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Samizdat

L'age de la Terre, qu'importe ?





Un regard théologique et philosophique au débat Évolution - Création:
(ou des réactions émotives vis-à-vis la question de l'âge de la terre...)

Paul Gosselin (2004)




Dans le cadre de discussions entre amis touchant le débat création évolution, j'ai noté que plusieurs de mes correspondants (évangéliques et non-évangéliques) réagissaient sensiblement de la même manière touchant la question spécifique de l'âge de la terre. Ce sont des gens qui ont un respect pour les Écritures, se disent chrétiens et qui croient que Dieu est l'auteur de la vie. Ils ne sont donc pas matérialistes. Mais ils voient mal l'importance de la question: La Terre a-t-elle 4.5 milliards d'années ou est-elles beaucoup plus récente ? Est-ce important ? À l'un d'entre eux j'avais fait parvenir une copie de l'article de Berlinski intitulé The Deniable Darwin. En réaction, mon correspondant m'a cité Berlinski qui dit ce qui suit au sujet de ce genre de débat:

En somme, ce débat n'est pas important. Passons... Ce refrain revient souvent lorsque j'initie une discussion sur les origines avec un chrétien éduqué et bien intentionnée. Il me semble que dans cette réaction il y a (comme on le dit bien en anglais) un certain "cop-out" (un manque de courage). Ainsi lorsque confronté à des données empiriques qui infirment un âge ancien pour la Terre ou encore qui supportent un âge de la Terre de l'ordre de milliers ou de millions d'années je rencontre souvent une réaction du genre: "On ne peut pas savoir". On constate que bien des chrétiens éduqués évitent ou fuient les données qui remettraient en question l'interprétation "orthodoxe" de nos institutions scientifiques sur l'âge de la Terre. Se peut-il qu'une telle réaction ne veut pas aussi dire jusqu'à un certain point: "On ne veut pas savoir", car parfois la marge entre les deux est mince... "On ne peut pas savoir!" est le mantra rassurant de ceux qui ne veulent pas trop fouiller au-delà des idées reçues de notre époque. Comme les écriteaux aux portes de chambres d'hôtel en milieu anglophone ("Do NOT disturb !"). "Qui veut remettre en question les 4.5 milliards d'années de la terre? Levez-tous la main! Non, pas moi..."

Dans ces échanges, des chrétiens bien intentionnés affirment parfois: "Ah, non je ne veux pas m'entraîner dans de telles discussions sans fin. C'est bien trop controversé. Par ailleurs les scientifiques n'ont-ils pas prouvé que la Terre a bel et bien 4.5 milliards d'années? Ce que l'on peut penser au sujet de la Création ou l'âge de la Terre n'est pas si important. Il y a bien d'autres parties des Écritures qui sont plus importantes encore. Discutons plutôt de Jésus et du salut." A priori, cela peut sembler une attitude spirituelle, mais la doctrine de la Création est la fondation sur laquelle repose l'ensemble de la doctrine chrétienne. On ne peut l'ignorer sans dommage pour tout le reste. À de tels chrétiens, il faut poser la question suivante: "S'il y a conflit avec les autorités du monde sur d'autres points où les Écritures font des affirmations, quelle autre doctrine encore allez-vous ignorer aussi ? Allez-vous vous ajuster pour le pas irriter les autorités de ce monde?"

En termes psychologiques il est très difficile pour l'esprit moderne de se détacher de l'idée que la Terre ne puisse avoir 4,5 milliards d'années. De tout côté on est bombardé de ce concept, dans les médias, les revues, les quotidiens, les cours d'université et même les dessins animés pour enfants. Bon nombre de collèges bibliques même l'admettent plus ou moins explicitement. Tout comme en journalisme politique on parvient rarement se détacher des notions de «droite» et de «gauche» pour traiter de discours politique dans leurs propres termes, même si dans bien des contextes la distinction soit devenu sans objet. Car les différences marqués d'autrefois entre les partis politiques sont souvents disparus aujourd'hui dans bon nombre de pays Occidentaux. Sur le plan cosmologique il est tout aussi difficile à l'esprit moderne de se départir des âges géologiques longs. On en a fait une «certitude». En géologie on s'est habitué à s'en servir depuis fort longtemps pour classer tant de choses qu'on serait bien perdus sans cette béquille. Ce serait la confusion totale. Le dilemne véritable se trouve beacoup plus à ce niveau (psychologique) que sur le plan scientifique. On nous affirme que le Big Bang, la première cellule et le premier oiseau ont sûrement existé puisque nous "voyons" aujourd'hui les résultats de nos propres yeux. La chose est ironique, car en milieu francophone où on aime se gausser de sa «perspective critique», dès qu'il est question de l'âge de la terre, nous récitons par coeur, comme des moutons obéissants, les précepts du catéchisme évolutionniste. À l'égard de l'âge de la terre, on a donc une attitude de soumission totale, résignée. Il faut éviter à tout prix le scandale et la confrontation que serait de s'opposer aux théories régnantes, les théories dites scientifiques... Mais que nous disent le Écritures à ce sujet ?


Dieu n'aurait-il pas pu utiliser l'évolution ?
Sans doute, sans doute... Mais qui a VU le Big Bang?? Qui a OBSERVÉ ces milliards d'années ? Est-il digne de confiance? Certains vont affirmer: "Mais Dieu n'aurait-il pas pu utiliser l'évolution pour développer le monde vivant et prendre des milliards d'années pour créer l'univers ?" Le problème ce n'est pas au fond ce que Dieu aurait pu exploiter comme procèdé ainsi, mais plutôt de s'appuyer (ou non) sur ce que Dieu nous dit qu'il a fait. Il ne faut pas se le cacher, la question: "Mais Dieu n'aurait-il pas pu..." a une filiation curieuse à une question fatale, posée autrefois par le serpent: "Dieu a-t-il réellement dit?" (Gen 3: 1). Le constat que ces questions comportent la même logique fondamentale (de doute), devrait faire dresser les cheveux sur la tête du chrétien tenté par la solution du compromis.

Il est ironique de constater que les sceptiques renommés du siècle des Lumières comme David Hume ont utilisé l'exigence de l'empirisme pour nier l'existence de l'âme humaine (ainsi que l'existence de Dieu). Ces derniers proclamaient: "Si vous désirez me faire croire que l'âme humaine existe, comment se fait-il que l'on ne la découvre pas lorsqu'on dissèque un corps humain ? Montrez- moi une âme si vous voulez me faire croire à vos histoires ! Dites-moi il est situé, derrière le coeur ou sous le cerveau ?" Alors les cyniques modernes sont tout aussi justifiés de faire cette même exigence au niveau de la question des origines. "Si vous désirez nous faire avaler vos scénarios de l'évolution de la vie, et des milliards d'années de la terre, et tous vos autres salades, montrez-nous, pour qu'on y croie, l'origine de la première cellule, la naissance du premier mammifère (né de parents reptiles…), l'origine du système solaire ou encore l'envol du premier oiseau ! Laissez tomber toutes ces simulations sur ordinateurs, les montages bidons dans vos labos, musées et les spéculations sur papier qui n'en finissent plus. Les romans fantastiques ça se vend bien certainement, mais moi je veux voir, observer, palper ! Du concret, du vrai et rien de moins. Impossible ? Tant pis, gardez alors pour vos propres enfants vos contes de fées…" Ironie du sort, Richard Dawkins (évolutionniste ardent) exprime bien cette attitude sur la question, mais dans un contexte différent bien sûr (1994)

Sans doute Dawkins ne serait pas d'accord avec mon usage de son affirmation. Je vous laisse juger de sa pertinece, cher lecteur... Mais le cheminement du matérialiste issue du Siècle des Lumières est assez typique:

Charles DarwinC'est d'ailleurs le cheminement de Charles Darwin lui-même. Lorsqu'on a adopté une position matérialiste, le mythe de l'évolution s'impose d'elle-même. L'embarras du choix, n'est-ce pas? Mais si on est TRES lucide à l'égard de son cheminement ce ne sont pas les "faits" observables qui conduisent jusqu'à là, car il s'agit d'abord d'un processus idéologique, philosophique, religieux (ou ce que l'on voudras) qui produit ce fruit, cette conception du monde.

Mais revenons à nos moutons, c'est-à-dire à l'énoncé tiré de Berlinski (ci-dessus) à laquelle on a fait référence. L'énoncé est à la fois vraie ou fausse dépendant du point de vue que l'on prend. Elle est vraie si on la définit la science par L'OBSERVATION de processus physiques et par conséquent toute la question des processus qui se déroulent aux origines sont INACESSIBLES à tout observation humaine. Ce qui précède est très grave, car il implique que la science ne peut pas trancher ce genre de question (j'examine ces questions plus longument dans mon livre Fuite de l'Absolu, volume 2). Mais faut-il donc se résigner à un agnosticisme indifférent vis-à-vis les questions liés aux origines ?? Faut-il accepter un position du genre "that we do not know -- we have no way of knowing." sur les questions des origines de la vie ou de la planète ? Faut-il éviter de poser de tells questions ? Est-ce que tout ce qu'il nous reste est un saut irrationnel dans la foi, comme chez les existentialistes?

Les évolutionnistes athées et les croyants créationnistes diront unanimement NON et avec raison. Même dans l'article de Berlinski, immédiatement après la phrase ci-dessus, B. continue en disant:

Même si la science est limitée[1] et même s'il n'y a aucune personne vivant sur Terre qui peut dire avoir observé soit le Big Bang, l'apparition de la première cellule il y a 3,5 milliards d'années où encore le Déluge et l'Arche de Noé, la raison humaine peut être utilisée malgré tout afin de déterminer si les faits touchant le monde qui nous entoure s'interprètent mieux à la lumière d'une création récente ou d'une terre existant depuis des milliards d'années. En d'autres mots, quel cadre théorique est plus adéquat pour interpréter les données empiriques que nous pouvons observer ? Il faut IMMEDIATEMENT souligner alors que, dans ce débat, les présupposés métaphysiques de l'observateur jouent un rôle primordial dans l'interprétation des données. Même si la science nous fourni les données, elle ne peut les INTERPRETER, c'est le rôle des présupposés métaphysiques.

En termes théologiques donc on peut dire qu'il faut "avoir la foi", et pas la foi dans n'importe quoi, mais dans des énoncés particuliers touchant le monde, peu importe si l'on croit que la terre existe depuis 4.5 x 109 ans ou depuis environ 6 x 103 ans. Toute la question des origines est inévitablement idéologique, mais peu de bonzes tels que David Suzuki, François Jacob, Isaac Asimov, Jacob Bronowski ou Carl Sagan seront enclins à l'admettre, car cela exigerais d'eux qu'ils remettent en question de manière sérieuse le statut scientifique de leur théorie. Ils sont en effet, pour notre génération, des "télé-évangélistes" de l'évolutionnisme et cherchent, eux-aussi, non seulement nous montrer le monde mais, de manière plus ou moins subliminale, tentent de faire de nous des convertis à leur vision du monde matérialiste... (Leur approche de marketing est tout de même "un peu" plus subtile que celle utilisée par les télé-évangélistes, mais le résultat final et l'intention se ressemblent).

