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Samizdat

Pourquoi le printemps arabe
ne saura réussir ?

Point de vue d'un anthropologue





Paul Gosselin (août 2011)[1]

Évidemment avec un tel titre je serai accusé d'être “ islamophobe ”, “ arabophobe ” et tout ce que l'on voudra. Évidemment, j'ai couru après il faut avouer, du moins un peu. Ce titre est provocateur tout de même. Mais si c'est possible, et si le lecteur veut bien passer par-dessus ses premières impressions, je voudrais m'expliquer, exprimer quelques pensées au sujet de ces soulèvements de 2011 au Moyen-Orient qui ont commencé en Tunisie[2], et qui vont finir Dieu sait où. Choqué par les perceptions occidentales touchant le Printemps arabe, un internaute[3] commentant un article d'Éric Leser offrait cette réflexion (février 2011):

Évidemment il est bon d'être optimiste et garder l'espoir que les choses vont s'améliorer, mais la réalité joue parfois un jeu impitoyable avec nos attentes et il n'est pas inutile de voir les choses en face. On constate que l'histoire n'a parfois que très peu d'égards pour les grandes aspirations que nourrissent les mouvements populaires. Ceci dit, je voudrais tout de même saluer le courage des citoyens de la Tunisie, de l'Égypte, de la Libye et de la Syrie en particulier (où la répression a été si sanglante). Au moment d'écrire ces lignes, le règne de Mouammar Kadhafi semble sur le point de basculer en Libye et des protestations vives ainsi que de la répression violente ont toujours lieu en Syrie. Et ailleurs, il se peut fort bien qu'il y a ait des soulèvements ignorés des médias occidentaux. Évidemment les autres régimes du monde musulman doivent surveiller étroitement leurs arrières, de peur de voir la même chose survenir chez eux... Et en toute sincérité, je souhaite tout le succès possible à ces manifestants pour obtenir la démocratie, la liberté de pratique religieuse pour tous, la fin de la censure, la liberté de presse et les droits de la personne. Évidemment il serait très naïf de croire que tous ceux qui ont manifesté en Tunisie, Égypte et en Syrie ont les mêmes motifs et les mêmes aspirations. Il est fort possible que plusieurs d'entre eux ne souhaitent guère autre chose que la chute du régime actuel pour, si possible, il y trouver un gain personnel et que la démocratie ou la fin de la censure ne les intéresse pas. Mais l'histoire malheureusement n'est pas faite de bons souhaits. Est-ce réaliste de penser que mes bonnes (ou mauvaises) intentions auront une influence significative sur ce qui se passe actuellement au Moyen-Orient ? Je dois donc me contenter ici d'offrir une opinion et laisser le cours du temps régler le reste. Pour y voir clair, regardons pour un moment au-delà de l'émotivité du moment et du politiquement correct.

Une personne que je connaît, née aux Indes, est bien informé au sujet du monde musulman et a beaucoup de contacts au Moyen-Orient. Questionné sur le Printemps arabe et les chances que ces soulèvements puissent y apporter la liberté d'expression et la démocratie il m'a répondu que cela dépendait des pays en question. Interrogé sur cette affirmation, il m'a répondu qu'à son avis la chose était possible en Égypte, mais impossible en Arabie Saoudite. Je lui ai demandé pourquoi c'était possible à son avis dans un cas et impossible dans l'autre. À son avis, en Égypte la population était beaucoup plus éduquée, mais ce qui n'était pas le cas en Arabie Saoudite. Nous y reviendrons plus loin.

Il faut préciser que je ne prétends pas être un expert ou un chercheur spécialisé sur l'islam et toutes ses nuances. S'il vous faut des renseignements précis sur les prescriptions à l'égard du divorce dans la Shari'a, sur la pensée du calife Abou Bakr ou encore sur l'eschatologie des wahhabites, désolé, je ne saurai vous secourir. Par contre, à titre de spécialiste en anthropologie des religions et proposant une perspective originale sur la définition de la religion (voir la bibliographie), je crois pouvoir proposer quelques observations d'intérêt sur les grandes lignes de cette situation. À chacun donc la liberté de tirer ses propres conclusions sur la valeur des hypothèses offertes ici.

Il y a une grande ironie dans nos circonstances en ce début de 21e siècle. Tandis que dans le monde arabe aujourd'hui plusieurs sont prêts à mourir pour obtenir quelques fruits défendus de la démocratie et la liberté d'expression, en Occident je vois la démocratie en déclin et le politiquement correct juguler la liberté d'expression. Au Québec, je vois autour de moi des jeunes qui se disent que d'aller voter, ça ne donne rien, que c'est une perte de temps. Évidemment le politiquement correct, biffant les différences des partis politiques, contribue à l'impression que c'est “ du tout pareil ”. D'autre part, je vois une élite bien-pensante occidentale qui encourage et profite de telles conceptions et qui n‘hésite pas d'usurper les institutions démocratiques pour imposer sa volonté sur la population en exploitant ses contacts avec les medias ou son influence sur l'appareil d'État.

Au Québec, par exemple, on a vu notre système d'éducation tolérer sans problème pendant des centaines d'années des cours de religion catholique et protestante. Dans les années 1970, s'y sont ajoutés des cours de morale (pour les enfants de parents matérialistes), et par la suite, des cours de religion évangélique, judaïque, musulmane, amérindienne et qui sait quoi d'autre. Le choix du cours de religion qui suivrait leurs enfants revenait toujours aux parents. Toutes ces options se sont côtoyées pendant plus d'une génération sans que la société québécoise n'éclate ou bascule dans le chaos. Mais depuis septembre 2008 l'État du Québec a éliminé toutes les options de cours de religion existants pour imposer sur l'ensemble du système scolaire québécois un cours proposant la nouvelle religion d'État postmoderne[4], soit Éthique et culture religieuse[5]. Ce programme a été imposé aussi bien dans le système scolaire public aux niveaux primaire et secondaire, que dans l'ensemble du système privé[6]. Au Québec, désormais il n'y a plus de porte de sortie. Pour atteindre leurs objectifs, nos élites postmodernes n'ont pas hésité à violer les droits de presque tous les intervenants dans ce dossier, mais en particulier ceux des parents dont le droit de choisir l'éducation religieuse de leurs enfants, droit inscrit jusqu'à récemment dans la Charte des droits de la personne du Québec![7]

Ces méthodes exposent le fait que le but des concepteurs d'ECR n'a pas été de fournir de l'information sur les religions après que les enfants ont le temps de former et d'affermir leurs croyances dans le contexte du foyer familial (car on impose ECR dès le plus jeune âge), mais plutôt de mettre la main sur les enfants avant que cela puisse survenir et de les endoctriner et modeler leur vision du monde afin qu'ils soient à l'image des grands penseurs universitaires postmodernes, si progressistes et si éclairés![8] Dans le monde, de plus en plus, que ce soit sur le plan économique ou politique, je vois la croissance de structures super-étatiques, c'est-à-dire au-dessus de l'État, et sur lesquels le citoyen ordinaire n'a aucun pouvoir. Il n'a qu'à payer ses impôts et ses taxes et fermer sa gueule. Cette situation rappelle les prévisions d'un vieil athée cynique, Aldous Huxley, rédigées il y a plus de cinquante ans dans son essai le Retour au meilleur des mondes (1958/1990: 144):

Les Occidentaux doivent s'ouvrir les yeux. Nous en sommes là.



Quelques considérations essentielles sur la religion
Le regard que nous voulons proposer ici est celle de l'anthropologie des religions. Règle générale, nos élites occidentales considèrent la religion comme un truc culturel périphérique, un peu folklorique, significative seulement dans la vie privée et à peu près sans incidence sur la vie culturelle ou communautaire. Il en résulte que lorsque des événements se bousculent, rares sont ceux qui considèrent la religion comme un facteur déterminant, dont il faut tenir compte. Nos élites, avec leurs oeillères postmodernes, considèrent que le Printemps arabe ne peut se comprendre qu'en examinant les causes économiques et sociales de ces événements. Mais c'est vite dite. Que se passerait-il si nous considérons au contraire la religion de manière sérieuse, comme la fondation sur laquelle est érigée une nation ou une civilisation ? Il nous faut jouer cartes sur table et avouer que notre perspective implique le rejet du dogme postmoderne, véhiculée par les élites occidentales, qui considère toutes les religions comme équivalentes[9] et que l'adoption d'un système de croyances ou une autre soit sans conséquences, comme si tout cela se passait un jeu vidéo ou une réalité virtuelle où on peut mourir et ça ne change rien.

L'anthropologue français Marc Augé, dans un essai sur le paganisme, a jeté un regard inédit sur la religion. Pour plusieurs en sciences sociales, la religion est considérée comme un phénomène culturel parmi tant d'autres, mais Augé a eu une intuition intéressante et a proposé de renverser cette équation en notant qu'il y a lieu d'examiner la culture comme un système implicitement religieux (1982: 320):

Ainsi, la religion ne serait pas qu'un phénomène culturel marginal, anecdotique, mais aurait une très grande portée culturelle. Par exemple, le sociologue américain A.M. Greeley a examiné des nombreuses tentatives d'établir des communes hippies dans les années 60. Il a constaté qu’elles se sont éffondrées en général faute d'une vision du monde viable, pouvant unir le groupe et fournissant des prescriptions et interdictions permettant de régler et orienter la vie de cette mini-société. Greeley ajoute: (1972: 146)

Presque toutes les formes de communauté intime connues de homme ont été structurées autour d'un ensemble de convictions sur la nature de la réalité. (...) Ériger une communauté intime sans une vision du monde partagée est, humainement parlant, à peu près impossible. Si l'on veut rationaliser ou justifier son départ des normes ordinaires de l'interaction humaine, comme le font les membres de ces nouvelles communes, alors il faut certainement faire appel à un schéma d'interprétation plus élevés et plus ou moins sacrés pour justifier son éloignement des normes habituelles.*

Chose curieuse, si l'importance culturelle de la religion est un fait relativement bien connu en anthropologie des religions, il est rarement exploité de manière sérieuse par les anthropologues ou, dans le meilleur des cas, il est appliqué de manière hypocrite, à la culture et aux systèmes de croyances des “ autres ”. À ce titre, l'intellectuel et médiologue français Régis Debray a vu juste et note avec ironie (2004 : 2) “ Les croyances, ce sont toujours celles des autres. Ou celles qu'on n'a plus. Au présent, on ne connaît que la certitude ”.

Combien d'anthropologues ont le courage de faire appel à ce concept en l'appliquant à la culture et aux systèmes de croyances des élites occidentaux (dont ils font justement partie) ? Augé lui-même est un bon exemple de ce phénomène, car s'il a eu l'audace d'appliquer ce concept du caractère religieux de la culture, il l'a fait à l'égard de la culture des masses en Occident (en examinant les manifestations populaires, dont le foot[10], comme phénomène religieux) et non pas aux croyances des élites. C'est la solution de la facilité. Et à mon avis ce manque de courage est une des raisons pourquoi les travaux et recherches en anthropologie des religions sont considérées un peu folkloriques et attirent si peu d'attention ou de respect. Si donc en général les anthropologues ne poussent pas très loin de telles intuitions[11], ici nous allons tenter d'appliquer cette conception de la religion de manière concrète et examiner les conséquences culturelles et sociales des religions en cause dans notre contexte actuel.



Revenons au monde musulman
Et alors pourquoi suis-je plutôt pessimiste au sujet de ces révolutions qui secouent actuellement le monde musulman? Et bien, l'histoire nous démontre qu'il est relativement facile de faire basculer un régime politique. Pour ce faire, il suffit de rassembler des partisans, les motiver, trouver des armes et prendre des initiatives pour déstabiliser et faire tomber le régime ou système politique au pouvoir. Souvent cela facilite les choses si on peut joindre l'armée à son camp. Par contre, si on veut aller plus loin et remplacer un régime pourri par un autre, qui lui soit meilleur, cela constitue un défi d'un tout autre ordre. L'histoire de l'Europe montre, par exemple, que les communistes ont basculé de nombreux régimes politiques dont ils dénonçaient les injustices, mais règle générale, on s'entend que les communistes ont commis bien plus d'atrocités et d'injustices que les régimes qui les ont précédés.

