Vie chretienne Cosmos Arts Engin de recherches Plan du site

Samizdat

La Religion woke, un compte rendu.





La Religion WokePaul Gosselin (10/8/2025)

Avec son livre Religion woke, le professeur de philosophie Jean-François Braunstein (Paris 1, Panthéon-Sorbonne) nous propose un ouvrage à la fois intéressant et utile. Braunstein dresse d'abord un portrait général de la religion woke, examinant ses sources idéologiques, soulignant sa naissance et son développement dans les milieux universitaires Américains. Et comme les Américains sont passés maîtres dans l'exportation de leurs inventions, tout l'Occident en est maintenant atteint. À la deuxième section Braunstein aborde les conceptions sexuelles de la religion woke, c'est-à-dire la théorie du genre. Et à la troisième section, on aborde des questions sociopolitiques, soit la théorie critique de la race. La dernière section expose l'attitude anti-scientifique de la religion woke. Au sujet de la religion woke, Braunstein a tout à fait raison d'affirmer que (2022: 17)

Ouais, il faut nuancer cette dernière affirmation, car bon nombre de wokes sont effectivement universitaires, soit profs ou étudiants, mais manifestement ils/elles ne correspondent pas tout à fait au portrait de l'universitaire tel que Braunstein le conçoit, c'est-à-dire issu d'un programme dominé par les Lumières. Ceci dit, Braunstein a bien raison d'affirmer que le système idéologico-religieux woke donne sens à la vie de ses adhérents. En contrepartie il n'avouera jamais que l'on pourrait en dire autant du système idéologico-religieux des Lumières... Dans le monde francophone, la camisole de force intellectuelle des Lumières tient toujours. D'autre part Braunstein n'avouera jamais que la montée de la religion woke, en parallèle avec la montée l'Islam en Europe, sont des indices clairs de la décrépitude du système idéologico-religieux des Lumières. Mais bon, peut-on s'attendre à des aveux de la part d'intellos français à ce sujet ? Tout comme la tentative en 2003 du président Bush d'imposer un système politique démocratique en Iraq a été un échec, la tentative des dévots des Lumières d'imposer leur système de croyances sur l'immigration musulmane en Europe a été également un échec. Pour s'en convaincre, posez la question aux employés de Charlie-Hébdo...

Il est assez ironique de voir Braunstein, dès le premier chapitre, tenter de nier l'influence des penseurs postmodernes français (les Foucault, Derrida, Lyotard, Lacan, etc.) sur le mouvement woke américain[1]. Braunstein a raison d'affirmer que les wokes américains n'ont pas copié-collé de manière intégrale le discours des penseurs postmodernes français, mais il reste qu'ils ont retenu ce qui les intéressait et l'ont adapté à leurs circonstances. D'autre part, tandis que les postmodernes français se sont donné le refuge d'un discours abstrait, ambigu et équivoque, les wokes américains ont été assez cohérents pour appliquer les concepts postmodernes à leurs circonstances[2], ce que généralement les intellos français ont évité de faire. Autre détail touchant la filiation woke -> postmoderne, on pourrait très bien parier que de manière générale, le mouvement woke a justement été accouché au sein de départements d'universités américaines où déjà la French Theory avait poussé des racines profondes, donnant lieu à divers cours et projets de recherche inspirés par la French Theory. Tout ceci appelle une remarque d'ordre générale, c'est-à-dire qu'il importe de souligner ici que le postmodernisme, n'est pas un mouvement lié uniquement à la pensée de quelques intellectuels français tels que Derrida, Foucault, Lyotard, Deleuze. Ces derniers ont bien sûr nourri ce courant, mais il les précède et les dépasse.

Si donc on prend plus de recul, le système idéologico-religieux postmoderne est un phénomène plus large que les intellectuels postmodernes français et que ceux-ci ne sont qu'un des courants qui ont contribué à ce mouvement. À mon sens, c'est l'œuvre de Nietzsche qui ouvre la voie et permet la transition entre moderne et postmoderne. Et après Nietzsche, il eut le nazi Martin Heidegger.