Examiner les présupposés des gens qui étudient les questions des origines est une chose ardue, car dans les médias on n'aborde JAMAIS ce sujet puisque cela exposerait, de manière inévitable, les aspects idéologico-religieux de leur position. Ou en termes théologiques, l'aspect FOI. Pour maintenir l'illusion de la science "neutre et objective" ils ne le feront jamais à moins d'y être forcés. Étant donne que la science NE PEUT nous guider dans le choix de nos présupposés il vaut mieux (pour le chrétien évangélique du moins) être TRES critique face aux présupposés matérialistes qui sous-tendent bien des théories et faits "scientifiques" touchant les origines et s'attacher à une autorité épistémologique qui a déjà fait ces preuves, la Bible. À défaut d'une telle prise de position on se met à la merci de théories "scientifiques" qui au bout de 10 ou 20 ans seront dépassées et remplacées par d'autres, plus populaires (pour le moment...). À la fin du 19e siècle lorsque le débat autour de la théorie de l'évolution faisait rage, la chose était déjà perceptible pour certains esprits plus sages. Le théologien américain Robert Lewis Dabney dans son essai Systematic Theology (1878) fit les commentaires suivants (section: Geologic Theories and Chronology):

Blaise PascalUn détail qui est souvent oublié est le fait que cette conception d'une Terre très ancienne est assez récente et que de nombreux scientifiques renommés des siècles passés n'éprouvaient aucune difficulté à concevoir que la Terre soit récente et que le Déluge décrit dans la Genèse ait été universel. Blaise Pascal[2], par exemple, note dans ses Pensées :

Aujourd'hui peu de pasteurs ou autres membres du clergé évangélique ont une formation scientifique qui leur permettrait de jeter un regard critique sur l'évolutionnisme. Par ailleurs peu ont le courage nécessaire pour affronter la désapprobation qui est le lot de tous ceux qui osent critiquer ce monument culturel. Il n'est donc pas surprenant de voir, presque sans exception, dans les écoles bibliques, les érudits de la Bible apprendre aux élèves l'art d'éviter la confrontation avec les experts scientifiques appuyant une Terre ancienne pour accepter plutôt une position de compris où la Genèse et une Terre âgée de milliards d'années peuvent cohabiter avec les cosmologies scientifiques du jour. Il est par ailleurs assez rigolo de relire des commentaires bibliques rédigés dans les années soixante où l'on prenait tant de soin à se mettre au goût du jour en démontrant comment le livre de la Genèse s'accorde si bien avec la Steady State theory (ou théorie de l'univers statique), théorie abandonnée par la suite par les astrophysiciens. Est-ce impensable que les tentatives actuelles d'adapter la Genèse à la théorie du Big Bang subira éventuellement, sinon inévitablement, le même sort? Un auteur évangélique francophone parmi tant d'autres à prôner une telle position est le théologien Henri Blocher. Une étude par Kulikovsky2a (2001) analyse et critique la position de Blocher et Meredith Kline où on considère que Genèse 1 nous apporte seulement des vérités théologiques et non historiques.

Si on affirme que « Il ne faut pas interpréter la Genèse comme de l'histoire puisqu'il s'agit d'un texte poétique » cela pose problème, car, dans une telle perspective, il devrait être facile d'établir où commence et où finie la poésie dans le livre de la Genèse. Mais c'est une question difficile à trancher, car les avis sont partagés. Faut-il interpréter le récit du Déluge comme la fin de la partie poétique, ou le situer plus tard, après l'épisode de Babel? Si on affirme qu'il y a effectivement passage de la poésie/mythe à l'histoire, il faut expliquer quel est le critère qui permet de déceler ce passage et il faut JUSTIFIER ce critère en rapport avec le texte biblique lui-même. Et si on est honnête il faut admettre qu'en dernière instance, cette coupure entre la poésie et l'histoire est fondée bien plus sur des préconceptions de ce qui est "acceptable" dans le récit, plutôt que sur des caractéristiques littéraires du texte lui-même. Trop souvent cette coupure entre la poésie et l'histoire sert d'alibi pour mettre au placard les éléments du texte biblique qui ne cadrent pas avec les idées cosmologiques dominantes de notre génération. Et une fois cela admis alors la fondation de l'interprétation poétique des premiers chapitres de la Genèse se voit sérieusement remise en question.

Le Dr. Gary Parker est un biologiste évangélique et enseignait autrefois, dans un collège chrétien, la théorie de l’évolution avec tant d’enthousiasme qu’il lui arrivait de provoquer des larmes chez quelques-uns de ses étudiants. Mais une rencontre avec un professeur de chimie lui ouvrit les yeux aux lacunes de la théorie de l’évolution et il devint alors un créationniste ardent. Quelque temps plus tard (en 1968), il se retrouva dans une situation plutôt étrange, c'est-à-dire dans un collège chrétien où il était professeur et où tout le département scientifique était composé de créationnistes (Terre jeune) en conflit avec le département de théologie composé exclusivement d’évolutionnistes (Terre ancien)... Cela abouti d'ailleurs à un débat formel entre ces parties, dont trois profs du département des sciences (défendant une interprétation littérale de la Genèse) et trois profs du département de théologie affirmant des positions de compromis (assujettissant la Genèse à une lecture évolutionniste).

Il y a un autre facteur qui joue un rôle discret, mais important dans les positions que l'on prend relativement aux origines, qui s'applique tout autant pour l'athée que pour la personne croyant en Dieu. Il s'agit de ce que j'appelle le refus épistémologique subliminal et pour expliquer ce que j'entends par là, je ferai référence à un exemple un peu ésotérique tiré de l'histoire du peuple d'Israël après leur sortie d'Egypte. Le peuple d'Israël y rencontre Yahveh face à face sur le mont Sinaï...

Ouais, le spectacle était sans doute impressionnant, mais plus important encore, les "spectateurs" n'ont pas aimé ça. Ce Dieu visible et proche rendait nerveux, dérangeait. On a tous une petite coquille philosophique, idéologique, épistémologique (tous les "iques" qu'on voudra) avec laquelle on s'entour, un "zone de confort", des idées plus ou moins admises sur le monde qui sont nécessaires afin d'affronter la vie. Et, si on veut bien l'admettre, des idoles. Mais lorsqu'on rencontre le Dieu vivant ça dérange et ça remet en question ce "zone de confort", pas juste pour l'athée (qui "n'a pas besoin de cette hypothèse"), mais aussi pour celui qui croit déjà en Dieu. Le Dieu de la Bible donc, dérange, mais pas juste en termes émotifs (le spectacle devait bien surpasser les meilleurs effets spéciaux d'Hollywood), mais aussi en termes philosophiques et épistémologiques (comment établir ce que l'on sait ce que l'on sait), car tout comme ce Dieu proche secoua (littéralement) le peuple d'Israël, l'idée d'une Terre récente (et, implicitement, l'idée que le Créateur n'est pas si loin que ça de nous dans le temps...) est difficile à digérer pour bien des gens et exigerais de remettre en question bien des choses qui sont prises pour acquis actuellement dans les milieux scientifiques et universitaires.

Parfois, dans certains milieux universitaires, si on veut jouir du respect de ses pairs, il faut se plier aux idées reçus. Dans le monde séculier en Occident, s'afficher ouvertement en tant que chrétien évangélique peut demander beaucoup de courage, mais s'il faut, en plus, remettre en question les vues sur les origines qui sont avancées par les médias et les grandes institutions scientifiques alors pour certains c'est trop. Vaut mieux pas trop y réfléchir. D'ailleurs certains individus, dans leur constitution psychologique, supportent très mal d'être marginalisés alors, dans de telles circonstances une attitude concordiste[3] peut leur sembler une solution acceptable.

Thomas H. HuxleyC'est ce genre de question que discute, de manière très perspicace, Francis Schaeffer dans le cadre d'une discussion sur l'influence de philosophies modernes sur le christianisme du 20e siècle.

Schaeffer ajoute

Jerry Bergman, décrivant sa vie d'athée, avant sa conversation note:

Et l'évolutionniste et athée RIchard Dawkins rencherit et note dans un interview avec Howard Conder (2011)

Condor: "Was there a particular point, something you read or experience you had, where you said, 'That's it, God doesn't exist?'"
Dawkins: "Oh, well, by far the most important, I suppose, was understanding evolution. I think the evangelical Christians have really sort of got it right, in a way, in seeing evolution as the enemy. Whereas the more - what shall we say - sophisticated theologians who are quite happy to live with evolution, I think they're deluded. I think the evangelicals have got it right in that there really is a deep incompatibility between evolution and Christianity."

Et l'anthropologue américain Milford H. Wolpoff discute, avec un franchise étonnante, le cynicisme des évolutionnistes dans le marketing de leur "théorie".

It is important to have our friends and neighbors – the ones who pay taxes, visit museums and attend PTA meetings – excited about their ability to visualize the sweep of human evolution and curious about the details of life and death in the ‘Old Stone Age.’ It is not important to worry about the harm that comes from inappropriate evolutionary models, inaccurate behavioral reconstructions, the cumbersome results of excessive taxonomizing (one of my colleagues was heard moaning, ‘Now the whole world will know about Homo ergaster, just as it was falling out of favor!), or the occasional upside-down picture. It doesn’t take a hardened cynic to realize that, except for the picture, our understanding of these details is likely to change in any event.” (pp. 178 – 179. Milford H. Wolpoff: Anthropology Department: University of Michigan: American Scientist: Volume 82: March-April 1994: “Visualizing the Sweep of Human Evolution”)

En somme, n'importe quel mensonge ou demi-vérité peut servir si cela fera croire au "fait" de l'évolution au gens ordinaires... Schaeffer ajoute un autre point intéressant touchant l'infiltration des philosophies modernes dans le christianisme évangélique et de leurs attitudes vis-à-vis l'autorité de la Parole de Dieu. Il note:

La question fondamentale en épistémologique est donc: "Où est la Vérité ?" "Quel est l'autorité finale qui doit nous diriger ???" Est-ce qu'au fond la Science est notre autorité épistémologique en dernière instance ? Dans leur déclarations de foi, les chrétiens évangéliques ont toujours tenus que la Bible avait une autorité pour les croyances et les comportements humains au-dessus de tout autre enseignement humain, que ce soit de la part d'un pape, d'une tradition religieuse (protestante ou catholique), d'un philosophe ou d'un scientifique... Mais aujourd'hui (d'après Schaeffer) même les évangéliques ne résistent plus devant le prestige culturelle de la science.