Pour ma part, je souhaite de tout cœur que les citoyens des pays musulmans puissent trouver la liberté qu'ils recherchent. Déjà plusieurs sont morts afin de voir changer les choses. En Occident, participer à un événement de protestation est, en général, une activité sans conséquences[12], pratiquement une forme de divertissement. Peu de gens en Occident comprennent le courage qu'exige aux citoyens des pays musulmans la participation à ces mouvements de protestation contre leurs propres gouvernements. Si en Occident cela peut constituer une distraction de fin de semaine[13], sans conséquences, dans le monde musulman c'est une chose très peu tolérée dans ces cultures où la critique des politiques gouvernementales peut aboutir au licenciement, à l'emprisonnement ou à la mort.

Cet état des choses est lié au fait que dans la tradition islamique l'État est généralement considéré non pas comme une institution neutre, mais plutôt comme le “ protecteur de l'islam ”. Cela génère un contexte où toute critique de l'État implique aussi une critique (implicite) de l'islam. Dans bon nombre de pays musulmans, lorsque la pression monte, plutôt que permettre la critique des erreurs ou abus du régime et régler les problèmes véritables, on se lance plutôt dans des critiques d'un autre État. C'est une soupape de pression toujours utile permettant de détourner l'attention. Si les événements de 2011 ont éclaté, c'est que la soupape n'a pas tenu, cette fois... Au sujet du regard de l'islam sur le juridique et l'État, l'anthropologue britannique Raymond Firth remarquait (1981: 589):

Mais du postulat central de Dieu, en tant que réalité suprême, ultime et aveuglante, sont tirées des propositions touchant l'homme comme serviteur de Dieu, touchant la nature comme un symbole reflétant la réalité divine et de la loi (le Shari‘a) vue comme exprimant la volonté divine et couvrant tous les aspects de la vie humaine. Il s'agit d'une foi concise et logique. Pour le musulman, il n'y a pas de distinction ultime entre la loi divine et la loi humaine. Ainsi, chaque acte, ce qui inclut chaque acte politique, a une dimension religieuse et doit avoir une sanction religieuse explicite.*

Dans ce contexte où le lien l'État – Religion est si fort, une critique faite à l'égard de l'État sera implicitement perçue comme une critique de la religion et, inversement, une critique de la religion sera perçue comme un affront à l'État... Ainsi l'État sanctionne la religion et à son tour, la religion sanctionne l'État. C'est, en quelque sorte, un cercle vicieux. Et même s'il s'agit de régimes séculiers, ces reflexes restent vivants, car les racines culturelles de l'islam sont profondes. Mais dans une telle situation, il est inévitable que les pressions sociales montent. Il devient alors essentiel de fournir des soupapes afin que la pression interne du système puisse s'exprimer, mais sans dommages pour l'État, par exemple la critique de l'État d'Israël ou du Grand Satan (les États-Unis). Dans le contexte d'un pays à forte tradition islamique, la critique des dirigeants de son propre pays entraîne donc une double réprobation, une double censure, à la fois religieuse et politique. Ceci explique les nombreux procès pour “ insultes ” à un dirigeant dans les pays musulmans. À mon avis ces facteurs expliquent pourquoi il y a si peu de progrès sur le plan de la liberté politique et intellectuelle dans le monde musulman. Pour se donner une vision d'ensemble de la situation, on peut consulter avec profit le rapport de l'institut Freedom House qui étudie la liberté de presse dans tous les pays du monde. Voici un bref article en ligne qui extrait de ce rapport des données sur le monde musulman et y examine la situation quant à la liberté de presse. La liberté de presse dans les pays sous l'influence de l'islam. Dans bon nombre de pays musulmans, une remise en question du président ou d'un ministre peut être considérée une insulte à l'État, méritant la peine de mort ou la prison dans certains cas. En lisant ce rapport, on constate que la presse des pays sous l'influence islamique doit respecter deux interdits :

  1. ne jamais critiquer l'islam
  2. ne jamais critiquer l'État (et ses dirigeants) où réside l'institution de presse.

Voici la perspective typique d'un occidental séculier, adhérent vraisemblablement au système idéologico-religieux moderne (issu des Lumières) sur la compatibilité de l'islam avec la liberté d'expression (Grunert 2006) :

L'islam n'est pas compatible avec les valeurs occidentales. Le principe de liberté d'expression est en contradiction avec l'islam. La raison tient au fait que cette religion définit le musulman comme un individu qui n'a pas besoin du principe de liberté d'expression puisqu'il l'a abdiquée par sa foi même, et au fait simultané que l'islam est une religion totalitaire, qu'elle contient donc une idéologie politique. De fait, la liberté d'expression n'a jamais existé dans un État islamique.

Après tout, sur le plan étymologique le sens du mot islam, c'est justement la “ soumission ”. Est-ce étonnant que l'on aboutisse à des civilisations où la liberté d'expression a peu de place (sauf pour défendre l'islam, bien sûr) ? L'histoire nous montre que l'islam n'accorde la liberté véritable et pleine qu'aux musulmans. Il devient clair que la liberté d'expression est d'abord gagnée sur le plan religieux et si la religion ne l'appuie pas, alors toute la culture en subira les conséquences. Tout comme il est interdit à un non-musulman de tenter de convertir un musulman à sa religion, il est également interdit à un musulman d'abandonner de son propre chef, l'islam. S'il dépasse cette limite et persiste dans ce geste, il sera traité d'apostat et risque de devenir la cible de fatwas réclamant sa mort[14]. Voyons un moment la situation en Arabie Saoudite, lieu de naissance de l'islam. Voici quelques informations proposées en 2005 aux voyageurs canadiens par le ministère des Affaires extérieures du Canada, dans son document “ Conseils aux voyageurs ” touchant la liberté de pratique religieuse en Arabie saoudite. On note (7/9/2005):

Les Canadiens travaillant comme enseignants en Arabie saoudite devraient éviter les discussions à caractère politique ou religieux avec leurs élèves et avec le personnel de l'école. (...) Les femmes ne sont pas autorisées à conduire une voiture ou à circuler à bicyclette. La danse, la musique et le cinéma sont défendus. Les femmes et les hommes ne peuvent être ensemble en public, à moins d'êtres accompagnés d'autres membres de leur famille. Une femme arrêtée parce qu'elle est en compagnie d'un homme qui n'est pas de sa famille peut être accusée de prostitution. Les restaurants ont deux sections, l'une pour les hommes, l'autre pour les familles ainsi que pour les femmes accompagnées ou non. En outre, les femmes et les enfants doivent avoir la permission d'un parent de sexe masculin pour sortir du pays. (...) L'importation, l'utilisation ou la possession d'objets considérés comme contraires aux principes de l'islam sont aussi interdites. Il est d'ailleurs interdit d'y pratiquer tout autre religion et d'y importer des livres et articles à cette fin. [...] L'Arabie saoudite est une monarchie traditionnelle et conservatrice où l'islam, religion officielle, règle tous les aspects de la vie quotidienne. Les coutumes, les lois et les règlements du pays sont rigoureusement conformes aux pratiques et croyances islamiques. Les voyageurs doivent respecter les traditions religieuses et sociales pour éviter de froisser les sensibilités locales. Les femmes doivent observer rigoureusement le code vestimentaire saoudien et porter des vêtements conventionnels et amples, y compris un long manteau (abbaya), et un foulard pour se couvrir les cheveux. Les femmes n'ont pas le droit de conduire[15].

Les médias occidentaux présentent en général une vision simpliste, unidimensionnelle de l'islam. Dans le discours médiatique occidental on classe habituellement les musulmans en deux groupes:

  1. les musulmans dits intégristes ou extrémistes (l'islam des terroristes prônant le djihad violent).
  2. les musulmans dits modérés (prônant un islam plus libéral, admettant l'égalité des droits de tous, la liberté d'expression et la démocratie. Cela laisse entendre que le musulman modéré est le musulman authentique, véritable.

Mais pourquoi les médias occidentaux discutent d'un musulman prônant la violence sous le vocable extrémiste ? Cela laisse entendre que la violence de cet individu est accidentelle, due à un coup de tête, le résultat d'esprits échauffés, mal réfléchis, mais sans rapport avec ses convictions. Et SURTOUT, sans rapport avec les enseignements de l'Islam. Mais est-ce le cas ? Une telle analyse masque et feint ignorer la source de cette violence et ses justifications à l'intérieur de l'islam.

Évidemment, avec des expressions telles que « musulman extrémiste » on peut berner un grand nombre d'Occidentaux qui ne connaissent de l'islam que ce que leur en disent leurs médias. Mais dès que l'on en acquiert même une connaissance superficielle de l'islam, on se rend vite compte que cette distinction ne tient pas la route et, à vrai, dire fausse la réalité. Ce classement ne tient pas compte ni de l'histoire de l'islam, ni des croyances fondamentales de l'islam. Pourquoi les médias en font alors un si large usage ? Si on considère les médias occidentaux comme une institution idéologico-religieuse, cela entraîne la question : Quel est l'intérêt des médias occidentaux ? Se peut-il que cela leur permette d'entretenir le dogme postmoderne voulant que toutes les religions soient bonnes ou se valent (c'est-à-dire le relativisme) ? Si on regarde l'histoire des religions et des idéologies est-ce qu'un tel présupposé tient vraiment la route ?



Mahomet et Jésus : Attitudes à l'égard de l'État
Selon la tradition coranique, Mahomet serait né à La Mecque en 570, le 12 du mois de Rabî´a al Awal. Ayant commencé à prêcher son message à la Mecque, centre polythéiste à l'époque, il a dû se réfugier à Médine où il deviendra à la fois chef religieux, politique et militaire. Sur le plan militaire, on estime que Mahomet aurait dirigé lui-même entre 30 à 40 expéditions militaires contre ses ennemis. Non seulement Mahomet a joué le rôle de chef militaire, il a également autorisé des assassinats lorsqu'il trouvait devant un adversaire trop encombrant, comme ce fut le cas de du poète juif Kab ben Asraf (ou Ka´b ibn Al-'Achraf). Cet épisode est relaté par le hadith Sahîh Muslim où on raconte l'ordre de l'assassinat, donné par Mahomet lui-même.

Ce texte démontre bien les limites de la liberté d'expression intellectuelle et artistique sous l'islam et que la censure intellectuelle et religieuse (violente) fait partie de l'islam depuis le début. Le phénomène Salman Rushdie et des fatwas n'ont donc rien de nouveau...

Pour ce qui est du christianisme, le lecteur musulman doit faire la part entre le christianisme culturel, chargé du poids des siècles, et le christianisme originel, biblique. Dans la collision entre l'Occident et le monde islamique, il y a parfois une confusion chez beaucoup de musulmans qui méprisent et critiquent un Occident chrétien. Il y a malentendu. Il s'agit en très grande partie d'une illusion, d'un mirage. Cette bête n'existe plus. Il est vrai que sur le plan historique, l'Occident est toujours le porteur de résidus de l'héritage culturel chrétien, mais il faut bien comprendre que la vision du monde judéo-chrétienne a largement été écartée par nos élites depuis un bon moment. Et si les Européens trouvent bien étranges les politiciens américains[16] qui évoquent quelques termes symboliques de l'héritage culturel chrétien lors d'élections pour gagner l'appui d'électeurs évangéliques, généralement cela change très peu de choses à leurs politiques lorsqu'ils sont au pouvoir. Mais au-delà de la rhétorique, la réalité est tout autre. Il faut faire le constat ; les Occidentaux vivent dans une culture postchrétienne. Les grandes institutions médiatiques, culturelles et scientifiques n'ont, depuis longtemps, rien de chrétien. Nos élites (politiques, culturelles et scientifiques) sont désormais soit modernes ou postmodernes. Sur la route de l'histoire, nous voyons passer les bornes qui marquent cette dérive: racisme génétique (eugénisme), rejet de moralités traditionnelles, matérialisme, Goulag et relativisme des élites, abolition des contraintes sexuelles, culte de la consommation chez les masses, avortement, idéologie gaie, euthanasie, etc.