Tout en faisant le contraste entre pensée postmoderne et religion woke Braunstein tape dans le mille au sujet de l'intolérance woke (2022 : 23)

En effet, plus loin Braunstein offre des éléments de preuves de l'intolérance Woke[3] (la Cancel Culture). Et c'est précisément le comportement d'organismes et d'individus convaincus qu'ils sont dépositaires de La Vérité... Il en résulte que les élites woke se considèrent en droit de mener leur Inquisition[4] et de censurer, marginaliser, intimider, chasser et faire taire toute voix d'opposition. Un élément important de l'Inquisition woke est la stratégie subtile qui consister à établir des victimes avant tout comme moyen de s'attaquer à ses ennemis idéologiques (potentiels ou actuels). Et si on pense aux AntiFas, ceci n'exclut pas les menaces de violence, tout comme les Chemises brunes nazies[5]. Chose curieuse, tout en niant la filiation postmoderne à woke, Braunstein fait un lapsus intéressant qui nous offre une preuve de ce lien (2022 : 26)

Peut-il admettre que la théorie du genre n'est qu'une application du concept postmoderne de déconstruction ? Touchant la religion woke, à la page 51 Braunstein affirme qu'avec la religion woke c'est la première fois qu'une religion naît en milieu universitaire. Mais cette affirmation est un peu naïve. Dans un article attaquant l'influence de la Critical Race Theory (ou théorie woke des races) en Écosse, le journaliste Hugo Timms souligne le fait que le système idéologico-religieux des Lumières en Écosse est bien né en milieu universitaire (2025)

Timms ajoute la précision que le philosophe et historien David Hume, pilier de la pensée des Lumières en Écosse, fut d'abord étudiant à l'université d'Édimbourg et ensuite bibliothécaire. Il faut comprendre qu'en France (prérévolutionnaire) la situation était différente et les universités françaises étaient encore sous le contrôle de l'Église catholique. De ce fait, en France le système idéologico-religieux des Lumières a dû se développer ailleurs, dans les salons et les cercles francs-maçons. Mais en Écosse, les Lumières sont bel et bien nées en milieu universitaire. Évidemment en discutant des wokes, Braunstein utilise le terme religion avant tout comme une étiquette de marginalisation, à peu de choses près une insulte. Braunstein évite de se référer à l'anthropologie des religions (où il est plus commun de parler de ‘vision du monde' ou de ‘système de croyances'), car dans ce champ d'études l'affirmation ou le rejet du surnaturel n'est qu'une option cosmologique parmi tant d'autres. Il en découle ce concept hérétique, que la pensée des Lumières ne constitue qu'une religion (ou système de croyances) matérialiste[6]...

Chez les wokes Braunstein note ce qui lui semble un emprunt au christianisme (les Grands Réveils américains des 18e et 19e siècles) c'est-à-dire le concept de repentance (2022 : 61) :

Mais sur ce point Braunstein expose son ignorance et sa connaissance superficielle du christianisme[7], car il faut noter que le concept de repentance chrétienne véritable (enseigné dans le Nouveau Testament[8]) n'est pas qu'un rituel abstrait (ne changeant rien, sinon qu'il garde occupée une classe de clergé), mais vise la confession de péchés qui concernent directement l'individu, non pas des péchés théoriquement faits par un ancêtre. Et selon la perspective chrétienne enseignée dans le Nouveau Testament, TOUS doivent passer par la repentance. Il n'y a aucune catégorie exempte. Ça concerne tout autant hommes que femmes, milliardaires et pauvres, hétéros et gais, éduqués et ignorants, génies de l'art et incultes, puissants et esclaves, noirs et blancs, Chinois, Russes, Français et Américains. Personne n'y échappe. L'Évangile de Luc, en livrant le récit de Zachée, ce fonctionnaire corrompu et collabo, offre une illustration de la repentance en action :

Et le but visé par la repentance chrétienne est simplement la réconciliation de cette famille humaine si profondément dysfonctionnelle. Déjà l'Ancien Testament rejette explicitement le concept woke d'un péché transmis génétiquement[9]. Ce que Braunstein appel la repentance woke n'a rien à voir avec tout ça. La repentance woke n'est que l'expression publique du dogme woke qui divise et empoisonne le monde (selon le lotto arbitraire de la couleur de la peau) entre oppresseurs et oppressés. Évidemment sur le plan politique, l'arme de la culpabilisation peut être fort utile pour étouffer et distraire des adversaires idéologiques potentiels. Discutant de livres publiés par les auteurs woke antiracistes Braunstein expose efficacement cette stratégie en notant (2022 : 162-63)

Mais bon, si on ne peut désarmer ses adversaires idéologiques, pourquoi ne pas les neutraliser (et les faire taire) en les faisant courir des lapins invisibles ?? Et si on y ajoute un peu d'humiliation publique, n'est-ce pas plus amusant ?