Certains défendent des compromis avec le système évolutionniste en prétextant qu'ils ne sont pas si incompatibles que ça. Mais c'est jeter un regard très superficiel sur la question. Par exemple dans le système darwinien la mort est le héro du scénario. C'est grâce à la mort que toutes les innovations, les mécanismes perfectionnés tel que l'oeil de l'aigle ou la queue multicolore du paon et toute la variété inouïe du monde biologique peuvent exister. Même l'existence de l'homme en dépend, car dans la perspective évolutionniste avant que l'homme apparaisse les millions de "proto-hommes" sont morts. Mais la perspective des Écritures et tout autre. D'après les Écritures la mort est le résultat de la rébellion de l'homme et de ce fait c'est quelque chose d'anormal. D'après les Écritures la mort est le dernier Ennemi qu'il faut abattre (1 Corinthiens 15: 26). C'est deux perspectives sont incompatibles, contradictoire. Il faut prendre l'un ou l'autre.

Et certains se défendront en prétextant que "Peut-être que Dieu a crée l'homme de manière séparé des autres animaux?" Il y a bien des "peut-être", mais cela implique malgré tout un rejet du concept évolutionniste que l'homme n'est RIEN de plus qu'un animal parmi tant d'autres. Et si Dieu est assez puissant pour se passer du processus évolutionniste sur cette question et créer l’homme de manière instantané et indépendante des autres animaux, pourquoi ce même Dieu n’aurait-il pas le pouvoir de créer la terre en six jours comme il l’a dit ? Et si on a osé prendre cette initiative de remettre en question la perspective évolutionniste sur ce point, pourquoi ne pas le faire sur l'âge de la Terre par exemple? Et que faire des "certitudes" de notre génération, comme par exemple l'affirmation trouvée dans la bouche de bien nombre de nos grands prêtres scientifiques que "C'est un fait que la Terre a 4,5 milliards d'années"? On s'appui évidemment sur des analyses des isotopes dans les roches de la croûte terrestre. Pour s'en sortir, il faut éviter de se faire remplir comme une cruche. Il faut faire la distinction entre les données empiriques (pourcentages de divers isotopes instables d'uranium ou de potassium dans une roche) et les présupposés qui encadrent l'INTERPRÉTATION de ces données et qui sont sujet à des préjugés philosophico-idéologiques. La science véritable s'appui sur l'OBSERVATION de processus, mais personne n'a OBSERVÉ ces processus pendant des milliards d'années. Cela n'a donc rien à voir avec la science véritable et vérifiable. Malgré leurs "certitudes" un jour ces scientifiques devront répondre devant leur Créateur à la question suivante: "Où étais-tu quand je fondais la terre? Dis-le, si tu as de l'intelligence." (Job 38: 4)

Karl R. PopperA mon sens, une bonne compréhension des progrès (au 20e siècle) en philosophie de la science remet complètement en question l'idée (encore populaire) que la science conduit à la Vérité, ce qui met le chrétien dans une position de force afin d'accorder à la science une place beaucoup plus limitée au niveau épistémologique. Mais il ne faut pas s'attendre que les grandes institutions scientifiques, qui tirent grand profit ($$$) de ce prestige actuel, ne participent à une telle remise en question de la notion populaire que la science conduit à la Vérité. D'ailleurs il importe de se rappeler que le concept de vérité est d'abord un concept théologique. D'après Karl R. Popper (un philosophe de la science renommé), la science ne peut jamais établir la vérité de ses propositions. Tout ce dont elle dispose, c'est une méthode qui permet de confronter ces propositions à la réalité afin d'en éliminer les hypothèses erronées. Même les théories qui semblent les plus solides peuvent éventuellement être réfutées et s'avérer fausses. Popper note (1973: 41):


Il y a des limites !!
La science à notre époque, surtout dans son rôle médiatique, ignore ces mises en garde et dans le paysage culturel occidental elle est devenue un monument épistémologique et idéologique que nul ne peut ignorer[5]. Il est très difficile pour notre génération d'admettre que la science puisse être limitée. Je dirais même que dans certains milieux cette affirmation serait intolérable.

Mais pourquoi serait-ce si intolérable ? La raison est que l'homme postmoderne a besoin que la science lui donne réponse à tout. Or, il importe de souligner que ce "besoin" d'étendre la méthode scientifique à des événements uniques du passé (aux origines en particulier) et d'en faire une réponse à tout, est une pulsion religieuse. George Steiner, qui n'est ni chrétien, ni créationiste à ma connaissance, explore, dans un petit bouquin intitulé Nostalgia for the Absolute (1974), les aspects idéologiques de trois grands systèmes de pensée en Occident du 20e siècle: le marxisme, la psychanalyse et l'anthropologie structurale (de Claude Lévi-Strauss, un anthropologue français) et il met en évidence un aspect très important de la situation idéologique en Occident. À mon avis ceci jette une lumière intéressante sur l'importance idéologique de la science dans notre génération. À son avis toutes ces tentatives d'élaborer un nouveau sens s'expliquent par l'évacuation de la vision du monde judéo-chrétienne en Occident.

Aujourd'hui, tous se soumettent à la science. Pas juste les scientifiques, mais les médias et même les professeurs de philosophie et de théologie. La majorité des collège bibliques évangéliques s'y sont résignés depuis bien longtemps. Qui veut se mésurer à ce Goliath ? A vrai dire, la science est devenue une des plus importantes institutions idéologiques de notre temps. En langage théologique on peut même dire que dans notre génération il s'agit d'une "idole" devant laquelle tous doivent se prosterner, sans faute,... ce qui n'est pas sans rappeler un autre récit biblique haut en couleurs (et en effets spéciaux):

À propos de cette phrase tirée de la préface de l'édition anglaise de Fuite de l'Absolu, volume 1:

Une fois que l'autorité épistémologique des sciences avait été établie et fut désormais considérée comme une source de Vérité, alors des penseurs tels que Buffon, Lamarck et, plus tard, Darwin sont devenu essentiels pour briser les derniers vestiges de l'ancienne cosmologie judéo-chrétienne.

Un contact m'a demandé:

Buffon était à peu près contemporain de Voltaire, car il est décédé à 10 ans après Voltaire. Est-ce que l'autorité épistémologique des sciences avait été établie déjà en 1788 ou est-ce que sa pensée était bien en avance sur ses contemporains, et fut repris par d'autres penseurs longtemps après sa mort?

À ce contact, j'ai répondu: Question intéressante sans aucun doute.
Je dois avouer que je n'ai pas lu suffisamment les auteurs des Lumières pour proposer une réponse définitive, mais à ce stade je ne pense pas qu'il y avait un moment décisif, un moment où l'autorité épistémologique des sciences a été établie une fois pour toutes. Tout au cours du 17e siècle et au 18ème siècle bien des batailles du beaucoup ont eut lieu, mais ce qui me semble essentielle est que très peu de chrétiens ou d'évangéliques de l'époque ont songé remettre en question l'idée que la science pouvait parler avec autorité sur la question des origines ou que la science puisse être limitée dans sa portée qu'au monde OBSERVABLE. Ainsi, à l'époque de Darwin lorsque Huxley eut un débat avec l'évêque Anglican Samuel Wilberforce (fils de William Wilberforce qui avait lutté contre l'esclavage), cette bataille était déjà perdue et l'ensemble du débat a été menée sur la base que la science doit être soumis au décidez la question des origines.

Une fois cette prémisse avait pris place, sans être contesté, à mon avis la bataille était déjà perdue. Si les chrétiens de l'époque (les évangéliques, en raison de l'influence piétiste n'ont même pas songé essayer d'influencer le résultat de ces discussions) avaient soulevé la question que la science doit être limitée dans sa portée au monde OBSERVABLE et aux processus OBSERVABLES, le résultat de ces débats aurait été bien différent. Mais puisqu'ils n'ont rien tenté de ce côté, les auteurs des Lumières ont pu ériger, en toute liberté, la science comme la Vérité, concurrençant directement la Bible. Et la pensée des Lumières a poussé des racines si profondes dans la culture française au point que maintenant, même parmi les évangéliques français, le concept que les affirmations des scientifiques sur la question des origines pourraient être remises en question leur semble inconcevable. Pour plusieurs, la seule "solution" possible est donc un compromis, c'est-à-dire "adapter" la Bible à la "réalité" intellectuelle de notre génération et ses idées dominantes. Une des compromis certains théologiens afin d'ajuster la Bible avec les milliards d'années postulés par les évolutionnistes est de postuler qu'avant Adam, le premier homme, il y eut des "pré-adamites". Peu de gens savent que cette théorie raciste a été inventée par le libertin français Isaac de Lapeyrère (1596–1676).

Bertrand RussellSi on considère les prétentions de ceux qui parlent au nom de la science sur le sujet des origines, n'est-ce pas ironique que tant de personnes de notre génération, même des théologiens évangéliques, sont prosternés devant un idole vide, un épouvantail, rempli de paille?? Le plus désolant, c'est que le croyant a déjà, en termes épistémologiques, les pieds sur le roc. Pourquoi alors se réfugier dans les sables mouvants des opinions des hommes ? Pourquoi puiser dans des citernes crevassés ? Même un athée notoire comme Bertrand Russell (1961: 73) note la contradiction entre évolutionnisme et croyance en Dieu:

Pour l'évolutionniste, les fossiles d'animaux sont la preuve irréfutable des millions d'années où la mort a régnée. Le chrétien évangélique qui admet que la terre a bel et bien 4 ou 5 milliards d'années doit accepter les âges géologique et les conséquences logiques de ce présupposé. Il doit alors d'admettre que la mort a existé bien avant la Chute de l'homme[7]. Un athée réfléchissant à la question, David Hull remarque sur le processus évolutif et sa compatibilité avec un Dieu d'amour (1992: 486)

Jacques Monod est du même avis. Dans une entrevue à la ABC (Laurie John: interview by Australian Broadcasting Commission, le 10 juin, 1976), il note:

Parfois le non-chrétien voit clairement ce que le chrétien ne veut pas voir... L'anthropologue Ernst Gellner note (1992: 4)

Voir aussi le commentaire d'un autre athée (mais sujet à la confusion habituelle entre science empirique et science évolutionniste):

Puisque la théorie de l'évolution détruit le récit de la Genèse cela réduit la venu de Christ à un événement historique intéressant, mais insignifiant. Le biochimiste chrétien A.E. Wilder-Smith note (1993: 61)

La question n'est pas banale, car si ce Dieu nous a déclaré à la fin de chaque journée de création que tout cela était bon que faut-il en déduire? Ceci implique que la mort et l'extinction de nombreuses espèces ainsi que des proto-humains a régné pendant des millions d'années. Dans ce processus on voit des espèces sont apparues sur cette planète brièvement pour ensuite disparaître ? Il suffit de penser au paresseux géant, à l'ichtyosaure, à l'archéopteryx, les placodermes, le mammouth, les crinoïdes, le Machairodus, le Tricératops, et les trilobites et tant d'autres. Quel gaspillage! Si effectivement un dieu dirige un tel processus quel genre de dieu peut-il s'agir ? Ce doit être un dieu plutôt inconscient, sinon incompétent, procédant par essais et erreurs. Un gaffeur maîtrisant mal son art, plutôt qu'un Dieu omniscient et omnipotent ? En effet, un dieu incompétent peut avoir besoin de milliards d'années pour atteindre ses objectifs... Que faut-il en déduire ? Et si en plus ce dieu qui nous dit que ce monde (où régne la mort depuis le début selon les scientifiques) était bon, était-il menteur, inconscient ou sadique (sinon toutes ces réponses sont bonnes) ? Pour le matérialiste toutes ces questions sont tout au plus amusantes, mais pour l'évangélique elles sont capitales, car elles concernent le caractère du Dieu en qui nous croyons. Est-il vraiment bon ? Est-il effectivement digne de confiance ? Est-ce un menteur et un sadique ?