Lorsque nous examinons un système de croyance, un présupposé lourd de conséquences sociales est l'attitude de la religion à l'égard de l'État ou du pouvoir politique. Du point de vue historique, le christianisme ne s'est pas identifié immédiatement à l'État ou à un territoire géographique[17] comme ce fut le cas de l'islam[18]. Autre trait caractéristique, son expansion initiale est propulsée non pas par des conquêtes militaires, mais par l'envoie de missionnaires et la persécution. L'Église chrétienne des trois premiers siècles fut largement un mouvement clandestin, persécuté, attirant pauvres, transfuges et esclaves[19]. À ce sujet, on peut noter aussi qu'une part importante des épîtres du Nouveau Testament a été rédigée tandis que leurs auteurs étaient en prison. L'Église des trois premiers siècles ne s'identifia pas à l'État, car cette relation était en général tendue, sinon hostile. Au moment où le christianisme est né, l'Empire romain, sous César Auguste (Luc 2 : 1), était au sommet de son pouvoir politique et militaire. De ce fait, pendant plusieurs siècles les chrétiens étaient en minorité dans presque tous les pays où ils vivaient et pendant ces siècles l'influence politique du christianisme a été quasi nulle. D'autre part, et fait significatif ici, bien des chrétiens rejettaient le service militaire. Les affirmations de Christ, à l'effet que “son royaume n'est pas de ce monde” (Jean 18: 36) ou encore “ Rendez donc à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu” ont certes contribué à affermir cette défiance vis-à-vis l'État et ainsi qu'assurer la légitimité d'un État séculier, c'est-à-dire non contrôlé par le clergé. C'est ici la source de la séparation de la religion et de l'État qui existe en Occident. Devant le gouverneur romain Pilate, qui devait rendre une décision lors du procès contre Jésus, il y eut cet échange sur l'autorité du Messie:

Pilate rentra dans le prétoire, appela Jésus, et lui dit: Es-tu le roi des Juifs? Jésus répondit: Est-ce de toi-même que tu dis cela, ou d'autres te l'ont-ils dit de moi? Pilate répondit: Moi, suis-je Juif? Ta nation et les principaux sacrificateurs t'ont livré à moi: qu'as-tu fait? Mon royaume n'est pas de ce monde, répondit Jésus. Si mon royaume était de ce monde, mes serviteurs auraient combattu pour moi afin que je ne fusse pas livré aux Juifs; mais maintenant mon royaume n'est point d'ici-bas. Pilate lui dit: Tu es donc roi? Jésus répondit: Tu le dis, je suis roi. Je suis né et je suis venu dans le monde pour rendre témoignage à la vérité. Quiconque est de la vérité écoute ma voix. (Jean 18 : 33-37)

Et lors de cette même confrontation avec Pilate, dans ce nouvel échange Jésus réaffirme la source divine (et les limites) du pouvoir des institutions politiques humaines.

Il rentra dans le prétoire, et il dit à Jésus: D'où es-tu? Mais Jésus ne lui donna point de réponse. Pilate lui dit: Est-ce à moi que tu ne parles pas? Ne sais-tu pas que j'ai le pouvoir de te crucifier, et que j'ai le pouvoir de te relâcher? Jésus répondit: Tu n'aurais sur moi aucun pouvoir, s'il ne t'avait été donné d'en haut. C'est pourquoi celui qui me livre à toi commet un plus grand péché. (Jean 19 9-11)

Ce pouvoir n'est donc pas autonome et le dirigeant politique devra rendre des comptes devant Dieu au dernier jour. Il faut considérer aussi l'épisode très significatif relaté dans l'Évangile de Jean où les Juifs, après avoir été témoins d'un miracle impressionnant, ont voulu immédiatement faire de Jésus leur roi (c'est-à-dire chef militaire et politique).

Ayant levé les yeux, et voyant qu'une grande foule venait à lui, Jésus dit à Philippe: Où achèterons-nous des pains, pour que ces gens aient à manger? Il disait cela pour l'éprouver, car il savait ce qu'il allait faire. Philippe lui répondit: Les pains qu'on aurait pour deux cents deniers ne suffiraient pas pour que chacun en reçût un peu. Un de ses disciples, André, frère de Simon Pierre, lui dit: Il y a ici un jeune garçon qui a cinq pains d'orge et deux poissons; mais qu'est-ce que cela pour tant de gens? Jésus dit: Faites-les asseoir. Il y avait dans ce lieu beaucoup d'herbe. Ils s'assirent donc, au nombre d'environ cinq mille hommes. Jésus prit les pains, rendit grâces, et les distribua à ceux qui étaient assis; il leur donna de même des poissons, autant qu'ils en voulurent. Lorsqu'ils furent rassasiés, il dit à ses disciples: Ramassez les morceaux qui restent, afin que rien ne se perde. Ils les ramassèrent donc, et ils remplirent douze paniers avec les morceaux qui restèrent des cinq pains d'orge, après que tous eurent mangé. Ces gens, ayant vu le miracle que Jésus avait fait, disaient: Celui-ci est vraiment le prophète qui doit venir dans le monde. Et Jésus, sachant qu'ils allaient venir l'enlever pour le faire roi, se retira de nouveau sur la montagne, lui seul. (Jean 6: 14-15)

Si les Juifs de sa génération espéraient un Messie politique et militaire qui mettraient les Romains à la porte, Jésus n'allait pas assouvir cet espoir. Il semble que peu de gens de sa génération aient compris son attitude. Mais si Jésus a refusé le pouvoir politique et militaire lorsque cela lui a été offert, il faut constater que ce ne fut pas du tout l'attitude du prophète Mahomet. Lors de l'Hégire (sa fuite avec ses disciples de la Mecque vers la ville de Médine) Mahomet a rassemblé autour de lui des convertis qui ont rapidement formé une bande armée attaquant des caravanes et vivant du butin pillé. Il est rapidement devenu non seulement leader religieux, mais aussi chef politique, chef de guerre et juge suprême. Pendant plusieurs siècles, le progrès de l'islam a été directement lié à l'avance des armées du Prophète et de ses successeurs. Si l'unité de l'État de la religion ainsi que la légitimation religieuse de la violence militaire font partie de l'ADN de l'islam dès le début, dans les cas du christianisme ces choses sont dues à des mutations ultérieures, c'est-à-dire à une corruption des enseignements de Christ[20].

En parallèle à ces considérations, nous rencontrons la question épineuse de la contrainte dans l'islam, la conversion sous menace. Plusieurs apologètes musulmans évoquent alors la sourate suivante pour défendre (devant les Occidentaux ?) la liberté de pratique religieuse sous l'islam “ Nulle contrainte en matière de religion ” (Sourate II, verset 256) et affirment que l'islam n'implique pas la contrainte en religion. Cela semble régler la question. Personne ne peut donc être converti de force à l'islam, mais si on lit les commentateurs du Coran, on constate que plusieurs d'entre eux, comme le Mujâhid Ibn Jabr Al Makkî, sont d'avis que ce verset a été abrogé (mansûkh) par un autre verset du Coran 9:2921, où on ordonne aux musulmans de combattre les gens du Livre.

Il faut préciser que dans l'islam, l'absence de contrainte en religion, ne s'applique qu'aux juifs et aux chrétiens et ne tient qu'à la condition qu'ils acceptent de payer la jizya “ dans l'humiliation ” (9: 29). C'est le sort des dhimmis, les citoyens de seconde classe des sociétés islamiques. Mais qu'en est-il de ceux qui ne font pas partie des “ Peuples du Livre ” ? Les bouddhistes, les hindouistes, les sikhs, les bahais, les caodaïstes, etc., etc. ? Et les agnostiques, les athées, les déistes, les panthéistes ? Zut alors, on ne sait toujours pas. Oumma.com offre ce commentaire (2011) :

Nous pouvons citer à titre d'exemple le commentaire d'un savant marocain contemporain, spécialiste du Coran et du Hadîth, Shaykh Abdullah ibn Abdelqâdir at-Talîdy : “ La grande majorité des commentateurs du Coran est d'accord sur le fait que ce verset est abrogé. De même, ils disent que ce verset fut révélé avant ceux ordonnant le combat contre les infidèles [kuffâr]. Il nous suffira comme preuve cette parole de Dieu : “Ô Prophète, mène le jihâd contre les infidèles [kuffâr]et les hypocrites, et sois dur à leur égard...”S9. V73. Et cet autre : “...Combattez les polythéistes jusqu'au bout, comme ils vous combattent eux aussi jusqu'au bout...”S9.V36, et encore : “Tuez-les jusqu'à que cesse la sédition et que la religion soit à Dieu...”S2. V193.

Mais faut-il s'étonner de tous ces avis différents sur les sourates 2 : 256 et 9: 29 ? Certains versets affirment la liberté de pratique religieuses et d'autres proclament la violence contre les kuffars qui rejettent les enseignements de Mahomet. Il est clair que ces versets se contredisent de manière flagrante. Inévitablement, il reste à choisir entre les deux ou larguer le tout... Oumma.com examine quelques sophismes exploités pour résoudre de telles contradictions (2011) :

En conclusion, il donne un hadîth rapporté par Ibn Hanbal selon Anas : “ Le Prophète dit à un homme : Convertis toi à l'islam. Celui-ci lui répondit : Fût-ce sous la contrainte ! Ce à quoi le Prophète rétorqua : Oui, quand bien même y serais-tu contraint. ” A ce stade, Ibn Kathîr essaye de concilier le fait que “ Point de contrainte en religion ” ait un sens obvie général indéniable, comme il l'a explicité en introduction, et le fait que l'on ne peut rejeter une réalité historique tout aussi indéniable : la volonté hégémonique califale adoubée par la majorité des ulémas au nom du Coran et de l'islam. Il nous dit alors, qu'en ce hadîth, le Prophète n'a pas contraint cet homme à se convertir, mais l'a invité à l'islam. Sa réponse, “ Oui, quand bien même y serais-tu contraint ” devant signifier en réalité : Fais-le car Dieu t'octroiera alors une intention pure. L'on est en droit de s'interroger sur un tel sophisme ! Il apparaît, à tout du moins, être comme une tentative “honnête” de rapprocher les extrêmes, l'ouverture du verset et le verrouillage des commentateurs.

Si on tient compte du contexte de l'ensemble des textes sacrés de l'islam, il y a lieu de penser que la Sourate II, verset 256 soit non pas une ordonnance universelle, mais reste utile pour être évoqué lorsqu'il est jugé “ opportun ”. Évidemment on trouve des commentateurs du Coran qui rejettent l'abrogation de ce verset, mais est-ce un hasard que cela semble se produire lorsque l'islam se trouve face à des adversaires qui ont (pour l'immédiat) l'avantage militaire et politique ? Manifestement les musulmans du Soudan, pourchassant les chrétiens et les animistes du sud, considèrent le v 256 comme abrogé. Manifestement, toutes les interprétations sont possibles et légitimes, rien n'est à exclure.

D'autre part, une attitude qui se démarque radicalement des enseignements du prophète Mohamed, plusieurs chrétiens des premiers siècles rejetaient même le service militaire comme métier légitime. Par ailleurs, les écrivains des épîtres recommandent aux chrétiens d'être soumis aux autorités, à une époque où aucun de ces dirigeants n'est chrétien et dans certains cas ils ont pu les persécuter[21] (Tite 3:1; 1Pe 2:13). Une telle recommandation eu comme conséquence d'assurer l'indépendance de l'État (même un État séculier ou anti-chrétien) par rapport au clergé.

