Denis Grenier (Mars 2011)
De nos jours, toutes les croyances sont traitées sur un même pied. Elles
seraient, par définition, arbitraires. C'est-à-dire qu'elles reposeraient
sur nos choix. L'individu est encouragé à ‘construire' sa propre réponse
à la question du sens de la vie. On tient pour acquis qu'il n'y a pas de
réponse universelle à cette question.
La résurrection ? Une croyance parmi tant d'autres. Une croyance naïve, disent les uns. Un mensonge monté par l'Église pour ‘imposer' sa foi à tout le monde, disent les autres.
Affirmation d'un blogeur : “ Le christianisme repose sur la croyance que le Christ est ressuscité. Or, rien ne saurait prouver cela. Nous nageons en pleine croyance et rien d'autre.”
Il est entendu que l'affirmation chrétienne réclame la foi. Si le chrétien affirme que le Christ est ressuscité, c'est bien parce qu'il y croit.
Ce n'est, en réalité, qu'une ‘description' de la réponse du chrétien à la proclama-tion chrétienne. Décrire le christianisme comme ‘la croyance que le Christ est ressuscité' ne nous dit pas si cette croyance est justifiée ou non, si elle est vraie ou fausse.
Mais mon interlocuteur ne l'entend pas de cette façon. Il croit que le christianisme repose essentiellement sur une croyance, c'est-à-dire que sa foi en est le fondement et l'explication. À ses yeux, le christianisme ne repose pas sur des faits, mais sur une croyance : “ Nous nageons en pleine croyance et rien d'autre ”. La religion chrétienne n'est donc pas différente des autres religions, qui reposent, elles aussi, sur des croyances. Des croyances qui, par définition, ne se prouvent pas.
Que répondre à cela? L'idée de ‘preuve' est empruntée à la culture scientifique populaire. Je dis ‘populaire', parce que dans le monde de la science, il est moins question de preuve que de démonstration.
Le scientifique doit être capable de démontrer que l'explication qu'il propose à tel ou tel phénomène est la meilleure explication que l'on puisse donner. La démarche scientifique consiste à collecter des informations, à formuler une hypothèse, et ensuite à vérifier par l'expérimentation si l'hypothèse est exacte. Si elle semble l'être, elle donne lieu à la formulation d'une théorie. Un théorie qui peut toujours être mise à l'épreuve par d'autres recherches. C'est pourquoi on dit que pour être scientifique, une théorie doit être ‘falsifiable', c'est-à-dire qu'il doit être possible de démontrer qu'elle est fausse. La science repose donc sur des démonstrations susceptibles d'être confirmées ou infirmées.
Mais l'idée populaire, c'est que la fonction de la science est de 'prouver'.
Alors on prend cette idée et on l'oppose à la religion qui affirme des choses
sur la base de la foi, sans rien prouver.
Voici ce que j'ai répondu à mon blogeur :
Il ne s'agit pas de prouver par une démonstration technique et extérieure que le Christ est ressuscité. Cette preuve ne s'obtient que dans l'expérience de ceux et celles qui disent oui à l'invitation du Christ et en deviennent les disciples. Elles est empirique pour eux, par l'expérience spirituelle qu'ils font du Ressuscité, par la vie nouvelle qu'il leur procure. C'est parce que j'ai fait cette exprience unique que je suis aujourd'hui chrétien, et je peux affirmer qu'il est vraiment ressuscité. Sans cette expérience, Dieu ne serait sans doute pour moi qu'un concept nébuleux, et la foi, une croyance parmi tant d'autres. Donc cette preuve, je l'ai obtenue pour moi-même, comme chaque nouveau croyant l'obtient pour lui-même. C'est le Christ lui-même qui a promis de se faire connaître à ses disciples et non au monde. Il devait avoir ses raisons.
Voici sa réponse :
Malgré toutes vos prétentions, il est indéniable que le christianisme ne repose que sur une simple croyance et rien d'autre : la résurrection du Christ. Vous aurez beau tenter de “ noyer le poisson ”, c'est un fait. Il ne s'agit nullement de preuves, mais d'expériences subjectives basées sur une foi. Et les croyants des autres religions vivent aussi de telles expériences spirituelles.