Un élément dans la stratégie woke est de feindre (sincèrement ?) une sensibilité extrême à l'offense. En général, le coup d'émotion moral suffit à faire plier (et faire taire) l'adversaire idéologique le plus déterminé. Dès lors le concept que “ je suis une bonne personne morale ” peut servir d'arme contre soi. Braunstein a tout à fait raison d'affirmer que (2022 : 89) “ Si on accepte cette notion de microagression, ce sont les wokes qui imposeront leurs règles [morales] du jeu. ” Et il explique de manière efficace comment la notion de microagression nourrit la censure et l'intolérance woke (2022 :86-87) :

D'une certaine manière tout peut les agresser, car il faut tenir compte non pas des agressions réelles, mais aussi et surtout des agressions “ ressenties ”. Tout peut alors être considéré comme une agression puisqu'on trouvera toujours une personne suffisamment fragile pour être offensée. Il s'agit là d'une arme atomique contre toute discussion argumentée, puisqu'il suffit qu'une seule personne se sente agressée pour qu'une parole libre soit interdite.

CS LewisTout cela rappelle une observation du littéraire CS Lewis (1970/1986)

De toutes les tyrannies, une tyrannie exercée avec sincérité, pour le bien de ses victimes, peut être la plus oppressive. Il vaudrait mieux vivre sous le joug d'un seigneur féodal pillard que sous le pouvoir des emmerdeurs moraux omnipotents. La cruauté du seigneur féodal peut dormir à l'occasion, sa cupidité peut parfois être assouvie; mais ceux qui nous tourmentent pour notre propre bien nous tourmenteront sans fin, car ils le font avec l'approbation de leur propre conscience. Ils ont peut-être plus de chances d'aller au paradis, mais en même temps plus de chances de faire de la terre un Enfer. Leur bienveillance même est une insulte intolérable. Se retrouver "soigné" contre son gré et guéri d'états que nous ne considérons peut-être pas des maladies, c'est être mis au même plan que ceux qui n'ont pas encore atteint l'âge de raison ou ceux qui ne l'atteindront jamais ; c'est être classé avec les enfants, les imbéciles et les animaux domestiques.

Dans cette discussion, il faut prendre conscience que chaque religion comporte une approche qui lui est propre pour gérer la faute[11]. Le concept de repentance est spécifiquement d'origine judéo-chrétienne. D'autres religions ou systèmes de croyances ne s'intéressent pas à ce concept. L'attitude d'un technocrate telle que Anthony Fauci est un comportement typique chez les postmodernes. S'ils sont passés maîtres dans la culpabilisation des AUTRES, jamais ils n'admettent leurs torts ou abus de pouvoir... Ceci est simplement dû au fait que le système de croyances auquel ils adhèrent ne comporte pas ce concept.

Si un chrétien peut considérer le principe de la repentance comme allant de soi, il ne doit PAS être naïf au point de penser que les adeptes d'autres systèmes de croyances font cette exigence morale. Ce n'est PAS le cas. C'est d'ailleurs une chose qu'a découverte le scientifique chrétien d'origine britannique, A.E. Wilder-Smith. Lors d'un séjour de recherche en Turquie, il a fait connaissance de l'attitude des musulmans pour ces questions. Un jour, un de ses collègues de recherche musulmans lui demande de faire l'achat pour lui de produits chimiques qu'il avait besoin pour ses recherches, des produits disponibles seulement en Europe, lui promettant de payer. Lors d'un voyage en Suisse Wilder-Smith a acheté les produits demandés, mais à son retour, le collègue refusait de payer et refusait également de reconnaître qu'il s'était engagé à cet égard. Il espérait que Wilder-Smith (le riche occidental) lui file ces produits sans rien payer. Puisque ce collègue refusait de payer, Wilder-Smith a gardé les produits pour lui et les a vendus à d'autres, prêts à payer. Dans ses mémoires, Wilder-Smith relate ce qui suit au sujet de cet épisode (1998 : 369-370):

Ouais, comme les musulmans, les élites postmodernes[12] ne reconnaissent jamais leurs torts c'est-à-dire leurs violations massives des droits de leurs citoyens (encore moins chercher à les réparer), car leur système de croyances n'exige pas une telle chose et ne comporte pas un tel concept. Il ne leur reste que faire face à la justice humaine (sous une forme ou une autre)... Touchant la question de la gestion de la faute chez le woke, Braunstein émet une observation fort significative au sujet des répercussions de la Critical Race Theory (2022 : 66) :

Le privilège blanc ne dépend pas d'une action volontaire du Blanc, il n'en est pas responsable et il ne peut donc en être sauvé. Comme le note Chantal Desol, à la suite de Bottum : “ En affirmant une culpabilité sans pardon, le Woke ne laisse d'espoir qu'à la violence. Leur péché originel ressemble à une forme de manichéisme total, puisque seuls les Blancs en sont affligés.