Mais le temps passe et si le fondateur du christianisme et ses apôtres ont résisté à la tentation du pouvoir étatique, ses disciples plus lointains n'ont pas suivi leur exemple. Lors de l'adoption du christianisme par l'empereur Constantin 1er (en 312 ap. JC), la situation a basculé de manière radicale. La relation à l'État devint beaucoup plus rapprochée, symbiotique. Il y a lieu de penser l'appui de l'empereur au christianisme (à une époque où le pouvoir romain est déstabilisé) avait des motifs davantage politiques que religieuses, c'est-à-dire se chercher des alliés puissants. Par la suite, Constantin s'est même mis en tête de convoquer le concile de Nicée en 325, pour régler des questions de doctrine. Il est très étrange de voir tout à coup le pouvoir civil intervenir pour influencer des questions de doctrine chrétienne. Peut-être que l'octroi de propriétés ou de rentes à des membres clé du clergé a pu acheter leur silence sur cette intervention sans précédent ? Par la suite, selon les circonstances historiques, l'Église catholique a dominé ou s'est vue dominé par l'État[22]. Chez les orthodoxes, la relation à l'État était plus souvent caractérisée par une situation de symbiose/soumission (impliquant une relation où l'empereur ou le souverain était conçu comme le protecteur de la religion et de l'Église). En examinant la situation de l'Église orthodoxe avant et après la révolution communiste de 1917 en Russie, l'historien d'art russe Eugène Barabanov décrit ce phénomène de la manière suivante (1975: 180-181):

Bien sûr, l'“union” de l'Église et de l'État à l'époque de Constantin, ainsi que la “symphonie” politico-religieuse dont Justinien fut l'idéologue et le législateur, n'ont rien à voir avec la situation actuelle. L'État byzantin se considérait comme chrétien, et les empereurs qui soumettaient l'Église à leurs besoins avaient le sentiment d'être les instruments de la volonté divine. L'Église a moins souffert de la violence extérieure de l'État qu'elle n'a eu à pâtir de ce lent phénomène d'érosion cachée causé par l'identification toujours plus poussée de l'Église à l'État, par leur imbrication progressive et le renforcement de leur étroite (trop étroite!) unité. C'est dans cette fausse perspective d'apparente “symphonie” que s'est joué le destin historique de l'orthodoxie russe jusqu'à la Révolution de 1917. Et lorsque l'Empire est tombé, I'Église s'est brusquement retrouvée en face d'un État athée, hostile, dont les méthodes se sont avérées bien différentes de celles qu'employaient les empereurs chrétiens...

Ainsi au moment où apparaît l'islam, les chrétiens catholiques (à l'ouest) et byzantins (à l'est) ont tout à fait succombé à la tentation du pouvoir politique. Dès lors, le rôle joué par l'empereur chrétien (aussi bien dans l'empire de l'ouest qu'à l'est) peut être comparable, dans les grandes lignes, à celui du calife[23] dans le monde islamique. Pendant tout le Moyen Âge cette symphonie Église – État sera le modèle dominant. Parfois même le pape catholique prendra suffisamment de pouvoir politique pour se faire un "calife chrétien". Dans ce contexte, le progrès de la religion passe par le contrôle de l'État. Cela explique aisément les innombrables guerres de religion en Europe. Il en résulte aussi que les membres d'une religion qui n'est pas celle prônée par l'État formeront alors un groupe de citoyens de seconde classe comme ce fut longtemps le cas des Juifs en Europe. Dans le monde musulman, ce statut de citoyen non-musulman est désigné du terme dhimmi[24]. Lors de la Réforme protestante[25], il faudra un bon moment (et l'arrivée des anabaptistes[26]) avant que le modèle social du Nouveau Testament soit remis à l'avant et brise le cadre étroit de la relation Église - État. Les Anabaptistes et les Évangéliques ont insisté que si l'État devaient défendre des principes de justice chrétienne, sur le plan des croyances, chaque individu devait être entièrement libre de choisir la religion de son choix et que ce choix ne devait pas être dicté par l'État, la société, voire même la famille. Une fois cette liberté acquise, ce sera la fondation en Occident pour les avis différents en politique et la naissance des partis politiques. À une époque où les disciples des anabaptistes furent très actifs, l'athée britannique David Hume examina dans son essai, Sur la superstition et l'enthousiasme, deux tendances de la religion chrétienne qu'il désigne par les termes superstition, attitude caractérisé par le polythéisme chrétien et l'unité du pouvoir politique et religieux[27], et l'enthousiasme, rejetant le culte des saints, l'autorité du pape[28] et la symbiose État – Église (1748):

Ma troisième observation à ce sujet est la suivante, c'est que la superstition est l'ennemie de la liberté civile et l'enthousiasme son ami. Tandis que la superstition croule sous la domination des prêtres et que l'enthousiasme est destructif de tout pouvoir ecclésiastique[29], ceci suffit pour l'observation présente. D'autre part, l'enthousiasme étant le défaut de tempéraments courageux et ambitieux, il est naturellement accompagné d'un esprit de liberté. La superstition, au contraire, rend les hommes dociles et abjects, propres à l'esclavage. Nous apprenons de l'histoire anglaise qu'au cours des guerres civiles, les indépendants et les déistes, bien que les plus opposés dans leurs principes religieux, étaient unis dans leurs principes politiques et étaient tous deux les défenseurs passionnés du Commonwealth. Et depuis l'origine des whigs et des torys, les chefs des whigs ont été soit des déistes ou des latitudinaires protestants[30] dans leurs principes, c'est-à-dire des amis de la tolérance et indifférents à l'une ou l'autre des sectes chrétiennes. Tandis que les sectaires [évangéliques], qui ont tous une forte odeur d'enthousiasme, ont tous, sans exception concourus avec ce parti à l'appui des libertés civiles. Les similitudes entre les superstitions ont longtemps uni les tories High Church et les catholiques romains à l'appui de l'aristocratie et du pouvoir royal, bien que l'expérience de l'esprit de tolérance des whigs semble, ces derniers jours, avoir réconcilié les catholiques à ce parti.*

Le philosophe français Jean-François Lyotard offre ces commentaires sur les origines de la liberté politique (1996: 3-4):

L'Occident est cette région du monde humain qui invente l'idée de l'émancipation, de l'auto-constitution des communautés par elles-mêmes, et qui essaie de réaliser cette idée. La mise en actes se soutient du principe que l'histoire est l'inscription du progrès de la liberté dans l'espace et le temps humains. La première expression de ce principe est chrétienne, la dernière marxiste.

Les apôtres des Lumières tels que Hume, Descartes et Voltaire ont repris à leur compte les conceptions chrétiennes de la liberté et de l'égalité de tous les hommes devant Dieu. Mais il faut corriger l'affirmation de Lyotard. La vision judéo-chrétienne n'est pas “ une ” source du principe de liberté, elle la source ! On la rencontre dans ces versets “ Car vous êtes tous fils de Dieu par la foi en Jésus-Christ; vous tous, qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu Christ. Il n'y a plus ni Juif ni Grec, il n'y a plus ni esclave ni libre, il n'y a plus ni homme ni femme; car tous vous êtes un en Jésus-Christ. Et si vous êtes à Christ, vous êtes donc la postérité d'Abraham, héritiers selon la promesse. ” (Galates 3: 26-29) Toutes les différences et statuts sont donc abolis[31]. En dernière instance, c'est donc là la source originale de “ Liberté, Égalité, Fraternité ” et des droits universels, bien qu'inévitablement les héritiers des Lumières ne sauraient le reconnaître. Touchant l'apport du christianisme du Moyen Âge pour l'avancement de la situation de la femme en Occident, Le Goff conclut (2000: 38):

De façon générale, je pense qu'il faut pondérer aussi bien une vision noire qu'une vision dorée de la condition de la femme au Moyen Âge. La tendance est aujourd'hui à rabaisser la place de la femme, et dans le christianisme et dans l'histoire de l'Occident. Pour ma part, je suis surtout frappé par les progrès qu'elle a faits dans la société chrétienne du Moyen Âge – ce qui ne doit évidemment pas nous conduire à penser qu'elle se trouvait à égalité avec l'homme[32]; mais on partait de très loin... Et on verra pire par la suite: je crois profondément qu'il n'y a pas eu pire pour la condition féminine en Europe que le XIXe siècle[33].

Peu importe ce qu'on peut dire sur les apports relatifs de chaque civilisation[34] et chaque religion, il est utile parfois de mettre de côté les discussions historiques ou théologiques pour regarder la question de manière très concrète et empirique et examiner combien de personnes nées dans des pays où domine l'islam migrent vers les pays occidentaux (pour y rester[35]) et à l'inverse, combien d'Occidentaux font le chemin inverse ? Le décalage entre les deux processus en dit long sur l'apport de chaque civilisation.



Les deux visages de l'islam
Mais si on se donne le droit de dépasser le brouillard des concepts médiatiques occidentaux il faut se demander ce qu'est un islam cohérent ou authentique ? Du point de vue de l'anthropologie des religions, il faut d'abord regarder quelle est cette religion qu'a fondée Mahomet et établir ce qu'a fait Mahomet et ce qu'a dit Mahomet. Si, après cette analyse, on examine les musulmans de notre génération, l'on peut alors déterminer si certains sont cohérents avec les affirmations et gestes du prophète alors que d'autres musulmans sont incohérents et rejettent certains affirmations de l'islam et y ajoutent des concepts et principes provenant d'autres systèmes de croyances. Et pour comprendre si un musulman est cohérent ou incohérent, il faut prendre le temps de voir ce qu'enseignent le Coran, les Hadiths[36] ainsi que l'exemple de comportements qu'a laissé Mahomet. Le site islam-verité pose des questions fort utiles :

On entend souvent dire que l'islam est une religion de paix et que l'islamisme de Ben Laden ou de Zarkaoui n'est pas le véritable islam. Y aurait-il deux islams : l'un pacifique et l'autre meurtrier ? En fait, n'importe qui peut se prétendre juif, chrétien ou musulman et commettre les pires atrocités au nom de Dieu. C'est pourquoi, il est préférable de juger une religion, non pas d'après les actes de certains hommes, mais d'après les écrits de son ou ses fondateurs (à savoir la Thora et le Talmud pour le judaïsme, le Coran et les Ahadith pour l'islam, le Nouveau Testament et les écrits des premiers chrétiens[37] pour le christianisme).

Si on examine le comportement d'un musulman faisant appel à la violence, aux attentats suicides, il faut laisser de côté les épithètes vides telles que extrémiste pour se demander plutôt si les gestes de ce musulman sont cohérents avec l'islam et peuvent être justifiés en s'appuyant sur l'exemple laissé par Mahomet? Dans l'organisation des Frères musulmans, faut-il s'étonner que leur devise soit : “Dieu est notre but, le prophète notre chef, le Coran notre constitution, le djihad notre voie, le martyr notre plus grande espérance”. Au sujet de ce groupe, le journaliste français Éric Leser note le rejet total du concept occidental de la séparation de la religion et de l'État (2011) :

Sayyid Qutb, principal idéologue des Frères Musulmans, exécuté par pendaison par Nasser en 1966, a établi la doctrine moderne du djihad notamment dans un livre, Jalons, publié en 1964 et écrit pendant de longues années de prison. Al-Qaida et la quasi-totalité des groupes islamiques radicaux se réclament aujourd'hui de Sayyid Qutb et de sa condamnation sans appel des dirigeants des pays musulmans non gouvernés selon la Charia. Ils sont considérés comme apostats et donc comme des objectifs légitimes du djihad.

Comme le soulignait ci-dessus, Raymond Firth, pour le musulman cohérent, la Shari'a est la loi divine, dictée par Allah, et elle ne peut en aucun cas être placé en situation d'infériorité à une loi séculière, d'inspiration occidentale. Et le constat de l'histoire sociale de l'islam est clair, si la liberté est accordée aux musulmans, pour les non-musulmans il y a la conversion. Et pour les “ gens du livre ”[38], le statut de dhimmi est la meilleure situation qu'ils peuvent espérer.