Mon blogeur n'obtiendra pas la ‘preuve' qu'il demande. Sa demande est semblable à la demande des pharisiens :
Les pharisiens survinrent, commençèrent à débattre avec lui et, pour le mettre à l'épreuve, ils lui demandèrent un signe venant du ciel. Jésus soupira profondément en son esprit et dit : Pourquoi cette génération demande-t-elle un signe ? Amen, je vous le dis, il ne sera pas donné de signe à cette génération. (Mc 8.11-12)
Les pharisiens demandent à Jésus de ‘prouver' qu'il tient son autorité de Dieu. Jésus a toujours refusé de satisfaire à cette demande. Pourquoi ? Parce que la ‘preuve' demandée est artificielle et extérieure. Elle ne saurait répondre au besoin réel de l'homme. Il a besoin d'une certitude intérieure, inscrite dans son cœur, et fondée sur une expérience concrète de Dieu. Or une telle certitude ne s'obtient qu'en s'humiliant devant Dieu, en lui avouant notre péché et notre échec, et en le priant de venir à notre secours. Pourquoi ? Parce que l'être humain est orgueilleux : il est rempli de suffisance et de prétention. Il croit qu'il peut se sauver lui-même. Il se croit plus malin que Dieu. Alors tant qu'il n'a pas admis son échec, son insuffisance et sa folie, il ne peut connaître Dieu. Ne cherchons pas un autre chemin pour arriver à la certitude et à la connaissance de Dieu. Car cet autre chemin n'existe pas. La Bible affirme que Dieu résiste aux orgueilleux, mais qu'il fait grâce aux humbles. Comme Jésus a résisté à ces pharisiens en disant : “ il ne sera pas donné de signe à cette génération.”
La ‘preuve' que cherche mon blogeur, il ne l'obtiendra pas. Il n'y a pas une telle ‘preuve' à la résurrection de Jésus. Si la résurrection pouvait être prouvée (au sens fort du terme), il ne serait plus question de croire ou ne pas croire. Cette liberté serait supprimée.
Pourquoi ? Car de l'irréfutable on ne peut raisonnablement douter. La preuve réclame que fléchisse tout genou et que confesse toute langue. Comme lors du retour de Jésus-Christ, dont il est dit que ‘tout œil le verra'. Le temps de la prédication sera révolu, comme l'a dit Paul (1Co 13.8). Mais il ne l'est pas encore. Nous prêchons toujours, et c'est toujours par la foi que nous venons au Christ.
Il faut tenir grand compte de l'avertissement de Matthieu :
Les onze allèrent en Galilée, sur la montagne que Jésus avait désignée. Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais quelques-uns eurent des doutes. (Mt 28.16-17)
Ils le virent et eurent des doutes. Il y a donc une limite à toute démonstration, et celle-ci est posée par la foi et le doute. Il faut qu'il y ait cet espace de liberté réservé à la réponse de l'homme, soit la foi, soit le doute. Si une personne vient à Dieu, ce n'est pas parce qu'elle y est contrainte.
Connaissez-vous Richard Dawkins ? Il est biologiste et athée. Il mène une croisade pour l'athéisme et contre toute forme de religion. Il a dit ceci :
Quand on rencontre une personne qui déclare ne pas croire à l'évolution, on peut affirmer sans crainte de se tromper qu'on a affaire à un individu ignorant, stupide, débile (ou malfaisant, mais je préfère ne pas envisager cette hypothèse).
Y a-t-il ici des gens qui ne croient pas à l'évolution ? Ils sont ignorants, stupides et débiles – possiblement malfaisants. L'erreur de Dawkins, c'est de prendre une explication (ici la théorie de l'évolution) pour une preuve irréfutable, si bien qu'il n'y a plus qu'à l'imposer à tout le monde et déclarer tous ceux qui résistent ‘ignorants, stupides et débiles'. Celui qui ne confesse pas l'évolution est exclu de son peuple. Rien de moins.
Dawkins a tort. L'évolution ne repose pas sur des preuves irréfutables. On n'a jamais pu prouver qu'il y a des millions d'années, un lézard s'est transformé progressivement en oiseau, ou qu'un mammifère terrestre est retourné à la mer pour se transformer progressivement en baleine. C'est de la pure spéculation. D'autant que la théorie de l'évolution n'est pas soutenue par le registre fossile.