Touchant la mort des humains avant la Chute, dans le passé l'Église n'as pas fait dans la dentelle à l'égard de telles affirmations. Le chrétien avançant de telles thèses était carrément accusé d'hérésie. Au 16e concile de Carthage, (mai 418) où on a discuté du problème des enseignements de Péglage, on a fait l'affirmation suivante sur la mortalité avant la Chute.

Jusqu'à ce que la pensée des Lumières ait pénétré l'Occident, une interprétation littérale de la Genèse allait de soi. Par exemple, le réformateur Martin Luther, dans sa préface à l'Ancien Testament (1523) affirma ceci:

 Il (Moïse) emploie les termes « jour » et « nuit » sans allégorie, tout comme nous l’employons aujourd’hui… nous vous donnons la certitude que Moïse parlait dans le sens littéral, non d’une manière allégorique ou figurative.  Par exemple, le monde, avec toutes les créatures, a été créé en six jours, comme les mots nous le laissent entendre. (Sermons sur les Chapitres 1-5 de Genèse)

Et chez Calvin :

Il est trop violent de dire que Moïse a distribué le travail que Dieu a perfectionné durant les six jours de la création, pour le seul but de nous enseigner sur un certain principe. Nous devrions conclure que Dieu lui-même a pris la période de six jours, dans le but d’accommoder ses travaux à la capacité des hommes.  (Genèse 1554)

Mis à part les contestations de quelques "hurluberlus", idée que la terre a des milliards d'années est aujourd'hui presque universelle. C'est le paradigme (ou la façon de voir les choses) qu'ont adopté un très grand nombre de scientifiques ainsi que ces médias qui aiment tant nous dire comment penser et comment nous comporter. Mais l'adoption d'un paradigme n'est pas neutre. Prenons une analogie pour illustrer la chose. Adopter un paradigme est un peu comme mettre des verres fumés. Ça colore tout ce que l'on voit et, lorsqu'on le prend pour acquis ou "prouvé", ça "explique" tout et rien... Lorsqu'on a porté ces verres pendant très longtemps, on fini par s'y habituer, à tel point que si on les enlevaient, même pour l'espace d'un instant, ce serait la panique, l'insécurité: "On ne voit plus rien !" Et dans ce moment de panique, la tentation sera alors très forte de remettre immédiatement ses vieux verres, si confortables. "On ne voit plus rien !" Mai bien sûr, pour voir à nouveau "quelque chose" il faut réexaminer ses présupposés de base, sinon on ne verra toujours "rien" sans les verres du paradigme standard. Il faut donc faire l'effort de mettre d'autres verres. Et si l'aventure ne vous intéresse pas, alors bien sûr, la terre aura toujours 4.5 milliards d'années, c'est incontestable.

Dans Nombres 23 : 19 nous lisons «Dieu n'est point un homme pour mentir, Ni fils d'un homme pour se repentir. Ce qu'il a dit, ne le fera-t-il pas? Ce qu'il a déclaré, ne l'exécutera-t il pas?»

D’après la pensée conventionnelle, la terre est agée d'environ 4,6 milliards d'années et on estime que l'homme est apparu il y a 2 millions d'années. Cela implique que 99.5565% de l'histoire de la terre fut sans la présence de l'homme, mais cette affirmation contredit la vérité biblique. Psaume 115:16 dit: « Les cieux sont les cieux de l'Éternel, Mais il a donné la terre aux fils de l'homme. » Psaume 8: 3-8 dit: « Quand je contemple les cieux, ouvrage de tes mains, La lune et les étoiles que tu as créées: Qu'est-ce que l'homme, pour que tu te souviennes de lui? Et le fils de l'homme, pour que tu prennes garde à lui? Tu l'as fait de peu inférieur à Dieu, Et tu l'as couronné de gloire et de magnificence. Tu lui as donné la domination sur les oeuvres de tes mains, Tu as tout mis sous ses pieds, Les brebis comme les boeufs, Et les animaux des champs, Les oiseaux du ciel et les poissons de la mer, Tout ce qui parcourt les sentiers des mers. »

Si la pensée conventionnelle est correcte, alors la majorité de la création de Dieu n'a pas été mis sous l’autorité de l'homme et il n’y a pas exercé d’autorité. Pourquoi exclure l'homme de la Terre pour les premiers 4,5 milliards d'années? Cela entre en contradiction avec les paroles de notre Seigneur qui déclare « Mais au commencement de la création, Dieu fit l'homme et la femme » (Matt 19: 4 et Marc 10: 6). Nous voyons bien ici que le compromis avec la pensée des hommes conduit à des culs-de-sac inutiles… Le fait de postuler que la terre à 4.5 milliards d'années a un grand nombre de conséquences. En géologie, par exemple, cela implique qu'il faille "remplir" ces toutes ces années. Et alors les roches et les sédiments, que l'on peut voir et toucher, sont alors classés selon leur "place" dans cette structure temporelle. Une très grande partie du travail des géologues s'appuie (mais pas les données empiriques elles-mêmes, c'est-à-dire les roches et les sédiments) sur cette structure temporelle, sur le conte standard des milliards d'années du Big Bang, du système solaire et de la terre. Mais si on enlève les "verres fumés", tout s'évanoui, en fumé... Pour le géologue alors, il y a de quoi paniquer...


Francis SchaefferUne question de salut?
Une des objections qu'on peut faire à une interprétation plus littérale de la Genèse c'est que les opinions qu'on peut avoir sur ce texte ne sont pas si importants que ça. Qu'il ne s'agit pas d'une question de salut. Dans un sens, c'est probablement vrai, car sur la Croix Jésus n'a pas fait passer, au bon larron, un examen de théologie et d'herméneutique avant de lui dire "Aujourd'hui même tu sera avec moi au paradis!" Mais pour démentir le "peu d'importance pratique" des questions liées aux origines, il suffit de noter à quel point les gens deviennent émotifs lorsque leurs positions sur ces questions sont remises en question. Au niveau subconscient au moins, on se rend tout de même compte que les croyances qu'on adopte touchant les origines sont bien importantes et affectent tout un ensemble d'autres croyances; qui nous sommes et d'où venons nous. Les croyances qu'on adopte touchant les origines ne sont donc pas sans conséquences, mais affectent de manière très pratique[8] le genre de monde dans lequel on vit et comment on le perçoit. Sur le plan individuel, il se peut que l'avis qu'on peut adopter sur la Genèse ne puisse influencer notre salut, ceci ne veut pas dire que ce que l'on croit à ce niveau est sans importance ou sans conséqunces. Francis Schaeffer remarque sur cette question: (1982/94: 387)

Plusieurs pensent que la Genèse doit être interprétée de manière allégorique. Dans le Nouveau Testament on rencontre des moments où Jésus parle en utilisant des allégories ou des illustrations plutôtque de parler de manière directe. Voici un cas bien connu.

Ce qu'il a de particulier c'est que lorsque Jésus se rend compte que les apôtres ont mal compris sa pensée il prend la peine d'expliquer, sans allégorie. Dieu se soucie donc de nous communiquer de manière à ce que nous comprenons, sans confusion. Dieu veut que nous recevons donc des informations exactes (et évidemment il a tous les moyens à sa disposition afin de nous communiquer sans confusion). Même si les Écritures ne déclarent pas explicitement que telle affirmation est une allégorie ou un image servant à illustrer une "vérité spirituelle" il y a une bonne règle qu'on peut suivre. Si le sens d'une affirmation biblique se comprend sans faire intervenir une allégorie ou une illustration alors acceptons le sens littéral. Si, par contre, une interprétation littérale va à l'encontre du sens commun, alors il peut être justifié de considérer que l'affirmation constitue une allégorie ou un image illustrant une vérité qui est à un niveau autre que littéral. Mais lorsque nous refusons un enseignement clair des Écritures (uniquement parce qu'ils heurtent nos préjugés et sont en contradiction avec l'Esprit du temps), ça c'est autre chose...