Salman RushdieComme on l'a vu touchant l'usage de la contrainte à l'égard de la religion, à bien des égards l'islam semble caractérisé par de profondes ambivalences doctrinales ainsi que des incohérences étranges sur certaines questions. Un exemple ce sont les fameux versets sataniques. Bon nombre d'Occidentaux ont évidemment entendu parler du roman du même nom par Salman Rushdie, mais peu d'entre eux savent que ce titre réfère à un incident obscur de la vie de Mahomet survenu avant l'Hégire. D'après plusieurs commentateurs islamiques anciens (le plus connu est al-Tabari), on aurait excisé du Coran quelques versets contredisant des doctrines fondamentales de l'islam] de la Sourate 53 An-Najm (L'Étoile). Ces versets éliminés auraient allégués que Mahomet avait admis la prière à des divinités païennes (dont les noms apparaissent tout de même dans le texte du Coran, soit al-Lat, al-´Uzzâ, et Manât). Cela contredit évidemment le monothéisme absolu de l'islam (ainsi que l'inspiration divine de Mahomet), d'où le fait qu'on a rapidement attribué ces paroles à Satan et non à Allah. Il y a donc problème. Évidemment la majorité des apologètes actuelles de l'islam rejettent donc la validité de ce récit, mais comme le souligne cette note de Wikipédia anglais, il est clair que la tradition attestant cet épisode est très ancienne (2011) :

The Satanic Verses incident is reported in the tafsir and the sira-maghazi literature dating from the first two centuries of Islam, and is reported in the respective tafsir corpuses transmitted from almost every Qur'anic commentator of note in the first two centuries of the hijra. It seems to have constituted a standard element in the memory of the early Muslim community about the life of Muhammad. The earliest biography of Muhammad, Ibn Ishaq is lost but his collection of traditions survives mainly in two sources: Ibn Hisham (833) and al-Tabari (915). The story appears in al-Tabari, who includes Ibn Ishaq in the chain of transmission, but not in Ibn Hisham.

Évidemment l'on ne saura trancher cette question ici, alors pour se faire une idée des diverses positions, sur le site Muslimfr.com on rencontre une perspective apologétique islamique et sur le site Answering-islam.org (anglais) une perspective plus critique (répondant de manière détaillé aux apologètes musulmans).

Un autre domaine où nous aperçevons l'ambiguïté profonde de l'islam touche le statut de la femme et sa relation avec les hommes. Évidemment les apologètes de l'islam vont affirmer aux occidentaux que la femme est absoluement égale à l'homme dans l'Islam. Et à cet effet ils citeront des versets du Coran tels que:

Leur Seigneur les a alors exaucés (disant) : “ En vérité, Je ne laisse pas perdre le bien que quiconque parmi vous a fait, homme ou femme, car vous êtes les uns des autres. Ceux donc qui ont émigré, qui ont été expulsés de leurs demeures, qui ont été persécutés dans Mon chemin, qui ont combattu, qui ont été tués, Je tiendrai certes pour expiées leurs mauvaises actions, et les ferai entrer dans les Jardins sous lesquels coulent les ruisseaux, comme récompense de la part d'Allah.” Quant à Allah, c'est auprès de Lui qu'est la plus belle récompense. [3:195]

Ou encore :

Et quiconque, homme ou femme, fait de bonnes oeuvres, tout en étant croyant... les voilà ceux qui entreront au Paradis ; et on ne leur fera aucune injustice, fût-ce d'un creux de noyau de datte. [4:124]

Évidemment d'autres versets du Coran ou des hadiths pourraient êtres cités à cet effet, mais là encore ça ne présente qu'un des visages de l'islam sur cette question. Mais au-dela, voyons d'autres textes sacrés que les apologètes musulmans[39] évitent en général d'aborder. Dans la sourate Al-Baqarah (La vache) il est clair que sur le plan juridique, l'homme et la femme ne sont pas égaux. Il est question ici des conditions exigées pour établir un contrat financier.

Ô les croyants ! Quand vous contractez une dette à échéance déterminée, mettez-la en écrit ; et qu'un scribe l'écrive, entre vous, en toute justice ; un scribe n'a pas à refuser d'écrire selon ce qu'Allah lui a enseigné ; qu'il écrive donc, et que dicte le débiteur : qu'il craigne Allah son Seigneur, et se garde d'en rien diminuer. Si le débiteur est gaspilleur ou faible, ou incapable de dicter lui-même, que son représentant dicte alors en toute justice. Faites-en témoigner par deux témoins d'entre vos hommes ; et à défaut de deux hommes, un homme et deux femmes d'entre ceux que vous agréez comme témoins, en sorte que si l'une d'elles s'égare, l'autre puisse lui rappeler. Et que les témoins ne refusent pas quand ils sont appelés. Ne vous lassez pas d'écrire la dette, ainsi que son terme, qu'elle soit petite ou grande : c'est plus équitable auprès d'Allah, et plus droit pour le témoignage, et plus susceptible d'écarter les doutes. Mais s'il s'agit d'une marchandise présente que vous négociez entre vous : dans ce cas, il n'y a pas de péché à ne pas l'écrire. Mais prenez des témoins lorsque vous faites une transaction entre vous ; et qu'on ne fasse aucun tort à aucun scribe ni à aucun témoin. [2: 282].

On voit bien d'après le texte en gras, que dans ce contexte, un homme vaut deux femmes. Toujours dans le Coran, dans la sourate An-Nisa' on nous indique qu'Allah donne non seulement autorité aux hommes sur les femmes, mais également le droit de les coercer sur le plan de la sexualité et, si cela ne suffit pas, de les battre afin d'obtenir leur obéissance :

Les hommes ont autorité sur les femmes, en raison des faveurs qu'Allah accorde à ceux-là sur celles-ci, et aussi à cause des dépenses qu'ils font de leurs bien. Les femmes vertueuses sont obéissantes (à leurs maris), et protègent ce qui doit être protégé, pendant l'absence de leurs époux, avec la protection d'Allah. Et quant à celles dont vous craignez la désobéissance, exhortez-les, éloignez-vous d'elles dans leurs lits[40] et frappez-les. Si elles arrivent à vous obéir, alors ne cherchez plus de voie contre elles, car Allah est certes, Haut et Grand ! [4 : 34]

On voit bien dans ce verset que non seulement l'homme a autorité sur la femme, mais il peut légitimement la coercer autant sexuellement que la battre physiquement pour la forcer à reconnaître son autorité. Ces versets établissent bien le statut de la femme dans l'islam, mais on voit d'autres versets du Coran qui véhiculent une attitude tout à fait méprisante à l'égard des femmes, comme celle-ci tiré de la sourate Al-Ma-idah (La table servie) où il est question de pureté rituelle :

Ô les croyants ! Lorsque vous vous levez pour la Salat, lavez vos visages et vos mains jusqu'aux coudes ; passez les mains mouillées sur vos têtes ; et lavez-vous les pieds jusqu'aux chevilles. Et si vous êtes pollués “junub”, alors purifiez-vous (par un bain) ; mais si vous êtes malades, ou en voyage, ou si l'un de vous revient du lieu où il a fait ses besoins ou si vous avez touché aux femmes et que vous ne trouviez pas d'eau, alors recourez à la terre pure, passez-en sur vos visages et vos mains. Allah ne veut pas vous imposer quelque gêne, mais Il veut vous purifier et parfaire sur vous Son bienfait. Peut-être serez-vous reconnaissants. [5: 6]

Pour ce qui est de pureté des hommes, on constate qu'un contact avec une femme souille l'homme tout autant que d'uriner et que se frotter de la boue vaut mieux que d'être en contact avec une femme ! Si cela ne suffit pas, dans les Hadiths, on rencontre des commentaires encore plus méprisantes, par exemple dans le hadith Mouslim (un des textes sacrés les plus révérés par les musulmans après le Coran et le hadith sahih d'El Bokari) Abu Dharr rapporte ces paroles de Mahomet au sujet de distractions de la prière (des hommes) :

Abu Dharr a rapporté : le messager d'Allah (que la paix soit sur lui) a dit : Quand n'importe lequel d'entre se présente à la prière et il y a une chose avant lui égal au revers de la selle qui le couvre et dans le cas où il n'y a pas devant lui (une chose) égal au revers de la selle, sa prière serait coupée par (le passage de un) l'âne, la femme et chien noir. J'ai dit : O Abu Dharr, quelle caractéristique est là dans un chien noir qui le distingue du chien rouge et du chien jaune ? Il a dit : O, le fils de mon frère, j'ai demandé le Messager d'Allah (la paix soit sur lui) comme vous me demandez et il a dit : le chien noir est un démon. (Livre 4, nos. 1032-34)

Il est clair ici que la prière (d'un homme) peut se voir annulée par des distractions tels que le passage d'un âne, d'un chien noir ou d'une femme. Et on ajoute de plus que le chien noir c'est un démon ! Sur cette question les apologètes de l'islam citent le hadith El-Bokari (Volume 1, Livre 9, nos 487-488) démontrant qu'un homme aussi peut servir de distraction à la prière ainsi que les paroles d'Aïcha, épouse du Prophète qui proteste justement cette comparaison et affirme :

Vous nous avez comparées (les femmes) aux ânes et aux chiens. Par Allah! J'ai vu le Prophète prier pendant que j'ai eu l'habitude d'etre-dormi- dans (mon) lit entre lui et le Qibla. Chaque fois que j'étais dans le besoin de quelque chose, j'ai détesté pour m'asseoir et déranger le Prophète. Ainsi je partirais discrètement à côté de ses pieds. [El-Bokari ? Volume 1, Livre 9, no 493]

Si cela atténue quelque peu la comparaison des femmes aux ânes et aux chiens (démoniaques), cela laisse irrésolue la question de fond : Est-ce cela annule effectivement la mise en contexte de l'âne, la femme et le chien que l'on retrouve dans les paroles rapportées par Abu Dharr ? C'est là la question de fond. Pour être cohérent, combien d'apologètes de l'islam seraient d'avis (tenant compte des paroles d'Aïcha) qu'il faut donc éliminer tout simplement le hadith El-Bokari (Volume 1, Livre 9, nos 487-488) à ce sujet ? Ce serait bien plus rassurant pour les femmes, mais depuis plus de mille ans ce verset reste toujours inscrit dans les écrits sacrés de l'islam et fournit un indice supplémentaire du caractère profondément ambivalent de l'Islam et de ses deux visages. Mais dans la vie de tous les jours, il faut constater que la situation de la femme en Arabie Saoudite, justement le lieu de naissance de l'islam, constitue un indice important au sujet des attitudes musulmanes à l'égard de la femme. Une des répliques classiques des apologètes musulmans est d’affirmer que je ne connait pas le contexte du texte coranique arabe, ou encore que j’aurait cité ces versets hors de leur contexte, etc. On me dit que le fait est que la Sourate 4, 34 (et d'autres semblables) peut être traduite de diverses manières de l'arabe vers d'autres langues, ainsi il sera toujours difficile de s’entendre là-dessus. Bon, laissons les érudits trancher de telles questions.