Comme le note Braunstein, la Critical Race Theory n'offre aucun pardon aux fautifs. Sur le plan politique, ce système de croyances a tout pour semer la haine et la division en Occident. De ce fait il est logique de le voir comme un instrument de propagande au service d'élites mondialistes qui ne cessent de proclamer la fin des États-Nations et de la démocratie... Eux, ils ont besoin du chaos[13]... D'autre part Braunstein voit juste en affirmant (pp. 82-86) que la Religion Woke est très pessimiste et ne comporte aucune rédemption, aucune réconciliation de l'humanité et aucun projet d'avenir. Et c'est dans cette logique que bon nombre de jeunes femmes woke se vantent de leur refus de devenir mères et mettre au monde des enfants. Pour elles, l'avenir est mort. Belle logique autodestructrice...


Théorie du genre

Si Braunstein a raison de souligner l'aspect gnoséologique de la théorie du genre (jouant le rôle de texte sacré) chez les wokes, lorsqu'il refuse la filiation woke -> postmoderne, il néglige de noter qu'en dernière instance la théorie du genre n'est que l'application fidèle du principe postmoderne de déconstruction, mais appliqué à la sexualité. Serait-ce si gênant d'admettre l'influence des postmodernes sur les wokes[14] (même si Foucault ou Derrida n'aient jamais songé à explorer de telles questions) ? Cela pourrait donner à penser que rester dans l'abstrait offre un alibi fort utile... Braunstein observe que la Théorie du genre aboutit inévitablement au rejet la réalité, plus précisément au rejet de faits biologiques observables (2022 :131) :

Il est clair que la prédilection pour la surproduction de néologismes et la redéfinition du langage que l'on rencontre chez les wokes a sa source chez certains auteurs postmodernes comme Gilles Deleuze qui affirmait que “ Philosopher, c'est créer des concepts ”. Mais pour les wokes, philosopher, ce n'est plus créer des concepts, mais créer/transformer la Réalité. Carole Maigné note à ce sujet (2005 : 87) :

Discutant de la moralité/éthique vue par Foucault, Victor Babin expose une attitude qui ouvre toutes grandes les portes aux conceptions de la religion woke (2018) :

Eh oui, chez le postmoderne le désir devient le seul étalon éthique... Si on revient aux wokes, il est clair que de nombreux gouvernements en Occident donnent leur appui inconditionnel à l'idéologie sexuelle woke[15] et leur comportement indique qu'ils en ont fait une religion d'État. Au Canada par exemple, on a déclaré le mois de juin le mois de fierté gai. Difficile de faire plus officiel... Et toujours au Canada, l'État a émis un décret[16] que toutes les entreprises sous juridiction fédérale DOIVENT offrir des serviettes sanitaires et tampons dans les toilettes pour hommes. À la fin c'est de la propagande manipulatrice et RIEN d'autre...

En Angleterre (voir l'article par Steve Watson 2024), il semble que l'on cherche à aller encore plus loin que le Canada. Depuis peu, on a ordonné au personnel médical travaillant en radiologie qu'avant la prise d'une radiographie/rayon X ils devaient demander aux hommes s'ils étaient “enceints”... À une telle question ne faut-il pas répliquer : “Votre diplôme médical, l'avez-vous trouvé dans une boite de popcorn??” Désolé, mais de telles questions ne méritent rien d'autre que le mépris, sinon le sarcasme... Si les trans insistent que tous doivent reconnaître leur nouvelle identité sexuelle, Brainstein observe la fragilité inévitable de cette identité (2022 : 124-125)

Et si les États occidentaux se font promoteurs zélés de l'idéologie sexuelle woke ça va plus loin encore, car de manière générale le système juridique en Occident est désormais un outil servile de l'Inquisition woke. Ici et là des professionnels et des gens ordinaires ont été attaqués en cour pour avoir remis en question de quelque manière l'idéologie sexuelle woke, en particulier l'idéologie trans[17]. Voici une stratégie de défense possible pour un individu contraint de passer devant un juge et accusé d'hérésie pour avoir osé remettre en question l'idéologie trans :

Il est quelque peu étonnant que Brainstein ne considère pas un motif politique plus large pour l'idéologie sexuelle woke promu par tant de gouvernements en Occident. Si on parvient à semer la confusion dans un pourcentage significatif de la population touchant un sujet aussi fondamental que son identité sexuelle, alors il y a lieu de penser qu'on pourra faire croire ABSOLUMENT n'importe quoi à cette population...