Le registre fossile nous donne une sorte de négatif photo des formes de vie existentes pour une période donnée. Or la multitude des formes intermédiaires entre les espèces, que nous somme en droit d'y trouver - si la théorie est juste - ne s'y trouvent pas. Comme si, dans les faits, l'évolution darwinienne n'avait jamais eu lieu. C'est un problème colossal, et Darwin le reconnaissait bien. Mais il espérait que de nouvelles recherches allaient combler cette lacune et qu'on finirait par trouver les fossiles des milliers de formes manquantes. Aujourd'hui, après 150 ans de recherches dans toutes les strates géologiques du monde, on en est pratiquement au même point. Les dizaines de milliers de formes intermédiaires manquent toujours à l'appel. Comment l'expliquer ?
Mais, je vous en prie, que cela reste entre nous. Ne le dites à personne. Car si vous exprimez des doutes au sujet de l'évolution, c'est que vous êtes ignorant, stupide, débile, peut-être même malfaisant...
En réalité, la théorie de l'évolution n'a jamais été qu'une hypothèse pour expliquer l'origine des espèces - tel que l'a énoncée Darwin. Et comme toute hypothèse qui se veut scientifique, elle est sujette à la critique et à la contestation. Autrement, elle n'a rien de scientifique. Ceux qui, comme Dawkins, refusent la critique de l'évolution montrent par là qu'ils ont fait de l'évolution leur ‘religion'.
Il ne faut pas commettre la même erreur que Dawkins. Le Christ demande toujours la foi et rien de moins. Il ne saurait être question d'imposer la vérité du Christ à quiconque, ni de déclarer que ceux qui n'y croient pas sont ignorants, stupides ou débiles. Seul l'orgueil pourrait nous y pousser. Ceux qui ne croient pas à la résurrection du Christ ne sont pas bêtes pour cela. Il est normal de douter. Nous doutons nous-mêmes plus souvent que nous croyons. Les premiers disciples n'ont pas cru Marie de Magdala lorsqu'elle leur a annoncé que Jésus était ressuscité. Comment croire une chose pareille ? C'est impossible ! C'est la réaction naturelle à l'annonce de la résurrection.
Mais cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas lieu de faire la collecte de données, d'établir des évidences, de formuler des hypothèses, et de vérifier si celles-ci rendent compte des évidences. Qu'il n'y a pas lieu de réflichir sur les faits et sur la meilleure explication que l'on puisse donner à ces faits. Exactement comme on procède en science. Dans la mesure où la résurrection de Jésus s'inscrit dans un récit et un contexte historique précis, il doit être possible d'y réfléchir dans une cadre logique et rationel. On pourra toujours choisir de croire ou de ne pas croire au résultat de cette réflexion, comme on a cru ou n'a pas cru à la manifestation du Ressuscité. Mais c'est une toute autre question.
Pour s'entretenir intelligemment de la résurrection de Jésus, il faut se poser les questions suivantes :
a) Quels sont les faits qui doivent être expliqués ?
b) Quelle explication de ces faits est la meilleure ?
L'évidence se résume en trois faits établis indépendamment :
1) le tombeau vide ;
2) les apparitions de Jésus après sa mort ;
3) la foi des disciples en sa résurrection.
Le raisonnement : Si ces faits peuvent être établis et si aucune explication plausible et naturelle ne peut rendre compte des faits aussi bien que la résurrection, alors nous sommes justifiés de tenir la résurrection pour la meilleure explication des faits (William Lane Craig).
Est-ce qu'il s'agit d'établir une preuve de la résurrection ? Pas du tout.
Il s'agit de montrer quelle hypothèse offre la meilleure explication des
faits entourant la mort de Jésus et la soudaine conviction des disciples.
Lorsque quelqu'un affirme qu'il ne croit pas ou ne peut croire à la résurrection, je suis en droit de lui poser la question suivante : « Si Jésus n'est pas ressuscité, comment les choses se sont-elles passées pour que ses disciples aient été à ce point convaincus qu'il était ressuscité ? Comment expliques-tu ça ? »
Car il ne suffit pas de dire que Jésus n'est pas ressuscité, encore faut-il fournir une explication crédible à l'émergence de cette foi dans la ville même où Jésus a été crucifié et cela peu de temps après sa mort.