Hypocrisie des medias occidentaux postmodernes
Bien que les medias occidentaux aient suivi avidement les événements du printemps arabe de 2011, il y a lieu de douter que ces medias, largement dominés par les conceptions postmodernes, comprennent vraiment le courage qu'exige ces protestations dans le monde musulman. Il en résulte que les conséquences sociales et culturelles de l'islam sont biffées dans leur esprit, comme si en somme la situation dans ces pays était tout à fait comparable à celle en Occident (exception faite des dictateurs et le contexte juridique évidemment). Ainsi, en général, les médias occidentaux regardent le monde musulman avec des lunettes dorées. Si le regard que posent les élites postmodernes en Occident sur la religion traditionnelle occidentale (le christianisme et ses dérivés) est très critique, son regard sur l'islam est souvent beaucoup plus complaisant, beaucoup moins critique. Dans le contexte d'une étude sur le rapport entre l'Occident et l'islam, où aussi bien le christianisme que l'islam se disent porteurs de VÉRITÉ, l'anthropologue britannique Ernest Gellner explore une facette de la schizophrénie relativiste des élites occidentaux. Gellner constate qu'on tolère assez bien l'absolu (le concept de vérité) au loin, mais de près, c'est autre chose (1992: 84):

Les relativistes dirigent leurs attaques seulement contre ceux qu'ils affublent de l'épithète positiviste, c'est-à-dire le non-relativiste occidental, mais passent sous silence le conflit/désaccord qui les sépare du fondamentalisme religieux [non-occidental]. Leur attitude est, en somme, la suivante: l'absolutisme doit être toléré seulement s'il est suffisamment étrange sur le plan culturel. Ce n'est que chez soi qu'ils ne peuvent le tolérer.*

Si on considère les systèmes idéologico-religieux modernes ou postmodernes sur le plan culturel, on peut les considérer comme un produit dérivé, sinon les enfants illégitimes de la civilisation chrétienne, mais il y a lieu aussi de les considérer avant tout comme une réaction au christianisme[41]. Cela explique le contraste entre les attitudes relativistes des élites postmodernes occidentaux à l'égard de l'islam et touchant le christianisme. Cette schizophrène postmoderne se comprend mieux[42]. Gellner ajoute ces commentaires ironiques au sujet du cul-de-sac du relativisme des élites postmodernes pris entre les prétentions à la vérité que comportent le christianisme et l'islam (1992: 73-74):

Ensuite, il y a un mouvement qui nie jusqu'à la possibilité de l'existence d'une source externe d'autorité et de validation. Il faut admettre qu'il est particulièrement insistant sur ce démenti, lorsque l'affirmation contraire d'une validation externe vient de non-relativistes, membres de leur propre société. La pudeur relativiste et l'expiation de la culpabilité coloniale interdisent par contre de faire valoir ce point aux membres d'autres cultures. L'absolutisme des autres a donc droit à un traitement de faveur et une sympathie tiède qui est très près de l'appui. (...) Le relativiste endosse l'absolutisme des autres, et ainsi son relativisme entraîne un absolutisme qui le contredit également. Laissons-lui avec ce problème; il n'a aucune solution.*

Irshad ManjiVoyons le cas d'Irshad Manji, une écrivaine, journaliste et lesbienne canadienne, que les médias occidentaux considèrent comme une musulmane réformée. Dans son livre Musulmane, mais Libre, elle explique comment l'islam pourrait être réformé pour revaloriser les femmes, garantir le respect des minorités religieuses et encourager le débat d'idées. Ce livre a été promu par les médias et il est devenu un best-seller. Entre autres, Manji s'est vu décerné le premier prix annuel du Chutzpah Award par l'animatrice de talk-show Oprah Winfrey pour l'audacité et le courage[43] de ce livre. Depuis, Manji a fait de fréquentes apparitions dans les médias internationaux tels que BBC, MSNBC, CSPAN, CNN ou FOX News. Manifestement, elle (et ses idées) leur est utile, mais pourquoi ? Quelle est l'utilité d'auteurs tels que Salman Rushdie, dont les idées outragent un grand nombre de musulmans, mais qui font manifestement plaisir aux élites occidentaux ? Si on considère les médias occidentaux non pas comme une institution neutre, mais plutôt idéologique, il est possible alors d'éclaircir cette situation. À vrai dire sur le plan idéologico-religieux les médias occidentaux ont besoin de musulmans postmodernes et tolérants comme Irshad Manji, car cela permet d'appuyer leur dogme postmoderne du relativisme qui affirme qu'il n'existe pas de vérité, que toutes les religions se valent et que chacun peut ériger sa propre moralité[44]... Mais comment Manji est-elle perçue par les siens, les autres musulmans ? Et bien, il faut constater que bon nombre de musulmans rejettent ses thèses et accusent Manji d'être complétement anti-arabe, antimusulmane et faire la promotion d'une perspective biaisée et eurocentrique très typique à l'égard du monde islamique.

Pour se faire une idée des perceptions contrastées au sujet d'un tel personnage, pour une perspective postmoderne (très politiquement correct évidemment) on peut consulter le site du Conseil du statut de la femme (gouvernement du Québec) et pour une perspective d'un musulman qui rejette les thèses postmodernes de Manji, ce site anglophone Examine the Truth ou encore Ansar-Alhaqq.net qui qualifient Manji de “ traître ” et d'apostate.

Mais au-delà des avis différents, la question véritable reste sans réponse : Manji est-elle une musulmane cohérente, suivant de manière honnête et logique les enseignements et l'exemple du prophète Mahomet ou propose-t-elle une version postmoderne, une version occidentalisée de l'islam ? Évidemment ce n'est pas aux Occidentaux (non-musulmans) de trancher cette question... Savoir si elle est modérée ou extremiste est, en dernière instance, sans intérêt. Pour ce qui est des Occidentaux d'ailleurs, il vaudrait peut-être mieux qu'ils ignorent ce que leurs médias leur disent sur l'islam, qu'ils fassent leurs propres recherches et leur propre idée sur cette religion.

Il faut noter par ailleurs que l'arrangement communément adopté en Occident, où les medias (presse écrite et électronique) servent de limite au pouvoir étatique, est le résultat d'une longue évolution sociale. Dans ces sociétés, dominées autrefois par l'influence judéo-chrétienne, on est lentement arrivé à la perspective où l'on postulait qu'aucun individu ou institution sociale ne devait jouir d'un pouvoir absolu. L'historien britannique Lord Acton (1834-1902) affirmait autrefois que “ le pouvoir corrompt et le pouvoir absolu corrompt de manière absolue ”. Une telle perspective est évidemment compatible avec le présupposé chrétien selon lequel l'homme est un être déchu, incapable d'une vie totalement juste. De ce fait, il faut prévoir, sur le plan social, même dans les circonstances idéales, un équilibre entre le pouvoir des diverses institutions sociales, pour ainsi éviter (ou plutôt limiter) les abus de pouvoir d'une instance omnipuissante. Ce principe est affirmé dans les Écritures chrétiennes dans l'épisode des disciples de Bérée:

Aussitôt les frères firent partir de nuit Paul et Silas pour Bérée. Lorsqu'ils furent arrivés, ils entrèrent dans la synagogue des Juifs. Ces Juifs avaient des sentiments plus nobles que ceux de Thessalonique; ils reçurent la parole avec beaucoup d'empressement, et ils examinaient chaque jour les Écritures, pour voir si ce qu'on leur disait était exact. Plusieurs d'entre eux crurent, ainsi que beaucoup de femmes grecques de distinction, et beaucoup d'hommes. (Actes 17: 10-12).

On voit donc dans ce bref récit, l'un des plus grands apôtres du christianisme qui a vu son discours et ses affirmations sujets à examen par des inconvertis. Et, de plus, on dit de ces inconvertis que leur geste était bien. Ils avaient “ de nobles sentiments ”. Manifestement les Écritures appuient l'idée que même les inconvertis ont la liberté d'examiner et questionner les plus hautes autorités humaines. Ce n'est pas une question sans importance... D'autre part, cela souligne le fait que l'autorité des Écritures, la Parole de Dieu est absolue, au-dessus de TOUT autorité humaine, spirituelle ou politique.

Ailleurs, dans l'Ancien Testament, on note l'opposition au pouvoir absolu dans le livre d'Esther où le fonctionnaire juif Mardochée refuse de se prosterner devant (comme on le ferait pour une divinité) Haman, le bras droit du roi Assuérus (voir le chap. 3 en particulier). Dans l'Ancien Testament, ce thème revient aussi, à quelques reprises, dans le livre de Daniel. Les prophètes, pour leur part, servent, à de nombreuses reprises, de limite au pouvoir absolu des rois israélites. On peut penser à l'épisode de l'adultère de David avec Bath-Schéba et le meurtre d'Urie. qui nous est rapporté dans 2Sam 11. Au chapitre suivant on voit le prophète Nathan qui, au moyen d'un parabole, confronte le roi David et l'accuse de meurtre et de voler la femme de son prochain. Le plus étonnant dans tout ça ? Plutôt qu'exécuter le prophète sur le champ (sinon le lancer en prison pour le reste de ses jours) pour son insulte à son honneur, David le roi reconnaît sa faute en publique au point même de rédiger par la suite un chant à ce sujet (Psaume 51). Sur le plan chronologique d'ailleurs, il faut noter que la fonction de prophète précède celle de roi[45]. De plus, dès l'établissement de la royauté en Israël, on affirme que le roi devait être soumis à la loi de Dieu tout aussi bien que le peuple (1Samuel chap. 12) et cela revient dans les conseils de David à son fils Salomon (1Rois 2)



Conclusion
Mais revenons à l'avis de mon contact indien au sujet du Printemps arabe abordé au début de ce texte. Il a affirmé que l'éducation serait un facteur décisif dans le contexte actuel au Moyen-Orient. Mais pourquoi l'éducation serait-il un facteur aussi déterminant, rendant possible les aspirations à la liberté d'expression et à la démocratie en Égypte, mais les bloquant en Arabie Saoudite ? Ne trouve-t-on pas des gens éduqués en Arabie Saoudite ? Ou se peut-il que le problème soit dû au fait que les élites en Arabie Saoudite ne manquent pas d'éducation comme tel, mais qu'ils n'ont pas été éduqués selon des conceptions occidentaux modernes[46] ? Si c'est le cas, cela confirme en quelque sorte notre hypothèse, car il en découle que l'introduction et la promotion de l'éducation à l'occidentale peut être un facteur qui marginalise et réduit l'influence culturelle de l'islam.

Si l'hypothèse proposée ici touchant les effets sociaux et politiques de l'islam est juste, il en découle que malgré tous les progrès que pourront faire les mouvements du Printemps arabe au Moyen-Orient, dans l'absence d'une remise en question fondamentale de l'islam dans ces pays (où domine actuellement l'islam), le printemps arabe ne saura parvenir aux changements durables[47] souhaités par une part importante de leurs populations, c'est-à-dire la démocratie et la liberté d'expression. Il en découle également de mon hypothèse que les tentatives actuelles des puissances occidentales de “ téléporter ” ou de greffer la démocratie et des systèmes politiques à l'occidentale dans des pays à forte tradition islamique comme l'Afghanistan ou l'Iraq seront vouées à l'échec dès le départ des troupes et des ressources financières occidentales[48]. Ce genre de château de cartes ne saura pas tenir longtemps, sans une révolution religieuse et culturelle beaucoup plus profonde. Jusqu'ici l'Occident a été assez naïf pour croire sa propre propagande, mais il y a tout lieu de penser qu'il devra bientôt se dégriser. Sur les tentatives d'imposer la démocratie de l'extérieur, comme dans le cas de l'Iraq, dans son livre Héritage du christianisme (1976) Francis Schaeffer a proposé cette réflexion, bien des années avant que voit le jour le Printemps arabe (1976: 249)

Les hommes dans les gouvernements occidentaux, eux-mêmes des hommes modernes, n'ont pas compris que la liberté sans anarchie n'est pas une formule magique qui peut être implanté n'importe où. Mais puisque ce sont des hommes modernes, ils pensent que parce qu’on a dépassé l'année 1950 et que la race humaine a évolué jusqu’à un certain stade, la démocratie peut être greffée n'importe où, de l'extérieur. Ils ont soigneusement fermé les yeux sur le fait que la liberté sans anarchie est le produit d'une civilisation érigée sur des fondements chrétiens. Ils n'ont pas compris que la liberté sans anarchie ne peut être séparée de ses racines.
Et lorsque ces formes extérieures sont imposées dans un pays dominé par une vision du monde qui ne saurait jamais produire d’elle-même de la liberté sans anarchie, les individus ne sauront pas se tenir debout lorsque les pressions augmenteront. Les journaux nous rappellent que dans de nombreux pays où la démocratie a été imposée de l'extérieur ou du haut vers le bas, règle générale, cela aboutit à l'autoritarisme. On pourrait faire une longue liste de ces pays.*

La question se pose donc? Est-ce possible que des citoyens de pays à forte tradition islamique remettent en question l'islam et la sharia ? Si cette remise en question ne se fait pas, à mon avis il ne faudra pas s'étonner qu'après une génération, tous les labeurs des protestataires actuels risquent d'être réduits à néant et les pays actuellement bouleversés se retrouveront avec soit des régimes islamistes comme en Iran ou des régimes tout à fait comparables (avec des visages différents au pouvoir évidemment) à ceux qui avaient le pouvoir avant que tout ça n'éclate.