Par exemple dans Mathieu 5:1-5 nous lisons au sujet d'une personne qui a un "poutre" dans son oeil. Bien que l'évangélique moyen favorise une interprétation littérale des Écritures, on peut malgré tout comprendre qu'il ne peut être question ici d'un poutre véritable, car en général un poutre normal ne peut tenir dans un oeil normal. Un autre exemple frappant de langage allégorique se trouve dans Jean 6: 51 où Jésus déclare:

ou encore

À l'exception des catholiques, la majorité des chrétiens du monde considèrent (avec raison) que Jésus parlait ici de manière allégorique. Plus loin dans le même chapitre il dit d'ailleurs explicitement (verset 63) que ces affirmations ne devaient pas être prises de manière littérale. D'ailleurs si les apôtres l'avaient compris de cette manière, en toute logique ils auraient dû pratiquer le cannibalisme à son égard... Si nous tournons notre attention vers la Genèse, il n'y a pas de raison, mis à part des déclarations de certains scientifiques, d'interpréter ces textes d'une manière autre que littérale. Si le Dieu omnipotent et omniscient avait voulu, n'avait-il pas les ressources à sa disposition afin de nous communiquer sans ambiguité ou confusion ? Tout dans le texte nous conduit à interpréter les jours de la Création (il s'agit du terme yom, en Hébreu) en termes de jours littérales, de 24 hres. Dans le livre de l'Exode, Dieu ordonne d'honorer le jour du Sabbat de la manière suivante:

Il faut se demander s'il faut interpréter les premiers chapitres de la Genèse de manière allégorique, si effectivement la Création s'est fait non pas en six jours tels que nous les connaissons, mais six époques, de durée indéterminée, alors quelle force pourrait avoir l'ordonnance d'Exode 20: 8-11 ? Le juif scrupuleux d'observer la Loi serait alors tout à fait justifiée de se dire; "Eh bien, si la Création s'est faite en six époques, alors travaillons six semaines, sans arrêt, et je prends alors une pause d'une journée ou deux, ou peut-être vais-je travailler six mois et prendre une pause d'une semaine? Essayons..." Pourquoi pas ? Mais les juifs ont toujours interprété les jours de manière littérale ainsi ont-ils aussi appliqué l'ordonnance d'Ex. 20: 8-11 de manière littérale. Notons qu'au verset 5 de Genèse 1, on donne les précisions suivantes: "Dieu appela la lumière jour, et il appela les ténèbres nuit". Mais si la Création s'est fait non pas en six jours tels que nous les connaissons, mais en six époques, de durée indéterminée, quel sens peut avoir l'affirmation (qui apparaît six fois dans le premier chapitre de la Genèse) que ces époques eurent chacun un soir et un matin ?? Si l'on postule que les jours dont il est question ici sont des périodes de temps d'une durée indéterminée, alors la mention d'un soir et d'un matin dans ce contexte semble une information plutôt inutile, insignifiante voir trompeur. Pendant le moyen âge, le néo-platonisme était une influence dominante et a imposé une lecture allégorique/non-littérale du livre le Cantique des Cantiques. Sans doute qu'il ne s'y trouvait aucune sensualité, rien qui réfère à l'érotisme... Tout ce dont il est question, ce sont les rapports spirituels entre Christ et l'Église. Enfin, si vous voulez... Dans notre contexte, il reste à déterminer quelle est l'influence dominante qui impose une lecture allégorique/non-littérale des premiers chapitres du livre de la Genèse? Qu'est-ce que cela pourrait être donc? Je ne vois vraiment pas...

Si on propose une interprétation élargie du termes "jour" dans les premiers chapitres de la Genèse afin de s'adapter aux âges géologiques que nous propose le discours évolutionniste, cela pose un autre problème. On nous dit (Ge 5:5) qu'Adam mourut âgé de 930 ans. Et pourtant tous savent que le récit de la Genèse nous indiqu'Adam est né le 6e jours de la Création. Ce qui implique qu'il a vécu, dont son entiéreté, le 7e jour. Alors Adam a-t-il vécu que 930 ans ou plutôt 930 millions d'années? Il faut être cohérent...

À vrai dire il n’existe que deux points de vue sur la question de l’interprétation de la Genèse. Lorsque l'on met de côté tous les beaux discours ou bien on croira que la science l'emporte sur la Bible ou encore on croira que la Bible l'emporte sur la science (ce qui est dans la logique des choses si on affirme croire la Bible est infaillible, inerrant dans ses textes originaux en hébreux et grecs). Il en résulte qu’il faut comprendre la Genèse dans son sens le plus littéral et rejeter certaines perversions grammaticales obscures sur ce que signifie une " jour " dans les 3 premiers chapitres de la Genèse afin essayer de rendre la Bible " compatible " aux opinions scientifiques actuelles. Pour exprimer la chose de manière la plus crue, quelle peut être l’intérêt d’une personne se disant chrétien de s’allier à un groupe de non-croyants et/ou ennemis de Dieu afin d'adapter l’interprétation de la Genèse à ce qu’on appelle les " faits " de la science? Au fond, les évolutionnistes théistes et les créationnistes progressifs tels que Hugh Ross ne croient pas vraiment que la Bible dit vrai lorsqu'il s'agit des origines. Ils craignent bien la colère des hommes plus de la colère de Dieu. Une autre façon de voir est qu'elles ne croient pas que Dieu est capable de faire ce qu'Il dit dans Sa parole, qu'Il a tout créé en 6 jours, et il se reposa sur le 7e jour.

Dieu a-t-il la capacité de nous communiquer clairement? Certes, il y a des parties de la Bible où le contexte littéraire nous indique qu'il faut interpréter de manière allégorique ou métaphorique. Comme nous venons de le voir, lorsque Jésus dit de lui-même qu'il est le Chemin ou la Porte, personne n'a songé l'étendre et marcher dessus, ou encore de l'ouvrir pour aller dans une autre pièce ou encore manger sa chair. Le contexte indique clairement comment interpréter son discours. Mais lorsque rien dans le texte lui-même ne justifie une interprétation métaphorique il faut toujours supposer que l'interprétation littérale est correcte et exacte. Lorsque nous tentons de communiquer un contenu réel à quelqu'un ("Tu me dois $20 !") et qu'il insiste à interpréter notre message de manière métaphorique, en affirmant que je voulais dire autre chose, cela devient vite agaçant. Il y a lieu de se demander lorsque Dieu nous voit interpréter la Genèse de manière allégorique si cela ne l'agace pas aussi. Si le Créateur avait voulu nous communiquer que la Création avait eu lieu pendant des périodes de temps très longues pourquoi n'a-t-il pas communiqué de la manère suivante (voir aussi satire de Eric Blievernicht):

Pourtant on nous dit expressément dans Genèse 1 (comme si l'interprétation allégorique de ces chapitres était prévue) à la fin de chaque jour "il y eut un soir, et il y eut un matin: ce fut le ne jour". Si l'interprétation correcte des jours était un période indéfinie pouvant atteindre des millions d'années, pourquoi alors introduire ces notions de 'soir' et de 'matin' ? À quel fin ? Ce seraient alors des concepts inutiles. Même en admettant une interprétation allégorique des jours, il faudrait alors en proposer une interprétation toute aussi satisfaisante des "soirs" et "matins"... Il faut par ailleurs constater que jusqu'au 19e siècle (où la théorie de l'évolution est apparue) nul théologien chrétien n'aurait songé à interpréter les jours de Genèse 1 en termes de périodes de millions d'années (si ce n'est quelques rares Pères de l'Église influencés par la philosophie grecque où l'on attribuait à la Création et à la Terre une âge très ancien). Il semble même qu'Augustin (4e siècle) dans son ouvrage "De Genesi ad litteram" (Le sens littéral de la Genèse) ait même avancé l'idée que l'univers et tout ce qu'il contient ait été crée non pas dans sept jours mais dans un instant! D'un autre coté lorsque Jésus et les autres auteurs bibliques se réfèrent à la Genèse ils la traitent comme historique, des faits vécus pas des individus réels. Je me vois mal de quel autorité je pourrais contester leur interprétation (et il faut noter que cela a bien plus de poids que l'attitude de tel ou tel Père de l'Église). Écrivant au 3e siècle, Origène, dans Contre Celse (livre I, ch xix.) s’oppose à toute lecture non littérale du livre de la Genèse. Que penserait-il des compromis avec la pensée du monde ayant cours dans notre génération de chrétiens?

On peut noter en passant que ceux qui proposent des longues périodes entre les jours de Création ne peuvent le faire avant le premier. car Gen. 1: 5 affirme: "Dieu appela la lumière jour, et il appela les ténèbres nuit. Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin: ce fut le premier jour." À moins de faire mentir les Écritures, on ne peut donc invoquer aucun jour avant ce premier jour.

Howard van Till est un physicien évangélique américain qui accepte le Big Bang et les milliards d'années de la terre. À son avis, les jours de Création décrites dans la Genèse sont effectivement des jours littérales, mais c'est de peu d'importance. Comment rend t-il compte de la contradiction ? À son avis, les jours de la Création de la Genèse sont un peu comme le carton d'une boîte de céréales. On ne mange pas le carton de la boîte, juste le contenu. Ce que nous recherchons donc est le bon contenu spirituel et non l'emballage. Les "7 jours" de la Création ne sont donc que de l'emballage. Dans un débat sur la question des origines on lui demanda s'il croyait qu'Adam et Éve étaient des personnages ayant existé réellement, il répondit: "J'en doute." Bien souvent ceux qui questionnent l'historicité de la Genèse affirment qu'Adam et Eve (s'ils ont existé) étaient précédés de millions de "pré-humains" qui ont peuplé les millions d'années précédents. Mais cela entre en conflit avec les Écritures, car en Gen. 3:20 on nous indique que "Adam donna à sa femme le nom d'Eve: car elle a été la mère de tous les vivants". Mais comment serai-ce possible qu'Eve soit "la mère de tous les vivants" si des millions de mères l'ont précédés ? Évidemment on peut toujours jouer sur le langage et répliquer que ces individus n'étaient pas vraiment humains donc ils n'était pas vraiment vivants... Bon, enfin, c'est un stratagème acceptable pour certains.

On me dit qu'il y eut il y a quelques années un débat à huis clos dans un séminaire théologique américain entre créationnistes défenseurs d'une terre ancienne (CTA) et des créationnistes jeune terre (CJT). Aux deux camps on posa la question suivante: Que vous faudrait-il comme preuve pour changer de position sur la question de l'âge de la Terre?

N'est-ce à la fois pas curieux et très indicatif de ce que les gens considèrent leur source d'autorité et de vérité ultime?

Une conséquence pratique de la relativisation des premiers chapitres de la Genèse, que tout bon évangélique devrait comprendre, est son effet sur l'évangélisation. Si l'on accepte de relativiser le sens historique des premiers chapitres de la Genèse, en leur attribuant qu'une valeur poétique ou morale, rien de s'oppose alors, du point de vue logique, à ce qu'on relativise aussi la notion de la Chute car cette notion est liée au premiers chapitres de la Genèse. Et si on relativise la Chute, pour quelle raison est-ce que Christ est mort sur une croix en bois (très empirique), en dans la province du Palestine sous le férule romain vers l'an 33 de notre ère? Pourquoi Dieu est-il intervenu de manière aussi concrète dans l'histoire humaine si la Chute était un uniquement un événement allégorique ou mythique et non historique? Si la Genèse n'est pas vraiment un livre historique et que la Chute était simplement un événement "spirituel" il n'y a alors aucune raison pour que Christ vienne dans la chair et qu'il meure dans le cours de l'histoire devant les yeux des Juifs et des païens. Et si ces chrétiens acceptent de voir relativiser la Genèse, pourquoi ne pas relativiser le reste de la Bible également? Pourquoi affirment-ils encore accepter une résurrection corporelle du Seigneur Jésus malgré le fait qu'un tel phénomène contredit la science moderne ? Pourquoi rejeter une affirmation des Écritures dans un cas et l'accepter dans un autre? C'est arbitraire. Pourquoi il est si difficile pour les chrétiens instruits de ce genre d'établir ce lien logique?