Au Québec, plusieurs personnes ne veulent rien entendre des arguments tirés de la Bible puisqu'elles n'en reconnaissent pas l'autorité.
Je leur dis : Dans la Bible se trouve le Nouveau Testament, et dans celui-ci les quatre Évangiles, Matthieu, Marc, Luc et Jean. Comment pouvez-vous parler de Jésus si vous repoussez du revers de la main les seuls documents de sa génération qui racontent son histoire et les détails de son jugement, de sa mort et les circonstances de sa ‘résurrection'? Car on peut dire n'importe quoi sur Jésus si ce qu'on en dit n'est basé sur aucune source ancienne et crédible.
Mais une dame me dit : Pas si vite. Il y a bien d'autres évangiles qui n'ont pas trouvé leur place dans le Nouveau Testament, ceux que l'Église a tenu cachés, et qui donnent un tout autre portrait de Jésus.
Désolé m'dame. Les évangiles dits ‘apocryphes' ont été écartés parce qu'ils n'offraient pas les garanties d'authenticité et de fiabilité des quatre Évangiles. Les autres livres, les textes gnostiques, ont été rédigés au cours des deuxième et troisième siècles de notre ère par des petits groupes ésotériques qui ne s'intéressaient pas à la figure historique de Jésus. Il n'y a pas d'histoire de Jésus dans ces livres, seulement des dialogues religieux dans lesquels Jésus incarne la figure céleste de la Sagesse. Même l'Évangile de Judas, dont on a fait tout un plat dans les médias, est monté sur cette grille. Rien pour nous éclairer sur le jugement de Jésus, sur sa mort et les circonstances de sa résurrection.
Any way, moi, je ne ‘trust' pas le Nouveau Testament, un point c'est tout.
Mais l'as-tu seulement lu ? As-tu seulement lu un Évangile ? Non ?
C'est tout de même étonnant que la plupart de ceux qui ne ‘trust'
pas le Nouveau Testament n'ont jamais pris la peine de le lire. C'est un
fait : les Québécois ont des opinions bien tranchées sur une religion qu'ils
ne connaissent pas et dont ils ignorent les fondements. N'est-ce pas le
meilleur moyen de ‘parler à travers son chapeau' ? Que pourrait-il
vous arriver si vous vous mettiez à lire le Nouveau Testament ? Qui sait
ce que vous pourriez trouver là-dedans ? Peut-être des choses que vous n'avez
jamais pensé y trouver...
C'est la découverte que j'ai faite le jour où j'ai entrepris de lire les Évangiles. J'étais jeune et je croyais avoir déjà entendu ça à la messe. J'allais à la messe étant jeune, mais j'avais cessé de pratiquer depuis quelques années lorsque j'ai entrepris de lire les Évangiles. À ma grande surprise, les Évangiles contenaient quantité de récits que je n'avais jamais entendu. J'ai aimé en particulier lire l'Évangile selon Jean. J'ai été saisi par la personnalité de Jésus, qui ressort beaucoup dans cet Évangile. J'étais intrigué, fasciné par lui, et par la sagesse des réponses qu'il donnait à ses opposants. Ce gars-là parlait sans retenue, en toute liberté, sans se soucier le moins du monde de l'opinion qu'on pouvait avoir de lui.
Nous nous dirigeons vers la fête de Pâques, qui est, au sens théologique, la plus grande fête de la chrétienté. La tradition veut qu'on se prépare à la fête dans les quarante jours qui la précèdent. J'ai une proposition à vous faire. Il reste moins d'un mois avant Pâques. Pourquoi ne pas en profiter pour lire un Évangile. Les Évangiles de Matthieu et de Luc s'y prêtent bien, puisque le premier a 28 chapitres, et le second 24. Au rythme d'un chapitre par jour, vous êtes assurés d'avoir lu l'Évangile de votre choix avant Pâques. Et au rythme de deux chapitres par jour, vous les aurez lus tous les deux. Pensez-y bien.
Celui qui n'a jamais lu l'Évangile ne peut être comparé à celui qui l'a
lu. Car celui qui l'a lu est le seul à pouvoir le critiquer... s'il en a
toujours le goût.