Qu'en est-il au juste des soulèvements actuels du Printemps arabe ? Que leur réserve l'avenir ? Dans l'immédiat, on carbure à l'adrénaline et les attentes de la population restent élevées, ainsi quelques changements ne sont pas à exclure. Ce qui distingue la situation actuelle de celle d'il y a une génération ou deux est la grande pénétration de la culture occidentale (malgré la censure de l'Internet et des communications téléphoniques sécurisées). Cette réalité met autant en déséquilibre la culture politique du monde musulman que sa culture idéologico-religieuse (et explique la réaction violente de bien des musulmans vis-à-vis l'Occident). Bien difficile à savoir comment se fera l'équilibre... À vrai dire, on peut même penser que ces mouvements de protestation sont déjà l'indice d'une certaine pénétration de conceptions occidentales. Inévitablement, la culture populaire et l'Internet jouent leur rôle dans ce phénomène.

Mais l'histoire nous propose tout de même quelques exemples de pays où domine l'influence de l'islam, qui sur le plan politique ont remis en question et repoussé le pouvoir de l'islam sur l'État. On peut penser par exemple à la Turquie qui est un des rares pays démocratiques dans le monde musulman. Il y existe des élections, mais il faut noter qu'Atatürk a coupé assez radicalement avec l'influence islamique à une époque où l'islam était en déclin et la pensée moderne était à son apogée. Aujourd'hui les rôles sont inversés. L'Occident est ébranlé aussi bien dans ses convictions que dans sa puissance économique. La pensée moderne matérialiste (issue des Lumières) est aussi en déclin et les mosquées débordent dans les rues des grandes villes laïcisées d'Occident. Il semble que le mélange de pensée moderne et islamique, comme celui proposé par Atatürk ou par Nasser, n'a pas, sur le plan culturel ou politique, poussé de racines culturelles très profondes et n'a fait guère autre chose qu'essaimer des dictateurs, aujourd'hui méprisés par la majorité des citoyens de ces pays. Quelles sont les chances qu'un mélange de conceptions occidentales et islamiques puisse avoir du succès dans le monde musulman aujourd'hui ? Même si les espoirs des masses s'expriment de manière si courageuse, il me semble que le contexte actuel ne lui est pas favorable à long terme.

Il semblerait que le monde musulman soit pris entre l'islam pur, faisant appel à tous les moyens à sa disposition pour avancer sa cause, dont la guerre, comme l'a fait Mahomet, et des conceptions occidentales de démocratie et de liberté d'expression bien vues en Occident, mais qui semble difficilement pousser des racines profondes au Moyen-Orient. L'Iran, suivi de l'Afghanistan sous les Talibans, ont été les premiers États de cette région à tenter un retour à l'islam pur, mais ce modèle ne semble guère essaimer et le Printemps arabe semble l'indice d'un cul-de-sac et d'une certaine révolte des populations. L'Iran en tout cas s'est saigné de manière épouvantable dans sa guerre contre l'Iraq séculier de Saddam Hussein et, avec le président Mahmoud Ahmadinejad, il semble encore chercher une solution militaire à ses problèmes.

Évidemment il serait vain de prétendre, dans un si bref article, faire le tour de la question de tous les aspects de l'influence culturelle et sociale de l'islam[49], mais nous espérons tout de même avoir convaincu le lecteur de l'importance critique de la religion sur la formation de civilisations et de sociétés.

Pourquoi suis-je donc si pessimiste au sujet du printemps arabe? Si la situation actuelle a tout de même permis aux citoyens des pays musulmans où ont lieu ces protestations contre les régimes politiques de défoncer le tabou contre la critique du pouvoir de leurs pays, il faut se demander si réellement ces gestes vont à la source du problème, c'est-à-dire la religion établie par le prophète Mahomet qui fait de l'État et de l'islam une unité indissociable et au-dessus de toute remise en question. Il y a donc lieu de penser que si les citoyens de ces pays actuellement bouleversés veulent vraiment un changement radical qui aboutisse à la liberté d'expression pour tous ainsi qu'à la démocratie, cela ne pourra JAMAIS se faire sans une remise en question profonde de l'islam et de son rôle social, car la prise du contrôle du système politique par la Shari'a (et le leadership religieux, dans une large mesure) fait partie inhérente de l'héritage laissé par le prophète.



“ Si donc le Fils [de Dieu] vous affranchit, vous serez réellement libres. ” (Jean 8 : 36)



 

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(avec quelques références ajoutées après la publication initiale)



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Notes

[1] - Merci à tous, qui de près ou de loin, ont contribués à cet article. Entre autres, je veux mentionner Mss. Erickson, Khandjani, Minangoy et le webmestre de Théonoptie.com. Mes excuses aux lecteurs de la première vague à qui j'ai demandé des commentaires sur un texte un peu confus et pêle-mêle... Merci de votre patience. Depuis la rédaction originale, quelques liens web (touchant les répercussions ultérieures du Printemps arabe) ont été ajoutés.

[2] - En Tunisie cela commence en 2010 avec l'immolation de Mohamed Bouazizi à Sidi Bouzid le 7 décembre.

[3] - Du Moyen-Orient ou un occidental ? Difficile à dire.

[4] - Il sera parfois question ici des termes moderne et de postmoderne. De quoi s'agit-il au juste ? Bien difficile de vider la question dans une note en bas de page, mais pour donner au lecteur un clin d'œil à des concepts explorés ailleurs, notons qu'en anthropologie des religions, la religion est considérée simplement comme un système de croyances. Qu'il y soit question de croyances au surnaturel au non est sans importance. Il en résulte que les idéologies matérialistes occidentales peuvent alors être considérés comme des religions. De ce fait on peut identifier deux grands systèmes idéologico-religieux en Occident depuis le déclin du Christianisme, soit le système moderne, qui est l'héritier du Siècle des Lumières et le système postmoderne qui l'a suivi. Une clé importante pour comprendre une religion est de découvrir où est situé son savoir sacré, son concept de vérité, ce qui permet de situer ces dogmes les plus fondamentaux. Si autrefois en Occident la hiérarchie ecclésiastique ou la Bible était le garant de la Vérité, dans la pensée moderne désormais la science et la raison jouent ce rôle. La majorité des idéologies politiques et philosophies matérialistes du 20e siècle sont tirés de cette source. Pour ce qui est du postmoderne, comme son nom l'indique il est une réaction au système moderne. Pour sa part, le postmoderne ne rejette plus de manière absolue le spirituel ou la religion. Le matérialisme pur et dur n'est donc plus obligatoire, même l'occulte n'est pas exclu. L'idéologie postmoderne est taillée sur mesure, l'individu est juge de tout. Pour le postmoderne, l'individu est la référence ultime. L'individu est la seule vérité qui subsiste. À bien des égards le postmoderne est très tolérant, mais le concept de vérité est rejeté de manière absolue. Pour de plus amples détails, voir la série Fuite de l'Absolu.

[5] - Ce que peu de gens savent est que le cours d'Éthique et de culture religieuse est une version recyclée d'un cours initialement proposé en France par l'intellectuel Régis Debray (voir la bibliographie). Si les Français n'en ont pas voulu, au Québec nos élites n'ont pas hésité à faire de tous les Québécois leurs cobayes... Cela est facilité par le fait qu'ils n'ont pas à nous demander l'avis des Québécois. Et un référendum sur un tel sujet pour voir ce que pense le peuple ? Jamais... (car nos élites ont déjà déterminé ce que doit penser le bon peuple). Évidemment cela ne leur a pas effleuré l'esprit de nos élites de faire l'expérience sur leurs enfants d'abord.

[6] - Justement là où les parents paient eux-mêmes de leurs poches pour que leurs enfants puissent reçevoir une éducation différente. Mais là le système ne tolère plus aucune différence...

[7] - Pour de plus amples détails à ce sujet, voir : Gosselin, Paul (2009) Éthique et culture religieuse: la nouvelle religion d'État au Québec. Samizdat

[8] - Évidemment on peut concevoir que ce cours corresponde aux convictions d'une certaine partie de la population québécoise, mais il aurait été extrêmement révélateur de l'ajouter comme option dans le système préexistant et voir combien de Québécois l'auraient librement choisi pour leurs enfants... Mais que les parents québécois aient le choix, il n'en est pas question maintenant. D'ailleurs des poursuites ont été intentées par des parents québécois pour exiger une exemption, ce que l'État québécois a lutté de toutes ses forces pour leur nier.

[9] - C'est-à-dire que l'adoption d'une religion ou une autre est indifférent sur le plan moral ou social, donc sans conséquences.

[10] - Dans quelques articles, Augé discute des parties de foot (le soccer pour les nord-américains) en termes de rituels religieux modernes. Il ajoute (1982: 318):

Mais la logique ritualiste ne concerne pas seulement les rapports de domination matérielle et idéologique entre peuples. Elle est à l'origine de tous les comportements collectifs susceptibles de communiquer aux groupes, indépendamment du principe de leur constitution, une conscience, éventuellement éphémère, de leur identité et, en termes durkheimiens, de leur sacralité. Dans les sociétés modernes, les occasions de regroupements festifs ne sont ni exclusivement ni essentiellement religieuses au sens étroit du terme: la vie économique, syndicale, politique et, plus encore, la vie sportive suscitent les manifestations de masse les plus importantes; il faudrait citer aussi les grands rassemblements autour des vedettes des formes modernes de musique populaire (pop, reggae).

[11] - Et si les élites occidentaux résistent àl'idée d'explorer de manière sérieuse les répercussions culturelles et sociales des religion et idéologies, il y a de bonnes raisons à ça. Pousser plus loin les forcerait sans doute à finir par examiner froidement les conséquences des idéologies issues des Lumières tels que le Nazisme et le Communisme, plutôt que cacher derrière des questions oiseuses telles que les crimes du christianisme au Moyen Âge.

[Cf : Marc Augé ]Football. de l'histoire sociale à l'anthropologie religieuse. Le Débat, n° 19, février 1982, p. 59-67 et d'autres encore.
Manuel Vazquez Montalban, Le football, religion laïque en quête d'un nouveau Dieu, Le Monde diplomatique, août 1997.
www.st-andrews.ac.uk/~filtafr/spo4.htm

Jean-Marie Brohm, La religion sportive. Éléments d'analyse des faits religieux dans la pratique sportive, Actions et Recherches Sociales, n° 3, 1983, p. 101-117.

[12] - À moins de poser des gestes violents bien sûr.

[13] - Le week-end, pour mes lecteurs du Vieux Continent...

[14] - Voir à ce sujet, dans la bibliographie, l'article de Deringil (2000).

[15] Depuis, les informations en ligne ont changé, mais pas de manière significative. Voir la page actuelle.

[16] - En Amérique du moins.

[17] - Si le judaïsme et l'islam partagent des concepts de “ terre sacrée ”, cette conception est non-seulement absente dans le christianisme du Nouveau Testament, mais elle fut explicitement rejetée par son fondateur lorsqu'il affirma :

Nos pères ont adoré sur cette montagne; et vous dites, vous, que le lieu où il faut adorer est à Jérusalem. Femme, lui dit Jésus, crois-moi, l'heure vient où ce ne sera ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père. Vous adorez ce que vous ne connaissez pas; nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs. Mais l'heure vient, et elle est déjà venue, où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité; car ce sont là les adorateurs que le Père demande. (Jean 4: 20-23)

[18] - Sur le plan géographique, l'islam divise le monde en deux parties : Dar al islam (le champ ou territoire de l'islam) et Dar al harb (le champ ou territoire guerre). Le but de la guerre sainte (le Jihad) est la domination sur le monde où les États ne sont pas islamiques (Coran 2 : 190-193) (Coran 5 : 45-49).