Par contre, si l'on accepte l'historicité de la Chute (Gen. 3) alors pourquoi ne pas accepter l'historicité des jours dans Gen. 1 ?? Pourquoi cette discontinuité dans l'interprétation sinon la crainte d'attirer le mépris de notre génération? Bon nombre d'événements décrits dans les Écritures contredisent les théories scientifiques de notre époque. Pourquoi rejeter la Création en 6 jours ou un Déluge universel et accepter la résurrection de Christ après 3 jours dans la tombe ? Interviewé par Sean McDowell comporte un assez intéressant avec Douglas Axe, Maxwell Professor of Molecular Biology à l'université Biola aux États-Unis émet quelques observations utiles au sujet de la manière que la crainte de l homme peut modeler les prises de position d'évangéliques sur la question des origines (McDowell 2019).

MCDOWELL: Il y a un mouvement croissant de chrétiens cherchant à faire la paix avec l'évolution. Pourtant, cela vous concerne. Pourquoi?

AXE: Je suis inquiet parce que ce changement semble être motivé par la crainte de l homme. Cette impression s est consolidée pour moi en juillet 2007, lors d'un petit rassemblement de chrétiens espérant résoudre le conflit sur le darwinisme. Après deux heures de discussions scientifiques intenses, un participant qui était resté silencieux jusqu'à ce point a pris la parole. "Je ne sais pas comment évaluer ces arguments scientifiques", a-t-il reconnu. Puis, avec un clin d'oeil au scientifique le plus célèbre de la salle - Francis Collins, directeur du Human Genome Project -, il poursuivit: "Mais je sais de quel côté je veux être." C'était un moment servilité pénible à observer. En fait, ce participant a déclaré qu'il était avant tout intéressé de s'identifier à des personnages renommés que par la question cruciale de savoir qui a raison. Nous avons tous vécu cette tentation de faire de la respectabilité notre priorité absolue, mais si nous voulons être des personnes attachés à la vérité, nous devons y résister. Nous devons être disposés non seulement à renoncer aux louanges des hommes, mais également à subir des insultes par moments. Jésus a fait les deux.

En science, un principe qui prévaut depuis très longtemps c'est que pour tout effet matériel il y a une cause matériel. Sur le plan logique, la Croix, en tant qu'effet historique (et intervention divine dans l'histoire), nous dirige inévitablement notre regard vers un autre événement (sa cause) qui est nécessairement historique lui-aussi, c'est-à-dire la Chute de la race humaine. Ainsi Dieu est intervenu dans l'histoire, à la Croix, pour corriger un autre événement historique. Il est curieux que Jésus, lorsqu'il parle des temps de la fin, établi un parallèle entre le récit du Déluge dans la Genèse et son deuxième avenement. Tout se déroule dans l'histoire, que ce soit son Retour ou le Déluge.

On voit bien que le lien établi par Notre-Seigneur. Les deux événements sont historiques, mais par ailleurs, l'historicité du Déluge est le gage du jugement à venir. Et si l'on se permet donc de faire du Déluge un événement mythique ou spirituel, alors en toute logique il faut faire de même pour le Deuxième Retour de Christ ainsi que pour Jugement à venir et la destruction du monde par le feu, car Matt. 24: 37-39 nous indique clairement que les deux événements sont liés. Et à ceux qui nient l'universalité du Déluge il faut noter ici que lorsque le Christ déclare que "déluge vînt et les emportât tous", le terme tous est le terme grec hapashapas (Strongs #537) où la définition est: "absolutely all or (sing.) every one, all (things), every (one), whole". Rien ne semble laisser entendre un Déluge local, ne touchant qu'une région du Moyen Orient. Dans le cas du bon évangélique éduqué qui considère qu'il faut tout de même faire preuve de largesse d'esprit dans l'interprétation d'un livre aussi difficile que la Genèse et qui se répugne à une interprétation aussi littérale, il faut se néanmoins se demander si une telle position n'est pas en contradiction avec celle Jésus lui-même à cet égard ?

C'est en bonne partie à cause du fait qu'on accepte à notre époque une vision relativisée des premiers chapitres de la Genèse qu'il est devenu si difficile pour bon nombre de nos pasteurs et d'évangélistes de discuter sérieusement de péché lorsqu'ils s'adressent à l'homme de la rue. Ils affirment plutôt: "Viens voir ce que Jésus peut faire pour toi !" Pourquoi parler de péché ou de repentance? D'ailleurs réfléchissons un moment, pourquoi est-ce si difficile de faire de l'évangélisation en Occident, prospère et éduqué ? Une telle situation n'est-il pas aussi, en partie, dû à l'influence de l'évolutionnisme qui rend l'homme indifférent à toute discussion sur le péché ? Nous les évangéliques, nous parlons dans le vide, car dans un tel contexte annoncer à l'homme moderne l'amour divine et la Bonne nouvelle que Christ est mort sur la croix pour payer pour nos péchés revient à donner une réponse à une question auquelle personne ne se pose ! S'ils voyaient ce que prêchent cette génération de pasteurs, les prédicateurs des générations passées leur feraient la leçon. Par exemple, Adolphe Monod, prédicateur français du 19e siècle, était un considéré le Billy Graham français de sa génération. Dans un sermon intitulé Combien Dieu est favorable à la conversion du chrétien inconverti (1834) Monod appui sans complexes, l’idée d’une Création récente.

Toul est prêt, non pas pour demain, mais pour aujourd'hui, mais pour ce moment même. Et ce n'est pas d’aujourd'hui que tout est prêt : tout était prêt hier; tout était prêt avant-hier; tout était prêt il y a dix-huit cents années, quand le Fils de Dieu est venu en chair; tout était prêt il y a six mille années, lorsque aussitôt après que le péché fut entré dans le monde, la promesse de grâce y entra aussi et annonça celui qui devait venir, afin que quiconque croirait eût la vie éternelle; tout était prêt que depuis le monde est monde, pour quiconque veut, a voulu ou voudra se convertir. (p. 406)

Et il faut constater qu’avant Darwin cette perspective d’une Création récente était encore largement admise en Occident, autant chez les catholiques que les protestants. Et sans doute qu’on pouvait trouver bon nombre de scientifiques de l’époque pour l’appuyer également. Ce n’est qu’au début du 20e siècle que les universités ont été conquis par les disciples des Lumières et de Darwin... En discutant de la situation des églises évangéliques en fin du XXe siècle, Francis Schaeffer note ce qui suit sur le processus graduel d'érosion, que l'on peut observer, s'attaquant à l'autorité de la Bible (1985: 28)

C'est dans la logique du processus. Si l'on accepte de relativiser l'historicité de la Genèse ou du Déluge, pour quelle raison peut-on justifier exclure les autres livres des Écritures d'une telle approche ? Pourquoi ne pas interpréter de manière allégorique la Résurrection, ou encore le Deuxième Retour de Christ ? Ce serait dans la logique des choses. Pourquoi s'arrêter à la Genèse ? Évidemment certains évangéliques qui ont une interprétation moins littérale de la Genèse peuvent néanmoins prêcher de manière efficace le péché et la repentance, mais bien souvent il faut se demander si ce n'est pas uniquement par automatisme, parce que cela fait partie des vieilles traditions protestantes et non parce qu'une telle approche soit réellement cohérente avec leur attitude à l'égard des Écritures et plus particulièrement la Genèse.

Posons-nous une question gênante : Pourquoi les évangéliques sont-ils un si faible pourcentage de la population en milieu francophone et si actifs et constituent un pourcentage important de la population en milieu anglophone ? À mon avis, la distance critique, par rapport à la cosmologie darwiniste/ matérialiste dominante, est un facteur clé. Les évangéliques anglophones (et les Américains en particulier) pour leur part n’ont pas craint l’odieux et l’opprobre des élites modernes pour oser la remettre en question la théorie de l'évolution, tandis qu’en milieu francophone on se prosterne, de manière béate, devant l’idole de la religion dominante, ce que l’on appelle le discours scientifique. Au mieux, les scientifiques francophones, se contentent de remarques complaisantes touchant les difficultés de la théorie de l’évolution.

Ce dessin est tiré de la littérature créationniste anglophone du début des années 80. Il illustre, bien que de manière naïve, l’importance centrale de la question cosmologique. Il va sans dire que les milieux évangéliques anglophones ont bien compris et profité de cette leçon. Cela n'implique pas évidemment que les milieux évangéliques anglophones endossent, de manière universelle, une interprétation littérale de la Genèse. Là, comme ailleurs, diverses factions et groupes d'intérêts se disputent pour influencer le plus grand nombre.

Le livre de Job comporte quelques versets obscures, auxquels on porte peu attention généralement. Ce livre nous relate les déboires de Job, homme fidèle, aimant Dieu. Plusieurs catastrophes font parti de son lot. Il perd enfants, biens et statut social. Et au milieu de la crise, sa femme lui lance, "Maudit Dieu et meurs !" Quel encouragement... Mais ce n'est pas fini, car il lui reste une dernière épreuve, la visite de consolateurs bien intentionnés qui partagent leur sagesse à leur ami éprouvé. Mais peu de temps après, Dieu lui-même intervient et entame une discussion avec Job. Job admet qu'il parlait de chose qu'il ne comprennait pas.

Ces versets mettent en lumière le fait que ce que l'on pense de Dieu (et les Écritures, par extension) est important. L'interprétation des Écitures n'est pas une chose sans conséquences. Mais il faut noter immédiatement que le jugement est aux mains de Dieu. Job n'a pas jugé ses amis, Dieu l'a fait. Il est même ironique de constater que la part du jugement de Job a été de ce voir dans l'obligation de prier pour ses amis, ceux qui lui avait fait tant grincer des dents en ajoutant la culpabilité à sa souffrance.

Les ornières de l'esprit
À l'époque plus pittoresque où les gens se promenaient avec des calèches tirés par des chevaux les routes pavées étaient chose rare. Par temps humide les voitures qui passaient sur de tels chemins creusaient de profondes ornières dans les chemins de terre (devenues de la boue) et plus tard lorsque tout avait séché, ces ornières demeuraient. Ces ornières, en quelque sorte, emprisonnaient les roues des voitures des voyageurs. Ceux qui voyageaient par la suite étaient confrontés alors avec un certain inconvénient. S'ils voyageaient dans le même sens que ceux qui les avaient précédés (par temps humide), pas de problème. Mais s'ils devaient emprunter le même chemin pour un moment, pour ensuite en prendre un autre, là une difficulté réelle se présentait, car il fallait un effort considérable afin de quitter l'ornière qui avait été creusé par ceux qui ont passé auparavant. Il était toujours plus facile de rester sur le chemin battu que d'en sortir.