Le rejet de la science chez les wokes

Si Braunstein refuse de reconnaître la filiation postmoderne -> woke, il faut noter que la relativisation de la science est un trait dogmatique partagé autant par les postmodernes que les wokes. L'Affaire Sokal constitue un exemple fort divertissant du conflit territorial entre modernes et postmodernes et invite à réfléchir sérieusement aux divers liens de filiation postmoderne -> woke. Le professeur de physique à l'université de New York Alan D. Sokal, côtoyait des collègues en sciences sociales gagnés à l'influence la pensée postmoderne. Sokal, troublé par le langage obscur et le manque de rigueur scientifique et logique des auteurs postmodernes, s'est proposé de faire une expérience scientifique (et une arnaque en même temps). Voici la question que s'est posée Sokal (1996b):

Afin de mettre à l'épreuve les standards intellectuels dominants, j'ai décidé d'amorcer une expérience modeste (et, il faut avouer, sans groupe de contrôle). Est-ce qu'une revue nord-américaine de pointe dans le domaine des études culturelles – dont le collectif éditorial inclut des luminaires tels que Fredric Jameson et Andrew Ross – publierait un article librement parsemé de bêtises si (a) il était exprimé de manière convenable et (b) s'il flattait les présupposés idéologiques des éditeurs?*

Sokal a donc proposé à la revue Social Text, un article intitulé Transgressing the Boundaries: Towards a Transformative Hermeneutics of Quantum Gravity. L'article fut accepté et publié dans un numéro spécial intitulé Science Wars (1996a). Après la publication Sokal a révélé le canular. Ce fut le scandale. Bien que le système idéologico-religieux postmoderne s'est vu couvert de ridicule dans cette affaire, l'un des enjeux de l'Affaire Sokal est le fait que plusieurs intellectuels postmodernes visés par l'article de Sokal, paru dans Social Text, (dont Derrida. Lacan, Irigaray et Aronowitz) avaient effectivement remis en question/relativisé la nature absolue/panculturelle de la science occidentale. Les wokes ne font que transmettre et maintenir cette tradition dogmatique postmoderne.

Toujours dans l'introduction, Braunstein ne peut s'empêcher de répéter un mantra des Lumières, soit l'irrationalité du christianisme (pp. 27-28), lieu commun qu'il évoque pour incriminer par la suite les Wokes. Touchant les Wokes, Braunstein observe (2022 : 28)

Ce qui est sous-entendu ici est que lorsque Braunstein affirme que le woke “ nouvelle idéologie, mais d'une nouvelle croyance, d'une nouvelle religion ” cela n'exprime rien de très significatif sauf son mépris du woke. Comme tout dévot des Lumières, Braunstein est inconscient qu'il nage dans la croyance tout autant que le woke ou le chrétien, sauf que le dévot des Lumières confesse le dogme du matérialisme, excluant le surnaturel. Lorsque les dévots des Lumières considèrent la science occidentale, il y a un tabou intellectuel énorme bloquant toute réflexion au sujet de la contribution du christianisme à la naissance de la science. C'est un point qu'éclaircit l'érudit me_die_valiste CS Lewis. Discutant de la pensée du philosophe britannique David Hume, dans son livre Miracles (1947) Lewis soulignait la contribution judéo-chrétienne à la naissance de la science (c'est-à-dire offrant le concept que le monde matériel qui nous entour est assujetti à des lois) et exposait les conséquences pour la science du rejet de la cosmologie judéo-chrétienne (chapter XIII. On Probability - 1947/2024 : 79-80):

Manifestement nous voyons de nos yeux la réalisation de l'intuition presciente de Lewis de la fin de la science. Si la réalité (indépendante de l'observateur) se voit réduite à un construit occidental arbitraire, où cela conduit-il? Pourtant c'est dans la confrontation avec cette réalité que toute théorie scientifique doit être validée ou rejetée. Mais si on rejette le concept d'un étalon, servant de point de repère pour valider ou invalider une théorie, quel sera l'effet sur le projet scientifique? À ce titre, l'anthropologue britannique Ernst Gellner constate (1992: 93):

