbe de Dieu selon Athanase d'Alexandrie. Paris : Desclée, 1990.

Le Credo de Nicée-Constantinople expliqué et commenté / par l'équipe de Catéchèse orthodoxe auteur du livre Dieu est vivant. Paris : Éditions du Cerf,1987.

Les Assemblées de la Pentecôte du Canada Déclaration de la dogmatique des Assemblées de la Pentecôte du Canada. Toronto : 1980.

Lewis, C. S. Les fondements du christianisme. Guebwiller, Éditions L.L.B., 1985.

Lubac, Henri de. La foi chrétienne: essai sur la structure du Symbole des apôtres. Paris: Aubier Montaigne, 1969.

Menzies, Williams W.. et Horton, Stanley M.. Bible doctrines: A Pentecostal Perspective. Springfield, Missouri: Logion press, 1993.

Nicole, J.M.. Précis d'histoire de l'Église. Nogent-sur-Marne, France: Éditions de l'Intitut Biblique, 1972.

Thiessen, Henry C.. Esquisse de théologie biblique. Sherbrooke: Editions Béthel, 1987.

Wood, A. Skevington. The International Standard Bible Encyclopedia. G. W. Bromiley. vol.1. Grand Rapids, Michigan: William B. Eerdmans Publishing Company, 1992.


Notes

* Avec permission

[1]- Dans le texte original, il n'est pas dit “Je crois au Saint-Esprit” mais plutôt “en Saint-Esprit, de la même manière qu'il est dit “je crois en Dieu” et “je crois en Jésus-Christ” Ceci démontre la similitude d'identité appliquée aux trois personnes. Une manière plus élégante de traduire aurait été “en l'Esprit-Saint”.

[2]- Lubac souligne une particularité du texte: “On notera seulement que, dans leur traduction, les protestants français, évangéliques et réformés, à l'article de l'Église, ont adopté (assez tard) “universelle” pour traduire “catholicam”(19). Ceci a définitivement comme but de ne donner à l'église catholique romaine aucune possibilité d'attestation historique du symbole des Apôtres sur leurs doctrines et surtout, de se démarquer de cette confession.

[3]- Il peut sembler difficile pour l'esprit humain de concevoir qu'une personne ait été engendrée tout en ayant toujours existé. Ceci provient essentiellement de notre conception temporelle influencée par notre vision matérielle du monde . Dans le livre “Le Credo de Nicée-Constantinople”, cette particularité est bien expliquée: “Dieu est simultanément Dieu et Père, la génération n'étant pas chez lui en retard sur l'être: au moment même où Il est, dans la réalité et pour la pensée, Il est Père. Celui dont la nature est telle, on doit certainement admettre que coexiste avec Lui sans avoir commencé ce qu'Il a engendré, c'est à dire le Christ” (126).

[4]- C'est en 589, au Concile de Tolède, que le filioque (procède du Père et du Fils) a été ajouté au symbole de Nicée-Constantinople. Ceci a été la cause de la séparation finale des églises grecs et latines en 1054. Les églises de l'est pensent en effet que l'Esprit procède du Père par le Fils.