Touchant la question des origines, sur le plan métaphysique il y a aussi des ornières. Ces ornières de l'esprit ce sont les chemins conceptuels empruntés par des millions d'individus. Et dans l'esprit d'une culture il se creuse alors de très profondes ornières qui guident tout autant la pensée de la personne moyenne que celle des élites. Dans une culture médiatisée comme la notre, plus certains concepts sont diffusés de manière massive, plus profondes alors seront les ornières de l'esprit chez l'homme postmoderne. Pour quitter le confort de telles ornières il faut nécessairement fournir une effort conscient et réel. Il faut développer un esprit critique. Bien d'autres, pour toutes sortes de raisons, ne seront pas aptes ou disposés à fournir un tel effort et se contenteront de suivre le chemin le plus fréquenté, même s'ils se rendent compte qu'il conduit nul part... Ne plus suivre la masse pourraient leur coûter trop cher. Il est curieux de constater que plus le niveau d'éducation, que ce soit sur le plan scientifique ou théologique, des gens est élévé, plus leurs ornières sont profondes. À peu de choses près évidemment, des exceptions existent heureusement.

Et pour des millions d'individus ces ornières de l'esprit sont invisibles (et absolues), car ils n'ont jamais été tentés de s'éloigner des chemins battus. Et tant qu'on se coule à la masse, ces ornières sont fort confortables.

Et tout comme à des époque lointaines il était impensable d'envisager que la terre puisse être ronde alors qu'il était évident à tous ceux qui avaient des yeux pour voir qu'elle était plate, il est aujourd'hui tout aussi impensable à l'esprit moderne d'envisager la possibilité que la vie et l'univers qui nous entoure ne soit le résultat d'une longue évolution de processus naturels. Et là, se dresse devant l'esprit moderne, une ornière fort imposante, voire même une muraille devant laquelle il hésitera avancer car pour ce faire il faudrait avoir le courage de penser l'impensable. Si la Terre n'a pas des milliards d'années et si l'évolution n'est pas à l'origine de la vie alors quelle autre solution peut-on considérer ? Peut être faut-il justement songer à une Autre solution. Un Autre, qui hante le sous sol et les lieux refoulés de la pensée post-moderne et devant lequel elle fuit.

Pour l'évangélique moyen, la muraille qui se dresse est tout autre, mais elle est souvent tout aussi élevée. Que le Créateur soit à l'origine de la vie, c'est un acquis et tous sont d'accord. Mais étant donnée que la masse des pasteurs n'ont pas une formation scientifique et/ou philosophique nécessaire pour jeter un regard critique sur les énoncés scientifiques touchant les origines, trop souvent on se contente (inutilement) des positions de compromis. Et si nos dirigeants spirituelles avancent de telles positions, les brebis qui les suivent osent difficilement s'y opposer. On postule évidemment un Dieu Créateur, mais on admet plus ou moins explicitement que les milliards d'années sont "prouvés" par la science, sans se rendre compte que la science empirique n'a RIEN à dire à ce sujet. Pour l'homme moderne dont l'esprit est essentiellement programmé par les médias il est difficile à saisir que personne n'a observé le Big Bang, ni la Terre naître du magma original, ni l'apparition de la première cellule. Pour croire à toutes ces choses il faut avoir la foi !

Une légende urbaine qui circule en milieu évangélique affirme que les créationnistes sont d'avis que de croire en 7 jours de Création de 24 hres est une question de salut ! Il me semble qu'il s'agit d'un argument factice qu'on lance trop facilement au visage des créationnistes pour éviter de remettre en question des positions trop confortables... Ce genre d' objection reviennent avec un régularité tout à fait ennuyeuse.

Le débat sur l'interprétation de la Genèse comporte 3 aspects:

Sur le premier point, on ne peut pas discuter longtemps, on aime, on n'aime pas... C'est comme la pizza, le fromage de chèvre et la poutine, rien à faire. Bien souvent, cette première question masque la suivante "Quelle explication correspond le plus à mes préjugés, à mon éducation ? Quelle explication va m'éviter des bagarres toichant la question des origines ?" Il ne faut pas sous-estimer l'influence des émotions. Il n'est pas inutile de poser la question "Pourquoi telle ou telle interprétation me plaît..."

Sur les points 2 et 3 par contre, on peut certainement discuter de manière rationnelle et examiner quelle explication de la Genèse tient mieux la route, devant les données que nous fournissent les Écritures et par la suite examiner les données que nous fournis la Nature. Les Écritures nous disent que c'est notre devoir "d'aimer Dieu avec toute sa force, toute sa pensée et tout son cœur" (Matt 22:37). Schaeffer nous fourni une bonne vision de cet équilibre que tous doivent chercher à atteindre.

Nous sommes donc responsables devant Dieu de chercher à comprendre toutes les Écritures et cela inclut évidemment la Genèse, car c'est le fondement de tout ce qui suit. Cela implique donc ne pas faire un culte de l'ignorance en prétextant "qu'un jour, au ciel, on saura"... Non, il ne faut pas se contenter du "petit-lait" qui nous donne tout juste le salut, mais (dans le respect certainement) aller au-delà des choses de base sur lesquels on peut être d'accord et pousser plus loin notre compréhension des Écritures et de la Nature. Lorsque je tente d'engager ce type de débat, je découvre une constante. Très peu de chrétiens éduqués sont vraiment ouverts à un tel débat. Très vite les émotions montent et les accusations futiles. Toutes les excuses sont bonnes pour éviter une discussion franche et un examen véritable des pour et des contre des diverses positions. On est trop confortablement assis sur nos certitudes pour ça... Sur le plan des Écritures, il faut donc poser la question: "Qu'est-ce que le texte biblique dit vraiment?" et non pas "Qu'est-ce que j'aimerais bien que le texte biblique dise ?" Il est donc très important de distinguer entre ce que nous voudrions que les Écritures disent et ce qu'elles disent en réalité. Et s'il faut remonter au texte hébreu, ce n'est pas la fin du monde...

Évidemment on ne peut pas s'attendre que le travailleur manuel ou la femme de ménage se passionnent pour de telles questions, mais bien trop souvent les évangéliques qui ont pourtant eu l'occasion de pousser plus loin les questions intellectuelles, se forgent une position confortable et négligent d'aller au-delà. Et pour revenir aux commentaires antérieurs sur le travailleur manuel ou la femme de ménage, il faut noter que ces derniers puissent, à l'occasion, poser des questions fort pertinentes sur ces sujets. Mais souvent nous considérons cette exploration 'difficile' et une certaine paresse nous empêche d'aller plus loin. Nous voulons les choses 'simples', tout cuit dans la bouche... Mais ce n'est pas ce que les Écritures nous indiquent: "La gloire de Dieu, c'est de cacher les choses; La gloire des rois, c'est de sonder les choses."(Prov 25:2)

En Occident (et c'est particulièrement vrai dans les pays francophones) on a tous étés éduqués et endoctrinés, même si on est de familles évangéliques, dans une une vision du monde matérialiste, fondée sur la cosmologie darwinienne. C'est l'air que l'on respire, c'est l'idéologie dominante. Et tandis qu'on étudie la Bible et la Genèse, il nous est extraordinairement difficile de sortir du du moule matérialiste dans lequel nos esprits ont été formés. Il peut arriver que nous passons à côté du sens clair des Écritures, car on a entraîné nos esprits à ne pas voir ces choses.


Conclusion
Je dois admettre que pour certains chrétiens évangéliques de telles observations provoquent des émotions très vives. Ce sont de bons chrétiens, éduqués, solides et conséquents dans leur foi, mais qui ont également un certain standing scientifique; des diplômes et dans certains cas, une carrière. Il y a une certaine logique derrière cette émotivité...

J'ai eu de nombreuses conversations sur le sujet du créationnisme avec un ami ayant une formation scientifique. Souvent ces conversations arrivaient à une explosion émotive de sa part dès je j'abordais trop longuement les preuves empiriques d'une terre récente. Un changement de sujet de conversation était imposé (j'ai vu ce genre de réaction émotive de la part de plusieurs autres chrétiens éduqués aussi, ce n'est pas un cas isolé). Suite à une de ces épisodes, cet ami m'a fait la remarque suivante: , "Mais tu sais c'est déjà assez difficile d'être chrétien dans un contexte professionnel scientifique sans embarquer l'idée d'une interprétations littérale de la Genèse !" La raison de cette réaction émotive si forte n'est pas si loin à chercher. Ce sont de bons chrétiens, bien intentionnés, qui aiment bien leur Seigneur et sont aussi des professionnels consciencieux. À ce sujet, aucun doute. Mais toute la question de l'interprétations de la Genèse leur met dans une situation fort désagréable, une situation de tension, car d'un côté il y a leur attachement au Seigneur (et la Parole de Dieu) et, de l'autre, leur standing scientifique/professionnel qui risque d'en prendre un coup si, dans leur environnement de travail, ils admettent l'adhésion à un concept moyenâgeux comme la Création en 6 jours de 24 hres. Plus l'institution pour laquelle ils travaillent est grande, plus les contraintes touchant ce qu'il peuvent librement croire et/ou affirmer seront réelles (bien qu'implicites généralement au départ). Dans ce contexte, les émotions fortes sont tout à fait normales, car ils expriment cette tension intérieure (généralement non-admise). Bien des chrétiens adoptent la logique de "Si c'est admis par la majorité, c'est bon". Si on adopte comme principe que s'entendre avec ses collègues professionnels et ne pas provoque de remous sur le plan professionnel est de PREMIÈRE importance alors ça explique certains comportements, Mais que ce passe-t-il lorsque ces considérations sociales déplacent notre engagement à l'égard de la VÉrité?? Ne s'agit-il pas d'idoles que nous mettons dans nos cœurs?

Et la marginalisation des hérétiques (qui osent remettre en question l'évolution) existe bien. Un document émis par la National Academy of Science américaine (équivalent à l'Académie Française) porte le titre "Teaching About Evolution and the Nature of Science". En 1998, des copies gratuites ont été remis à 40 000 enseignants d'écoles publics. On y affirme "qu'aucun scientifique ne conteste la validité de la théorie de l'évolution". À la page 4 on ajoute "Il n'y a aucun débat dans la communauté scientifique touchant la réalité du processus évolutif et il n'y a aucun évidence que l'évolution ne s'est pas produit." Il s'agit évidemment d'un mensonge éhonté, car au moins 10 000 scientifiques ont des convictions créationnistes, dont Raymond Damadian, l'inventeur des scanneurs MRI. Dans la perspective d'un grand nombre d'institutions scientifiques, si une personne se plaît à contester la théorie de l'évolution, a priori elle ne peut être compétente, peu importe le nombre de diplômes ou d'accomplissements scientifiques. Elle a donc perdu toute crédibilité.