Et si on rejette le concept affirmant que la nature est assujettie à des lois, alors on vient de saper le concept fondant la méthode expérimentale, car c'est cette confiance (dogmatique) qui justifie l'attente que la nature donne toujours le même résultat si on répète les mêmes conditions d'une expérience. Peter Berkowitz, professeur d'études gouvernementales, observe qu'il est inévitable que le système idéologico-religieux postmoderne (et son enfant légitime, la religion woke) corrompe et sape l'entreprise scientifique (1996: 15):


Conclusion
Vers la fin de son livre, touchant la religion woke Braunstein passe un commentaire qui résume assez bien sa pensée (2022 : 253)

Tenant compte des puissants moyens mis de l'avant pour diffuser la propagande woke, il est rationnel d'avoir des attentes pessimistes. En effet, le jour peut venir où on sera confronté au choix de se confier sa vie à un pilote de ligne qui ne se soucie pas de ses instruments et laisse entendre qu'il a l'intention d'explorer de nouveaux horizons. Ou encore qui se confier aux soins d'un médecin qui ne se soucie pas de distinguer entre un homme et une femme ?

En terminant, examinons une hypothèse qu'aucun dévot des Lumières comme Braunstein ne saurait proposer, c'est-à-dire que si à la fin des années 1990 le communisme a connu la Chute du Rideau de Fer, il est possible d'entretenir l'idée scandaleuse que la pensée des Lumières puisse subir un renversement comparable. Déjà, certains Français y songent[20].

* traduction PG, certaines citations comportent des commentaires de l'auteur de cet article, identifiés par les parenthèses carrées [].


Références

BABIN, Victor (2018) Foucault et la normativité éthique - Portrait d'une conférence : élaborer sa vie comme une œuvre d'art. (Le Délit – 23/10/2018)

BAUCHAM, Voddies T. (2022) Fault Lines: The Social Justice Movement and Evangelicalism's Looming Catastrophe. Salem Books 272 p.

BERKOWITZ, Peter (1996) Science Fiction; postmodernism exposed. The New Republic, July 1,

BRAUNSTEIN, Jean-François (2022) La religion woke. Grasset - Paris 286 p.

DAWKINS, Richard (2025) Why men are different from women. (UnHerd – 2/8/2025)

FUREDI, Frank (2025) Stop telling Britons to feel guilty about the past An HMRC course on the 'guilt of being British' shows we are a nation gripped by self-loathing. (Spiked - 12/8/2025)

GELLNER, Ernest (1992) Postmodernism, Reason and Religion. Routledge London/New York 108 p.

GOSSELIN, Paul (1985) La définition de la religion en anthropologie sociale. (Samizdat)

GOSSELIN, Paul (1986) Des catégories de religion et de science: Essai d'épistémologie anthropologique. (thèse PDF)

GOSSELIN, Paul (1987) La cosmologie judéo-chrétienne et l'origine de la science. (Samizdat)

GOSSELIN, Paul (2006) Fuite de l'Absolu: Observations cyniques sur l'Occident postmoderne. Volume I. Samizdat – Québec 492 pages

GOSSELIN, Paul (2008) Quel est le système de croyances dominant au XXIe siècle? (Samizdat)

GOSSELIN, Paul (2017) L'Allemagne Nazi et le Québec de 2017 : convergences et divergences (un regard au-delà du mirage postmoderne). (Samizdat)

GOSSELIN, Paul (2023) Jacques Ellul et le djihad sexuel postmoderne. (Samizdat - 27/10/2023)

GOSSELIN, Paul (2024) Une stratégie de manipulation/intimidation postmoderne : la culpabilisation. (Samizdat - 31/7/2024)

GOSSELIN, Paul (2025) Les mensonges des Lumières par Marc Halévy : un compte rendu. (Samizdat - 30/5/2025)

LEWIS, Clive Staples (1947/2024) Miracles: A Preliminary Study. Samizdat 148p.

LEWIS, Clive Staples (1970/1986) Dieu au banc des accusés. (edité par Walter Hooper, trad. Astrid & Etienne Huser) Éditions Brummen Verlag Bâle 111 p.

MAIGNE, Carole (2005) Qu'est-ce que la philosophie ? pp. 86-87 Sciences Humaines HS no. 3 [Pensées rebelles]

MUMFORD, Georgina (2025) The Gen Z gender war : The terminally online young have a dangerously warped view of the opposite sex. (Spiked – 10/8/2025)

SOKAL, Alan D. (1996a) Transgressing The Boundaries: Towards A Transformative Hermeneutics Of Quantum Gravity. Social Text no. 46/47, pp. 217-252 spring/summer

SOKAL, Alan D. (1996b) A Physicist Experiments with Cultural Studies. Lingua Franca, May/June 1996, pp. 62-64.