[19] - C'est ce que confirme l'apôtre Paul dans le Nouveau Testament:

Considérez, frères, que parmi vous qui avez été appelés il n'y a ni beaucoup de sages selon la chair, ni beaucoup de puissants, ni beaucoup de nobles. Mais Dieu a choisi les choses folles du monde pour confondre les sages; Dieu a choisi les choses faibles du monde pour confondre les fortes; et Dieu a choisi les choses viles du monde et celles qu'on méprise, celles qui ne sont point, pour réduire à néant celles qui sont, afin que nulle chair ne se glorifie devant Dieu. (1Cor. 1: 26-29)

[20] - Et les protestants évangéliques ajouteront qu'il en est de même de l'idolâtrie que l'on retrouve dans les églises orthodoxes ou catholiques (statues et icônes). Dans le discours hypocrite de ces églises, on défend ces pratiques en prétendant que l'on “ n'adore ” pas ces statues ou icônes (car l'adoration est dû à Dieu seul), mais qu'on les vénère plutôt. Ils serviraient donc d'aides pour penser à Dieu. Il semblerait donc que leur Dieu ait besoin de béquilles... Ici du moins les évangéliques, les juifs et les musulmans sont tout à fait d'accord. Les Écritures pour leur part, affirment:

Leurs idoles sont de l’argent et de l’or, Elles sont l’ouvrage de la main des hommes. Elles ont une bouche et ne parlent point, Elles ont des yeux et ne voient point, Elles ont des oreilles et n’entendent point, Elles ont un nez et ne sentent point, Elles ont des mains et ne touchent point, Des pieds et ne marchent point, Elles ne produisent aucun son dans leur gosier. Ils leur ressemblent, ceux qui les fabriquent, Tous ceux qui se confient en elles. (Psaume 115: 4-8)

[21] - Il faut se demander d'ailleurs si les persécutions des chrétiens dans l'Empire romain païen n'était pas perçu comme normal par la majorité, car ces chrétiens avaient la mauvaise habitude de ne pas vouloir se plier au culte de César ou des divinités sur lesquels l'empire se fondaient. S'il avaient étés plus postmodernes, plus ouverts (offrir de l'encens à César ET adorer Christ), sans doute qu'on les aurait laissés tranquilles.

[22] - Relation qui a porté le nom césaropapisme.

[23] - Ou successeurs du prophète. À l'exemple du Prophète lui-même, le calife peut détenir aussi bien le pouvoir politique, militaire que religieux.

[24] - Le dhimmi est soumis à des impôts supplémentaires dont sont exemptés les musulmans. Les dhimmis ne jouissent pas de tous les droits des citoyens musulmans. Par example, dans certains régimes musulmans, le dhimmi n'avait pas le droit de monter à cheval.

[25] - En France, lors de la Réforme, les Huguenots (Protestants) deviendront un parti puissant et dont l'élite s'approchera du pouvoir royal. Pour éviter de perdre leur mainmise sur le pouvoir de l'État, les catholiques décideront d'éliminer les élites huguenots. Ce sera la St-Barthélémy, déclenché à Paris, le 24 août 1572. Des milliers de protestants trouveront la mort, à Paris et dans les autres grandes villes de la France.

[26] - Persécutés autant par les protestants que les catholiques, les anabaptistes ont souvent payé de leur sang la liberté religieuse qu'ils réclamaient et leur exigence que l'État ne se mêle pas de la liberté fondamentale de l'individu d'adhérer à la religion de son choix.

[27] - Que l'on retrouve aussi bien chez les catholiques que chez les Luthériens et les Anglicains.

[28] - Peu de gens savent qu'un des titres du pape, celui de pontifex maximus, est un titre tiré de l'ancienne religion païenne romaine. Comme on peut le voir dans cet article au sujet de la découverte d'une pièce de monnaie en or en Israel, pontifex maximus fut un titre reclamé par l'empereur Néron.

Robin Ngo (2016) Gold Nero Coin Comes to Light in Jerusalem: Coin of Roman Emperor Nero discovered by the Mount Zion Project. Biblical Archaeology Society

[29] - En particulier du pouvoir ecclésiastique appuyé par l'État.

[30] - NdT: en anglais: profest latitudinarians.

[31] - À ce sujet, un copain a ajouté ce commentaire :

La prostituée, la pauvre veuve, la Samaritaine, le dialogue avec le peuple "ignorant" (mais choisi pour comprendre la Révélation attendue par l'élite), les femmes premiers témoins de la Résurrection, la femme de Tyr et Sidon, le salut annoncé aux païens, ... tout dans le fonctionnement et "l'organisation" primitive et spontanée du christianisme témoigne d'une nouvelle perception de l'humain comme individu responsable et précieux à part entière, sans distinction de classes ou d'origine (sexe, race) !!! C'est un appel sans restrictions à la justice sociale comme étant une attente fondamentale de Dieu envers le croyant qui entre dans l'Alliance : “ Ce que vous ferez au plus petit d'entre vous, c'est à moi que vous le ferez... ” !!!

[32] - Il ne faut pas gommer les paradoxes qu'implique le christianisme à l'égard des rapports hommes-femmes. La femme est évidemment soumise (Eph 5:24), mais égale (Gal 3: 28), tandis que l'homme est clairement chef (1Cor 11:3), mais aussi serviteur (Eph 5: 25-33, Marc 9: 35). Tous ces éléments sont nécessaires pour comprendre la perspective judéo-chrétienne. Dans l'Occident dit chrétien, les déficiences empiriques du comportement des deux sexes ne doivent pas obscurcir le but visé. Il faut d'ailleurs tenir compte de l'effet d'obscurcissement d'un contexte postmoderne où règne le présupposé simpliste, mais très répandu selon lequel, dans les rapports hommes-femmes, la femme est toujours victime et l'homme toujours oppresseur.

[33] - Un hasard? Là où triomphent, sur le plan institutionnel, des concepts sociaux proposés lors du Siècle des Lumières?

[34] - Évidemment aucune civilisation n'a de monopole sur le talent ou la créativité. Tous les enfants d'Adam et Eve ont leur part de ces choses. Voici quelques contributions de la civilisation arabe : l'algèbre et le système de notation numérique, ouvrages d'histoire et de géographie, préservation des textes de philosophes grecs, architecture fantastique, progrès en médecine, poésie, acier de Tolède.

[35] - Voici une allocution par Wafa Sultan, une ex-musulmane originaire de la Syrie, vivant maintenant aux Etats-Unis. À la fin de cette présentation YouTube (sous-titrée), elle explique les avantages de la liberté de vivre en Occident, par rapport à la vie pour une femme dans un pays musulman.

[36] - Les hadiths sont des paroles de Mahomet enregistrées par la tradition orale islamique (mais ne faisant pas partie du Coran). Ils sont rassemblés dans plusieurs recueils.

[37] - Question de logique: les protestants qui appuient le principe de Sola Scriptura (La Bible comme seule source de vérité) rejetteront l'idée que l'on puisse mettre au même niveau, les Écritures et les écrits des premiers chrétiens.

[38] - C'est-à-dire adhérant aux autres grandes religions monothéistes, soit le judaïsme et le christianisme.

[39] - Voici un site islamiste anglophone défendant l'égalité de l'homme et la femme dans l'islam. The Quran makes it clear that Women and Men are equal in the eyes of God. (Submission.info)

[40] - Il s'agit d'un comportement tout à fait rejeté par le Nouveau Testament où il est dit par l'apôtre Paul. “ Ne vous privez point l'un de l'autre, si ce n'est d'un commun accord pour un temps, afin de vaquer à la prière; puis retournez ensemble, de peur que Satan ne vous tente par votre incontinence. ” (1Corinthiens 7:5)

[41] - Au point où le discours chrétien devient objet d'exécration, celui qu'il faut exclure, ignorer, oublier (surtout). À ce titre, on peut penser par exemple aux débats sur la contribution du système judéo-chrétien à la culture européenne lors de l'établissement de la constitution de l'Union Européenne. Il y a même lieu de penser que dans le courant de pensée occidentale postmoderne il y a un trait d'auto-détestation. L'Occident se méprise, du moins lorsqu'il est question de son lourd héritage judéo-chrétien. Amnésie de la contribution culturelle, scientifique et intellectuelle du christianisme.

[42] - Peter Hitchens, frère de Christopher, un athée britannique assez célèbre, examine cette même question, mais d'un autre angle et offre ces commentaires (2010 : 134) :

L'assaut intellectuel contre Dieu en Europe et en Amérique du Nord dans notre génération, est en fait une attaque spécifique contre le christianisme - une foi dont les résidus culturels persistent obstinément dans la morale, les lois et le gouvernement des grands pays occidentaux. Malgré le militantisme délibéré de certains anti-théistes [occidentaux, comme Richard Dawkins] contre l'Islam, ils rencontrent rarement l'islam de manière organisée dans leur propre pays, avec raison craignent défier l'islam sur son propre terrain et vont rarement débattre avec des porte-parole musulmans (qui ne sont pas intéressés à discuter d'une question qu'ils considèrent réglée de toute manière), leur hostilité vis-à-vis l'islam comme une menace pour notre mode de vie est le résultat d'une prise de conscience tardive qu'il pourrait, s'il devenait puissant, menacer leur liberté en matière de sexualité et sur d'autres plans où leur mouvement eu gain de cause en Occident, grâce à la faiblesse du christianisme. Le Dieu qu'ils combattent est donc le Dieu chrétien, car c'est leur Dieu, comme je l'ai expliqué au paravant.*

[43] - Bien que nous n'appuyions pas la perspective postmoderne proposée par Manji, nous saluons tout de même son courage à dénoncer l'antisémitisme et les attitudes anti-Israéliens du monde musulman.

[44] - Évidemment l'islam de Manji s'est adaptée à l'idéologie gaie postmoderne occidentale ce qui serait évidemment incompatible avec l'interprétation de l'islam en Arabie Saoudite où des gens accusés d'homosexualité se sont vus imposer des amendes, fouettés, mettre en prison et même tranchés la tête.

[45] - Au début de son histoire, pendant un long moment Israël sera dirigé par des juges, un titre non héréditaire. C'est un poste à la fois religieux, juridique et militaire (dans cet ordre). Cela donne lieu à une société tribale très peu centralisée et sans pouvoirs de taxation.

[46] - Ou encore que ces conceptions occidentales n'ont eu que peu d'effet sur eux (comme on peut le voir dans l'article de Daniel Pipes 1995)?

[47] - Évidemment nous n'excluons pas ici des changements à la direction des nations concernées. Éliminer un dirigeant, pour le remplacer par un autre, ne pose pas problème majeur. Ce n'est qu'une question de logistique militaire et rien de plus.

[48] - Et puis si la tendance de l'endettement américain se maintient, bientôt les Etats-Unis n'auront tout simplement plus la capacité de monter de telles opérations.

[49] - Un autre volet de l'influence sociale de la religion recoupe la question de la communauté. En général, les religions tendent à ériger des communautés. Et des communautés auxquelles il y a des conditions pour l'adhésion (la conversion) ainsi que des conséquences si on les quitte (l'apostasie). La manière dont chaque religion aborde ces questions diffère profondément et il en résulte des sociétés fort différentes. Ces questions sont abordées au chap 4, (section Prosélytisme et liberté) de mon livre Fuite de l'Absolu, volume 1.

[50] - Une version écourtée de ce texte a été publiée dans Le Nouvel Observateur du jeudi 27 mai 2004.