On promeut donc une société fermée, auquel seuls les "croyants" peuvent appartenir réellement... Et si un membre de cette communauté décide de faire fit de ces contraintes, son statut de "membre" sera alors remis en question, de manière subtile initialement, mais si cela n'est pas un dissuasif assez convaincant, de méthodes bien plus brutales peuvent être appliquées. On peut causer des tas d'emmerdes à l'hérétique, son avancement professionnel sera sujet à des tas de contraintes inhabituels, surtout s'il n'est pas en position de force. Jerry Bergman, qui a deux doctorats, a subit ces foudres de l'establishment scientifique et a documenté nombreux autres cas dans son livre The Criterion (Richfield, MN: Onesimus Publishing, 1984) ainsi qu'à la fin de son article sur Galilée. La marginalisation dont certains craignent est bien réelle et les craintes qu'ont certains professionnels d'avoir des problèmes dans leur carrière ne sont pas imaginaires. Bergman, autrefois athée, a subit ce genre d'ostracisme lorsqu'il a remis en question l'évolutionnisme. Bergman, dans un article intitulé A Story of Two Professors, relate l'expérience de deux professeurs d'université qui, au cours de leurs activités pédagogiques, expriment leur vision du monde, l'un athée, l'autre chrétien. L'un agissant en toute liberté, l'autre l'objet de censure et de restrictions. Dans un texte intitulé A Creationist’s Story: My Life in Science and Education, Bergman note, touchant des conversations avec des collègues universitaires (2003)

Dans un interview avec un microbiologist (The Biologist), George V. Caylor cite ce dernier touchant le paradoxe du scientifique, conscient de la complexité de la vie (2001)

James Barham, un philosophe de la science, note les contraintes et pressions qui peuvent rendre nul le sens critique en milieu universitaire à l'égard de l'évolution (2004:184)

Kirk Durston, un scientifique canadien, remarque par exemple sur l'hostilité dont sont l'objet les individus osant remettre en question les idées reçues en sciences:

Dans son livre The Great Evangelical Disaster, Francis Schaeffer met le doigt, il me semble, sur un aspect important du problème (in The Complete Works of FS, vol. 4: 385-386)

Nancy Pearcey, dans son essai Total Truth examinant les compromis habituels des chrétiens en études de droit (mais on peut évidemment généraliser à pratiquement toutes les études universitaires), pose la question: "Comment se fait-il que les chrétiens éduqués soient si peu disposés à appliquer des principes chrétiens dans leur vie professionnelle ?" (2004: 98).

Et le chrétien éduqué qui accepte les pressions vers le compromis, abouti à une forme étrange de schizophrénie. Au culte, le dimanche, il parlera et se comportera comme un chrétien se doit, mais dans sa vie professionnelle et intellectuelle il pensera comme un païen (exception faite de quelques scrupules éthiques possiblement). Les Écritures font souvent des remarques ironiques sur le chemin vers l'intelligence.

Les Écritures nous affirment aussi:

Mais cela ne vise pas que des déclarations théologiques, des confessions de foi, mais vise aussi la vie intellectuelle et professionnelle. Combien d'entre nous seraient disposés de soutenir un principle biblique si cela impliquait remettre en question son emploi, sa carrière (surtout s'ils ont fait des études universitaires)? Ce sont des questions que notre génération de chrétiens confortables ne veut pas entendre. Sans doute nous avons ici un débat qui soulève les émotions et pour respecter l'un l'autre il faut parfois, pour un moment, réfléchir et laisser le temps faire son travail. Les mâles, c'est notoire, aiment bien "gagner" une discussion, mais parfois en perdant des amis... À la grâce de Dieu !

C. S. Lewis, dans ses écrits, a pendant longtemps admit le caractère scientifique de l'évolution, tout en critiquant les implications de cette théorie et soulignant son caractère mythique. Il faut noter que Lewis n'avait pas une formation scientifique, mais il était un littéraire doté d'un esprit philosophique agile. Mais, grâce à un contact avec un des pionniers du créationniste anglais, le capitaine Bernard Acworth, la position de Lewis semble avoir évoluée. Dans une lettre personnelle à Acworth (datée du 13 sept., 1951), un des fondateurs du Evolution Protest Movement, Lewis notait (in Ferngren & Numbers 1996: 30):

Il n’y a pas ici qu’un débat abstrait sans conséquences, qui ne peut intéresser que les philosophes ou des gens ayant une tournure d’esprit étrange. Ce que nous croyons sur la question des origines, c’est-à-dire notre cosmologie, n’est pas sans conséquences. Comme le disait Francis Schaeffer, " Ideas have consequences ! " ou Les idées ont des conséquences. La psychologue Dorothy Rowe note (1982: 15)

Au XXIe siècle, le chrétien ne vit plus dans un ghetto. Comme son voisin, il regarde la télé, lit son journal, va au cinéma, prend des cours dans le système d’éducation public et va à l’université. La cosmologie du monde qui nous entoure, affirme que nous venons de rien et que nous allons vers rien. Dans le contexte post-darwinien, où un sens de la vie cohérent peut difficilement être établi, est-ce un hasard que Albert Camus ait affirmé (1942: 99) ?

Ainsi, si nous croyons dans une Création littérale en six jours nous bénéficions alors de la consolation que tout ce qui nous entour vient de sa main. Que les arbres, le béton, le papier, les champs, le voisin, le temps qu'il fait viennent de sa main, rien ne Lui échappe. Dès lors, lorsque nous marchons dans la Vallée de l'ombre de la mort, nous savons que malgré les difficultés et épreuves empiriques du monde déchu, ce monde a un SENS, car il a été crée et il a un but. De la particule sub-atomique la plus petite jusqu'à la galaxie la plus lointaine, en passant par toi et moi. Ainsi, ce que nous croyons sur la manière que ce monde s'est faite affecte en profondeur la manière que nous affrontons la vie.

Qu’est-ce que ça peut changer si l’on croit à l’évolution ou à la Création? Et bien à des gens pour qui la connaissance de Dieu et la Vérité sont sans importance, cela ne change rien, mais pour les hommes et femmes qui croient que que la sagesse consiste à « Crains Dieu et observe ses commandements. C'est là ce que doit faire tout homme. Car Dieu amènera toute oeuvre en jugement, au sujet de tout ce qui est caché, soit bien, soit mal. » (Eccl. 12: 13-14) À de telles personnes, cette connaissance signifie la différence entre une vie dont les œuvres sont fondés sur le roc (et qui persisteront) et une vie dont les œuvres sont fondés sur le sable et seront détruites. C’est aussi le choix entre la cohérence et l’incohérence… Il semble que beaucoup d'évangéliques éduqués de notre génération sont fondamentalement mal à l'aise avec l'autorité de la Parole de Dieu et doutent (mais ne l'avoueront jamais) de la capacité de Dieu de communiquer la vérité sur l'histoire en utilisant le langage humain. Alors ils se sentent" obligés" de réinterpréter la Bible afin qu'il soit compatible avec la sagesse culturelle de notre génération, de peur que Dieu et Sa parole (ou eux-mêmes) puisse être ridiculisés. Mais l'Écriture est clair que Dieu ne se souci pas le moindrement de l'avis des hommes (Ps 14) et la source du mépris des hommes provient de leur folie, non pas de leur sagesse (Rom 1).

En terminant, notons un autre aspect de la chose. Pourquoi placer la Genèse au début de la Bible ? On me répondra sans doute avec un sourire: "Mais, mon cher, c'est simplement pour respecter l'ordre du narratif !" Ouais, cette remarque est sans doute légitime, mais je ne crois pas qu'elle vide la question. Je crois qu'il y a autre chose, c'est-à-dire que sur le plan logique il a lieu de penser qu'elle est placée au début de la Bible pour une raison pédagogique, car si on n'a pas compris la Genèse, on comprendra peu de choses au reste...


Notes

[1] - bien des gens dans les milieux scientifiques ne l'admettront jamais...

[2] - Blaise Pascal vécu de 1623 à 1662. Il a été mathématicien, physicien, écrivain et philosophe. Très jeune il a développé un intérêt pour la nature et les sciences. À douze ans il déduisait seul les théorème géométriques des Éléments d'Euclide, un ouvrage de géométrie. À dix-huit ans il invente une machine à calculer, l'ancêtre des ordinateurs actuels, et qui fut utilisé pour des calcules administratives et scientifiques. Il a fait de nombreuses découvertes scientifiques et mathématiques dont: les lois de la pression atmosphérique et de l'équilibre des liquides, le triangle arithmétique et la presse hydraulique. Il a fait des recherches importantes dans le domaine des probabilités. En géométrie on lui doit des essais importants sur les cônes (dont un, qui fut publié lorsqu'il n'avait que 16 ans). Il est l'auteur des Pensées et les Provinciales. En informatique, on a nommé le langage de programmation Pascal en son honneur.

[2a] - Andrew S. Kulikovsky: A Critique of the Literary Framework View of the Days of Creation. pp. 237-244
Creation Research Society Quarterly vol. 37 no. 4 March 2001

[3] - C'est-à-dire qui tente de faire concorder acceptation de la Genèse et la vision du monde qui nous dicte que la Terre a nécessairement 4,5 milliards d'années. La dérive dans les milieux chrétiens au 19e siècle vers une cosmologie du temps long a été examinée par l'historien Terry Morttenson "The origin of old-earth geology and its ramifications for life in the 21st century" et aussi par Lawrence Ford dans Capitulating on Creation: Changing the truth of God into a lie.

[4] - C'est-à-dire une expérience vide de tout contenu (NdT).

[5] - Thomas M. Lessl remarque sur ce point (1988: 18)

[6] - Et, si on admet l'âge ancienne de la Terre, alors il faut admettre la souffrance pendant des milliards d'années et que Dieu ait prononcée celà "Bon" ???

[7]- Dans un contexte créationniste ces fossiles sont interprétés comme une évidence du Déluge. Ce qui n'est pas sans support empirique car dans presque tous les cas, le processus de fossilisation nécessite de l'eau.

[8]- Il suffit de penser par exemple, au Québec, une société sécularisée et bien nantie à souhait, où notre taux de suicide est parmi les plus élévés au monde... Lorsque tout est contre nous, si la réalité ultime est un monde matériel indifférent et cruel, pourquoi ne pas s'enlèver la vie ?

[9] - L'auteur de ce texte a déjà subi de tels commentaires...


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Ressources

Bertrand Russell on God (CBC - 1959) Vidéo en anglais, YouTube 3: 26 min
On voit bien ici que Russell, contrairement à nos élites postmodernes, appartient à la vielle garde des Lumières qui croit dur comme fer au concept de Vérité, mais évidemment qui rejette la VÉrité des Écritures.