TIMMS, Hugo (2025) Edinburgh University's war on the Enlightenment: The ‘decolonisation' movement is desperate to discredit the great thinkers of the past. (Spiked – 3/8/2025)

WATSON, Steve (2024) UK Health Workers Ordered to Ask MEN If They're Pregnant Before X-Rays: Report: 'Inclusivity guidance' criticised for "indoctrinating" children. (Modernity - 14/8/2024)

WILDER-SMITH, A.E., Beate Wilder-Smith (1998) Fulfilled Journey: The Wilder-Smith Memoirs. Word For Today 544 p.

ZMIRAK, John (2025) Why the Transgender Cult Is So Powerful and Persistent. (The Stream - 19/8/2025)


Vidéos (anglais) sur la religion woke par l'intellectuel noir, Voddie Baucham

Homosexuality and Transgender.
(YouTube - 50 min. – 7/4/2018)

Critical Race Theory [Fault Lines]. (YouTube – 52 minutes - 8/12/2022)

L'essor des LGBT et de la CRT dans l'Église par le Dr Voddie Baucham _ Stand Firm Conference '25. (YouTube – piste sonore française par IA – 48 minutes – 2/6/2025)


Notes

[1] - Quelle ironie, car Braunstein reconnaît lui-même (pp. 19-20) que les Wokes américains affirment ouvertement leur filiation aux postmodernes français, particulièrement Foucault et Lacan.

[2] - Évidemment de tels gestes sacrilèges de la part des wokes américains invitent la réplique suivante des dévots des Lumières français : “ Mais ces Américains n'ont rien compris aux textes de Foucault, Derrida ou Lyotard ”. Voilà l'alibi facile. Trop facile, car justement ces textes abstraits, ambigus et équivoques engendrent naturellement de tels abus... La religion woke n'est donc pas un bébé bâtard, mais l'enfant légitime du postmodernisme... Autre ironie, l'affirmation que les wokes n'ont rien compris aux textes postmodernes revient à ériger ces oeuvres en texte mystique, une gnose réservée uniquement aux disciples qui ont subi (avec succès) toutes les initiations/lavages de cerveau appropriées (et réserver le droit de prêcher l'évangile postmoderne qu'à ceux qui ont été ordonnés à cet effet -> et donc exempts de déviations et d'hérésie).

[3] - Qui n'est qu'une sous-catégorie de l'intolérance postmoderne. À ce sujet, voir le Dossier de presse sur l'intolérance postmoderne/progressiste/woke.

[4] - Braunstein offre une analyse convaincante du fonctionnement de l'Inquisition woke (2022 : 71) :

[5] - Voir la page wiki à ce sujet: Sturmabteilung

[6] - Exception faite de quelques déistes au stade immature des Lumières...

[7] - Il est triste de voir Braunstein si déterminé à faire étalage de son ignorance en affirmant (p. 120) que l'Apôtre Paul fut le “ fondateur du christianisme ”...

[8] - Et dans l'Ancien Testament, le Tanakh des Juifs.

[9] - La question fut tranchée par le prophète Jérémie

Mais Jérémie ne fait que réitérer un concept ancien, apparaissant dans la loi de Moïse :

On ne fera point mourir les pères pour les enfants, et l'on ne fera point mourir les enfants pour les pères; on fera mourir chacun pour son péché. (Deut. 24: 16)

[10] - À ce sujet voir mon article de 2024 offrant quelques exemples de la culpabilisation comme arme de manipulation et de propagande en Occident. Voir ausssi l'article de Frank Furedi dans les références.

[11] - Dans l'hindouisme et le bouddhisme, on rencontre plutôt le concept de karma (concept lié à l'idée de réincarnation) et à des pratiques rituels pour expier des fautes passées. Au sein du mouvement écolo en Occident il semble qu'on ait réactivé, par syncrétisme, le concept de karma, et à la différence du christianisme (où le sacrifice de Christ joue le rôle central pour expier le péché), on tente de s'extirper du péché par un ascétisme progressiste. Et en Occident le processus expiatoire peut impliquer des exercices yogiques, alimentaires, en passant par la déification de la terre Gaya et chez d'autres le refus d'exploiter les ressources naturelles ou l'imposition de payer une taxe d'absolution (taxes vertes) qui est une nouvelle forme des indulgences, etc.

[12] - Et c'est vrai également pour les pions de la secte de Davos actuellement au pouvoir en Occident. Mais le refus des élites postmodernes de reconnaître leurs abus de pouvoir et violations massives des droits du peuple n'est qu'une expression supplémentaire de leur mépris absolu des droits du peuple.

[13] - Et si les ennemis potentiels des mondialistes se battent entre eux, ce sera d'autant plus facile. Et si finalement les États-Nations sombrent dans le chaos, alors les mondialistes seront alors vites sur scène pour (aimablement) nous offrir leur solution. C'est ainsi que Hitler prit le pouvoir en 1933... Cela concorde d'ailleurs avec une anecdote offerte par Braunstein qui relate (pp. 188-89) que le mondialiste Bill Gates subventionne des programmes visant à introduire l'équité raciale dans les cours de maths... Dans le cas de la théorie de l'intersectionnalité, Braunstein semble percevoir l'utilité politique de la chose, c'est-à-dire pouvant servir de vecteur pour envenimer tous les rapports sociaux (2022 : 193)

Braunstein ajoute (2022 : 199)

En effet c'est une logique de la lutte pour la survie tout à fait darwinienne. Et tout à fait dans les mêmes lignes que cette lutte darwinienne chez les nazis (lutte pour la survie entre les races) ou chez les marxistes, la lutte darwinienne entre classes sociales (prolétaires contre capitalistes).

[14] - Par ailleurs Braunstein néglige de souligner un point de divergence des wokes avec les postmodernes français, c'est la récupération par les wokes du concept marxiste de l'opposition oppresseurs/opprimés. Évidemment chez les wokes on ne s'intéresse pas à l'opposition prolétaires/capitalistes, mais à d'autres formes d'oppression. Il est ironique d'ailleurs de constater à quel point les wokes sont copains-copains avec les plus grandes entreprises capitalistes multinationales en Occident et ces entreprises capitalistes le leur rendent bien, étant de zélés promoteurs de l'Évangile Woke...  Il faut noter d'ailleurs que lors de l'analyse de l'opposition marxiste oppresseurs/opprimés dans la propagande woke, le choix des opprimés constitue avant tout un moyen indirect de cibler des adversaires idéologiques...

[15] - Ce que j'appelle par ailleurs, le djihad sexuel postmoderne. Voir le dossier de presse à ce sujet.

[16] - Cf :

Le Code canadien du travail assure l'accès aux produits menstruels au travail à partir du 15 décembre. (Emploi et Développement social Canada - 10/5/2023)

[17] - Voici quelques exemples :

Brazilian Woman Granted Refugee Status in Europe After Facing 25-Year Sentence for ‘Misgendering' Trans Politician. (Anna Slatz – Redux – 6/8/2025)

Chanteur pro-Trump: censurer au nom de la vertu. (Mathieu Bock-Côté - Journal de Montréal - 29/7/2025)

Nurse fired over gender views files human rights complaint. (Sheila Gunn Reid - Rebel News - 21/7/2025)

Pastor Reimer walks free after arrest for speaking to supporters outside courthouse: Rebel News spoke to Pastor Derek Reimer's family and lawyer about his release from custody. (Sydney Fizzard - Rebel News - cideo, 25 minutes - 10/7/2025)

Jocelyne Robert: coupable de ne pas se soumettre. (Marie Wright et Alexandra Houle - Libre Média -10/7/2025) -> une sexologue québécoise rejette l'idéologie trans

They Want to Indoctrinate Grandma New Massachusetts law mandates LGBTQ brainwashing and trans bathrooms in nursing homes. (MassResistance - The Stream - 7/7/2025)

How universities went to war with biological facts: Alice Sullivan on the suppression of gender-critical research. (Spiked - 6/7/2025)

Arrested, Strip Searched: Brussels' Pro-LGBT Bureaucracy Bullies Billboard Chris: "All of our possessions were taken and logged," he said. "I had to strip down to my underwear for a search, and we were put into jail cells." (Rod Lampard - CaldronPool - 7/6/2025)

Affirm Your Kid's Chosen Gender or Lose Custody? Colorado's Chilling New Bill. (Julian Adorney/The Epoch Times - Zero Hedge - 12/5/2025)

Professor Fired for Questioning Gender Ideology Wins $1.6 Million Settlement. (Dr Frederick Attenborough - Daily Sceptic - 23/4/2025)

[18] - Allusion au principe d'incertitude de Werner Hiesenberg ?

[19] - Pour le chrétien, tout cela rappelle le Premier Mensonge : “ Vous serez comme des dieux ” (Gen. 3 : 5)

[20] - À ce sujet, voir mon compte rendu du livre par le physicien et franc maçon français Marc Halévy (2025).